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Politique

Antifasciste tu perds ton sang froid

 
A Rennes, une manifestation anti-FN a dégénéré. Profitable à la communication du FN, mais défavorable à l’égard de l’image des antifascistes.
Un message contradictoire
Gérard de Mellon est candidat FN aux prochaines élections municipales à Rennes. Le 8 février il organise un meeting. Les antifascistes préparent alors un rassemblement. Malheureusement, la manifestation dérape.
La Bretagne est une terre hostile au FN, et par conséquent un territoire important pour ce parti qui cherche à s’y implanter durablement. Comme l’illustre cet article de Rue 89, depuis 2002, sur les 20 villes françaises qui votent le moins FN, 13 sont bretonnes et sont situées majoritairement dans la banlieue de Rennes. Que ce soit le FN ou les antifascistes, des deux côtés l’objectif était de faire passer un message fort. Ainsi, le lieu où se déroule le meeting de Gérard de Mellon est la salle de la Cité, considérée comme « la Maison du Peuple, symbole du mouvement ouvrier », le but étant d’inscrire le FN dans l’histoire de la ville de Rennes. Dans un communiqué de presse diffusé le 9 février, le maire PS de Rennes, Daniel Delaveau, qualifiera ce choix de lieu comme une « provocation ».
Le FN touche alors au symbole de trop pour des antifascistes échaudés par une forte présence médiatique de l’extrême droite. La peur que le FN s’implante en Bretagne et peut-être le ressenti d’une percée des idéaux de ce parti ont conduit les antifascistes à répliquer par un message fort.
Cependant, cela n’explique en rien leur comportement violent qui a entraîné des affrontements avec les forces de l’ordre et des dégâts matériels. Pourquoi ne pas avoir manifesté dans le calme pour communiquer en opposition de la violence morale des idées du FN dénoncée par les antifascistes ? Cette manifestation violente a été couverte localement… et nationalement (notamment sur les sites web des grands médias). De plus, les images diffusées sont celles de personnes cagoulées, avec des barres de fer, des pavés, brisant des vitres, brûlant une voiture, caillassant un commissariat, se battant avec des CRS dans un nuage de lacrymogènes. Certes, on parle de leur action mais tout ceci écorne l’image des antifascistes.

Le message est alors contradictoire : où se situe la différence entre la violence des groupuscules d’extrême droite dénoncée par les antifascistes, et les méthodes de ces derniers ?
Des dérapages qui servent la communication du FN
Ainsi, le grand bénéficiaire de ces dérapages semble être Gérard de Mellon, qui se félicite dans 20 minutes.fr, le 12 février dernier, d’avoir profité sans efforts d’une communication nationale : « Lundi, j’ai vu mon nom dans tous les journaux de France, sans rien demander ». Un communiqué du candidat, diffusé le lendemain des incidents, dénonce « des manifestants professionnels (sic) ultra violents ». Ce dernier en profite pour lancer une pique aux antifascistes en réaffirmant son « plus grand respect à la démocratie » ; sous-entendu que les manifestants eux ne la respectent pas. Stratégie de communication pertinente. Ce candidat milite pour un parti reconnu légalement, et les antifascistes empêchent sa campagne à travers l’intimidation. Communiquer sur les valeurs de la démocratie et de la République apparaît logique, et les arguments sont recevables.
Toutefois, des partis politiques communiquent à leur tour pour péricliter les messages du FN, comme l’illustrent les propos de Daniel Delaveau, maire PS de Rennes : « Le Front National, qui n’est pas un parti comme les autres, a choisi de tenir un meeting salle de la Cité, avec le sens de la provocation dont il est coutumier. Ses mensonges et son esprit polémique ne sauraient duper personne. (…) Si les idées d’extrême droite doivent être combattues sans relâche, ce combat ne saurait être mené en-dehors du cadre démocratique et du débat d’idées ».
Enfin, le FN clôt sa communication par un message de soutien aux citoyens rennais. Gérard de Mellon exprime ainsi « sa plus sincère compassion aux riverains et commerçants victimes de ces agissements et les forces de police de sa sympathie devant leur détermination ». Un message pour montrer que le parti veille aux intérêts et au bien-être des Rennais, et qui attaque les antifascistes en sous-entendant qu’eux n’agiraient qu’à travers des actes égoïstes et ne se soucieraient pas, par conséquent, de la population rennaise. Une communication logique au vu des dégâts matériels provoqués par la manifestation.
Un retour de bâton douloureux pour les antifascistes qui, à travers leurs actions, ont finalement servi la communication du FN.
 
Pierre Halin

Sources :
Le Monde
Atlantico
Rennes TV
Rue89
Francetvinfo.fr
Rennes.fr
Crédits photos :
Rennes TV
Le Télégramme