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On a tiré sur… le New-York Times !

95 ans que le géant américain n’avait pas publié d’édito en Une, ce fut chose faite ce samedi 5 décembre. En effet, suite aux attentats de San Bernardino datant du mercredi 2 décembre et ayant fait 14 morts, le troisième quotidien le plus lu aux États-Unis a décidé d’élever sa voix contre la circulation d’armes à feu dans le pays. Un véritable tollé communicationnel.
L’acte barbare qui a fait bondir les journalistes
L’acte a été perpétré par un couple, agissant sous l’effet de la propagande de l’État Islamique, au moyen d’armes à feu. Dans les colonnes des quotidiens américains, notamment du Huffington Post, celles-ci sont décrites comme un véritable “arsenal de guerre”.
Trois jours plus tard, c’est contre ces mêmes armes, que les civils peuvent se procurer de façon légale aux États-Unis, que la voix des journalistes du New York Times s’élève. “C’est un scandale et une honte nationale que des civils puissent acheter légalement des armes destinées spécifiquement à tuer des personnes avec une rapidité et une efficacité brutale”, peut-on lire en première page du journal.
Le Times new-yorkais prend pour cible les élus, qu’il juge trop laxistes face à la question du port d’armes au sein du pays. En effet, Barack Obama, durant ses deux mandats consécutifs, n’aura jamais su faire accepter le renforcement d’un ensemble des lois sur les armes. Sans parler des sympathisants républicains, à la tête du Congrès, qui reçoivent pour la plupart un soutien financier tout droit venu du lobby des armes, la NRA (National Rifle Association), et qui n’ont donc aucun intérêt à voir ces lois se consolider. Rappelons que les armes à feu font en moyenne 300 victimes et blessés par jour aux États-Unis.

Une prise de position se transforme en couac…
Malheureusement, si la prise de position du quotidien sur le sujet est tout à fait recevable, celui-ci multiplie les erreurs et décrédibilise alors son propre édito, le laissant, désarmé, aux mains de ses détracteurs.
Le premier problème se trouve sur le fond. Ainsi, le Huffington Post reproche à son concurrent son manque de courage quant à sa prise de position. En effet, le terme d’interdiction des armes à feu n’est à aucun moment mentionné dans l’édito, et c’est pourtant ce que le New York Times prône. Par ailleurs, le journal se trompe de cible en pointant du doigt les armes à feu, puisque la plupart des tueries aux USA ne sont pas perpétrées par ce type d’armes, mais bien par les armes de poing.
Erick Erickson, commentateur sur la chaîne CNN, s’est montré plus agressif en critiquant la forme: il a tiré sur la Une, invoquant un cruel manque de profondeur, avant de poster la photo sur Twitter. Il qualifie l’édito de “creux” et se vante d’avoir ajouté quelques trous à la page. Ainsi criblée de balles, la Une du journal prend l’allure d’un torchon.
 

Enfin, les quotidiens américains s’accordent pour remettre en cause l’efficacité d’une telle démarche. Pour rappel, lorsque le New York Times publie en 1920 un édito en Une, celui-ci a pour but de décrédibiliser la candidature du républicain Warren G. Harding à la Maison Blanche. Ce dernier finira par remporter les élections.
Cette façon de procéder semble donc trop cavalière et trop brutale pour avoir un réel impact en terme de communication. The Daily Beast écrit ainsi “Apparemment même le New York Times pense devoir gueuler pour être entendu.”. La qualité de l’information s’efface sous le poids de la colère.
Une cause pourtant bien défendue… par les autres.
Si le New York Times rate cette fois sa cible, la cause en a inspiré d’autres, notamment l’organisation MomsDemandAction, formée par des parents craignant pour la sécurité de leurs enfants dans les lieux publics, notamment à l’école. Cette association s’est implantée dans chacun des 50 états américains.

Soutenue par le Président Obama lui-même, qui apparaît dans l’une des vidéos du collectif Everytown for Gun Safety, l’organisation avait lancé en 2013 une campagne de pub très remarquée puisqu’elle mettait en scène des enfants armés. Un visuel choc allié à un puissant cynisme : on apprend sur l’une des affiches publicitaires que la vente de Kinder Surprise a été interdite à l’école pour la sécurité des enfants. Quelle ironie lorsque l’on sait que ceux-ci sont toujours menacés par la possible présence d’armes au sein des établissements !
Le combat ne s’arrête pas donc pas là pour ceux qui rêvent d’une législation plus ferme sur la circulation d’armes aux États-Unis. Mais les lecteurs du New York Times, eux, risquent d’attendre longtemps le prochain édito en Une. Rendez-vous dans 95 ans alors, au sein d’une Amérique qui sera peut-être enfin devenue une « gun free zone ».
Manon DEPUISET
@manon_dep
Sources :
New York Times, End the Gun Epidemic in America, 4 décembre 2015
Huffington Post, Le New York Times appelle à un contrôle des armes à feu dans un éditorial au vitriol, publié sur sa Une, 5 décembre 2015
Arrêt sur images, Armes à feux: édito (polémique) en Une du New York Times, 7 décembre 2015
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