Meme cat
Société

Adopte un lolcat

Les chats les plus drôles d’Internet débarquent dans la communication. Un doux mélange entre le rire, LOL, acronyme de Laughting Out Loud, et le chat, nous donne le lolcat, une sorte de chat rigolo. D’un phénomène a priori spontané et sans visée commerciale, il est devenu un réel atout de communication. Pourquoi ?
Le vieux chat fait la grimace
Si le lolcat paraît récent de seulement quelques années, son origine remonte en fait à la fin du 19e siècle, lorsque le photographe américain Harry Whittier Frees immortalisait des chats déguisés.

Le lolcat n’est pas à confondre avec le chat mignon, autre phénomène du web, comme le souligne André Gunthert, maître de conférence de l’EHESS, dans l’émission de Sonia Devillers, l’Instant M du 27 novembre sur France Inter. Développé notamment par le site 4chan.org., une plateforme d’échange en ligne connue de tous les geeks, le lolcat est devenu un mème, autrement dit une image reprise et déclinée par les internautes. Devenu viral dans le milieu des années 2000 et reconnu officiellement dans la presse depuis 2007 avec un article que lui consacre le Times, il répond à certaines caractéristiques. Il s’agit d’une photo d’un chat drôle, mignon ou en situation de détresse accompagné d’une légende humoristique, le tout ayant vocation à susciter le rire. Le texte, un commentaire qui est superposé à l’image en police Impact ou Arial black, est indissociable de celle-ci. Il est écrit dans un langage particulier, souvent bourré de fautes, pour en rajouter à l’effet comique.

Parce que ça fait du bien
Se moquer d’un chat rigolo, qui de plus s’exprime mal, ça fait du bien. Le phénomène d’anthropomorphisme du chat humanise le lolcat et nous permet ainsi de dire des choses sur nous que nous ne dirions pas autrement, de se moquer sans se sentir directement visé. André Günter précise qu’aujourd’hui nous ne pouvons plus nous moquer de certaines catégories de la population, alors nous le faisons avec des chats, car eux sont neutres. Il ajoute que cette pratique est loin d’être neuve, c’est le principe même des Fables de La Fontaine, qui humanisent des animaux pour en tirer une morale sur l’humain.
C’est aussi le caractère universel du lolcat qui fait du bien. Compréhensible par tous, il crée du lien social comme « une soupape de décompression, un îlot de drôlerie dans un monde violent » propos d’Anaïs Carayon, rédactrice en chef de Brain magazine et autre invitée de l’Instant M. Son universalité le rend fédérateur et offre ainsi aux communicants qui l’emploient une plus large cible.
Lol-communication
Si les lolcats sont un phénomène créé par et pour les internautes dans un but non commercial, ils ont vite été mis au profit d’activités lucratives. L’un des chats les plus connus d’Internet, GrumpyCat – le « chat grincheux » – a même aujourd’hui un manager puisqu’il a généré l’an passé plus de revenus que Brad Pitt, seulement en produits dérivés. En effet l’acteur gagne environ 25 millions d’euros par an, lorsque GrumpyCat a rapporté l’an passé plus de 80 millions d’euros à sa propriétaire, n’étant connu que depuis 2012.

Mais les lolcats ont aussi été récupérés par la communication. Certaines marques alimentent leurs comptes sur les réseaux sociaux de lolcats, pour créer une certaine proximité avec leurs abonnés, comme le fait Cdiscount sur sa page facebook. Les community managers de la marque alimentent le profil de lolcats accompagnés de messages pour leurs abonnés, dont le but n’est pas directement d’appeler à la consommation de la marque mais d’entretenir une relation positive avec une communauté d’abonnés qui sont des clients éventuels.

Déclinés en vidéos, ils servent plusieurs campagnes. C’est le cas de GreenPeace, qui se sert des « petit frères » des tigres, les chats, pour sauver cette espèce en danger. L’enjeu est d’autant plus important qu’il s’agit d’une ONG, les ressources étant moindres et soumises à des aléas. Pour une communication originale et décalée, basée sur le rire et pourtant totalement dans le thème des animaux, le lolcat est l’arme efficace.
 

 
Les lolcats présentent des avantages évidents en terme de communication, à commencer par leur universalité et leur transculturalité. Aucun prérequis nécessaire pour comprendre le lolcat, si ce n’est la compréhension d’un minimum d’anglais, quand ils ne sont pas traduits. Le lolcat est aussi un moyen de communication rapide dans un monde de l’instantané : une image accompagnée d’un commentaire bref qui suscite un rire immédiat. Il est question de caricature, de décompression par l’humour, une communication assez facile mais un atout pour séduire les jeunes générations.
Le lolcat contre le terrorisme ?
Après une légère baisse de popularité des lolcats, ils sont revenus en force avec le hashtag #BrusselslockDown, lancé par les belges suite à une demande de la police de ne pas diffuser de photos de l’opération en cours le 22 novembre dernier pour empêcher une éventuelle attaque terroriste dans la capitale. La réaction des internautes : diffuser et partager des images de chats. Lolcats et chatons mignons se sont mélangés, certains au ton ironique, pour dénoncer la censure des forces de police. Malgré ces dénonciations, le chat a plutôt servi a créer du lien, à se détendre un peu dans une ambiance qui n’était pas à l’humour.
Coïncidence malheureuse, le lolcat, et le chat en général, ont aussi servi d’outil de communication à Daesh. Utilisé notamment par la communauté qui fait la promotion de l’organisation Etat Islamique, les lolcats sont représentés avec des armes ou à coté d’images de personnes tuées par l’organisation. Pour les âmes moins sensibles qui voudraient approfondir la récupération des lolcats par l’organisation terroriste, Arte en parle ici
Se détendre seul ou à plusieurs, créer une communauté, défendre une cause plus ou moins noble : le lolcat est partout. Mais il n’est pas le seul animal humanisé à envahir Internet. Depuis peu les stars du web sont aussi des chiens, à l’image de Doug the Pug ou Doge, les nouveaux copains de GrumpyCat, tout aussi productifs en produits dérivés.
Adélie Touleron
LinkedIn
 
Sources :
France Inter, l’instant M: « le pouvoir du chat »
Huffington Post, Les « lolcats » à l’honneur pour la journée international du chat
Arte, Etat islamique: la sainte armée des chats
 
Crédits:
http://i.imgur.com/
http://knowyourmeme.com/memes/sites/cheezburger
http://lejournaldessorties.com/wp-content/uploads/2014/03/harrywhitterfrees7.jpg
 

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Politique

Votez Hank !

 
Soyons d’emblée très clairs, ceci n’est pas un article sur les Lolcats. Certes, le phénomène est intéressant, notamment lorsqu’on a des affinités avec le genre félin, mais il y a plus original : Hank.
Hank est un sympathique chat américain qui ambitionne de… faire son entrée au Sénat sous peu. Et, il a un programme : « make our homes and our future a better and brighter place, we don’t need to start at the top – we need to start right here with ourselves ». Mais, vous dites-vous à raison, c’est quoi ce bazar (pour ne surtout pas utiliser un autre terme) !
Eh bien ce bazar, ce sont tout de même 26 000 likers et pas loin de 2 000 followers. Imaginez donc si Hank s’était présenté à la présidentielle, histoire de titiller un peu Barack et Mitt…. Hélas, Hank n’a pas de jolie et populaire épouse pour rattraper les éventuels dérapages d’alliés ultra-misogynes à moitié déments. Du coup, il a décidé de la jouer modeste et se contente, pour cette fois, d’être candidat au Sénat pour l’état de Virginie, « the homeland of George Washington », comme il aime à le rappeler. D’ailleurs, c’est de là que lui viendrait son inspiration. « Virginia has shown the kind of can-do attitude that has kept this country great », si on l’en croit.
Nul besoin d’un brevet de lecture-entre-les-lignes pour y voir clair : à l’image d’un Obama, Hank se rêve en homme d’État et aborde clairement son passage (éventuel) au Sénat comme une simple étape vers un destin superbe, pour ne pas dire éclatant. Du coup, il soigne sa communication, avec tout de même une bonne dose de suivisme, notons-le bien. Ainsi, à l’image des candidats républicains et démocrates, notre chat est présent et bien actif sur les réseaux sociaux, comme mentionné plus haut. Cependant, il faut aller un peu plus loin dans l’analyse pour comprendre les ressorts de sa stratégie.
Au-delà donc des célébrissimes Twitter et Facebook, Hank a un blog : Hankforsenate.com. S’y trouvent, dans l’ordre : sa profession de foi, sa biographie, des communiqués de presse à disposition des journalistes mais aussi des photos de ses soutiens et une boutique où acheter divers produits à son effigie (mugs, t-shirts, pins, etc). Sous la photo de tête, où il pose les yeux au ciel devant la bannière étoilée, il est aussi proposé de s’investir dans la campagne de Hank, en passant des appels ou en faisant du porte-à-porte notamment. Rien que de très habituel outre-manche en somme. Dans cette lignée, il a d’ailleurs fait réaliser un clip vidéo, dont l’intention n’est autre que celle-ci : «showing America that we finally have a candidate who will help bring our country back
Malgré si peu d’originalité, Hank fait bel et bien le buzz. A tel point que des opposants apparaissent et se mettent à produire des vidéos à charge, où ils prétendent qu’il n’a jamais été capable de produire son certificat de naissance ou encore qu’il n’a jamais servi dans l’armée malgré ses dires. Comment expliquer un tel phénomène médiatique ? C’est que, peut-être, à l’heure du début de la campagne présidentielle américaine, quelque chose cloche dans la politique aux États-Unis, et notamment dans sa communication. En dépit de leur sophistication, les sites internet des deux candidats à la Maison Blanche ressemblent sur bien des aspects à celui de Hank : poses stéréotypées des candidats, très habituelles rubriques take action ou get involved, communiqués de presse, boutique, etc. De même, les réseaux sociaux sont exploités, voire surexploités, au point que Mitt Romney est présent sur sept d’entre eux et Barack Obama sur neuf, comme si la quantité faisait la qualité, comme s’il fallait surtout et avant tout occuper le terrain.
A côté de cela, c’est aussi la caricature du calibrage au millimètre réalisé par les équipes de campagne que les internautes ont sans doute appréciée, la charge contre cette volonté de totale maîtrise qui aboutit à des communications superficielles et stéréotypées, à la franche limite du ridicule. Ainsi, la rhétorique hankienne rappelle tristement celles des vrais candidats qui, naïvement inspirées de la publicité ou des blockbusters, sonnent parfois terriblement creux. De même, les attaques portées contre Hank rappellent grandement celles de certains républicains contre Obama au début de son mandat. Le canular devient là le fait de plusieurs voix et renforce ainsi la satire.
En somme, s’il est drôle, Hank n’a rien d’un Lolcat. Il a bien plus à voir avec Swift et La Fontaine, à moins que ce ne soit Perrault et son Chat Botté. On peut toujours rêver.
 
Romain Pédron
Sources :
Hank for senate.com
Hank for Senate – « The greatest land of all »
Canines for a feline free tomorrow – « Hank for Senate ? No way ! »