L'innovation des outils de collecte de fonds
Le mois dernier, le Centre d’Études et de Recherche sur la Philanthropie (CerPhi) publiait une étude sur « Les financements innovants des associations et des fondations », en analysant l’état des lieux de ce secteur et les perspectives à venir et à explorer.
Cette innovation apparaît dans un premier temps comme “une nécessité, une urgence et une opportunité” pour ces associations, porteurs de projets ou fondations. L’appel à la solidarité du public, réelle nouveauté permet d’augmenter les chances de ces associations de récolter plus d’argent et ainsi d’asseoir leur légitimité en diffusant plus largement leur image. Enfin, cela répond également à l’évolution de notre société, maintenant majoritairement connectée.
Or, pour des raisons multiples, comme le manque d’implication des gouvernances des associations, l’absence de la prise de risque et de budget pour la Recherche et le Développement, une non-habitude à l’expérimentation en matière de financement, l’innovation est quasiment absente du monde associatif et philanthropique, principalement dans les grosses structures dont les administrations sont verrouillées et peu ouvertes à l’extérieur.
Pourtant, une dynamique d’innovation s’est développée, avec l’émergence de nouvelles démarches et outils qui ont souvent prouvé leur efficacité : le micro-don dit “indolore” (avec des cartes de paiement solidaires, des cartes de dons, des arrondis sur salaires ou en caisse) qui permettent, au quotidien de démocratiser et de banaliser ce geste solidaire.
Mais c’est surtout avec l’omniprésence d’Internet, des réseaux sociaux et le perfectionnement technologique que l’innovation en matière de financement des associations s’est particulièrement développée. De plus, elle s’est ancrée dans le paysage de la philanthropie individuelle, en donnant à co-construire ensemble des outils performants entre les porteurs de projet et les donateurs.
Avec les plateformes de crowdfunding comme My Major Company ou Ulule, nous assistons à une nouvelle pratique de donation, en faisant de celle-ci un challenge et une expérimentation aussi bien individuelle que collective.
Un réel changement s’est donc opéré depuis quelques années. Selon le CerPhi, “Le don change de nature et de registre, l’expérience du don se diversifie”. Le processus, est non seulement dédramatisée, mais il est également banalisé. Les offres, (en même temps qu’elles) se multiplient et sont désormais plus accessibles au quotidien. L’offre est grandissante, et l’information circule plus rapidement et plus efficacement, permettant à ces donateurs de choisir plus pertinemment les projets qu’ils décident de soutenir. Ainsi les associations visent, plus que des “donateurs”, une “communauté de supporters” et ce dans une logique de mobilisation, “de recherche de visibilité et d’adhésion”.
La diversification et la multiplication des opportunités d’actes de générosité sont manifestes, mais on constate également une émergence concrète d’une nouvelle habitude solidaire des jeunes générations. La plateforme de financement participatif, Kiss Kiss Bank Bank a ainsi récolté 12 500 000€ grâce à plus de 243 000 donateurs, à partir d’un système de démultiplication des réseaux depuis sa création.
Toutefois, comme pour les problématiques du mécénat, l’impact de ces nouveaux outils et de leurs retombées financières sont difficiles à évaluer. C’est pourquoi le CerPhi pointe du doigts le manque d’études sur le sujet afin de créer et de mettre en place des opérations plus viables. La fin de cette analyse propose des pistes pour favoriser l’innovation dans le domaine du fundraising, à savoir :
la co-construction des outils et ce à plusieurs échelles : celle des associations, des donateurs et des entreprises.
la mise en place d’action de lobbying et les moyens de mutualiser ces approches auprès des entreprises.
la sensibilisation des administrations et des gouvernances des associations, souvent trop rigides et réticences à l’innovation en matière de financement et dont les budgets Recherche & Développement sont moindres
le développement d’une culture de l’innovation et de son financement, afin d’engager une prise de risque et une meilleure transversalité des actions.
Ces nouveaux outils et démarches participatives ont bousculé le paysage philanthropique. Ils ont ainsi eu de véritables effets notamment sur les donateurs, mais également sur l’image des associations. Enfin, c’est principalement le rapport du public à la solidarité qui a évolué, avec une assimilation de la notion de don à celle de participation citoyenne ou “réflexe de participation”, presque plus qu’à un acte de générosité.
Joséphine Dupuy-Chavanat
Sources:
Cerphi