can't remember to forget you shakira rihanna
Culture

Shakira & Rihanna : quand chanson rime avec provocation

 
Alors que nous sommes emmitouflés dans nos manteaux, écharpes et bonnets, Rihanna et Shakira nous réchauffent avec leur duo muy caliente, Can’t Remember To Forget You. Se hissant au sommet des charts dans plus de 30 pays, le duo est un véritable succès commercial. Si les paroles et la musique de la chanson n’ont rien de sulfureux (il s’agit d’une histoire d’amour tumultueuse entre un homme et une femme), le vidéo-clip qui accompagne le titre fait l’objet de nombreuses polémiques à travers le monde. Qualifié de choquant et dérangeant par la presse, il a cependant été visionné près de 100 millions de fois sur Youtube en seulement 10 jours. Provoquer serait-il devenu synonyme de communiquer ?

Shakira n’avait pas sorti d’album depuis maintenant trois ans, préférant se consacrer à son fils et son mari. Elle revient aujourd’hui aux côtés d’une autre machine à tubes, Rihanna. Le 13 janvier dernier, les deux chanteuses ont dévoilé Can’t Remember To Forget You, titre qu’elles qualifient comme un cocktail « de pop-rock et de ska » tandis que les critiques musicaux le définissent surtout comme un mélange improbable de sonorités. Même les fans de Shakira se disent déçus par la chanson et surtout par la performance de Rihanna. Reine du scandale, cette dernière ternirait l’image de l’artiste colombienne. En effet, Rihanna a pour habitude d’utiliser la provocation comme stratégie de communication – on peut notamment penser au succès des clips de S&M mettant en scène des pratiques sadomasochistes ou de We Found Love, où la chanteuse se drogue et se mutile. Shakira, elle, communique tout autrement. Mère de famille exemplaire, égérie de la marque de dentifrice Colgate, interprète de l’hymne officiel de la Coupe du Monde de Football en Afrique du Sud et défenseure des droits des enfants en Amérique Latine, Shakira adopte une stratégie de communication autour de son mode de vie sain. Dans le vidéo-clip de Can’t Remember To Forget You, la chanteuse a choisi d’utiliser une toute autre méthode pour communiquer : la provocation.
Le clip, réalisé par Joseph Kahn, met en scène les deux chanteuses, très légèrement vêtues, dans des situations plutôt ambiguës. La vidéo ne raconte pas d’histoire, il s’agit d’une succession d’images montrant Shakira et Rihanna, plus sexy que jamais, s’enlaçant, se déhanchant contre un mur et se caressant sur un lit. Néanmoins, afin de donner à la vidéo une dimension musicale (il s’agit tout de même de promouvoir une chanson), le réalisateur a mêlé à toutes ces images sensuelles, une scène semblant sortir de nulle part, où Shakira joue de la guitare. Choqué par le caractère érotique de la vidéo, le conseiller de la Famille de Colombie, Marco Fidel Ramirez, s’est mis en tête d’interdire sa diffusion. Il a particulièrement insisté sur le fait que les étreintes des deux chanteuses encourageaient l’homosexualité, ce qui lui semble intolérable – il faut rappeler que l’État colombien s’est formellement opposé au projet de loi pour l’instauration du mariage entre personnes du même sexe. Marco Fidel Ramirez a par ailleurs déclaré que Shakira donnait un « exemple pitoyable à la jeunesse du pays ». Toute cette polémique questionne les limites et la pertinence de cette stratégie de communication. Pour des artistes maintstream comme Rihanna ou Shakira, provoquer peut s’avérer être un jeu dangereux. On peut notamment penser que si l’État colombien venait à censurer la clip de Can’t Remember To Forget You, d’autres mesures pourraient être prises comme l’annulation des concerts de Shakira dans le pays. Cela représenterait un manque à gagner pour la star et surtout pour sa maison de disques. A trop vouloir être caliente, Shakira pourrait se brûler…
 
Lisa Brunet
Sources :
chartsinfrance.net
Crédits photos :
huffpost.com
Fan 2

Miley Cyrus
Culture

Miley is back

 
On l’attendait.
… Ou pas.
Le nouveau clip de Miley Cyrus a été dévoilé il y a cinq jours et a provoqué, comme prévu, une vague de réactions sur la toile.
Habituée à faire le buzz de manière plutôt équivoque et pas toujours -voire jamais- très honorable, la chanteuse américaine de 21 ans repousse un peu plus encore les frontières de l’acceptable avec le clip lascif de sa chanson « Adore You ».
Après le twerk avec un ours en peluche rose géant accroché dans son dos et la boule de démolition où elle se prélassait dans le plus simple appareil avec un naturel déconcertant, Miley se lance désormais dans le plus ou moins suggestif. Pendant quatre minutes trente, la chanteuse est  filmée sous la couette, où elle mime des gestes évoquant la masturbation sur fond de « musique » lancinante aux paroles un peu niaises. Il n’empêche que malgré toutes les critiques qui lui sont faites, la technique provocante de Miley Cyrus fonctionne, puisque la vidéo frôle les trente millions de vues sur Youtube depuis moins d’une semaine.
Décidément, il semblerait qu’espérer de bonnes résolutions de sa part pour la nouvelle année soit illusoire.
Néanmoins, nous pouvons nous réjouir d’une chose: pour un clip de Miley publié, attendons nous à une bonne dizaine de parodies toutes plus savoureuses les unes que les autres…
Camille Gross
Crédit photo :
hollywoodpq.com

Publicité et marketing

Le Canada se refait une beauté

 
On oublie souvent que le Québec est une province à part, et distincte à bien des égards, du Canada. Hasard ou volonté de se distinguer, le Québec et le Canada ont chacun lancé une campagne de communication territoriale ce mois-ci, visant à redorer le blason de leur destination touristique. Polyphonie ou cacophonie ? Les voix du Canada s’élèvent. Mais reconnaissons-le,  la période de novembre, prémices de l’hiver, n’est pas si anodine quand on sait que le Canada réalise la majorité de ses bénéfices touristiques sous la neige.
 
Les Canadiens s’expriment 
L’office du tourisme du Canada a lancé ces derniers jours sa campagne intitulée  « les Canadiens invitent le monde entier chez eux ! », aboutissement du projet de la Commission Canadienne du Tourisme (CCT), 35 millions de regards. Cet été, la CCT a confié aux Canadiens la mission de promouvoir leur pays en envoyant des photos et des vidéos de leur endroit préféré, de leur plat gastronomique favori, ou d’un autre sujet faisant foi de leur amour pour leur pays. Le résultat a été concluant, puisque plus de 6000 participants ont répondu à l’appel. Les 65 heures de vidéos reçues ont donné lieu à la création d’un spot de deux minutes.
Ces quelques minutes condensent toutes les régions touristiques du Canada, de magnifiques paysages, de nombreuses expériences sportives qui montrent la diversité du pays. Mais elles dévoilent aussi des images de montagnes russes, de plans divers sur des pieds humains, de glaces italiennes et de hot-dogs, ou encore de chiens, chevaux et autres animaux qui sembleraient faire l’originalité du Canada…
Est-ce à l’agence DDB ou à la Commission canadienne du tourisme qu’a été confiée la tâche de sélectionner les vidéos des participants ? Lorsque l’on sait, après avoir lu le communiqué de la CCT, que  « cette vidéo, présentée autour du globe dans des campagnes et autres initiatives de marketing, est également diffusée à grande échelle dans les médias sociaux, notamment par les Canadiens qui ont contribué au projet », on comprend mieux que ce projet a nécessité des compromis. En effet, on suppose, pour que la viralité et la diffusion sur les réseaux sociaux soient efficaces, que les Canadiens doivent se reconnaître et apprécier la vidéo.
L’originalité est donc formelle, et réside dans le principe, comme le souligne Greg Klassen, vice-président de la CCT : « Personne ne saurait mieux mettre notre pays en valeur que les Canadiens ». Mais, selon le rapport sommaire de la Veille Touristique Mondiale de 2011,  cette campagne de communication participative survient après l’absence de campagne publicitaire touristique en 2011 au sein du Canada. Et cette absence de toute publicité a fait chuter sensiblement la notoriété spontanée des Canadiens pour les voyages « intra-muros ». Ainsi à la recherche de viralité et d’efficacité, la campagne a l’air de viser deux cibles, l’international et le national, et ce à moindre coût. Finalement le résultat  donne plus le sentiment d’un éparpillement qu’il n’engendre un buzz.
De plus, même si la volonté démocratique est visible, elle n’en reste pas moins maladroite.  On se rappelle les campagnes de Swedish Institute et Visit Sweden en 2011, dans lesquelles  les deux institutions avaient mis en place le compte Twitter de la Suède, @Sweden, et laissaient la place aux internautes chaque semaine pour qu’ils s’expriment sur leur pays. La grande différence ? Les tweets ne sont ni censurés ni « choisis » ; on pouvait alors lire des avis déconseillant tel restaurant ou tel bar. La sélection détruit ici l’authenticité proclamée dans la campagne canadienne.

Le Québec joue sur les mots 
Le même mois, Tourisme Québec lance une vidéo publicitaire intitulée « Raconter le Québec » promouvant la région seulement.  Lorsque «  Les Canadiens invitent le monde entier chez eux » sur fond musical, « Raconter le Québec » se fait en français, du moins en québécois traduit en français.
Et pour le coup, leur cible est bien définie, et plutôt stratégique. La Veille Touristique Mondiale de 2011 publie des chiffres démontrant que le Canada jouit d’une forte notoriété dans les marchés européens, et c’est la France qui enregistre les meilleurs résultats. Mieux encore, lorsqu’on demande aux Français quelle est la région qu’ils préféreraient visiter s’ils allaient au Canada, 89% d’entre eux répondent le Québec. Ainsi, Tourisme Québec a décidé de moderniser son image de marque par un nouveau logo-slogan : Québecoriginal, choix simple et judicieux puisque le mot original est compris en français et dans une dizaine de langues.
Le spot vidéo de cette campagne touristique a su tirer parti des recommandations de la CCT qui préconisait une perception  « plus près des traits de personnalité que le Canada souhaite associer à sa marque, en particulier des caractéristiques les plus dynamiques (sûr de lui, fascinant, jeune et plein d’esprit) et insistant davantage pour communiquer des impressions amusantes, énergiques et fascinantes ».
Dans la vidéo « Raconter le Québec »,  la narratrice évoque, non sans le fameux accent, les particularités du Québec et ses anecdotes. Ainsi les Québécois sont « tellement de bonne humeur dans la vie qu’ils ont le seul nom de ville avec deux points d’exclamation, Saint-Louis du Ha ! Ha ! » et autres incongruités de langage qui font rire tant de Français. L’autodérision prime donc dans la première partie du spot, mais, après un ultime trait d’humour, défilent sur un ton poétique les images du Québec que l’on connaît et affectionne.
 La réussite de cette campagne est de pouvoir capter l’attention des Français par un jeu subtil de stéréotypes dans la première partie (les anecdotes racontées ne sont pas les plus connues), tout en montrant de l’originalité dans la seconde. En effet, là où on s’attendait à voir (seulement) les énièmes images de montagnes enneigées, on découvre aussi la vie nocturne et les événements du Québec, en simplicité : «  Chez nous, on crie dehors, on trip dehors, on fait du sport dehors, on joue dehors, on dort dehors, et puis on danse dehors ». Finalement, ça change des publicités touristiques qui ne nous montrent que des paysages sur fond musical. Le pari est réussi, c’est plutôt énergique, du moins ça ne nous endort pas.

Avec ces deux campagnes simultanées, le Canada s’offre une visibilité internationale manifeste. Mais, lorsque l’on s’intéresse aux communications régionales du pays, on n’est pas non plus en reste. Il s’agit d’un phénomène prolixe au Canada, et qui a du succès. Les Français sont donc cordialement invités outre-Atlantique, bien qu’ils n’invitent pas beaucoup en retour…
Marie-Hortense Vincent
 
Sources
http://fredericgonzalo.com/2012/06/18/nouvelle-image-de-marque-de-tourisme-quebec-original/
http://lareclame.fr/46459+canada »http://lareclame.fr/46459+canada
http://fr-corporate.canada.travel/content/news_release/35-million-directors-video
http://fr-corporate.canada.travel/sites/default/files/pdf/Research/Market-knowledge/global_summary_gtw_yr5_2011_fr.pdf

Politique

Jacques a dit la Norvège aussi

 
Récemment, une association norvégienne (Le Fonds d’aide internationale des étudiants et universitaires norvégiens) a lancé un clip parodique sur Internet, mettant en scène une fausse campagne caritative appelant tous les Africains à donner un radiateur pour lutter contre le froid qui sévit dans le pays nordique. 3500 tweets et 10 000 likes plus tard, la vidéo a fait le tour des réseaux sociaux. Un single, Africa for Norway, y est interprété par un groupe de choristes appelant à la solidarité avec des paroles aussi profondes que «Les enfants sont gelés/il est temps pour nous de les aider », accompagnées d’images subliminales de blizzard. Le postulat de départ : que penserait-on de la Norvège si cette vidéo était la seule source d’information qu’on en avait ?

Cette initiative originale présente d’abord l’avantage de lutter contre les clichés misérabilistes avec humour. Elle rompt ainsi avec l’uniformité des campagnes humanitaires qui peuvent rendre le public insensible voire hostile en raison de leur manque d’authenticité. On repense à Kony2012, illustration parfaite d’une communication virale qui mêlait (avec un certain talent il est vrai) tous les poncifs du genre, entre pathos à l’américaine et approximations factuelles sur la situation en Ouganda.  Résultat : une visibilité mondiale mais entachée de polémiques et de moqueries. La stratégie adoptée ici est à l’opposé, beaucoup plus ironique et du même coup plus efficace car elle attire la sympathie par le rire, ce qui lui évite de trop prêter le flanc aux critiques. Autre réussite de l’association : révéler la véritable Afrique, au-delà de l’image du nouveau-né rachitique qui prévaut généralement dans l’inconscient occidental. Ne pas la réduire systématiquement  à un pays ravagé par la corruption et le SIDA, c’est aussi montrer un peuple dans sa normalité, et mettre fin aux derniers relents de condescendance paternaliste. Au vu de l’évolution des mentalités cela peut paraitre inutile voire consensuel, mais apparemment pas pour tout le monde si on en croit les commentaires suscités par le clip. Ainsi, voir des jeunes chanter et danser constitue à l’évidence un trop grand choc visuel pour certains youtubers, qui considèrent que « ce ne sont sûrement pas de vrais Africains, ils ont probablement vécu ailleurs ». Troll ou pas, la remarque met mal à l’aise.
Une lecture plus poussée de ces commentaires révèle que le clip n’a vraisemblablement pas été compris par tous, le second degré s’avérant trop subtil à saisir pour quelques-uns  (cf « L’Afrique ferait bien de s’occuper de ses propres problèmes avant d’aider les autres »). Ce malentendu souligne en partie le problème d’un excès de légèreté dans les initiatives de ce type. Ludique, la vidéo est très efficace pour créer le buzz et susciter une prise de conscience générale sur la véritable place de l’Afrique dans le monde d’aujourd’hui, mais elle peut difficilement constituer une alternative convaincante aux campagnes caritatives officielles. Il est certes déplorable que l’on réduise trop souvent ces pays à une poignée de généralités faciles, mais il le serait encore plus que l’on doive réduire l’action humanitaire à de l’infotainment.  Oui, les ONG utilisent le plus souvent la mise en scène d’une insoutenable pauvreté humaine pour toucher le plus possible le public. Oui, ces images frôlent parfois le caricatural. Mais elles n’en restent pas moins vraies. En Afrique on meurt encore de faim, de déshydratation, de maladie. Pas toujours, pas partout, mais de manière encore trop importante pour qu’on puisse l’ignorer.  Y a-t-il vraiment une manière originale de montrer la misère humaine ? À plus forte raison, ne devrait-on pas plutôt se focaliser sur le moyen le plus efficace de la soigner, plutôt que sur celui de la montrer ?
 
Marine Siguier
Pour plus d’infos : http://www.africafornorway.no/
 

Culture

Recyclage habile, personnal-branding assumé, rap-game concurrentiel…

Le duc de Boulogne, le MC de la com.
Le jeudi 20 septembre, Booba, rappeur reconnu et reconnaissable des Hauts-de-Seine, a uploadé une piste de son futur album, Futur, sur son compte YouTube. Un décryptage poussé de l’artiste et de son oeuvre amène de nombreuses réflexions sur l’incursion furtive d’un marketing acerbe dans le cadre ultra-contestataire et contre-culture du rap.
 
Qui est Booba ? Un personnal-branding solide

 
Génie des mots, de la formule, de la métagore Booba va encore une fois titiller les charts français avec un sixième album, Futur, censé sortir fin 2012. Considéré comme un auteur respectable par Thomas Ravier dans la Nouvelle Revue Française, B20 aiguise des lyrics toujours sanglantes sur des instrumentales simplistes mais particulièrement efficaces. « C’est comme lorsque tu dessines la nouvelle Ferrari tu te prends la tête sur chaque courbe… » Cependant, sa capacité à manier habilement le buzz, le teasing, mais aussi le hard-selling décomplexé fait de lui un homme d’affaire efficace.
La critique sur ce teasing de Futur, libérée par le feedback 2.0, s’enjaille brutalement sur ce titre en avant première. Créateur d’un rap brutal, sanglant et profondément provocateur, Booba sait cependant monétiser son travail de manière transversale. La date, le thème et les paroles de Wesh Moray sont pensés, réfléchis, afin de provoquer l’habituelle guerre entre fans, rappeurs, et maisons de disques. La provocation est le fer de lance de la machine à vendre B20, il devient la signature d’un business-man mondialisé qui capitalise sur sa réussite. 
 
Rap-Game, vous-dites ?

 
On assiste un badinage insensé entre productivisme musical, préservation de l’audimat, marketing débridé entretenant le culte de l’image, de l’apparence, de la personnalité. Le rappeur commercial se doit d’être attirant, bad-boy, provocateur, voyou, homme d’affaire. « Homme d’affaire, j’ai ralenti le teu-chi » / « Boss du Rap-Game » / « Du biff veux-tu, du biff t’auras » /  « Crapaud devenu Prince, cheval cabré sur le capot ».
Le hip-hop se base principalement sur le loop, l’instrumental basé sur la boucle qui revient sans cesse et de façon entêtante. Un tel motif de composition musicale s’est retrouvé dans les textes.  Là aussi la répétition est une marque de fabrique et certains thèmes, certaines images sont omniprésents. Le rap commercial actuel se caractérise par l’obsession de l’argent, des armes, du sexe, des berlines allemandes, mais aussi par le rejet permanent de l’autorité. Booba s’est d’ailleurs lui-même couronné de « boss du Rap-Game » dans Lunatic en 2010. « Avec des gros billets, comme ça qu’on pèse, boss du rap-game, 240 en moyenne, Porsche Cayenne, brolic dans le short, chemise Hawaïenne. »
 Le rappeur impose, fier de sa réussite, fier de ses affaires, de son argent, il se doit de le prouver. « Pas de milieu aisé, j’ai grandi au zoo ». Cet esprit permet d’entretenir une concurrence violente avec les autres grands de la scène hip-hop en France. Le clash entre rappeurs, par textes interposés, permet d’entretenir le buzz, de créer un esprit de clan, de famille chez les fans. Diviser pour mieux régner, B20 l’a bien compris et enfile souvent son costume de gladiateur du rap en multipliant les attaques. On ne les compte plus, Sinik, Rohff, Kyzer,, MCJeanGab1, Matt Pokora, Kamaro, Diam’s, Alpha 520, IAM, NTM, MC Solaar… Le clash est suivi, les réponses attendues, les paroles décryptées afin d’en déterrer les attaques parfois bien cachées.
On est donc bien loin des premières valeurs du hip-hop, du rap contestataire, de la revendication sociale des premiers. Le ghetto de New-York est bien loin du swag assumé et du bling bling revendiqué. On assiste véritablement à une transformation du discours. Le rejet du consumérisme s’est transformé en un matérialisme hardcore. Comme dit le Roi Heenok, « Les berlines de luxe sont un moyen pour le jeune entrepreneur noir de se montrer ».
 
L’omniprésence des marques

 
Booba est surement le publicitaire le plus inventif. Les marques se cachent dans les textes. Nouveau média pour les annonceurs, les lyrics jouent sur la métaphore, l’allégorie, la métonymie pour rendre implicite le produit visé. Le Jack Daniels devient donc « bouteille carré sec au goulot », une Ferrari se définit par son « cheval cabré sur le capot ». Les métaphores sont précises, presque chirurgicales. Ainsi, une voiture devient automatiquement une Lambo, Bentley ou MercoBenz tandis que les armes sont automatiquement décrites par les marques, UZI, ou « Desert-Eagle te blesse »
Le duc de Boulogne fait aussi la publicité de certains produits en les rapprochant de son mode de vie : « j’ai rendu magique les BBM » / « pour m’endormir, je compte les diamants sur ma Breilting » / « J’voyage beaucoup, j’ai des Miles » / « Coke, pas de Pepsi » / « Quoi de neuf ? Tout est neuf, rolex neuve, mercedes neuve… » / « Que des big-booty-girl dans mon Blackberry Curve ».  
 
Découvrez Booba, apprenez à décrypter. Installez vous, bouteille de JackDaniels à proximité, casque sur les oreilles, et écoutez B20. Deux trois chef-d’œuvres se cachent derrière les muscles, les swag, et le bling-bling. Le bitume avec une plume se révèle être particulièrement touchant « depuis les chaines et les bateaux j’rame t’inquiète aucune marque dans le dos, man, je les ai dans le crâne » tout comme Au bout de mes rêves avec « Mon fils, à l’école, tu seras imbattable, mais si tu échoues et si je pars avant toi, prends mes sous, jette ton cartable ».
Admirez les jeux de langages, les sonorités travaillées « Des plaques et des plaques, si c’porc d’Chirac était black » / « Y’a plein d’trucs à prendre, et puis t’apprends, avec les coups, revient avec des c**illes, tes potes, frappe avec les coudes. » Booba fait clairement vivre la langue française, de façon différente, en la disséquant, en lui ouvrant les veines. Je fus plaqué au mur, tabassé par des raccourcis, des rapprochements qui n’ont pas lieu d’être, des images, brusques, brutales, impossibles à se retirer de la tête. Je croyais mettre un disque, j’ai ouvert une vie, un album photo, un livre de passions, de son, de verbe, de langue, de mots, de sang, une boite de pandore.
 
Emmanuel de Watrigant 

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