Société

Agir, réagir, accomplir

Trois petits mots pour mettre en branle toute la machine électorale européenne. C’est en effet ce slogan qui a été retenu dans le cadre d’une campagne de communication du Parlement Européen ; l’objectif est de mobiliser sur un scrutin encore largement ignoré par une grande partie de l’électorat. Pour preuve, un taux d’abstention qui oscille entre 55 et 60 %.
C’est également une réponse apportée par l’institution européenne à la montée du populisme de droite comme de gauche en Europe et à la crainte de voir surgir les extrêmes au cours de ce scrutin. Une telle campagne ne doit pas laisser indifférent : il est en effet remarquable qu’une telle distance subsiste entre les Européens et « leurs » institutions.
La campagne prend notamment la forme d’une courte vidéo, qui s’étale tout de même sur près d’une minute trente ; ce qui, à l’heure d’Internet, est diablement long pour une publicité.
On peut y voir une succession de situations rythmée par une voix off, rauque, qui juxtapose images fortes et mots évocateurs. Extraits choisis :
« Commencer » (Images d’un nourrisson)
« Mettre fin » (Démantèlement du mur de Berlin)
« Penser globalement » (Une salle de marché en effervescence)
« Penser localement » (Une femme tient une poule à bout de bras)
« Rêver » (Ce qu’on suppose être des clandestins qui tentent de rejoindre l’Europe)
« Changer » (Une immense déchèterie)
« Ne jamais changer » (Un berger qui mène son troupeau)
Au-delà de certaines scènes qui sont un peu troublantes (que doit-on comprendre en ce qui concerne les clandestins ?) il est admirable de voir que l’incarnation d’une pensée globale est, aux yeux du Parlement, une salle de marché. Cela s’inscrit d’ailleurs parfaitement dans la politique libérale actuellement conduite par les institutions européennes.
Bien évidemment tout cela est noyé au milieu des clichés : penser local, c’est penser une poule ; ne jamais changer c’est être berger.
Sur cette tartine déjà bien chargée on ajoute tout de même une légère couche historico-idéologique avec le démantèlement du mur de Berlin, histoire de rappeler aux braves Européens un moment historique censé les unir tous.
Sauf que voilà, en dépit de toutes ces qualités, cette publicité ressemble à s’y méprendre à une publicité pour Total, Orange, EDF… Aucun format nouveau, des ficelles grosses comme le poing, rien de bien excitant, et probablement pas de quoi remédier à l’abstentionnisme qui rend si dérisoire les élections européennes.
Certains pourraient être tentés de faire remarquer que les citoyens sont libres d’exprimer leur désaccord vis-à-vis de la politique européenne justement en votant.
On objectera que les préoccupations des Européens paraissent parfois si éloignées des actions menées par les institutions européennes qu’on pourrait avoir du mal à savoir si c’est bien à nous de choisir plutôt qu’à eux.
Que l’on soit pro ou anti européen, il paraît évident qu’il sera difficile de faire croire à ceux dont on a volé un référendum qu’il leur reste du pouvoir.
Et voilà la vraie difficulté si l’on est opposé à la politique Européenne d’aujourd’hui : doit-on jouer son jeu et voter, ou l’ignorer et la subir ?

Oscar Dasseto