Politique

Harcèlement sexuel: ne nous taisons plus

Elles sont de tous bords politiques et incarnent toutes les générations, dix-sept femmes, ministres ou anciennes ministres, ont décidé, dimanche 15 mai, de dénoncer ensemble le harcèlement sexuel au sein de l’hémicycle dans les colonnes de l’hebdomadaire Le Journal du Dimanche. Cette réponse à l’affaire Denis Baupin n’est certainement pas du goût de tous, chez les hommes… comme chez les femmes.
L’élément déclencheur : l’affaire Baupin

C’est au lendemain de l’affaire Baupin que dix-sept voix se sont élevées ensemble. Denis Baupin, vice- président de l’Assemblée nationale et député écologiste est la cible de plusieurs de ses consœurs, qui l’accusent de gestes déplacés, voire de harcèlement sexuel. Les témoignages ont été recueillis par Mediapart et France Inter. Pour certaines, les faits remontent à plusieurs années, pourquoi alors une soudaine sortie du silence ?
Baupin lui-même aurait entraîné sa chute en publiant, à l’occasion de la journée internationale des droits des Femmes, une photo sur Twitter le mettant en scène avec plusieurs autres députés, arborant du rouge à lèvres pour « dénoncer les violences faites aux femmes » écrit-il en légende.
Le député fait là une criante erreur de communication, puisque les principales victimes de ses agissements ont vécu la photo comme une authentique preuve d’hypocrisie. « Cela a provoqué chez moi une vraie nausée » raconte Elen Debost, adjointe au maire du Mans, « On ne pouvait pas continuer à se taire ». Quelques mois plus tard, plusieurs femmes font éclater la vérité au grand jour et mettent des mots sur des actes parfois violents que le vice-président de l’Assemblée nationale leur aurait fait subir.
Le piège se referme sur Baupin, contraint, sur ordre de Claude Bartolone lui-même, de quitter sa fonction au sein de l’Hémicycle. Il conservera néanmoins sa place de député de Paris et, s’il le peut, sa dignité. En effet, l’intéressé, par le biais de son avocat, nie les faits et envisage même de porter plainte pour diffamation contre ses anciennes collègues du parti écologiste.
Sa compagne, l’actuelle ministre du logement Emmanuelle Cosse, avait préféré jouer « à la reine » du silence en coupant court à un débat sur le harcèlement sexuel qui avait été entamé à l’Assemblée.
Grave erreur car, malheureusement, ce refus de communiquer contribue à donner à son mari un air coupable.
Le changement, c’est maintenant
C’est une autre tournure que l’affaire Baupin prit dimanche dernier, elle s’étendit à toute la classe politique dès lors que dix-sept ex-ministres s’emparèrent du sujet. Le harcèlement sexuel fait figure de monnaie courante dans l’Hémicycle, expliquent-elles. Gestes déplacés, railleries, comportements inappropriés, actes sexistes, les femmes politiques se battent au quotidien pour une place que certains pensent non méritée. « La classe politique doit donner l’exemple » explique Nathalie Kosciusko Morizet à Laurent Delahousse sur le plateau du journal télévisé de France 2. Le but de cet appel est d’encourager les femmes issues de tous les milieux professionnels à se faire entendre et à dénoncer ceux qui se donnent le droit de les harceler. Le choix du support, Le Journal du Dimanche, n’est pas anodin, puisqu’il est le premier à être distribué aux PDG, lesquels ayant le devoir de se tenir informés et le pouvoir de lutter contre ces abus au sein de leur propre entreprise. Aujourd’hui, une femme sur cinq déclare avoir déjà été harcelée sexuellement sur son lieu de travail.
Les 17 signatures ne portent pas les couleurs d’une famille politique mais les représentent toutes, sans distinction. De gauche comme de droite, toutes ces femmes se sont unies, une manière de montrer que chacune peut mener la lutte contre le harcèlement sexuel au travail, peu importe son corps de métier ou la place qu’elle occupe dans l’institution qui l’embauche. Il faut pourtant croire que certaines ne rejoindront pas le mouvement. Pour preuve, Christine Boutin n’était pas de la partie et, pire encore, a affirmé via un tweet avoir « honte de ces femmes qui laissent entendre que les hommes sont des obsédés ». Ambiance.
Certaines autres femmes politiques reprochent aux dix-sept ex-ministres d’élever leurs voix trop tard, après des années de silence, alors même qu’elles avaient « les moyens de s’exprimer et de se défendre ». Bref, l’appel n’a clairement pas été entendu de tous, lui qui pourtant semblait incarner l’unité au-delà mêmes des familles politiques.
 

Tout reste encore à faire
Pourquoi alors la tribune peine à faire l’unanimité ? On peut évoquer deux raisons possibles à cela. Tout d’abord, l’absence d’hommes. En effet, aucun homme politique n’a signé la tribune. Et pourtant, eux aussi peuvent être témoins de harcèlement sexuel vis-à-vis de leurs collègues féminines, et prendre le parti de le dénoncer. François Hollande n’a-t-il rien à répondre à ces femmes qui décident de lever l’omerta ? Silence radio. La prise de parole, la dénonciation du geste, le brisement du tabou du harcèlement sont autant du ressort des femmes que de celui des hommes.
Surtout si l’on prend en compte le fait qu’eux aussi peuvent se retrouver à la place de la victime. Ils sont 7% à affirmer avoir déjà été victimes de harcèlement. Malheureusement, la prise de parole masculine sur le sujet reste très délicate, en témoignent les noms des associations d’aide aux victimes de harcèlement, comme Femmes solidaires ou encore Fédération nationale solidarité femmes… N’en déplaise à Patrick Juvet, on aurait envie de crier : où sont les hommes ?
Enfin, il est difficile de faire sortir les victimes de leur silence puisque pour la plupart d’entre elles, la dénonciation s’accompagne d’un licenciement en bonne et due forme. Pour en finir avec cette double peine, il faut agir au niveau de la loi. Or, si bien évidemment des propositions sont faites dans la tribune, telles que l’allongement des délais de prescription en matière d’agression sexuelle, la possibilité pour les associations compétentes de porter plainte en lieu et place des victimes, la création d’un référent ‘agression ou harcèlement sexuel’ dans les commissariats et gendarmeries, une meilleure indemnisation des victimes de harcèlement sexuel, à la fois par les auteurs condamnés et par leurs anciens employeurs quand elles ont été contraintes de quitter l’entreprise entre autres, il n’en reste pas moins que le chemin de l’acceptation et de la mise en application sur le terrain dans les années à venir risque d’être long et tumultueux.
On peut néanmoins considérer, avec cette tribune publiée le 15 mai dernier, que la prise de conscience a eu lieu et que les prises de position s’affirment au sein de la classe politique. Cette classe qui est précisément en charge des lois et qui a donc le pouvoir de faire bouger les choses.
Manon Depuiset
LinkedIn 
@manon_dep
Sources:
Libération, Harcèlement sexuel: «Nous ne nous tairons plus», disent 17 anciennes ministres, 15/05/2016
Le Point, Harcèlement sexuel : Christine Boutin a « honte » pour ses consœurs, 16/05/2016
Libération, Harcèlement sexuel : les hommes ne doivent pas se taire non plus, 15/05/2016, Johan Hufnagel
Crédits photo:
Le JDD
Twitter @Denis_Baupin
Twitter @christineboutin
 

Christine Boutin
Société

Twitter : la déferlante Christine Boutin

 
Les digital natives n’ont qu’à bien se tenir. Avec plus de 6 600 tweets en 3 ans et 57 200 abonnés, l’ex-présidente du parti chrétien démocrate est un membre très actif du réseau social. Nul besoin d’un community manager : Christine Boutin gazouille à qui mieux mieux, et les internautes ne perdent pas une occasion de relever ses dérapages.
Si l’ancienne ministre est si souvent ciblée par les médias et notamment chez les pure players comme le Huffington Post, c’est parce que ses commentaires sont nombreux, polémiques et portent sur tout et n’importe quoi.
Ces derniers mois, son sujet de prédilection était le mariage gay. On se rappelle de la controverse provoquée par son intervention sur RMC à propos de La Vie d’Adèle. La vidéo YouTube qui contient les fameux propos « Aujourd’hui la mode c’est les gays, on est envahis de gays » a été visionnée plus de 444 000 fois, ce qui est très profitable pour la radio généraliste française. Christine Boutin fait le buzz.
La presse l’invite volontiers à témoigner sur des sujets de société, mais il semblerait que ce soit davantage pour la retombée médiatique qui suit ses prises de parole que pour les idées politiques et l’expertise de l’ex-ministre.
Mais Christine Boutin ne se mêle pas seulement de ce qui (selon elle) la regarde, c’est-à dire l’avenir de la France face aux « lubies » du gouvernement sur les droits des homosexuels. Elle s’intéresse aussi de très près à la lutte des stars américaines contre le cancer du sein :

 Comme le montre ce tweet, l’appétit de l’ex-présidente du PCD pour le commentaire de critique gratuite est insatiable.
 Le 27 octobre dernier, Cécile Duflot, elle aussi très active sur Twitter, expliquait pourquoi ses tweets se faisaient de plus en plus rares : « Pour comprendre pourquoi je twitte moins / réponds moins, parce que ça ferait lire ce genre de trucs 10 fois/jour… » (le message était accompagné d’une capture d’écran des dernières insultes qu’elle avait reçues sur le réseau social). Christine Boutin s’est alors empressée de s’adresser à la ministre :

Les médias ont ajouté cette intervention à la liste des désormais fameux « dérapages » de l’ex-présidente du PCD. Journalistes et internautes se moquent de ses tweets car ils sont maladroits, non seulement dans le fond mais aussi dans la forme. La contrainte des 140 caractères pousse l’ex-ministre à utiliser des abréviations parfois peu compréhensibles. Son utilisation des majuscules est arbitraire, et la place du « # » dans ses hashtags est versatile. Quant à l’emploi du « @ », il est parfois aléatoire : en septembre Madame Boutin avait voulu s’adresser à Vincent Peillon pour critiquer la charte de la laïcité à l’école ; elle a malencontreusement interpelé dans son tweet un certain Didier Peillon, directeur du mécénat de l’université… catholique de Lille.
Que cherche donc Christine Boutin ? Si son objectif est de contribuer au dynamisme de la vie politique française et de donner une bonne image au conservatisme chrétien de son ancien parti, les tweets de l’ex-ministre sont un « epic fail » médiatique. Ses commentaires sont évoqués avec humour sur la scène politique, et les membres du PCD se gardent bien de relayer les tweets de l’ancienne présidente.
 Malgré ses flops réitérés, Christine Boutin a tout de même le mérite de s’être adaptée au Web 2.0. A tel point que le « Cogito ergo sum » de Descartes se transforme à la lumière de ses commentaires en « je pense donc je tweete ».
 
Camille Frilley
Sources :
Huffintonpost.fr
Lesinrocks.com
Francetvinfo.fr
Twitter.com

Crédits photos :
Image de Une : Christine Boutin lors de la manif pour tous du 26 mai 2013 © Maxppp – Thomas Padilla

Société

Ils auraient mieux fait de tourner 7 fois leur pouce avant de tweeter !

 
Vieil adage inscrit dans la Bible, il est dit à propos de Salomon que “le sage tourne sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler”. A l’heure où la communication des entreprises, des politiques et des individus se fait instantanée et passe par les réseaux sociaux, l’idée reste la même mais version 2.0. Lorsque l’on est une personnalité publique, on ne peut s’exprimer impunément. Petit florilège d’exemples de ceux qui auraient mieux fait de tourner 7 fois leur pouce avant de tweeter.
Christine Boutin
En matière de buzz sur Twitter, cette dernière gagne peut-être haut la main. Dernier dérapage en date, sa “blague” à l’encontre d’Angélina Jolie, qui a décidé de médiatiser la mastectomie qu’elle a récemment subie.

Après que des utilisateurs s’en soient pris à sa page Facebook, la présidente du Parti Chrétien-Démocrate s’est justifiée dans un communiqué.
Si le tweet était maladroit, la justification l’est d’autant plus. Se permettre de critiquer une opération chirurgicale pratiquée sans que la personne soit malade, c’est limite, mais soit. Mais venant de quelqu’un qui défend la vie contre vents et marées, critiquer une personne qui a voulu préserver sa santé et la cohésion de sa famille ; balayer d’une phrase toute la souffrance physique et – surtout – psychologique de subir une ablation de la poitrine, cet attribut si profondément lié à la construction de notre identité féminine, tout ça pour habilement basculer vers le pseudo-débat d’une médecine à deux vitesses, belle prouesse, vraiment !
Le tweet, prétexte à une critique de la mondialisation
En juillet 2012, le Community Manager de Starbucks tweet ses excuses aux consommateurs argentins : les mugs et tasses classiques “Starbucks” sont temporairement indisponibles, “certains magasins utilisent des tasses et des manchons nationaux”.

Le Community Manager voulait simplement informer les clients de la situation. Rien de choquant jusque-là. Au contraire, Starbucks semble faire ainsi preuve de prévenance et de respect envers ses consommateurs. Pourtant, les réactions sur Twitter fusent via le hashtag #pedimosdisculpas (#nousdemandonspardon). Entre second degré et véritables rancœurs contre la marque qui semble dire selon certains : “A défaut de vous donner le meilleur, nous mettrons à votre disposition des produits argentins”. L’un de ses tweets est particulièrement évocateur des tensions nationales vis-à-vis des entreprises étrangères : « #nousdemandonspardon aux enfants qui consomment Starbucks parce qu’ils ne peuvent pas prendre leur café dans une tasse faite par un esclave chinois de 12 ans”.
Il est difficile de soutenir un parti plus que l’autre. Nous serions tentés de reprocher aux twittos argentins une certaine mauvaise foi, car le geste du CM relevait de l’information plus que de la critique sous-jacente des produits nationaux. Pourtant, il est clair que les chargés de communication d’une entreprise étrangère doivent porter une attention particulière à ne pas froisser la fierté nationale, et ceci doit passer par une adaptation permanente des messages au lieu d’implantation de l’entreprise.
Quand Pedobear a pris le contrôle du site La Redoute
Souvenez-vous, début 2012, tout le web avait ri de l’homme nu en arrière-plan d’une photo mode enfant sur le site de La Redoute. Erreur malencontreuse, “l’homme nu” est devenu un “même” repris à toute les sauces. Le concurrent Les 3 Suisses avait également récupéré l’évènement à son avantage.

Une fois le gros du buzz passé, La Redoute était retombé sur ses pattes en organisant un jeu-concours qui enjoignait les utilisateurs à retrouver 14 images volontairement trafiquées. A la clef : la promesse de se faire rhabiller gratuitement des pieds à la tête.
Viens sur mon compte public, je tweet à une copine
Il nous est arrivé, à tous, de se tromper de destinataire pour un message. Imaginez alors que cela concerne un homme politique et que le message soit TRÈS privé.
Le résultat:

Anthony Weiner, démocrate américain aurait dû mieux vérifier son tweet avant de montrer les contours de son sexe au monde entier.
Les conséquences : une carrière politique gâchée, un mariage en danger mais un avenir prometteur dans l’industrie du porno, puisque Larry Flint, maître du genre, lui promet un beau salaire de compensation et affirme la sincérité de son offre.
Dominée par la satisfaction client et les ambassadeurs de marque, la stratégie des entreprises répond au désir d’une relation BtoC exclusive. Sur un web où chacun a la possibilité de s’exprimer, les réseaux sociaux sont la nouvelle ligne directe du service consommateur.
Pourquoi ces affaires prennent-elles des dimensions si disproportionnées quand on sait bien que la plupart sont sans importance ? Comment un tweet de Valérie Trierweiler peut-il alimenter la chronique pendant deux mois et faire trembler la République ? A l’inverse, comment des tweets diffamants et insultants, comme ceux du footballeur anglais Joey Barton traitant Thiago Da Silva de « transsexuel en surpoids », peuvent-ils rester impunis, dans cette toile dont les contours juridiques sont parfois très difficiles à déterminer ?
Entre messages provocateurs, dérapages, malentendus volontaires pour mieux envenimer la situation, le web 2.0 est bien à l’image d’une agora contemporaine, pleine de débats plus ou moins futiles où chacun veut et peut faire entendre sa voix. Mais pas plus haut que celle de son voisin.
 
Pauline St Macary et Sophie Pottier
Sources :
http://news.fr.msn.com/hightech/petits-tweets-grosses-cons%C3%A9quences#image=3
Les dérapages de Christine Boutin : http://www.francetvinfo.fr/christine-boutin-derape-sur-twitter-au-sujet-de-la-mastectomie-d-angelina-jolie_324156.html
Anthony Weiner et sa photo compromettante : http://en.wikipedia.org/wiki/Anthony_Weiner_sexting_scandal
La Redoute : http://www.lefigaro.fr/societes/2012/01/04/04015-20120104ARTFIG00484-la-redoute-fait-le-buzz-avec-un-homme-nu-sur-une-photo.php?cmtpage=0
Le cas du Starbucks argentin :

Bad buzz : Starbucks boit la tasse sur Twitter


Pour aller plus loin sur le cas Barton :
http://www.leparisien.fr/sports/football/foot-twitter-barton-s-excuse-avant-d-en-rajouter-sur-thiago-silva-03-04-2013-2693565.php

Joey Barton sur Twitter : quelles responsabilités, quelles conséquences ?