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L’expérience médiatique, hic et nunc

 
Notre rédactrice Margaux Putavy s’est livrée à une analyse des enjeux de l’expérience médiatique aujourd’hui, en nous éclairant sur l’aspect davantage transmédiatique que cross-médiatique – une réflexion sur nos écrans, à travers l’exemple du dispositif transmédiatique mis en place dans le cadre de l’émission Master Chef.
Avant, on regardait des émissions comme Master Chef, passivement, le mercredi soir. Et puis on attendait la semaine suivante, pour reprendre l’aventure là où on l’avait sagement laissée. Pour patienter, on pouvait, au mieux, revivre l’émission en replay, ou bien se découvrir une passion subite pour d’autres programmes dans la semaine. Mais ça, c’était avant.
En effet, les contenus médiatiques jusque là cantonnés aux médias traditionnels, et plus particulièrement la télévision, envahissent désormais tout notre univers quotidien. Rares sont aujourd’hui les émissions dont l’influence se limite aux 120 minutes de diffusion. Il est bien plus fréquent, et bien plus efficace, de concevoir des programmes susceptibles de se décliner en différents formats. En d’autres termes, on ne peut plus nier qu’il n’est absolument plus pertinent de penser les différents médias indépendamment les uns des autres. Mais alors pourquoi ? Ou, plus exactement, pour quoi ? Quelles sont les conséquences, pour les téléspectateurs et leur consommation des médias de telles approches transmédiatiques ?
Reprenons le cas de Master Chef qui, à plusieurs égards, s’avère être particulièrement emblématique de cette tendance. Le 28 août 2013, peu avant le lancement de la saison 4, le site MYTF1 dévoilait le « dispositif digital exceptionnel » mis en place autour de l’émission. Du livre à la tablette, en passant par la presse magazine, les mobiles, le site web, les IPTV, nombre de supports ont donc été mobilisés et mis en relation. Le site MYTF1, par exemple, proposait un « Défi Master Chef » qui, lors de chaque diffusion, récompensait quelques téléspectateurs chanceux et perspicaces ayant donné leur avis sur les créations culinaires ou ayant deviné quel candidat subirait le « test sous pression ». De la même manière, les pages Facebook et Twitter de l’émission, grâce au hashtag #MaSoiréeMasterChef, permettaient aux internautes d’organiser leurs propres soirées MasterChef en mettant à leur disposition une recette de l’émission en avant-première, une boite à outil composée d’ingrédients ludiques, des éléments pour habiller leur table, des grilles de Bingo et en leur donnant l’occasion d’échanger leurs astuces sur les réseaux sociaux. Enfin, les téléspectateurs ont également pu se procurer en kiosque le MasterChef Mag et en libraire cookbook de la nouvelle saison ainsi que le coffret MasterChef Pâtisserie.
L’idée est de proposer, bien plus qu’une simple émission de télévision, une véritable « expérience » MasterChef. Déjà lorsque le terme de transmédia est employé pour la première fois par Henry Jenkins en 2003, il s’agit d’associer plusieurs supports afin d’étendre un univers. Ainsi, en créant un contenu exclusif et original pour chaque support, l’on ne se contente plus d’adapter un même format pour divers écrans, comme c’était par exemple le cas avec le replay qui permet de revoir la même émission mais sur l’ordinateur. La télévision ne peut donc plus se contenter d’envisager le web et les autres médias comme des plateformes de rediffusion et de promotion. Il est maintenant nécessaire d’aller au-delà du cross-média puisque le transmédia, lui,  génère une expérience qui se veut unique, enrichie et presque complète.
De cette manière, le contenu médiatique est fragmenté et devient ainsi accessible partout, tout le temps, de toutes les façons possibles. Ce fait est révélateur de la mutation que connaît aujourd’hui toute la culture numérique, au sens où l’entend Milad Doueihi dans son ouvrage Qu’est-ce que le numérique. Autrefois culture assise, culture « de la chaise » même selon Mauss, elle a su s’adapter à la mobilité qui caractérise nos sociétés occidentales. Les contenus médiatiques sont alors entièrement intégrés dans la quotidienneté et notre rapport au temps et à l’espace s’en trouve d’ailleurs modifié. Si le rendez-vous télévisuel hebdomadaire, vécu dans l’intimité du foyer, a pu représenter un rituel, on tend aujourd’hui à privilégier une certaine hybridation des repères spatiotemporels : l’espace numérique investit l’espace traditionnel et l’expérience médiatique se diffuse dans des temps plus inhabituels.
De la même façon, le digital donne implicitement au corps une place centrale dans l’expérience médiatique. Les tablettes et les Smartphones réintroduisent le toucher au sein même du numérique. Ainsi, le transmédia acquiert une valeur sensorielle et les programmes télévisuels prennent pour le téléspectateur une nouvelle dimension, ils se trouvent bel et bien enrichis et gagnent en relief. Cette prégnance du toucher prend une valeur toute particulière dans le cas des émissions culinaires. MYTF1 annonce « Du tablier à la tablette » ; on peut aller plus loin. La plupart des applications mises en place encouragent le téléspectateur à tester lui-même les créations gastronomiques montrées à l’écran ou conseillées par d’autres internautes. Dans un mouvement dialectique, il s’agit alors d’enfiler soi même un nouveau tablier, de dépasser et d’accomplir le contenu médiatique en lui conférant une application tangible et matérielle. Et c’est peut être à ce moment précis que la médiation remplirait à merveille son rôle : par écrans interposés, elle se contenterait de transmettre les gestes des professionnels et des candidats vers les téléspectateurs anonymes. Si le concept de télé-coaching misait déjà sur cette idée de mise en application de conseils pratiques, le transmédia resterait le meilleur moyen d’impliquer les téléspectateurs et d’insuffler aux médias traditionnels un véritable souffle de dynamisme.
Mais le transmédia ne concerne pas uniquement l’extension de l’expérience médiatique dans le temps et dans l’espace. Même pendant la diffusion des programmes, plusieurs facteurs concourent à complexifier l’expérience des téléspectateurs. Nombreux sont ceux qui s’évertuent à commenter, en direct, les émissions qu’ils visionnent sur les réseaux sociaux, les exemples les plus probants étant la diffusion du Super Bowl en 2012 qui a engendré plus de 30 millions d’interactions ou les épisodes de « The Voice » qui s’accompagnent d’environ 300 000 tweets chaque samedi. Ce genre de pratique devient un véritable enjeu pour les entreprises médiatiques. Une étude de 2012 révèle en effet que 65% des Français souhaitent que la télévision laisse plus de place aux téléspectateurs. De même, 41% des Français assurent qu’un commentaire posté pendant une émission peut leur donner envie de regarder ladite émission et cette proportion atteint 48% chez les 18-34 ans. Engager les téléspectateurs en temps réel devient alors une priorité, d’autant plus que la télévision, reconnue comme média particulièrement émotionnel, s’y prête à la perfection. Pour ce faire, la solution la plus efficace est de proposer à chacun une expérience unique, en d’autres termes de faire de chaque téléspectateur le co-créateur du contenu médiatique. C’est ainsi que Benoît Vidal, Chief Digital Officier chez MFG labs, distingue trois solutions pour personnaliser les expériences télévisuelles. Tout d’abord, il cite le Social Datatainment qui consiste à encourager les commentaires sur les réseaux sociaux à l’aide des hashtags. Ensuite, il s’attarde sur le Core Datatainment en insistant sur le second écran qui permet, à un moment précis, d’enrichir voire d’augmenter la narration. Enfin, la personnalisation atteint son paroxysme avec le Full Datatainment qui intègre le navigateur dans le téléviseur et transforme ainsi le second écran en télécommande intelligente. De cette manière, chaque téléspectateur lambda, devant son poste, devient un acteur essentiel et générateur de sens inédit. Cette autre expérience transmédiatique rend ainsi les programmes bien plus stimulants et attractifs.
Bien évidemment, certains programmes se prêtent plus à ces pratiques de « live tweets » que d’autres. Il s’agit de la téléréalité, des manifestations sportives et des shows du type « The Voice », dont le caractère spontané et propice aux rebondissements et coups de théâtre invite au commentaire. Mais alors, qu’en est-il de la fiction ? Les séries américaines diffusées à la télévision risquent bien de perdre peu à peu de leur pertinence dans la mesure où il est désormais tentant et très aisé de les visionner bien en avance sur Internet. La fiction à la télévision doit alors tout faire pour conserver son statut d’événement immanquable. Certaines expériences démontrent que la solution a peut être un nom et qu’elle s’appelle, une fois de plus, « transmédia ». La chaîne D8 par exemple a lancé en décembre 2013 la série What Ze Teuf dont l’intrigue était déterminée par les internautes sur Twitter. Après chaque diffusion, les téléspectateurs disposaient ainsi de quelques heures pour imaginer des péripéties que les acteurs s’efforçaient de tourner dès le lendemain mettant ainsi en place une stratégie originale et participative. Mais la télévision n’est pas la seule à s’emparer du transmédia. L’univers du jeu vidéo permet aussi de penser une « fiction totale », comme le suggère Eric Viennot, fondateur de Lexi-Numérique. Il présente sa création, In Memorium, de la façon suivante : « Les joueurs achetaient un CD-rom, puis devaient se connecter à Internet pour chercher des indices et contribuer à l’enquête de la police. Les internautes se retrouvaient sur des forums pour résoudre les énigmes du jeu. L’un des moments les plus trépidants survenait lorsque le joueur recevait en pleine nuit un message du tueur en série sur son téléphone portable. Réalité ? Fiction ? ». Un tel « jeu de réalité augmentée » allie savamment jeu vidéo, Internet, mobile et s’appuie plus que jamais sur une dimension communautaire.
Ces derniers exemples mettent ainsi en lumière l’exceptionnel potentiel des phénomènes transmédiatiques. Si les écrans sont encore bien présents et perceptibles, il est fort probable qu’à terme ils tendent à s’effacer au profit de nouvelles technologies telles que les Google Glasses. Toujours est-il que l’objectif reste le même, à savoir proposer des expériences sensorielles toujours plus abouties. Si ces expériences sont bien virtuelles, il faut maintenant plus que jamais souligner qu’elles n’en sont pas pour autant irréelles, seulement informatiquement simulées. En établissant cette distinction primordiale dans son ouvrage L’Etre et l’Ecran, Stéphane Vial nous invite à nous interroger sur le statut de telles expériences qui semblent, par leur caractère totalisant, se fondre dans notre réalité la plus banale. Finalement, la question du transmédia n’est-elle pas plus large qu’elle n’y paraît ? N’est-elle pas autant une réflexion sur les écrans et les médias qu’une méditation sur ce que nous appelons encore notre réalité ?
 
Par Margaux Putavy
Sources
Éric Viennot et Xavier de la Vega « Entretien avec Éric Viennot : « Vers une fiction totale » », Les Grands Dossiers des Sciences Humaines 3/ 2012 (N° 26) p. 39-39
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LA MÉDIAVORACITÉ DES STRATÉGIES MARKETING : CROSSMEDIA ET TRANSMEDIA À LA RESCOUSSE

 
Pour ce premier article du Dossier, deux de nos rédactrices vous proposent leurs interprétations des stratégies marketing autour du cross-média et du transmédia, en passant par un éclaircissement définitionnel de ces deux termes. En quoi le cross-média diffère-t-il du transmédia ? Comment annonceurs, agences et chaînes TV les intègrent-ils dans leurs campagnes ? 
Le mot d’ordre de toute entreprise médiatique aujourd’hui : la visibilité. Mais quitte à être partout, mieux vaut ne pas le faire n’importe comment.
Plurimédia, cross-média, et dernièrement transmédia… Autant de termes traduisant cette logique et inspirant confusions et interrogations. A première vue identiques, ils se distinguent néanmoins par leur logique marketing qui ne cesse de subir « l’évolution naturelle de la consommation des médias par le consommateur ». Il apparaît d’ailleurs d’autant plus important de saisir les nuances entre les différentes notions que celles-ci sont utilisées dans diverses stratégies marketing par les annonceurs. Tentons donc d’éclaircir ces concepts (et d’éviter de vous perdre), tout en intégrant ces derniers dans des logiques marketing concrètes.
Les premiers pas : et un, et deux, et trois médias !
Dans les années 1990/2000, le plurimédia s’imposait. Il s’agissait alors d’augmenter sa visibilité sur plusieurs médias simultanément, et ce de façon plus ou moins cohérente. Mais les médias se consommaient un à un, sans aucune espèce de lien entre eux, si ce n’est une identité de marque. On se souvient ainsi des produits dérivés issus de la première édition de la Star Academy, diffusée en 2001 sur TF1, qui a abouti à la vente de 400 000 billets pour la tournée, 800 000 exemplaires du magazine, 2 millions de singles et 1,5 million d’albums. La deuxième édition, elle, a donné lieu à la création d’un jeu de société, destiné à transformer toute la famille en stars, et d’un magazine Star Academy, « Le mag de toutes les stars » réalisé par BestNet de Georges Attal. Il s’agissait alors, tout au long des différentes éditions de l’émission, de gagner en visibilité autour de produits dérivés portant la marque « Star’Ac. »
Le cross-média : créer du lien entre les différents supports
C’était le temps du « visible partout » par addition de messages indépendants et dont la cohérence s’articulait principalement autour de la marque. Puis l’arrivée des téléphones portables et l’explosion d’Internet ont changé la donne et la stratégie. Il n’a plus été question de simultanéité et de quantité, mais de connexion : le cross-média était né. L’impératif marketing devient alors de créer du lien entre les médias eux-mêmes afin de renforcer l’impact du message. Une publicité dans un magazine peut renvoyer à un site Internet, renvoyant lui-même à la télévision. Dans le cross-média apparaît également la nécessité d’une histoire pour que « la campagne cross-média guide le consommateur des médias de masse jusqu’à l’acte d’achat », dixit Emmanuel Roye, directeur délégué de NRJ Group. De facto, le cross-média fait intervenir la notion de temps, puisque le dispositif doit avoir un début, un dénouement avec sa dose de suspense, et une fin. Coca-Cola (1) a ainsi opéré une campagne cross-média en réactualisant en janvier 2013 ses traditionnels ours blancs dans ses publicités ; la diffusion d’un spot publicitaire de 60 secondes invitait le consommateur à découvrir un film d’animation de 6 minutes réalisé par Scott Free sur le site officiel de la marque (et également sur YouTube). De même, un retour sur 90 ans de relation entre l’ours polaire et Coca-Cola et une représentation des actions engagées par la marque en matière de croissance responsable ont également été développés sur le site. Avec un tel déploiement, les annonceurs ont alors l’opportunité de diffuser un message davantage ciblé avec des possibilités de personnalisation et surtout d’interaction.
Toujours dans cette logique cross-médiatique, qui permet de communiquer une information, d’entretenir un lien et une fidélisation à travers des médias complémentaires, on peut également penser à la fameuse Odyssée de Cartier. Pour son 165ème anniversaire, le joaillier a invité au voyage et au rêve tout en affirmant la place du luxe dans l’ère du digital. Le film réalisé par Bruno Aveillant avait ainsi été disponible sur Internet avant sa première diffusion sur TF1 et Canal +, dans les salles de cinéma, les magazines ou bien le site dédié (www.odyssee.cartier.fr). La connexion entre ces médias ? La panthère, emblématique de la marque depuis 1904. L’animal se déclinait sous différentes formes, que ce soit la panthère à plusieurs carats sur une bague, le bébé panthère pour le côté mignon tout doux… Toute une aventure retraçant l’histoire de Cartier tout en lui donnant une image jeune, intemporelle.

 Cependant, peut-être le crossmédia ne s’arrête-t-il pas aux annonceurs pour autant. Utiliser plusieurs supports pour diffuser un concept, une vision, renvoyer à un site Internet et créer une communauté… Sans que cela n’entre nécessairement dans une stratégie publicitaire ou marketing, on pourrait aller jusqu’à analyser la situation de l’un des artistes contemporains les plus médiatisés du moment : Banksy. Anticapitaliste, antimilitariste, maniant l’humour, la politique et la poésie dans ses pochoirs, l’artiste est également réalisateur (Faites le mur) et auteur (Guerre et spray), tout en relayant sur Internet ses voyages et créations (en témoigne son site lors de sa visite à New-York – banksy.co.uk). L’interaction avec le consommateur pourrait alors résider dans le dynamisme des productions de l’artiste et dans le mystère qu’elles entretiennent.
Ainsi, dans le cross-média, les médias se font écho les uns les autres et entrent en résonance, alors qu’ils s’additionnent dans le plurimédia. La distinction devient cependant moins évidente avec l’arrivée de la notion de transmédia. Les définitions de ces deux phénomènes étant subtiles est souvent floues, tentons alors d’éclaircir les choses.
Le transmédia et la création d’univers dédiés au consommateur
Avec l’émergence des réseaux sociaux et les progrès technologiques croissants, cette « superposition de moyens complémentaires » (2) qu’est le cross-média est dépassée par l’usage du consommateur. Le nouvel enjeu aujourd’hui, c’est de multiplier le message sur toutes les plateformes possibles en faisant non plus de la superposition mais en invitant à imbriquer les messages entre eux, à prolonger l’expérience et surtout à placer le consommateur au cœur de l’histoire. La diffusion de la troisième saison de la série Hero Corp sur France 4, début octobre 2013, a par exemple été accompagnée d’un dispositif transmédia. Robin Digital Content et Simon Astier, cocréateur de la série, ont ainsi conçu une application gratuite sur Smartphone où le téléspectateur peut découvrir du contenu inédit pour aller plus loin dans l’histoire. En interagissant avec ses utilisateurs. L’appli invite aussi à participer à des enquêtes et à visionner des webséries inédites. Elle constitue enfin un second écran pendant la diffusion de la série. De même, durant l’été 2006, les créateurs de la série Lost ont lancé un jeu en réalité alternée (ou ARG), composé entre autre de sites viraux, vidéos et mini-jeux, afin de ne pas perdre l’attention de leurs fans entre les saisons 2 et 3.
 Il s’agit alors, avec le transmédia, de créer « une fiction dont vous êtes le héros », dixit Eric Viennot, créateur du jeu d’enquête Alt-Minds. Que ce soit dans une stratégie de cross-média ou de transmédia, l’interaction avec le consommateur s’impose comme mot d’ordre, mais le transmédia y ajoute une expérience immersive totale dans laquelle les entreprises et annonceurs cherchent à attirer le consommateur, ce dernier participant au sens propre à l’histoire. Par ailleurs, l’objectif des deux stratégies de déploiement médiatique diffère. Avec le cross-média, la diversité des supports sert davantage une stratégie marketing et commerciale, même si ce dernier a recours, dans une moindre mesure, à la mise en expérience du consommateur et à l’histoire (ou storytelling). On peut dire que le consommateur, face au transmédia, ne consomme pas seulement le produit, il vit et crée la marque. S’il s’agit toujours de cibler le message et de le rendre interactif, il est surtout question de dissimuler l’aspect mercantile derrière une véritable créativité grâce à la participation, au jeu et à un storytelling complexe, et d’effacer les différents médias convoqués dans un contenu à la fois global et varié.
Les annonceurs aussi s’emparent des réseaux sociaux – Facebook, Twitter, Instagram, Pinterest (qui sait, peut-être même Google+ un beau jour ?) – et amorcent des stratégies cross-média.
En 2012, pour fêter ses 75 ans, la SNCF a ainsi rejoint ces réseaux sociaux, permettant de suivre l’actualité du groupe, de partager les offres commerciales ou même d’organiser un jeu concours sur Instagram invitant les voyageurs à se faire photographes pour immortaliser leurs plus beaux moments sur les rails. A défaut de faire arriver ses trains à l’heure, la SNCF trouvait ainsi le moyen d’inclure ses clients dans son histoire.
Faut-il pour autant voir une stratégie marketing derrière chaque déclinaison de l’univers en question ?
Si l’on s’en tient au phénomène Harry Potter, on note bien une quasi omniprésence du monde des sorciers. A la base série de livres pour enfants, l’adaptation cinématographique n’a pas tardé à faire son entrée pour être suivie de jeux vidéo sur diverses consoles et ordinateurs, envahissant également les jeux plus « traditionnels » (Lego Harry Potter, jeux de société…) ainsi que la sphère Internet. L’abondante production des fans de la saga (fanfictions, création et financement de sites ou jeux en ligne dédiés à cet univers) s’ajoute à cela et pourrait faire croire à une stratégie commerciale. Cependant, le fait que cette déclinaison ait été progressive (et non l’objectif initial de l’auteur) et en partie amateur tend à infirmer cette idée. En revanche, la création du site www.pottermore.com pourrait bien s’en réclamer.
Plurimédia, crossmédia, transmédia sont autant de néologismes qui ont rapidement été mis à profit dans des logiques commerciales. Cependant, ces nouvelles notions posent avant toute chose la question de nos rapports aux médias et de l’usage que l’on en a en tant qu’individu. Les annonceurs peuvent se servir d’autant de supports qu’ils le souhaitent pour pousser à l’achat, ce que nous consommons le plus, ce sont bien les médias eux-mêmes.
Par Annabelle Fain et Eugénie Mentré
(1) Un article du Dossier sera consacré aux stratégies marketing adoptées par Coca-Cola.
(2) Le cercle les Echos : « Le transmédia, avenir de la télévision ? »
Sources :
E-marketing.fr
Stratégies.fr
Orange.fr
Journaldunet.com
Ecs-paris.com

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