METRO BOULOT PHOTO
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Métro, boulot, photo

Ceux qui ont récemment pris la ligne 4 à Saint-Michel ont sûrement remarqué les portraits de Marilyn Monroe, Salvador Dalí et d’autres encore accrochés au-dessus des tourniquets. Il s’agit là d’une des nombreuses manifestations à l’initiative de la RATP (Régie Autonome des Transports Parisiens) sobrement intitulée « La RATP invite… ». Depuis octobre 2013, des photographies en grand, voire très grand format tapissent les murs de certains arrêts du métro parisien selon des thématiques constamment renouvelées. Et posent une question ancienne sous un angle inédit, celle du rapport entre l’art et le(s) public(s).
La tentation de l’art
La RATP met à disposition des espaces d’affichage sur son réseau ferroviaire pour y exposer des photographies. Elle s’associe à de grandes manifestations du monde de la photographie comme Photoquai, à de grands musées de photographie tels que le Musée du Jeu de Paume ou la Maison Européenne de la Photographie et à de grands noms : Guerogui Pinkhassov ou Bruce Gilden, tous deux membres de l’agence Magnum. Ces choix prestigieux permettent à l’entreprise de se positionner sur le terrain de la photographie d’art.
Elle va même plus loin en s’arrogeant un rôle de mécène. Les deux premières éditions de « La RATP invite… » se sont faites en partenariat avec Photoquai, dont le but est de présenter tous les deux ans 40 photographes du monde entier dont on estime qu’ils méritent d’être connus, et le festival Circulation(s), dont le but était de servir de tremplin à la jeune garde. En se faisant le relais de ces manifestations et en augmentant la visibilité des artistes, la RATP a affirmé sa volonté de servir la « cause » artistique, autrement dit de se faire mécène d’un nouveau genre.
Grâce à l’étendue de son réseau, son quasi-monopole en termes de transports urbains et à une régie publicitaire efficace, la RATP peut proposer un mécénat inédit à l’impact fort : la mise à disposition de lieux d’exposition au plus près du public. Les galeries souterraines du métro deviennent galeries d’art.
Nouvel espace pour une nouvelle vie ?
 

Ce qui se joue là est un rapport d’immédiateté dans lequel l’art va chercher le public et non l’inverse, comme dans un musée traditionnel. Il y a à la fois un phénomène de « descente de l’art dans les rues » et de sanctuarisation de nouveaux lieux publics. A cet égard, le choix de la photographie est extrêmement parlant. Isabelle Ockrent, directrice de la communication de la RATP au moment du partenariat avec Circulation(s), l’explique ainsi : « pourquoi la photo ? La photo c’est un art qu’on peut prendre à plusieurs niveaux, c’est un art populaire, c’est un art accessible et c’est aussi un art qu’on peut diffuser dans nos espaces ». La photographie serait donc la forme d’art qui se prêterait le mieux à l’hybridation des lieux d’exposition.
Par ailleurs, les galeries du métro se prêtent particulièrement bien à l’exercice. De longs couloirs où les gens peuvent déambuler, des cadres gigantesques, sobres ou même ornés, une culture de l’image ; le cadre ainsi décrit pourrait être celui d’une galerie d’art traditionnelle. Cet espace du quotidien de milliers de personnes présente ainsi les caractéristiques idéales pour créer un nouveau lieu d’exposition. Peut-être même est-ce le lieu ultime de démocratisation de l’art : accessible à tous, à tout moment, pour presque rien, ne demandant pas d’effectuer une démarche supplémentaire.
« Une image vaut mieux que mille mots » (c’est Confucius qui l’a dit !)
Il ne suffit pourtant pas de démocratiser pour rendre accessible. Le regard est une véritable problématique dans le métro. Le passant est habitué à la présence de publicités dans presque tous les lieux publics, il est dans le métro au plus près d’affiches aux formats énormes et au nombre conséquent. Tout en développant donc, chez les usagers une véritable culture de l’image, les publicités créent de la lassitude. On voit, plus qu’on ne regarde, les images qui tapissent les murs du métro. Dans ce contexte une image sans texte, dont le but est simplement d’être et non de servir, dans un cadre où on ne s’attend pas à la voir, constitue une respiration et pose une question. Xavier Canone, directeur du musée de la photographie de Charleroi, l’exprime ainsi : « il y a quelque chose là qui est non seulement de faire descendre des formes d’expression culturelle dans des lieux où tout le monde passe mais en plus d’avoir des photographies qui sont sans messages, des photographies sans mots ça oblige, je pense, à avoir une réflexion sur l’image. » S’exprimerait là une vocation d’éducation du regard de la part de la RATP.
Quand l’entreprise parle d’elle-même sans dire un mot

Les années 1980 ont vu l’ouverture de deux musées, dédiés respectivement aux télécommunications et à l’électricité, sous la houlette des deux grandes entreprises françaises France Télécom et EDF. Depuis, l’Espace Fondation EDF a accueilli un grand nombre d’expositions d’art. Plus récemment, la fondation Louis Vuitton a fait construire un musée extravagant dédié à l’art contemporain au Bois de Boulogne. En s’associant à la culture, les entreprises se construisent une image de bienfaiteurs de la société. D’une part, ils ne s’intéressent pas uniquement à l’argent, d’autre part, ils apportent la culture au plus grand nombre.
Une des dernières expositions met en lumière le rôle de moteur de la société que la RATP veut également prendre. Du 24 novembre au 7 décembre 2015, des photographies de Salvador Salgado ont envahi les murs du métro. Elles étaient tirées de la série Genesis pour laquelle le photographe a parcouru pendant 8 ans le monde à la recherche des plus belles manifestations de la nature. Le thème ainsi que les dates de l’exposition ont été choisi pour faire écho à la tenue de la COP 21 à Paris. La mobilisation de la société civile a été le phénomène marquant de cet événement et la RATP y a participé par le biais de son exposition.
La force de la communication de la RATP réside pourtant ailleurs. En effet, le nouveau lieu de culture et de mobilisation coïncide avec les espaces exploités par l’entreprise. Cette superposition des espaces est inédite et particulièrement puissante : ce qui est promu et le dispositif ne font qu’un. Symboliquement la RATP va même plus loin. En remplaçant les publicités par des photographies d’art elle affirme son indépendance vis à vis de considérations « bassement matérielles ».
La force de frappe de cette initiative est donc double : elle est peut-être le lieu d’une nouvelle muséologie tout en étant une démonstration par l’exemple de la puissance de l’entreprise RATP.
Sophie Miljkovic
Sources :
Le site de la RATP qui propose des fiches sur toutes les expositions traitées ci-dessus
Benjamin, Walter, « Petite histoire de la photographie », Études photographiques,1 Novembre 1996, [En ligne], mis en ligne le 18 novembre 2002, URL : http://etudesphotographiques.revues.org/99. consulté le 28 décembre 2015
Davallon Jean, « Le pouvoir sémiotique de l’espace. Vers une nouvelle conception de l’exposition ?», Hermès, La Revue 3/2011 (n° 61) , p. 38-44, URL : www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2011-3-page-38.htm
Rasse Paul, Girault Yves, « Introduction. Regard sur les arts, les sciences et les cultures en mouvement, à travers les débats qui agitent l’institution muséale…», Hermès, La Revue 3/2011 (n° 61) , p. 11-16, URL : www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2011-3-page-11.htm
Wolton Dominique, « Les musées. Trois questions. », Hermès, La Revue 3/2011 (n° 61) , p. 195-199, URL : www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2011-3-page-195.htm
Crédits photos :
La RATP (le nom du photographe n’apparaît pas)
La RATP une fois encore (aucune indication n’est donnée dans la vidéo)
La RATP, une dernière fois

BRANDALISM COP21 TOTAL
Publicité et marketing

Brandalism : l'exposition événement !

 
Les jours précédant la COP 21, les rues de Paris ont été le théâtre d’un étrange phénomène. À la surprise générale des passants, des prints hors normes ont remplacé les affiches publicitaires dans les cadres symboliques et d’autorité que représentent les espaces publicitaires JCDecaux. Pour le groupe industriel JCDecaux et les sponsors de la COP 21, ça fait tâche.
« Artivistes »
Cette opération haute en couleur a été menée par le mouvement britannique Brandalism, contraction de « brand » (osons la traduction : « marque » en anglais) et « vandalisme ». Derrière ce nom percutant, un collectif constitué de 80 artistes engagés, tels que les français Alex One, Arnaud Liard, Millo and ZAD mais aussi Paul Insect (le collaborateur de Banksy), Neta Harari etc. Ensemble, ils avaient déjà mené des campagnes de « publicité subversive », notamment en Angleterre, et participé à des projets tels que Dismaland, l’exposition de Bansky qui donne à voir une version lugubre de Disneyland.
Le poids des mots, le choc des photos
Les « œuvres d’art » qui ont remplacé les publicités de Paris sont toutes pour le moins percutantes, ironiques, voire amères. En général, elles revisitent les codes de nos imaginaires collectifs, les déconstruisent pour nous jeter au visage une vérité qui n’est pas toujours bonne à entendre. L’innocente Alice, loin du pays des merveilles, est esseulée dans un fond blanc, reliée à une bouteille de gaz toxique. L’affiche factice de Total clame : « Notre philosophie, vous n’avez pas besoin de savoir ». Et la contrefaçon Volkswagen racole avec le slogan « Roulez plus propre. Du moins en apparence ». Brandalism se joue des publicités et souligne avec finesse le scandale du concessionnaire, comme l’argument marquant l’impossibilité de confiance que nous pouvons placer dans ces multinationales, pourtant partenaires de la COP 21. Ce genre de slogans inhabituels provoque l’incompréhension, donc l’intérêt. Il s’agissait pour Brandalism de donner des noms, de dénoncer en parodiant, pour avoir l’attention du public. Pari gagné ?

Des multinationales aux chefs d’états : les coupables pointés du doigt
Dans leur communiqué de presse, Brandalism dénonce « la mainmise des négociations sur le climat par les multinationales » durant la COP 21. Ainsi, cette campagne incarne leur indignation contre le positionnement contradictoire d’entreprises, à la fois grands pollueurs et sponsors de la COP. En pointant du doigt le « greenwashing » des multinationales qui continuent à exercer leur modèle économique destructeur, c’est à tout un système qu’ils s’attaquent.
 

Un refus de la pub et du consumérisme « insoutenable »
La publicité, note dissonante d’optimisme et d’hypocrisie sur une partition médiatique alarmiste, a de quoi irriter nos oreilles. En effet, même quand les médias annoncent des mauvaises nouvelles, la publicité est toujours là, positive, poussant à la consommation malgré la réalité … Comme le collectif l’évoque sur son site, les retombées des attentats de novembre ont conduit à l’interdiction pour le peuple de manifester, de s’unir physiquement pour réfléchir ensemble. Mais rien n’a stoppé l’encouragement à la consommation de masse, et ce sans se poser de questions. De ce fait, cette « campagne massive de détournement publicitaire », vise à recréer de l’union dans l’action, et à bousculer notre inertie face aux publicités consuméristes. Cette campagne artistique pose la question de « l’infra-ordinarité » de l’omniprésence visuelle des messages commerciaux, qui ont la presque exclusivité sur le paysage urbain.
Ce pastiche potache qui révèle au grand jour l’ironie de la communication dit aussi la difficulté pour le consommateur de ne pas se laisser berner. En adoptant le même type de discours affirmatif sans nuance, c’est à nous plus qu’aux grands pollueurs, que Brandalism s’adresse, en nous priant habilement de ne pas tout avaler. Et c’est l’autre tension que cristallise cette campagne artistique : la différence fondamentale entre l’art et la publicité. Ce week-end, ils étaient dans les mêmes cadres …
Un message clair
Dans cette campagne de « piratage créatif », seuls les activistes restent mystérieux. Dans une vidéo publiée sur leur site, ils dévoilent leur stratégie d’action, montrant les affiches roulées et se donnant à voir déguisés en agents d’affichage de la compagnie JCDecaux. Autant de transparence sur leur façon de procéder qu’ils en attendent de la part des chefs d’états et des multinationales. Cette campagne hautement maitrisée est révélatrice de la volonté de transparence vers laquelle tend le groupe. Dans le communiqué, nous pouvons lire au sujet des multinationales : « elles font comme si elles faisaient partie de la solution alors qu’elles font partie du problème ». Cette tournure de phrase illustre la posture de Brandalism qui se veut rectificateur de la vérité. Ils s’imposent comme des lanceurs d’alerte, voire des adjuvants : « Il est plus important que jamais de dénoncer leurs mensonges et de mettre en lumière les enjeux de pouvoir derrière les négociations [NDLR de la conférence de Paris] ». Leur utilisation de la modalité épistémique (le discours qui pose le vrai et le faux) ne fait qu’attiser la paranoïa actuellement présente dans notre société. En effet, les « on ne nous dit pas tout », ou « on nous ment » sont des remarques plus que récurrentes de nos jours. En adoptant cette posture sans nuance qui flatte les sceptiques, nous resterons sur notre faim en termes de propositions sociétales, et de pistes de réflexions. Mais est-ce vraiment le rôle de l’art que de donner des réponses ?
Le mouvement Brandalism soulève violemment mais pacifiquement des questions épineuses, loin de la communication édulcorée de la COP 21. Autant d’affiches et d’acteurs que de questions qui méritent une réflexion poussée sur des problématiques de fond. Mais cette bataille des images et des messages n’aura eu qu’un temps, la « JCdéco » a regagné la ville.
Julia Lasry
Sources :
Brandalism.org.uk
La revue des images d’Helene Delye, sur France Culture
Next Libération
Big Brother, blog du Monde

Des fausses publicités pour dénoncer les « mensonges » des sponsors de la #COP21

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France Culture
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http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/11/29/de-fausses-publicites-denoncent-les-mensonges-des-sponsors-de-la-cop21/
http://www.brandalism.org.uk/brandalism-cop21

Société

Complot de l'atmosphère ou atmosphère de complot ?

Une heure après la fusillade du 7 janvier dans les locaux de Charlie Hebdo, une centaine d’arguments « pro-complot » émanent d’Internet : comment quelqu’un pouvait se trouver, juste au même moment, sur le toit d’un immeuble pour filmer la scène ? Comment se fait-il que les auteurs de l’acte terroriste puissent oublier leur carte d’identité dans leur voiture abandonnée ? Comment se fait-il que le président Hollande arrive si vite sur les lieux – sinon qu’il ait été prévenu à l’avance du drame ? Autant d’interrogations auxquelles de plus en plus de gens semblent préférer la thèse d’une vaste conspiration plutôt que celle de la folie meurtrière et idéologique. Problème : on y trouve pas le début d’une preuve rationnelle.

Le mythe du complot ne date pas d’hier. Il est né, en France, avec la Révolution de 1789 : preuve qu’il émerge d’événements des plus violents. Il a cependant changé de nature. Presque devenu anodin, on le voit surgir non plus seulement à chaque événement dramatique (attentat, crashs…), mais aussi à l’occasion de n’importe quel fait avéré de notre monde, pour peu qu’il soit inédit. Ainsi le changement climatique, dont nous ressentons pourtant les effets, est traité par certains comme le produit d’un vaste complot.
La vérité est ailleurs…
Une contradiction demeure : on voit surgir, dans une société hyper informée, une forme de paroxysme  de la rumeur. La faute, justement, à la surabondance de médias ?
Préférant la polémique à la pédagogie, ils alimenteraient le sentiment collectif d’une conspiration, d’une vaste supercherie concernant les problèmes de fond de notre société. L’éclairage médiatique, quand il est provoqué par un détracteur, ou un pourfendeur d’une  thèse, peut-il mener à autre chose qu’a la suspicion ?
Rien n’est moins sûr. Sur des sujets comme la réchauffement climatique, la « machine à clash » dont nous parlions ici même, pousse les gens non pas à l’action, mais à la résignation. On se réjouit que certains se demandent s’il faut vraiment continuer à inviter les climatosceptiques sur les plateaux télé, ou si ceux-ci font du bien à la science et au débat démocratique.
Car la crise climatique devrait provoquer  un sentiment d’urgence des décisions, et non l’agitation  stérile – souvent à l’initiative, il faut bien l’avouer, des politiques. Celle ci  n’amène qu’à la défiance, et deux choix s’offrent alors à nous : la résignation devant « ces choses qui nous dépassent », ou  la préférence paresseuse pour le complot.

Certains penseront aussi que les médias « ne disent pas tout, et que tout ce qu’ils ne disent pas se trouve sur internet ». C’est d’ailleurs parfois vrai… Mais, le nouveau réflexe de l’opinion commentant, instantanément, un événement fait qu’elle bascule vers des explications complotistes – ce au même titre que les médias traditionnels.
Quand chacun y va de sa propre interprétation, le citoyen est perdu. Le désordre du web conduit à un ordre factice. Le complotiste vous donnera en effet l’illusion d’apporter un peu de cohérence à ce désordre, uniquement par la réfutation méthodique d’arguments avérés par les médias et/ ou par les politiques. Pour cela, il utilisera la même logique que ceux qu’il critique : titres racoleurs, preuve par l’image… (On pense, dans le cas de Charlie Hebdo, à la polémique autour des rétroviseurs de la voiture des terroristes).
Séduisant, non ? La rhétorique du « on vous ment », on le sait, est aujourd’hui fructueuse. Même pour des domaines scientifiques, comme pour celui du climat,  elle fait  recette.
Climatosceptiques : du complotisme actualisé
Il n’est pas étonnant, de nos jours, de voir certains acteurs profiter d’un moment particulier pour faire valoir leur arguments – souvent vides – en faveur d’un complot organisé. Cela offre une « fenêtre d’écoute » très convoitée. En ce qui concerne le climat, ce moment, c’est évidemment la COP21. Les climatosceptiques, eux non plus, ne datent pas d’hier: seulement, on observe un retour sensationnel de leurs théories, à la veille de la conférence mondiale des Nations Unies.
À la source de ce scepticisme, on trouve la même défiance envers les institutions, médiatiques et cette fois scientifiques. D’une part, on observe en effet un certain catastrophisme à l’oeuvre dans les médias quand il s’agit de traiter un événement climatique. Images chocs, témoignages tristes et effrayants, bref, la « fin du monde » ne semble jamais loin. Là aussi, on préfère la polémique à la pédagogie, le sensationnalisme à l’information. Le sentiment d’impuissance prend le pas sur celui de la volonté d’agir, de trouver des solutions, de s’adapter.
D’autre part, le GIEC (Groupe Intergouvernmental d’Experts sur les Effets du Climat, crée en 88 par deux instances de l’ONU) a beaucoup de mal à se faire entendre : les accusations d’une trop grande complexité des rapports (même pour les Etats…) s’ajoutent aux accusations d’erreurs scientifiques – même quand elles sont corrigées ; et aussi au scandale sexuel qui a touché le président du groupe l’année dernière. Pas étonnant que le complotisme y trouve un terrain particulièrement intéressant.

 
Les climatoscpetiques ont par ailleurs une lourde responsabilité : la chimère du complot dissimule la réalité. En attendant, on compte à ce jour les réfugiés climatiques à 23 millions de personnes. Quand on parle de réchauffement, on ne parle pas seulement de la fonte des glaces – à des milliers de kilomètres de chez nous. On parle de morts, de drames, de catastrophes ; bien réels. Nier tout cela est à la limite de « l’indécence », selon Emmanuelle Cosse, élue EELV.
Le cas Philippe Verdier : quand monsieur météo fait dans le climat…
Tout cela n’enchante pas vraiment notre vision du monde. Quelle meilleure réponse à ce désenchantement que sa réfutation complète, par le biais de révélations des plus gargantuesques ? Il s’agit de « magnifier » l’événement pour le rendre soi disant plus intelligible ; tout ça en masquant allègrement des vérités que chacun peut pourtant voir de ses propres yeux (quand la pollution de l’air ne les pique pas…).
Le scandale médiatique autour du livre de Philippe Verdier, Climat Investigation, témoigne de la gêne occasionnée par ce genre de discours conspirationniste, le plus souvent dénué de toute preuve. En effet, le livre ne contient ni notes, ni bibliographie. Mais ! Pas de panique, « quand les températures sont plus confortables, nos modes de vie s’adoucissent », nous dit Philippe Verdier. Avec un tel postulat, qui a besoin de preuves, après tout ?

Personne n’a véritablement besoin d’avoir un doctorat en sciences climatiques pour comprendre, à la vue de cette vidéo « trailer » du livre, qu’ici le complotisme (même s’il est nié) est utilisé uniquement à des fins marketing. On voit mal en effet comment un sujet aussi sérieux peut être traité de manière crédible et scientifique, quand il est présenté sur la bande originale du film Interstellar, en images accélérées –  ou encore quand le champ lexical de la guerre (« machine de guerre », « peur », « otages »…), mêlé à celui de la tromperie (« manipulation », « corruption », « conflit d’intérêt »… Oui oui, tout ça en même temps) laisse entendre une volonté de dénonciation, plutôt que d’investigation.
On ne sait pas, alors, s’il faut se réjouir ou pleurer de ce changement de nature du conspirationnisme. Le cas Philippe Verdier nous montre qu’il peut parfois être risible – donc peu crédible.
Reste que nier l’évidence est plus apaisant que s’accoler à la résoudre, et il est désolant de voir cette négation prendre plus d’ampleur dans les médias que les solutions mises en œuvre face au changement climatique. On peut cependant constater que malgré cet espace médiatique offert au complotisme, il ne trouve toujours pas de place au sein des décisions étatiques ; sauf si ceux qui s’en nourrissent arrivaient un jour au pouvoir…
Faustine Faure
@FaustineFaure
Sources
Revue Esprit, La passion du complot, Novembre 2015
http://www.franceculture.fr/emission-culturesmonde-l-art-du-mensonge-44-theories-du-complot-la-fabrique-de-la-mefiance-2015-11-0
http://www.franceinter.fr/emission-le-79-emmanuelle-cosse-les-climatosceptiques-me-font-penser-aux-negationnistes-du-sida-des-

http://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/11/09/s-il-y-a-eu-un-echec-du-giec-c-est-sur-la-communication_4805927_1650684.html
http://libelalettredorion.blogs.liberation.fr/2015/11/06/un-refugie-climatique-debarque-du-service-public-televisuel/
http://www.liberation.fr/planete/2015/10/15/climat-une-bonne-dose-antisceptique_1404928
http://www.slate.fr/story/110803/urgence-climatique-quarante-trois-ans 
Crédits photos
http://www.joewebbart.com/
http://www.mondesetranges.fr/spip.php?article91
9gag