Opération Mobilia
Publicité et marketing

Mobilia mobilise la conversation

Cette semaine on part en Suède, et plus précisément à Malmö, au centre commercial Mobilia. Ils ont récemment fait parler d’eux sur les blogs et les réseaux sociaux avec leur coup de pub pour leur nouveau parking, orchestré en octobre dernier par l’agence Halva Kungariket.
À l’origine, un problème : les clients n’utilisent pas le parking couvert construit par Mobilia. C’est là qu’Halva Kungariket intervient : dans le parking extérieur utilisé par les clients, l’agence expose deux voitures superposées, qui symbolisent à quel point le parking est bondé. Les clients intrigués réagissent, prennent des photos, postent sur les réseaux sociaux ; la presse locale reprend l’affaire et relaie elle aussi la photo de cette sculpture insolite. Et c’est seulement après avoir assuré la présence de son client dans les médias et dans les conversations que l’agence sort l’affiche de la campagne « Bekvämare parkering » (littéralement, parking plus pratique) : la photo, désormais connue, des voitures, accompagnée du texte : « C’est plus facile de se garer dans notre nouveau parking ». Rapide, économique, efficace.

Là où l’agence a fait preuve de talent, c’est dans son habileté à créer un buzz avant même la revendication officielle par Mobilia de la sculpture, tout en restant proche de sa cible. Le message, bien que métaphoriquement contenu dans les deux véhicules garés l’un sur l’autre, n’est délivré explicitement qu’après le buzz, dans un effet de surprise qui profite au centre commercial. D’abord la sculpture donc, puis la signature : on y associe un nom et un message. Cette configuration, qui n’a rien d’innovant en soi, puisqu’on peut très souvent l’observer dans des campagnes de teasing utilisant des supports médias traditionnels, reste cependant relativement originale et pertinente dans l’application qu’en fait Halva Kungariket. En effet, il ne s’agit pas uniquement de buzzer ni de teaser, mais avant tout d’influencer les comportements d’une cible bien précise : les clients de Mobilia. Or, quel meilleur endroit pour s’adresser à eux que le parking sur lequel ils s’entassent ? Dans une telle situation, l’utilisation du street marketing prend tout son sens, et prouve, si besoin est, que l’agence n’a jamais perdu de vue l’objectif final de la campagne.
Le processus de « street teasing » a donc été efficace, et au moment où la campagne d’affichage est lancée, la conversation, elle, est relancée. Mais ça ne s’arrête pas là. Quelqu’un (à moins que ce ne soit l’agence elle-même?) met le feu aux voitures. Halva Kungariket fait alors preuve de réactivité et transforme le texte de l’affiche en un : « C’est plus sûr de se garer dans notre nouveau parking ».
Dans cette démonstration d’ambient marketing exemplaire, Mobilia a donc non seulement fait l’objet de trois vagues de conversations successives, mais a également réussi à atteindre efficacement sa cible, tout en faisant l’économie d’un plan média traditionnel. Voilà qui n’est pas prés de remettre en cause le stéréotype selon lequel les suédois réussissent tout à la perfection !
 
Esther Pamart

Campagne RATP et Publicis Conseil - Le buffle
Société

Jacques a dit « Bonjour… j'ai dit bonjour ! »

Maudire un voyageur qui refuse de se lever, bien que vous soyez à moitié assis sur ses genoux. Rêver de pouvoir couper le crachotement de ces hauts parleurs ou les cris de cet usager d’un simple claquement de doigts. Rattraper celui qui a lâché le lourd portillon du métro pile sur votre nez pour l’informer de votre douleur, et par la même occasion de votre existence. Oui, vous aussi avez vécu tout cela, car vous aussi prenez les transports en commun chaque jour.
Pour tenter d’améliorer la situation quotidienne de plus de dix millions de voyageurs, la RATP a lancé en Septembre 2011 une grande campagne « Contre les incivilités des transports ». De multiples slogans frappants inspirés de La Fontaine, comme « 2 bonjours font 1 bon jour » – réutilisant les couleurs des lignes de métro pour les chiffres – ont envahi quais et wagons des métros, RER, bus et tramways parisiens. Les affiches-miroirs de la campagne, représentant exactement ce qui nous entoure au moment où on les voit, nous mettent physiquement face au problème par des représentations animales de ces perturbateurs de tranquillité. Quelques spots télévisés ainsi que des actions dans des gares aussi diverses que Saint-Lazare, Torcy ou Nanterre sont venus parfaire cette campagne, qui avait tout pour frapper les esprits et nous faire prendre conscience des 9 999 999 voyageurs qui nous entourent.
Pourtant, environ deux portillons sur trois claquent aux nez tous les jours en sortant des quais, les portables sonnent plus fort que jamais et adolescents comme quinquagénaires continuent de s’avachir sur les strapontins dans une foule courroucée et épuisée. Non, on ne peut pas dire que cette campagne ait réellement changé les choses, bien que la RATP ait pleinement rempli son rôle (comme le pensent 90% des Franciliens¹). Les grèves et pannes quotidiennes (qui n’aident pas la diffusion de la bonne humeur et de la politesse dans les rames) n’étant pas une nouveauté, il semble bien que les parisiens d’aujourd’hui soient de nature tout aussi « incivile » qu’au début de cette campagne.
Il faut cependant noter les millions de personnes qui chaque jour ne se laissent pas décontenancer par ces râleurs – moins nombreux mais plus marquants. Laisser sortir avant d’entrer soi-même dans la rame, se lever de son siège quelques minutes avant de sortir pour éviter de trop gêner les autres ou encore céder sa place aux cheveux blancs ou aux ventres ronds sont des actes récurrents, mais peu observés et encore moins imités par les dissidents. Si l’on devait chercher une explication, on pourrait évoquer la psychologie classique propre à chaque être humain de voir en face de lui un « autre », qui gêne par son regard inquisiteur, observateur… Humain. Mais justement, c’est bien pour cela que recevoir un sourire plutôt qu’un regard glacial en sortant péniblement du train est une fonction communicative indispensable de la société, une lutte permanente contre la solitude impossible à mener dans la ferraille glacée de la voiture individuelle.
La campagne de la RATP prouve que cette fonction essentielle des transports en commun côtoie cependant bien des aspects pénibles, et qu’un peu de gentillesse, un simple sourire peuvent éclairer la journée de quelqu’un. Si le nombre (pas si minoritaire que ça) de voyageurs « civils » augmentait, le quotidien n’en serait que moins sombre en ces heures de crise, mais vu les faibles résultats observables de cette campagne on peut malheureusement penser que les perturbateurs de notre sérénité ont encore de beaux jours devant eux.
 
Héloïse Hamard
¹ d’après le Cabinet d’études TNS Sofres
Crédits Photos : ©Publicis Conseil/RATP

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