Com & Société, Médias

Emily in Paris: abuser des clichés pour mieux buzzer ?

Paris ville lumière, Paris ville de l’amour, de la culture, de la gastronomie et de la magnificence architecturale. Si la série Emily in Paris, sortie en octobre 2020 sur Netflix, semble à première vue une énième production américaine à l’eau de rose, elle est aussi représentative d’un imaginaire collectif de Paris et de ses habitants, entretenu à l’étranger. Des stéréotypes qui ont poussé la rédac’ de FastN à penser ce fossé culturel entre la France réelle et l’image qu’on s’en fait à l’étranger. En quoi la stéréotypisation est-elle efficace dans ce genre de production culturelle ? Et comment Emily In Paris contribue-t-elle, non pas à casser les codes, mais à abuser des clichés pour faire réagir ?
Publicité

A l’attag des affiches !

Il n’est plus rare désormais de voir des affiches publicitaires taguées. Tantôt une bulle exprime les pensées du mannequin représenté, tantôt un message sarcastique dénonce les clichés du message. Parfois les affiches sont purement et simplement recouvertes.
Chronique d’un ras le bol qui s’attaque à la racine du problème.
Danger PUBlic
Je n’ai sûrement pas besoin de vous le faire remarquer : la publicité est présente partout. Dans la rue, dans le métro, sur Internet… Elle a sournoisement envahi nos ordinateurs et nos smartphones, s’imposant désormais à chaque instant, colonisant notre attention. Cette surexposition agace, submerge même. Elle est néanmoins très dure à évaluer, les études proposant des chiffres allant de 350 à 5000 messages publicitaires reçus par jour et par personne.
Outre son omniprésence, on peut remettre en cause sa qualité, par son manque d’originalité et ses messages stéréotypés. Certains considèrent que les valeurs proposées dans ces publicités n’évoluent pas au même rythme que la société ou, du moins, ne participent pas suffisamment à l’évolution des normes et des mentalités. Une partie de celles-ci continue de véhiculer des clichés, se serve des corps comme des objets, présente des messages choquants ou peu pertinents sur des sujets aussi variés que les animaux ou la sexualité. Ces « normes » publicitaires de plus en plus décriées provoquent régulièrement de vives réactions d’indignation.
Un petit tag, pas des petits thugs
Des mécontents tentent de réécrire ces affiches, de contester les images que l’on désire nous imposer. Ces actions dénoncent les messages publicitaires en les détournant directement sur leur support, permettant leur visibilité et accentuant une prise de conscience collective rapide. Et finalement, ils permettent de définir des limites, de dire que cette fois-ci c’est trop, et de l’exprimer clairement dans une société où il est si difficile d’obtenir des recours contre la publicité.
Le cas Lait de Brebis et publicités sexistes
Désormais, même les brebis ont droit à Photoshop et forcément cela énerve les défenseurs de la cause animale et des opposants à la déformation publicitaire. Une campagne de Le Petit Basque pour des yaourts au lait de brebis se retrouve ainsi taguée, accusée de montrer les animaux comme des objets de luxe. Une brebis apparait ainsi immaculée, plus blanche que blanche et qualifiée de « tendance ». Beaucoup s’insurgent et crient au scandale face à cette assimilation de l’animal au produit.

Quelques stations plus loin, ce sont les affiches publicitaires d’enseignes de prêt à porter ou de cosmétiques qui sont dégradées, décriées pour toujours proposer des mannequins photoshoppés, canons de beauté inaccessibles. À d’autres publicités, on reproche des messages sexistes et misogynes, l’hyper sexualisation des corps ou le fait qu’ils soient exposés comme de simples objets.
Prêtes à penser, ces publicités ne sont pas prêtes de panser les plaies profondes qu’ouvrent ces insupportables clichés.

Réécrire ces affiches pour réécrire le monde
Ces dénonciations ne sont pas que l’œuvre de personnes isolées et excédées. Il existe également des collectifs, tel que Casseur de pub, qui luttent contre la sur-exposition à la publicité et les clichés que celle-ci véhicule. D’autres encore, comme Les Reposeurs, recouvrent les affiches dans le but d’offrir à chacun un peu de répit.
Face à cette volonté de changement, certaines marques essayent de prendre le contre-pied de ces stéréotypes en les dénonçant dans leur publicité, à l’instar d’Eram dans sa campagne en 2010. Pur opportunisme ou réelle intention de faire évoluer les codes ? En s’attachant à déconstruire les clichés elles tournent en dérision le milieu dans lequel elles évoluent. Ça fait rire, ça peut – et ça doit surtout faire réagir.

Et puis ? L’effort est louable, mais certains ne sont pas dupes et ressortent leur feutre noir pour déconstruire ces affiches au moindre faux pas.
Alexane David
 
Sources :

Sfeir Jean-Marc, « Plus créatifs que les publicitaires, les casseurs de pubs » – L’Obs avec Rue89 – Publié le 03/08/2012. Consulté le 20/11/2016
Garrey Pierre, « Lait de brebis « tendance » : la pub qui fait hurler dans le métro parisien » – Libération – Publié le 13/10/2016 – Consulté le 20/11/2016

 
Crédits photo :

Pierre Carey – Rue 89 l’Obs DR
Eram – Rue 89 l’Obs DR

Les rousses dans la publicité aujourd'hui
Société

Elles sont rousses et alors !

 
Lorsque l’on pense aux rousses et aux roux, certaines personnalités viennent immanquablement illustrer notre pensée : le Prince Harry, Poil de carotte, Ron Weasley ou Mylène Farmer. Qu’ils soient rebelles, persécutés, boute-en-train ou provocateurs, les roux sont hors normes. Leurs cheveux flamboyants leur ont longtemps valu d’être considérés comme des incarnations du Malin. Bien que cette conception moyenâgeuse ancestrale ait été abandonnée au fil des siècles, cela n’a pas tari le flot de moqueries à leur égard. Extrapolant la situation, le clip réalisé en 2010 par Romain Gavras intitulé Born free met en scène l’extermination de cette communauté ; la seule qui n’ait encore jamais été inquiétée. Par ce biais, Gavras pointe l’absurdité et l’arbitraire de tout système ségrégationniste. Ce clip après avoir heurté l’opinion publique a suscité une importante polémique à son sujet en attirant l’attention sur les roux. Serait-ce l’élément déclencheur d’un changement des mentalités ?
Depuis les années 2010, en effet, les choses évoluent. Si tant est qu’on puisse parler d’une communauté rousse, comme le festival Redhead Days le revendique, il n’est pas anodin de remarquer qu’elle est de plus en plus mise à l’honneur dans la publicité et au cinéma. L’heure de la revanche a sonné ! Les affiches du métro parisien de cette semaine ne démentiront pas mon propos : celles pour Thalys, Kinder Bueno, du film Il était une fois et même, jusque dans la gare saint-Lazare. La SNCF annonce que le relais toilettes est ouvert plus longtemps pour assurer le confort des voyageurs tout en exhibant une femme dont la couronne de cheveux rousse n’a pas manqué d’attirer mon regard. Voici une petite sélection personnelle de campagnes de promotion des roux. En janvier 2013, le créateur Songzio hypnotise la foule lors de son défilé en présentant des mannequins roux pour sa nouvelle collection. En mars 2013, AMV, l’assurance pour deux roues met en scène deux roux. En avril 2013, Evian présente un homme et un bébé roux côté à côte. En mai 2013, la crème Biafine choisit une mannequin rousse. Sans oublier, « adopte un roux », campagne souvent renouvelée par le site de rencontre Adopteunmecmec.com. Ce bref inventaire n’étonne guère les lectrices assidues de magazines féminins qui, depuis longtemps déjà, ont remarqué l’affluence croissante de mannequins rousses qui posent pour les shootings de mode. Enfin, le site Meltyfashion craque pour le roux cet hiver 2013-2014 et propose à ses internautes un panel des colorations. Outre-Atlantique, la dynamique est similaire, comme le prouve la campagne publicitaire audacieuse faite par la marque américaine de lingerie Blush ou encore la nouvelle chanteuse lancée par Disney, Bella Thorne. Vous l’aurez compris, Red is beautiful, désormais.
Pourquoi un tel retour en force des roux ? Pour se distinguer, affirmerait Baudrillard. Dans La Société de consommation, il assure que notre société contemporaine est régie par une logique de différenciation. Chaque groupe social en consommant des objets, c’est-à-dire en manipulant des signes, participe au maintien de la hiérarchie sociale. Les publicitaires, en tant que leaders d’opinion, impulsent des dynamiques avant-gardistes. Ici, ils ont décidé de se distinguer des autres en promouvant la couleur rousse. Elle va ainsi à l’encontre de l’imaginaire populaire. Le fait d’être roux n’est pas reconnu comme beauté intrinsèque, mais sert à affirmer son appartenance à la catégorie sociale supérieure. Cette catégorie est la première à chercher des moyens de se différencier, si l’on en croit l’analyse de Bourdieu.
Cependant, le propre de toute distinction impulsée par la catégorie supérieure est de mettre du temps à se diffuser dans l’ensemble du corps social ; comme en témoigne le film Being ginger sorti en août 2013.  Scott P. Harris aux cheveux couleur de flamme relate sa vie quotidienne et plus particulièrement les difficultés qu’il rencontre à trouver l’amour. Ce documentaire ponctué d’interviews montrent que les clichés ont la peau rude. Pour la plupart des gens, le roux est loin d’être attirant.
Alors quel avenir envisagé pour ce qui apparait comme un phénomène de mode, un énième moyen pour la publicité d’attirer l’attention ? La couleur rousse pourra-t-elle un jour se fondre dans la masse ?
 
Miléna Sintic