Publicité et marketing

Le cas de Shea Moisture : les consommateurs ont encore frappé

Les campagnes de publicité lancées par les marques représentent toujours un enjeu majeur pour la pérennité de celles-ci. Chaque nouvelle campagne est une tentative de fidéliser la clientèle en renforçant les traits de « personnalité » de la marque, ou bien de s’en attirer une nouvelle en redéfinissant son image. Quoi qu’il en soit, une campagne de publicité projette l’image du consommateur type visé. Cependant, depuis quelques années, la tendance semble s’inverser, et si la projection ne convient pas au consommateur, il le fait savoir.
Shea Moisture, ou l’indélicatesse d’une marque pour cheveux afro
Cette semaine, la marque de produits capillaires spécialisés dans le cheveu afro a lancé sa nouvelle campagne de publicité. Shea Moisture a été fondée en 1912 par une mère de famille en Sierra Leone et a été reprise et perpétuée aux Etats-Unis par sa famille. La marque est réputée parmi la communauté afro-américaine car elle fait partie des rares marques de produits capillaires adaptées aux cheveux frisés et crépus.
C’est donc avec colère qu’a été accueillie la campagne de publicité mise en ligne par la marque le 24 avril dernier. En effet, la vidéo présentée par la marque sur son compte Facebook montrait une jeune femme aux cheveux bouclés, à la peau métissée, parlant des commentaires négatifs qu’elle a pu recevoir à propos de ses cheveux au cours de sa vie. Puis arrive à l’écran une femme blanche et blonde qui avance que la plupart du temps elle ne sait pas quoi faire de ses cheveux. Enfin, une femme rousse avoue avoir teint ses cheveux en blond pendant des années par honte de sa couleur naturelle.

Cette vidéo a été très fortement critiquée, notamment par les principales consommatrices des produits Shea Moisture, à savoir les femmes noires. L’absence de représentation a choqué et interrogé. La colère venait par ailleurs du fait que les femmes aux cheveux lisses ont des centaines de produits qui leur sont dédiés, là où les femmes aux cheveux frisés et crépus en ont très peu. Le sentiment exprimé par les consommatrices de Shea Moisture a été celui d’une spoliation. Le fameux « on ne peut rien avoir qui soit vraiment à nous », souvent ressenti par les Afro-Américains vis-à-vis des Américains blancs, a été évoqué.

Black women out here getting fired for having 4c hair and shea moisture has the audacity….. pic.twitter.com/CsLCq5vtEA
— SeaSea (@CeceTMach) 24 avril 2017

Une transition dans la relation des consommateurs aux marques
Face aux violentes réactions et aux milliers de tweets qu’a suscités cette vidéo promotionnelle, Shea Moisture a décidé de la retirer et a publié à la place des excuses sur sa page Facebook.
Ce phénomène devient de plus en plus courant lorsque les marques dérapent. L’exemple de Pepsi, qui a tout récemment publié une campagne publicitaire mettant en scène une Kendall Jenner médiatrice entre des manifestants et des policiers, est tout aussi parlant. Les réactions ont également été virulentes et certains se sont également sentis offensés en ces temps troublés par la présidence Trump.
De la même manière, la marque allemande de cosmétiques Nivea a été confrontée à de nombreuses protestations lorsqu’une publicité prônant « la blancheur, c’est la pureté » (White is purity) a été publiée.
Dans les deux cas, les marques ont été contraintes de supprimer les publicités controversées. Voilà ce qui arrive de plus en plus souvent : le dernier mot n’est plus aux directeurs artistiques mais aux consommateurs qui réagissent de plus en plus fréquemment de manière négative. En effet, à chaque fois qu’une marque lance une nouvelle campagne publicitaire, elle est désormais soumise à un tribunal de consommateurs, qui jugent si elle correspond ou pas à l’idée qu’ils se font de cette marque.
L’émergence et l’hégémonie des réseaux sociaux sont des facteurs essentiels de cette transition. En effet, la relation qui lie la marque à ses consommateurs est passée d’une relation parfaitement verticale à une relation horizontale, presque de proximité et de complicité dans le meilleur des cas.
Le nouveau pouvoir des consommateurs
Ce nouveau paradigme transforme les rapports de force entre marques et consommateurs. Les marques perdent leur force d’influence au profit de leurs consommateurs, qui ont désormais le dernier mot.
Avant l’ère des réseaux sociaux, les marques, à travers leurs campagnes de publicité, exerçaient une influence sur la perception des consommateurs, sur leur manière d’appréhender la société, essentiellement dans le but de les pousser à l’achat. Le meilleur exemple de cela est la campagne de publicité pour la marque Marlboro, sortie en 1955.
En montrant un cowboy avec une cigarette à la bouche, cette publicité a changé la manière de consommer des cigarettes de tous les Américains. En effet, avant cette campagne, les cigarettes à filtre Marlboro étaient fumées par des femmes. Elles portaient donc une image de féminité et de sensualité. Les fabricants ont voulu changer cela, et ont donc fait appel à cette figure du cowboy, l’incarnation de la virilité et de la masculinité dans l’imaginaire des Américains à cette époque.
Grâce à cette campagne publicitaire, l’idée selon laquelle il était acceptable et même bien vu qu’un homme fume des cigarettes à filtre s’est infiltrée dans la société américaine et a changé le mode de consommation des Américains. Cette force de frappe des campagnes publicitaires caractérise leur grande influence sur la société.
Seulement, les cas comme celui de Shea Moisture, de Pepsi ou encore de Nivea démontrent que ce paradigme est en train de changer et que les consommateurs ont de plus en plus de poids dans la conception et la réception des campagnes publicitaires. Ils sont passés d’un statut passif à un statut actif, et la recette qui a si bien réussi aux marques ces dernières décennies doit être revue. On peut très bien imaginer dans les prochaines années des marques qui solliciteront directement les consommateurs pour décider de leurs prochaines campagnes de publicité.
Mina Ramos
@Mina_Celsa
Crédits :
• HOROWITZ Julia, « Shea Moisture pulls an ad after getting hammered on social media », CNN Money, publié le 24/04/17, consulté le 28/04/17
• KARASIN Ekin, « Hair care company with a mostly black customer base apologizes for ‘turning its back on them’ by creating ad that features nearly all white women », Daily Mail, publié le 24/04/17, consulté le 28/04/17
• KOTTASOVA Ivana, « Nivea pulls ‘white is purity’ ad after outcry », CNN Money, publié le 05/04/17, consulté le 28/04/17
• GASTON-BRETON Tristan, « ‘Marlboro Man’, ou la publicité selon Leo Burnett », Les Echos, publié le 04/08/16, consulté le 28/04/17
• www.sheamoisture.com/our-story/
Crédit photos :
• Image de une : Shea Moisture/Facebook
• Image 1 : @Girlswithtoys/Twitter
• Image 2 : @CeceTMach/Twitter
• Image 3 : Nivea Middle East/Facebook
• Image 4 : Getty Images

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Les goodies, good pour l’entreprise ?

Le 30 novembre 2016 a eu lieu l’anniversaire des cinq ans de notre cher FastNCurious, l’occasion d’organiser un petit jeu-concours : quels prochains sujets d’articles pour le blog ? Les heureux gagnants remportaient ensuite un tote bag à l’effigie du site. FastNCurious était une fois encore « IN » ce soir-là puisque le tote bag, c’est la tendance du moment ! Dans les salons, dans les foires, à la fac ou encore sur la plage : il est partout et on l’adore. Plus largement, ce sont des dizaines de marques qui ont aujourd’hui choisi de capitaliser sur les produits dérivés gratuits. Problème : cela a un coût et leur succès n’est pas toujours garanti. Alors les « goodies » peuvent-ils suffire à la marque pour acheter l’adhésion (tant convoitée) du consommateur ?
C’est bon, c’est good et c’est cadeau !
Aujourd’hui dans le domaine de la communication, la publicité par l’objet occupe une place de plus en plus importante et s’est imposée au sein des nombreuses techniques de promotion. Le tote bag, avec son aspect « fourre-tout » et son look branché, colle à la peau des jeunes générations. Les marques l’ont bien compris et ont ainsi choisi de capitaliser sur ce type de produits : de plus en plus d’entre elles créent des départements entiers consacrés aux goodies. Stylos, crayons, autocollants, sacs en tissu et on en passe, il y en a pour tous les goûts !
L’intérêt ici est la gratuité de la marchandise. Recevoir un cadeau lorsqu’on achète un produit ou l’on participe à un événement donne parfois l’impression de faire des économies, voire de gagner de l’argent ! Pourquoi se payer un tote bag à cinquante euros quand on peut avoir le même gratuitement ? Grandes Écoles, universités, associations… Cette pratique est de plus en plus répandue et participe directement à la création d’un univers de marque. Et rien de mieux pour se mettre le client dans la poche !
Dans un contexte de crise économique et avec le développement massif d’Internet et des nouvelles technologies, l’objet publicitaire est un véritable levier de contact avec la cible visée et permet au message publicitaire d’être reçu très largement. Une valeur sûre, donc ! Selon la 2FPCO (Fédération française des professionnels de la communication par l’objet), en mars 2012, le montant global des investissements en matière de communication par l’objet en France s’élevait à 1,4 milliard d’euros. Cela dit, toute la difficulté pour l’entreprise repose sur le choix du bon produit… ou pas.
Une seule règle d’or : be coherent
Si le produit dérivé gratuit figure parmi les stratégies les plus pertinentes en termes d’amélioration de la relation client, il n’est pas évident que cela fonctionne à tous les coups. La difficulté principale lorsqu’une marque déploie sa gamme de goodies est de rester dans l’environnement quotidien de ses clients, de manière à ce que ces derniers aient toujours dans leur champ de vision le message qu’elle désire leur transmettre. Le tote bag, par exemple, représente le it-bag par excellence auprès de la jeune génération. Ainsi, les marques de mode à l’univers bohème et parisien branché sont les premières à s’approprier ce genre d’objets, comme la boutique de prêt-à-porter Les Petites… Les salariés ou cadres d’entreprise, quant à eux, seront davantage friands d’un stylo tactile à l’effigie d’Engie, plus représentatif de l’image sérieuse, ingénieuse que le fournisseur de gaz et d’électricité a acquis auprès de sa cible.
Au-delà d’un choix astucieux, les goodies sont aussi créatrices de nouvelles problématiques pour les marques. En effet, le choix de l’objet gratuit comme support publicitaire signifie du temps et des coûts de production supplémentaires pour ces dernières. Il s’agit donc de créer des objets qui conviennent aux clients, de qualité et en limitant les coûts trop élevés. Prestations de designers, achats de machines spéciales pour l’impression des logos sur des supports divers, autant de pré- requis qui eux, ne sont pas gratuits ! Par exemple, chaque bracelet distribué au début d’une soirée ou d’un événement coûte en moyenne une petite dizaine de centimes d’euros à l’entreprise, même chose pour les stylos ou étuis pour cartes. Alors en réponse à ces efforts, quel retour sur investissement ?
Les goodies, ambassadeurs de choc !
À la fin des années 2000, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé un produit pour aider les enfants d’Asie et d’Afrique et agir principalement contre la soif dans ces régions. Ce produit prenait la forme d’un verre sur lequel figurait la photo d’un enfant africain très maigre. Une fois rempli d’eau, l’enfant grossissait, symbole d’une santé qui s’améliore. Grâce au concept de l’objet publicitaire, l’OMS a pu récolter environ 13 850€ de fonds.
Sans faire du consommateur un énorme panneau publicitaire, le goodies se fait ambassadeur de la marque ou de l’organisation qui l’utilise. Celle-ci peut alors toucher des publics différents et sortir des cercles sociaux restreints. Si je porte un tote bag FastNCurious, le logo imprimé sur le sac est à la portée du premier voyageur dans le métro, alors piqué ou non par la curiosité d’aller se renseigner sur Internet. La réputation de la marque s’active donc à distance.
L’objet brandé incarne également le lien affectif qu’entretien le consommateur avec sa marque et est pour celle-ci un moyen de garder un contact direct avec ses clients. En effet, Olivier Doré- mieux, gérant de la société New Software Marketing, spécialisée dans la conception de cadeaux publicitaires, met en garde contre l’essor incontrôlé de l’immatériel : « Internet est pratique et sé- duisant, mais attention à ne pas perdre la proximité avec ses interlocuteurs, à ne pas ternir les relations. »
La solution : un outil marketing et de communication non intrusif et discret que l’on manipule et s’approprie aisément. La marque intensifie ainsi son rôle d’influenceur et voyage avec celui qui la porte. Selon une étude de 2FPCO en juin 2011, plus de 70,4 % des personnes ayant reçu un objet publicitaire se souviennent de la marque ou du nom de l’entreprise qui y est inscrit, et environ 58% d’entre eux voient l’entreprise à l’origine de l’initiative d’un bon œil, après réception du cadeau. Il semblerait bien que, plus qu’efficaces, les goodies, on en redemande !
Camille Lainé
LinkedIn
Sources :
BRIAND Béatrice, « Tote bag personnalisé », Blog-objets-publicitaires.fr, 22/11/2016 http://www.blog-objets-publicitaires.fr/tote-bag-personnalise, consulté le 18.01.17
ALAIMO Mathieu, « Et si on réinventait le stylo publicitaire (suite et fin) », Blog-objets-publicitaires.fr, 12/09/2016, http://www.blog-objets-publicitaires.fr/et-si-on-reinventait-le-stylo-publicitaire-suite-et-fin – consulté le 18.01.17
FISCHBACH Jérôme, « Tribune libre : l’objet brandé, un lien affectif entre la marque et le consommateur », e-marketing.fr, 21/11/2014, http://www.e-marketing.fr/Thematique/Tendances-1000/Breves/Tribune-libre-objet-brande-lien-affectif-entre-marque-consommateur-247905.htm#H1zHIjc1eHXdRfmq.97
JT 20H de TF1 du 17/10/2016, http://www.lci.fr/lifestyle/le-tote-bag-nouvel-accessoire-indispensable-au-quotidien-2008194.html consulté le 20.01.17
Amélie, « Le mystère du Tote Bag décrypté en 3 points », Madmoizelle, 04/10/2016, http://www.madmoizelle.com/tote-bag-pourquoi-257523 – consulté le 20.01.17
SIMONEAU Jean-Louis, « Le cadeau publicitaire, outil de communication indispensable ? », 3collaboractifs.com, 15/04/2015 https://3collaboractifs.com/2015/04/15/le-cadeau-publicitaire-outil-de-communication-indispensable/#more-1599 – consulté le 24.01.17
Objet-publicitaire-ecologique.org, « L’intérêt de la publicité par l’objet », 01/03/2010, http://objetpublicitaire-ecologique.org/publicite-par-objet/ – consulté le 24.01.17
CANEVET Frédéric, , « Comment utiliser les Objets Publicitaires pour booster vos ventes ? », blog conseilsmarketing.com, http://www.conseilsmarketing.com/fidelisation/comment-utiliser-les-objets-publicitaires-pour-booster-vos-ventes – consulté le 25.01.17
Crédits images :
https://3collaboractifs.files.wordpress.com/2015/04/goodies-3collaboractifs.jpg

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Cachez moi ce logo que je ne saurais voir : ces consommateurs qui déclarent la guerre aux marques

Logorama from Marc Altshuler on Vimeo.

« Que serait une vie sans marque ? », s’interrogeait en 2014 Benoît Heilbrunn dans l’introduction de son livre intitulé La marque1. Selon lui, même les auteurs de science fiction les plus hardis ne se sont pas hasardés à une telle hypothèse, tant les logos font partie intégrante de notre quotidien.
Nous en connaissons probablement assez pour pouvoir tenir des conversations si on les convertissait en mots. Le court métrage Logorama (primé meilleur court métrage aux Césars et aux Oscars il y a 6 ans) a d’ailleurs imaginé un scénario de blockbuster entièrement réalisé avec les logos et mascottes des grandes firmes américaines. On peut y voir le clown de MacDonald en méchant gangster tuant sans hésiter les policiers incarnés par les bonhommes Michelin, sous les yeux effarés des messieurs Pringles moustachus qui assistaient à la scène dans un fast food du coin. Cela montre bien à quel point les marques ont pris le pouvoir sur les espaces vides. Le territoire des rêves est le seul qu’ils ne soient parvenus à conquérir, dormir étant le seul moyen de ne voir aucune publicité. Partant de ce constat, le collectif Studio Smack a imaginé un court métrage inquiétant dans lequel le contraire serait devenu possible grâce aux progrès des sciences du cerveau et de la technologie.

Partout où nous allons, elles tentent de capter notre attention, se réinventant continuellement dans des nouveaux supports. Parfois jusqu’à littéralement nous coller à la peau, comme dans le cas du tattoo marketing : une tendance consistant à faire du corps humain un espace publicitaire en proposant une rémunération à quiconque accepterait de se faire tatouer le logo de la marque. Dans cet environnement du « tout logo » émerge pourtant une nouvelle tendance consommateur, qui consiste à retirer le logo incorporé sur le vêtement ou sur l’accessoire. Un fait intéressant dans la mesure où le secteur de la mode est très dépendant au concept de marque, celle ci étant souvent l’argument de vente principal du produit. Que nous dit cette rébellion sur le rapport entre marques et consommateurs aujourd’hui ?
Le diable s’habille en nada
Dans les années 80 et 90, des grandes marques comme Versace ou Guess ont signé l’avènement du bling-bling. Les consommateurs aimaient acheter des produits qui arboraient des logos visibles, symboles ostentatoire d’une richesse enviée. Puis ce mouvement ralentit dans à la fin des années 90 (surtout aux États-Unis), lorsque les grandes luttes consuméristes ont commencé à ébranler l’image des marques jusqu’alors envoûtantes.

Le livre de Naomi Klein, No logo, en est l’incarnation. Considéré comme la Bible du mouvement altermondialiste, Naomi Klein y dénonce les vices de la mondialisation et les abus des grandes multinationales, avec comme problématique de comprendre pourquoi les mouvements de résistance contre celles-ci ont pris une telle ampleur.  Elle dresse le portrait d’une société où les marques auraient pris le pouvoir, tant au niveau de l’espace public (imprégnant chaque recoin de notre quotidien, que de nos choix dans la mesure dans la mesure où il est embarrassant, dit-elle, « d’offrir une veste si ce n’est pas une Gap »).
Sans disparaître, ces mouvements ont été plus discrets dans l’espace public ces dernières années, bien que la résistance silencieuse exprimée par l’utilisation massive des AdBlocks témoigne d’une ras-le-bol tout aussi conséquent. En parallèle, prolifèrent depuis peu sur internet des tutoriels youtube et des billets de blogs enseignant comment retirer sans dommage, à l’aide d’un cutter et de patchs absorbants, le crocodile Lacoste, le joueur de polo Ralph Lauren, ou encore le logo New Era .

Pour le consultant et consommateur rebelle Marx Ilitch, il s’agit d’une riposte contre une pub imposée : « Pourquoi ferais-je de la publicité gratuite pour quelqu’un ? »
En effet, pour les produits à grande visibilité comme les vêtements, les accessoires ou les chaussures, le logo est véritablement une implication du consommateur dans la publicité du produit. Une communication efficace, sans charge pour l’entreprise, qui semble aujourd’hui lasser de plus en plus de consommateurs.
Dis moi ce que tu consommes, je te dirais qui tu es
« La totalité de mes possessions réfléchit la totalité de mon être. Je suis ce que j’ai » , écrivait Sartre dans L’Etre et le néant.  Dans cet ouvrage, le philosophe français établit un lien entre être et posséder. L’être humain cherche à prolonger son corps dans des objets, que ce soit par le biais de prothèses techniques 2  ou en investissant les objets d’une valeur symbolique qui dépasse leur valeur d’usage 3. Quand Gainsbourg chantait « elle ne porte rien d’autre qu’un peu / D’essence de Guerlain dans les cheveux », ce n’est pas l’odeur du parfum en lui même qu’il décrit mais l’imaginaire de la marque qui est mis en avant.
Posséder un objet signifierait dès lors se lier à lui, dans un processus de construction identitaire qui dépasse le simple fait de consommer des produits.Les objets et les marques agissent ainsi comme des signes essentiels qui permettent au consommateur de revendiquer et de maintenir une certaine identité.

Dans la société actuelle, le concept de « marque » a pris beaucoup d’importance dans l’entreprise. Elle est un actif immatériel qui participe parfois de façon fondamentale à la valeur de l’entreprise, comme dans le cas de Nike (84%), Prada (77%), ou Chanel (66 %) où celle ci représente entre 66 et 84 % de l’actif de l’entreprise.
Si pour les produits de grande consommation la marque a une fonction rassurante, permettant au consommateur se repérer dans l’immensité du choix qui lui est offert , le vêtement est un moyen d’expression où la marque est parfois mal reçue. En 2015, un rapport de Goldman Sachs révélait ainsi que les « millenials » préféraient clairement les vêtements sans étiquettes ni logos. Pour éviter de perdre sa clientèle, la marque Abercombie&Fitch a décidé de réduire la taille de son logo alors qu’il y a peu , les adolescents américains étaient prêts à payer 35$ pour un tee-shirt blanc pourvu qu’il y figure. On peut supposer que les scandales ayant frappé la marque 5 y sont pour quelque chose, dans la mesure où l’humiliation d’une marque peut facilement lui faire perdre de son attractivité, et que se rattraper est difficile. Le consommateur d’aujourd’hui semble vouloir des porter des vêtements qui lui ressemblent, affranchis de l’identité de la marque. La tendance du do-it-yourself illustre bien ce désir de reprise de pouvoir. Reste à savoir si la discrétion des marques suffira à satisfaire les nouveaux besoins des consommateurs.
Dans un monde où les marques ne vendent plus des produits mais des concepts, comment les entreprises peuvent elles surmonter le rejet du logo pour continuer d’exister? Selon la revue Influencia, les marques devront se rendre moins visibles et « s’effacer derrière le projet d’une vie différente dont a besoin le monde », c’est-à-dire en se rendant utiles et en répondant aux besoins profonds de notre époque. Affaire à suivre…
Liana Babluani
Linkedin
Sources et annotations :
1 La Marque, Benoit Heilbrunn (Collection « Que sais je ? » Edition Puf, 2014 )
2 McLuhan “Pour comprendre les médias : les prolongements technologiques de l’homme”, (essai publié en 1964).
3 Baudrillard : Le système des objets (1968)
4      20minutes.fr , « Abercrombie: les cinq plus grandes polémiques de la marque des enfants cools »
• Photo de «  couverture » : capture d’écran de la Vidéo 2
• Vidéo 1 : Crédit : « Logorama » (Court métrage réalisé par le collectif H5, François Alaux, Hervé de Crécy + Ludovic Houplain)
• Vidéo 2 : crédit : Piper2381 sur Youtube intitulé « Removing the New Era Logo » (19 juin 2015 )
« Les vêtements sans logo, une tendance à suivre » , masculin.com (12/02/2017)
• «  Vive les marques vivantes », Pierre-Louis Desprez (influencia.net, revue Inspiration n° 18 , Juillet/Septembre 2016)
• «  No Logo : le retour » (LesEchos.fr – 30 déc. 2016 )
• Prodimarques : « La marque , actif immatériel » ( Avril 2008 )
Crédits :
• Photo 1 : crédits Studio Smack Branded Dreams – The Future Of Advertising  (capture d’écran de la video)
• Photo 2 : Les échos «  L’entreprise, véritable cible des antipub »
• Photo 3 : Fond d’écran d’ordinateur