Société

Le datajournalisme va-t-il sauver les médias d'information ?

Perte d’audience, concurrence accrue, baisse de confiance… Les médias d’information payants sont aujourd’hui confrontés à une crise. Depuis quelques années émerge une pratique journalistique qui semblerait pouvoir leur redonner leur dimension d’antan : le datajournalisme.
Le « journalisme de données » est une technique qui consiste à analyser un vaste ensemble de données complexes (des data) pour en extraire des informations pertinentes et les rendre intelligibles au grand public. Les sources sont fiables, les informations à la fois attrayantes et intéressantes. L’intérêt du datajournalisme pour les médias d’information est d’autant plus visible lorsqu’il permet de faire des gros coups, qui boostent l’audience – les « Panama Papers » en sont un exemple criant. Mais lorsqu’il a prétention à devenir hégémonique, à être seul détenteur du Vrai, le datajournalisme dévoile ses failles. Nate Silver, star du datajournalisme aux Etats-Unis, en a récemment fait les frais en prédisant un score de 2% pour Donald Trump aux primaires républicaines.
La « crise » des médias d’information payants
Si l’on parle d’ordinaire de « crise » des médias d’information, c’est pour désigner la presse quotidienne française dont les ventes ne cessent de diminuer. Il faut pourtant nuancer cette affirmation, le déclin de 8,6% des ventes papier en 2015 étant assez bien compensé par les abonnements sur format digital, qui ramènent la baisse générale à 1,4%. Cependant plusieurs facteurs montrent que les médias d’information – pas uniquement la presse – connaissent actuellement des difficultés.
Un secteur très concurrentiel
Les quotidiens d’informations font face à la concurrence des médias gratuits. La plupart d’entre eux est aujourd’hui passée au bimédia, avec une version du journal disponible en ligne. Mais face au rythme auquel court l’information sur Internet, les quotidiens donnent accès à une grande partie de leurs contenus gratuitement en comptant sur les revenus publicitaires de leurs sites. C’était sans compter sur les « bloqueurs de pub » – AdBlock en tête – qui ont permis aux internautes de ne plus subir l’omniprésence d’annonces autour de leurs articles. Face à cela, plusieurs quotidiens ont mené une « opération contre les bloqueurs de publicité » en mars dernier.
A la télévision et à la radio, la concurrence est surtout à l’oeuvre entre les médias eux-mêmes. On comptera bientôt pas moins de quatre chaînes d’information sur la TNT : BFM TV, ITélé, LCI (arrivée le 5 avril), et la chaîne info du service public à partir de la rentrée prochaine. De même, la case la plus importante en radio est la matinale, dont la mission principale est d’informer.
Une perte de confiance
La confiance des Français dans les médias ne cesse de s’effriter. C’est du moins ce que dénote le « Baromètre 2016 de confiance des Français dans les médias » réalisé par TNS Sofres sur un échantillon de 1061 personnes. On y découvre que le degré de crédibilité des médias est en chute libre : sur Internet, il s’élève à 31% (huit de moins que l’année passée), 50% pour la télévision (-7%), 51% pour la presse (-7%) et 55% pour la radio (-8%). De même, 64% des interrogés considèrent que les journalistes ne sont pas indépendants du pouvoir politique, et 58% des pressions de l’argent.
Le constat est sans appel : les médias d’information pâtissent d’un déficit commercial et de confiance. C’est là que le datajournalisme entre en scène. Il va permettre à plusieurs médias d’informations de réaliser un coup d’ampleur mondiale, qui va alimenter leurs Unes pendant plusieurs jours.
Les « Panama Papers », la plus belle réussite du datajournalisme
Leur nom est un symbole à lui tout seul. Les « Panama Papers », en hommage aux « Pentagon Papers » du New York Times de 1971, sont une version 2.0 du journalisme d’investigation : un datajournalisme porté à une échelle mondiale. Ce sont en effet 370 journalistes issus de 109 médias internationaux qui ont épluché les quelques 11,5 millions de documents (2,6 téraoctets de données) de Mossack Fonseca, spécialiste de la création de sociétés écrans basé au Panama. Les rédactions, coordonnées par le Consortium International des Journalistes d’Investigation (ICIJ), ont démontré que les data alliées à un travail collaboratif permettent aux médias de faire des gros coups.
 

 
Les médias d’information participants ont redoré leur blason. Associées à la rigueur journalistique, les data ont une utilité citoyenne. Elles permettent de dévoiler les abus des puissants au monde entier. Avec les « Panama Papers », les médias d’information sont du côté du peuple. Et ce dernier le leur rend bien. Pour preuve le bond des ventes papier du Monde, seul journal français ayant pris part à l’opération : +109% le premier jour de la publication des révélations, +56% le deuxième. Le trafic web n’était pas en reste, avec 6,4 millions de visites cette semaine-là dont un tiers sont passées par un contenu « Panama Papers ». L’émission Cash Investigation (sur France 2), affichait quant à elle 17,1% de part d’audience pour son numéro consacré au scandale. On pourrait croire que le datajournalisme est tellement efficace qu’il finira par tout remplacer.
Le cas Nate Silver, ou quand le datajournalisme se brûle les ailes
Nate Silver est une star du datajournalisme aux Etats-Unis. Il doit cette popularité à deux coups d’éclat. Son site spécialisé dans le journalisme de données, FiveThirtyEight, a prédit les résultats dans 49 des 50 Etats durant les élections présidentielles de 2008 et a réalisé un sans-faute en 2012. Auréolé de ces succès, le datajournaliste affirmait en juin 2015 que Donald Trump n’avait que 2% de chances de s’imposer aux primaires de son parti. Bien que sa méthode (basée sur l’analyse des sondages et de l’histoire du pays) semble sans failles, Nate Silver s’est vu contraint de réévaluer cette estimation à 13% en janvier 2016 et a été ensuite dépassé par les événements.
N’a-t-il pas droit à l’erreur ? C’est sans doute ce qu’il aurait pu plaider s’il n’avait pas tenu des propos visant à décrédibiliser le rôle des éditorialistes politiques. Quelle importance pourraient avoir leurs opinions, leurs ressentis face à l’exactitude mathématique du datajournalisme ? Aucune, si l’on en croit son article publié le 23 novembre 2015 sur FiveThirtyEight. Intitulé « Dear media, stop freaking out about Donal Trump’s polls », il y réfute les critiques de ceux qui « couvrent la politique pour vivre ».
Depuis les abandons de Ted Cruz et John Kasich, les adversaires de Nate Silver ne cessent de faire remarquer ses erreurs d’estimation, souvent avec mauvaise foi. Ils mettent le doigt sur les erreurs, passant sous silence les nombreux succès. Le datajournaliste a par ailleurs reconnu avoir utilisé une méthode moins rigoureuse qu’à son habitude pour effectuer ses analyses dans le cas de Donald Trump et a révisé sa copie.
Que retenir de tout cela ? Le datajournalisme est une évolution profitable au secteur de l’information, en quête de renouvellement et de regain d’attrait. Mais lorsqu’il traite de politique, il a une limite. Certes il permet d’analyser la part sociologique de l’Homme : les statistiques illustrent ou dévoilent un fait social qui, en tant que norme, peut servir à prédire quelques comportements. Mais il ne peut percevoir le pouls d’une nation, son caractère ambivalent et imprévisible, aux traductions fortes (l’émotion collective, le débat…). Jusqu’à preuve du contraire, l’âme d’un peuple ne transparaît pas dans des données informatiques, ni dans les sondages.
Clément Mellouet 
Sources: 
La Dépêche, Presse: les quotidiens se battent pour compenser le déclin du papier, 03/02/2016
Le Figaro, Opération contre les bloqueurs de publicité, 21/03/2016
TNS Sofres, Baromètre 2016 de confiance des français dans les médias
NationalArchives.com, Pentagon Papers
Five Thirty Eight
Five Thirty Eight, Dear Media, Stop Freaking Out About Donal Trump Polls, 23/10/2015
Crédits photos: 
Observatoire du Web Journalisme
Youtube 
 

Société

Datas, algorithmes, robotisation: quand la machine s'empare de la création

Dans des temps ancestraux, l’Homme reléguait la machine et son intelligence au rang de chimères de science-fiction. La robotique n’était alors qu’un vaste sujet qui nourrissait des films d’anticipation aux allures de fin du monde. En ces temps-là, l’imagination et la création étaient d’irrationnelles vapeurs qui ne pouvaient émaner que de l’esprit de l’Etre humain.
30 mars 2016 : on apprend que l’équipe japonaise de l’agence McCann est la première à compter un membre d’un genre particulier. Celui-ci répond au doux nom de « AI-CD β » (pour Artificial Intelligence – Creative Director). Robot entièrement créé par l’équipe McCANN Millennials et issu du projet Creative Genome, il occupe le poste de Directeur de la Création. Bien qu’on s’y attendait un jour ou l’autre, cette nouvelle a pu dérouter plus d’un professionnel de la communication.
Imaginez cinq minutes le bazar dans l’open-space…
L’art, le propre de l’Homme ?

La question de l’interaction entre l’Homme et la machine alimente un débat de longue date en sciences de l’information et de la communication. Dans les années 1950, le mathématicien Norbert Wiener fonde la cybernétique, science qui se penche sur les processus de l’interaction par phénomène de rétroaction entre l’homme et la machine, et recherche in fine l’optimisation des systèmes de communication. Très peu de temps après, Alan Turing reprendra les travaux de Wiener et mettra au point un test destiné à déterminer si la conscience peut être simulée par un ordinateur. Avec ses travaux sur l’intelligence artificielle, Alan Turing jette les bases de l’informatique telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Chercheurs comme artistes se saisissent de la question d’un art optimisé par la robotique, comme l’atteste par exemple l’exposition « Art Robotique », présentée à la Cité des Sciences et de l’industrie, à Paris en 2014.
Optimiser l’imagination ?

L’art robotique est-il un oxymore ? Professeure de philosophie, Charlie Renard traite justement de ce sujet dans l’un de ces articles, et s’interroge sur la question suivante : « que reste-t-il d’humain dans la création quand ce ne sont pas seulement les moyens mais le processus lui-même de création qui s’autonomise, s’automatise ? ». Derrière la prouesse technologique, c’est donc bien d’optimisation de la création qu’il s’agit. Mais peut-on réellement rationnaliser, optimiser l’imagination?
Les exemples de robots artistes sont bien nombreux. En 1973, Harold Cohen, professeur à l’Université de Californie, créé et développe AARON, un programme informatique capable de créer des œuvres d’art abstrait. Ses travaux ont fait l’objet de nombreuses expositions à travers le monde. Pour autant, la question de l’imagination de ce programme dans le processus créatif de ses œuvres reste à déterminer.
L’intelligence artificielle au service de la création touche tous les domaines artistiques. Par exemple, David Cope, musicologue et chercheur à l’Université de Californie, a créé dans les années 1990 un programme informatique compositeur de musique classique, nommé Emily Howell.
Plus récemment, une équipe de chercheurs japonais de l’université d’Hakodate a mis au point une intelligence artificielle capable d’écrire une nouvelle, grâce à des paramètres préétablis formant un algorithme. Celle-ci, intitulée tout bonnement « Le jour où une machine a écrit une nouvelle » a même été nominée à un prestigieux concours littéraire nippon, les Nikkei Hoshi Shinichi Literary Awards.
Prouesse technologique ou marketing ?
Tu nous a bien eu, Kevin
Ces nouvelles techniques de création au service du marketing posent évidemment la question de la standardisation de la culture et de l’influence du choix des consommateurs ? Si l’on rouvre les travaux d’Adorno sur la culture de masse, la publicité et les médias, celui-ci affirme que la culture de masse uniformise les aspirations et les goûts des classes sociales. Les technologies au service de la création d’une culture de masse ne feraient-elles alors de nous qu’un vaste troupeau de moutons de panurge ?
Sans tomber dans une telle paranoïa, on sait que quelques entreprises utilisent déjà ces algorithmes afin que leurs créations collent au mieux aux choix du consommateur. Vous avez aimé les fameux monologues-regard-caméra du délicieux Kevin Spacey dans la série House of Cards ? C’est normal, les algorithmes ont choisis pour vous cet acteur. Tout comme pour sa récente série Marseille, Netflix a utilisé ces programmes informatiques lors de la production pour déterminer le casting. Objectif : être certain de nous plaire.
Quand à AI-CD β, nouveau Directeur de la Création chez McCann au Japon, ses créateurs auraient élaboré un large panel de publicités télévisées primées, que l’intelligence artificielle exploiterait afin de cerner les tendances en matière de transmission du message publicitaire.
Quel avenir pour les métiers créatifs ?
Je vous présente la Team Créa du futur
Finalement, si le nouveau Directeur de la Création de l’agence McCann au Japon est l’aboutissement d’une véritable prouesse technologique, on comprend que la question de la substitution d’un humain à ce poste créatif – et plus technique comme l’on a pu le voir jusqu’alors – puisse remuer certaines angoisses chez les professionnels de la communication. De la même façon, Narrative Science a développé en 2014 le logiciel Quill, une intelligence artificielle capable de transformer des données brutes en articles de presse. Ce procédé a notamment été utilisé par le magazine américain Forbes.
Ce renouveau des pratiques professionnelles est synonyme des bouleversements entrainés par le progrès technique dans les structures de production des industries de l’information et de la communication. Tout cela constitue un processus perpétuel et intemporel où le nouveau élimine l’ancien, qui nous rappelle la fameuse « destruction créatrice » déjà théorisé par Joseph Schumpeter dans les années 1940 pour expliquer les cycles économiques, à l’époque de profondes mutations industrielles et technologiques. Coïncidence ? Je ne pense pas.
Mathilde Dupeyron
Linkedin 
Sources :
Julien Bordier et Igor Hansen-Love, L’Express, 24/01/15 
Pierre Fontaine, BFM Hightech, 26/03/16 
Martin Gayford, Technology Review, 15/02/16 
Korben, 25/02/10 
Llllitl, 30/03/16 
Charlie Renard, IPhilo, 12/12/15 
Crédit photos :
Banksy, New York Daily News 
Liberation 
Iphilo 
Genetics and culture
Télérama 
Les Inrocks

notification facebook nombre
Société

Sur le net, le nombre est d'or #Fibonacci

Elles sont décidément partout. Mine de rien, elles envahissent notre quotidien. Elles sont là, sous nos yeux. Elles cherchent à attirer notre regard, captent notre attention, nous promettent l’inconnu, et disparaissent dès qu’on frôle du doigt notre écran. Elles se font parfois désirer, parfois ignorer. Les réseaux sociaux leurs font la part belle. J’ai nommé : les notifications.
Un événement près de chez vous ? Un nouveau message ? Un anniversaire à souhaiter ? Toutes les occasions sont bonnes pour chercher à influencer notre regard et notre conduite sur les écrans. Les notifications illustrent à merveille l’invasion des chiffres sur le Web. On peut difficilement balader son regard sur un écran sans qu’un nombre se glisse sous nos yeux. Tout pour nous « notifier » que la navigation n’est pas si libre qu’elle n’y paraît. Retour sur une omniprésence oppressante, ignorée ou inconsciente pour certains. 
Des chiffres en surnombre
Que ce soit sur les réseaux sociaux, sur votre Smartphone ou sur votre ordinateur, les notifications se manifestent inopinément sur tous types de support. De la nouvelle publication aux emails en passant par les Snap de vos amis, elles jaillissent de nulle part, sans prévenir. Prévenir, c’est pourtant leur principale fonction. Les notifications sont une figure d’appel ou de rappel qui nous avertissent d’une nouveauté sélectionnée, qui nous est personnellement destinée.
Parallèlement, elles sont une figure de renvoi, elles ne sont que passage. Bien au chaud, protégées dans leur bulle, elles glorifient la nouveauté et se laissent porter par l’actualité en lui laissant leur place. Mais si les notifications s’inclinent face à la puissance de l’incommensurable temps, d’autres chiffres leur enclenchent le pas. Vincent Glad, journaliste du blog hébergé par Libération « l’An 2000, Chroniques numériques », dénonce « la tyrannie des chiffres sur Internet ». L’espace est saturé de chiffres, qui sont le moteur de « l’Internet social ».

Vous avez (3) trains de retard sur votre vie
Ces (1) ou ces (4) nous donnent l’impression que quelque chose est en attente, que l’on rate des informations majeures. De là naît un trouble psychique contemporain : « la phobie des non-lus ». L’habitude face aux notifications est si ancrée que certains en deviennent obsédé, comme si chacun de ces chiffres symbolisait un retard sur notre vie en somme. Vincent Glad évoque ainsi cette obsession du zéro, de l’absence, là où le modèle de la société numérique repose sur ces chiffres annonciateurs. Si l’informatique, les réseaux sociaux et les nouveaux modèles médiatiques ont bien participé d’une certaine accélération et d’une densification de l’actualité, ils ont par la même changé notre rapport quotidien au temps et à l’activité, introduisant de nouvelles exigences de présence numérique et de réactivité à l’événement, désormais marqué par un nombre. Cette pression de l’actualité, présent dans les médias traditionnels (chaînes télévisées d’informations en continu, live tweet etc.) aussi bien que dans sur les nouveaux supports numériques, se manifeste par une nécessitée accrue de chiffrer les choses, de réaliser des infographies, de collecter des data, de présenter le « chiffre du jour » etc. tant le chiffre est devenu un marqueur de la valeur d’une information.
L’actualité en temps réel : un oxymore chiffré
Sur Internet, les chiffres sont le témoin, simple et rationnel d’une existence, d’une actualité intéressante. Les nombres nous permettent de poser un regard apaisé sur la vie et ce flux permanent et insaisissable qu’est le temps. La folie des Big Data se comprend dans cette dynamique de stabilité sur une actualité qui s’accélère. Twitter est la parfaite incarnation du lien entre l’information en continu et l’abondance de chiffres : chaque nouveau tweet est indiqué qui là ne sont plus fixes, mais qui se succèdent presque chaque seconde. La fièvre des nouveaux tweets nous gagne rapidement.

Click the animation to open the full version (via penny stocks).
Selon le site planetoscope, véritable incarnation de l’obsession pour le temps réel, née de l’interconnexion croissante des personnes, de l’intensification des réseaux et de la densification des échanges, 5900 tweets sont expédiés chaque seconde sur Twitter, soit 184 milliards de tweets par an. Une masse d’information qui vient « alimenter le flot d’informations (« big data ») publiée par l’humanité chaque jour sur internet » et faire des nombres une structure du Net.

Internet : une liberté structurée
L’exemple extrême de la phobie du non-lu explicite l’aliénation des utilisateurs envers l’Internet social. La prédominance des chiffres sur Internet est l’occasion de repenser la liberté sur cet espace. En effet, la course à l’épuisement de l’actualité est intimement liée à la question de la nouveauté, qui n’est remarquable qu’« en rapport avec ce qui est établi, institutionnalisé, ou reçu à un moment donné, l’époque est donc en jeu. » selon Philippe Mengue, philosophe et auteur de Deleuze et l’histoire de la démocratie. Les notifications et tous les chiffres présents sur le Web font partie intégrante du concept même des réseaux sociaux et de toute application qui vise l’échange et l’interaction. De nos jours, ils rythment notre quotidien et jugent, sélectionnent d’un contenu en fonction de notre profil.
Il s’agit donc de défaire le mythe de la liberté sur Internet, au regard de la force des nombres et notamment des notifications. Mais Internet pourrait devenir encore plus inégalitaire avec un Internet à péage, qui pourrait établir un Internet à deux vitesses (two-tier society).
Deux rythmes, il y en existe déjà. Team (1) ou team (2479), choisis ton camp camarade.
Fiona Todeschini
@FionaTodeschini
Sources :
L’an 2000, Libération : http://an-2000.blogs.liberation.fr/2015/12/02/la-phobie-des-non-lus/
Planetoscope.com : – http://www.planetoscope.com/Internet-/1547-nombre-de-tweets-expedies-sur-twitter.html
Crédits images :
Planetoscope
L’an 2000
Pennystocks
 

cyber-sécurité
Société

La course à la cyber-sécurité, une quête sans fin

 
 
« Grâce à la liberté des communications, des groupes d’hommes de même nature pourront se réunir et fonder des communautés. Les nations seront dépassées. » Nietzsche
 Le développement des nouvelles techniques de l’information et de la communication a marqué un tournant dans notre façon de communiquer.
Accélération des échanges, diminution de la temporalité, nos médias sont dorénavant immédiats, au point qu’aujourd’hui, un sentiment d’ubiquité nous anime. Le terme ATAWAD, cher à Xavier Dalloz prend alors tout son sens : « AnyTime, AnyWhere, AnyDevice ».
Cette ubiquité n’a aujourd’hui plus de limites, et va au delà de la « simple » communication planétaire pour rejoindre celle de l’intrusion, de la surveillance. Il est fini le temps des solitudes électroniques.
Que ce soit dans le domaine du privé ou celui de l’entreprise, de nombreuses actions sont mises en place pour faire face à ces intrusions non désirées, à cet espionnage d’un nouveau genre, tout droit sorti du 1984 de George Orwell.
Cette intrusion se traduit de manière différente qu’il s’agisse d’une organisation, d’un Etat ou alors simplement d’une personne privée.
Aujourd’hui, il est facile d’écouter un téléphone portable. Les intrusions dans la vie privée des personnes et des entreprises sont considérables. Nos systèmes électroniques ne sont pas entièrement fiables.
Récemment, 100 millions de cartes de crédit  et de comptes bancaires ont été piratés en Corée du Sud déclenchant un scandale dans le pays. De manière semblable, il y a un mois la majorité des cartes de crédit à Bruxelles ne fonctionnait plus. Ce genre d’exemples laisse place aux idées les plus folles, quand on sait que notre identité numérique implique que nous dématérialisions de plus en plus d’éléments de notre communication quotidienne.
D’un côté, les États ont un rôle important à jouer, puisqu’ils sont des régulateurs. Ils peuvent instaurer de nouvelles règles de fonctionnement.
Sur le plan de la sécurité des données, la France reste un des Etats les plus performants, que ce soit avec l’aide de Thales, ou encore celle d’Amesys dans le cadre du développement de système à capacité cryptologique. Pourtant, on apprenait il y a peu que la France faisait partie du plan de la collecte massive d’écoutes de l’Agence de Sécurité Nationale des Etats-Unis (NSA).
Sur un tout autre plan, les applications telles que Viber, Skype, Lien permettent de passer des appels audios par le biais d’Internet, rendant caduque une mise sur écoute. Mais n’importe quel individu ayant les connaissances suffisantes peut avoir accès, par exemple, au serveur tiers et prendre pleine possession des données des utilisateurs ; c’est d’ailleurs ce qu’ont connu dernièrement Orange et Snapchat pour ne citer qu’eux.
Aussi, de véritables outils pour Smartphones se développent, comme TrustCall, qui, moyennant une certaine somme mensuelle, permet de rendre la totalité des communications téléphoniques cryptées.
Plus loin encore, la société BlackPhone met à disposition un téléphone « anti-NSA » au prix d’un Iphone, permettant de chiffrer directement les communications et détruisant la totalité des informations du téléphone lors d’une intrusion.
Qu’ont ces outils en commun ? Leurs failles. Ils ne permettent pas une protection totale, ils font barrage jusqu’à un certain point,  à commencer par ce téléphone « anti-NSA » qui ne permet pas d’empêcher la collecte de métadonnées de connexion, qui s’opère au niveau du réseau.
Si certains tendent à croire que le manque de solutions à ce problème d’intrusion au niveau de l’Etat est de l’ordre d’un conflit générationnel, ce n’est pas totalement véridique.
C’est une remise en question globale sur la manière dont nous utilisons ces nouvelles technologies de la communication et de l’information qui doit être effectuée ; une prise de conscience de ce qu’est le réseau, non dans sa forme positive qui est celle de la multiplication des échanges, mais dans sa forme intrusive, qui est celle de l’interconnexion.
Il ne faut pas oublier que ces outils développés par l’homme et pour l’homme évoluent chaque jour, et la recherche d’une confidentialité totale est une quête illusoire et irrémédiablement sans fin.
 Romain Souchois
Sources :
01net.com
Lemonde.fr
Crédit photo :
Media.melty.fr

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Play to Cure cancer
Société

Si jouer pouvait guérir

 
On nous annonçait il y a encore quelques jours que les jeux vidéos n’avaient pas d’impact négatif sur « les performances scolaires et cognitives » de ses joueurs. Aujourd’hui, le Cancer Research UK (institut de recherche mais aussi association caritative) fait mieux, en vous proposant de les aider à vaincre la maladie en installant un jeu intergalactique sur votre Smartphone.
Play to Cure – Genes in Space : un moyen de mettre à contribution le moins scientifique d’entre nous dans le traitement de données utiles à l’analyse des gènes responsables des dysfonctionnements cellulaires à l’origine du cancer.
Le message du Cancer Research UK est simple : nous pouvons tous contribuer à faire avancer la recherche sur le cancer – avec ou sans blouse -, et plus étonnamment, avec ou sans don*.
L’occasion de donner bonne conscience aux plus réticents à apporter leur contribution financière à la recherche, ou réelle campagne de sensibilisation ?

« The more players we have, the quicker we get the results, bring forward the day, when all cancers are cured »
 
Eléonore Péan
Sources :
CancerResearchUK.org
LaReclame.fr
* une application gratuite, disponible uniquement en anglais à l’heure actuelle

flux de donnees
Société

Données numériques, un enjeu stratégique majeur

 
Edward Snowden, l’informaticien américain assure que de nombreuses informations numériques venues du monde entier sont, chaque jour, interceptées par la NSA et d’autres entreprises privées américaines. Suite à cette révélation de détention de données européennes par les Etats-Unis, les Sénateurs français appellent à la mise en œuvre d’un projet européen de réglementation des données numériques.
L’Union Européenne doit absolument maîtriser les données relatives à son territoire, il en va de sa souveraineté. Outre une protection de la vie privée des citoyens européens, cela représente également un manque à gagner pour les entreprises européennes. La collecte de données permet, en effet, d’établir le profil de millions d’individus monnayables ensuite auprès des annonceurs ; ce qui constitue une manne financière considérable.
La solution serait de stimuler l’émergence d’un cloud européen – un ensemble de serveurs accessibles par internet qui traitent et stockent les données – car un texte de réglementation resterait insuffisant. En effet, actuellement le cloud produit par des entreprises américaines est soumis à la législation de ce pays. Ceci permet aux Etats-Unis d’user des données comme bon leur semble. A l’ère du numérique, il s’agit d’entrer dans la danse de gouvernance de l’internet mondial, élément incontournable de la puissance étatique. Parallèlement, il est nécessaire de développer une base industrielle de cyberdéfense des données numériques. La route reste longue avant que l’Union ne devienne un acteur prépondérant dans le domaine numérique.
 
Miléna Sintic

Société

The NSA is watching you

 
Presque trois ans après l’affaire Wikileaks, et en plein procès de Bradley Manning, une nouvelle affaire de fuite fragilise l’administration américaine.
Nom de code : PRISM
Le 2 juin, un homme révèle posséder des données secrètes relatives à un programme mené par la NSA (National Security Agency), intitulé PRISM et ayant comme objectif la surveillance de tous les américains. Il explique avoir récupéré ces documents dans l’intérêt du public. Il révèle son identité lors d’une interview réalisée par des journalistes du Washington Post et diffusée par le Guardian. Son histoire ressemble à un film d’espionnage américain.
Edward Snowden, 29 ans, ex-employé de la CIA, travaille en tant que consultant pour la NSA. Pendant quatre ans, Edward est un employé modèle. Le salaire élevé qu’il perçoit (200 000$ par an) le retient de poser des questions sur les écoutes, souvent  illégales, que ses supérieurs lui demandent d’effectuer pour le compte de la NSA. Au fur et à mesure que l’agence semble abuser de son pouvoir d’écoute, Edward commence à contester son organisation. En mai, il copie des donnée du programme PRISM, prétend devoir subir un traitement de lutte contre l’épilepsie afin de poser plusieurs jours de congés qui lui permettent de quitter le pays et annoncer la fuite d’informations classées secrètes à laquelle il vient de procéder.
Exilé à Hong Kong, Edward témoigne à visage découvert et explique qu’à travers cet acte, il souhaite alerter l’opinion américaine et internationale sur le caractère illégal des méthodes employées par la NSA. Selon lui, la NSA aurait accès aux relevés de communications téléphoniques et, plus grave, aux données de serveurs informatiques tels que Google, Apple et Facebook. Toujours selon Edward, la plupart des personnes placées sur écoute ne représente  en rien un danger pour la sécurité du pays.
Défendu sur internet par nombre d’internautes qui souhaitent connaitre l’utilisation qui est faite de leurs données, Edward risque aujourd’hui la prison. Mais avant d’être jugé, il faudrait que le jeune homme réapparaisse puisqu’il a mystérieusement disparu de son hôtel hongkongais le 9 juin.
De vives réactions aux Etats-Unis
Outre-Atlantique, les politiciens ont réagi violemment aux révélations du Guardian et du Washington Post. Des voix se sont élevées parmi les députés afin de s’opposer à ces pratiques d’espionnage. Le sénateur Rand Paul, a même déclaré «La saisie et la surveillance par la NSA de quasiment tous les clients de Verizon [un opérateur téléphonique] est une attaque stupéfiante contre la Constitution ». Ni la NSA, ni la Maison Blanche n’a jusqu’à présent démenti l’existence de ce programme, mais ces dernières se défendent de toute activité illégale. La NSA a demandé le samedi 8 juin une enquête au Ministère de la Justice américaine. Selon l’agence, tous les procédés utilisés visent à renforcer la sécurité du pays et la fuite dont elle a été victime constitue, en ce sens, une atteinte portée à son efficacité et à la mise à bien des futures opérations de lutte anti-terrorisme. A la Maison Blanche, même discours. Bien qu’il soit encore trop tôt pour l’affirmer, Obama pourrait avoir à justifier de la légalité du programme PRISM devant l’opinion américaine.
Et pendant ce temps-là en Europe….
La Commission Européenne a accédé positivement à une requête des Etats-Unis le 13 juin dernier. Les Etats-Unis souhaitaient que la Commission soit moins sévère sur la protection des données téléphoniques et numériques des européens. Le lobby américain a donc eu raison des réticences européennes. Est-ce une sous-estimation de l’enjeu de la protection des données ou une mise en danger conscientisée de la vie privée des citoyens ? Quoi qu’il en soit, en France, les débats sur la protection de la vie privée se cantonnent presque exclusivement à une remise en question de la vidéo surveillance ou à la protection des données bancaires sur Internet. Il serait souhaitable que l’acte d’Edward Snowden ne soit pas vain et que les médias favorisent un éveil des consciences sur les enjeux relatifs à la protection de la vie privée sur Internet.
 
Angélina Pineau
Sources :
L’interview de Eward Snowden
Résumé de l’affaire et réactions aux Etats-Unis
Résumé de l’affaire et réaction de la NSA
Bruxelles ou le bon sens de l’avenir

Société

Jacques a dit : les nuages s'assombrissent

 
Nul ne peut ignorer l’ampleur qu’ont pris les réseaux et les données. On reconnaît aujourd’hui le Big data comme l’un des enjeux majeurs de la société numérique et de son économie. Les utilisateurs manipulent, s’échangent et créent des données mais celles-ci sont essentiellement traitées et détenues par des sociétés privées américaines à l’instar des géants que sont Google et Facebook.
Cette nouvelle économie est aussi vaste qu’elle est complexe. De nombreux acteurs aux profils bien différents s’y croisent. Google et Facebook, par exemple ont tous deux dû diversifier leurs activités de moteur de recherche et réseau social pour correspondre et s’adapter à ce nouvel univers dont ils ont aussi contribué à façonner les contours. Traitement, stockage, partage, transfert… L’industrie des données ouvre sur une multitude de métiers et d’acteurs que nous ne percevons qu’à travers de grands noms comme ceux qui viennent d’être cités mais dont il n’est pas aisé de saisir l’étendue.
La France et plus globalement l’Europe sont en retard dans cette industrie. À la rentrée 2012, deux géants des télécoms, SFR et Orange, annoncent qu’ils vont investir sur le marché du cloud. Une réaction qui se veut un peu tardive mais qui a le mérite de créer un bond de notoriété à ce marché qui prend de l’ampleur depuis déjà quelques années.
 
Le cloud : du schématique à l’abstrait

Le cloud est un service de stockage de données en ligne qui désigne un contenu dématérialisé rendu accessible depuis plusieurs ordinateurs et smartphones.
Le mot cloud est d’abord un terme graphique qui vient de la forme utilisée par les diagrammes pour représenter un ensemble disparates d’éléments. Ici, ces éléments sont les nombreux services du cloud computing.
Dans la pratique, il existe depuis très longtemps. À partir du moment où nous sauvegardons un document en l’envoyant sur une boîte e-mail par exemple nous faisons du stockage en ligne. Mais il ne s’agit que de l’un des multiples services compris dans ce nuage.

Depuis un moment l’image du cloud semble être activée à nouveau. Popularisée par l’iCloud d’Apple, la symbolique remotivée renvoie aujourd’hui à une autre dimension où pourraient être stockées nos données en toute légèreté. Les tablettes et autres smartphones seraient comme les fenêtres qui donnent sur cet univers souvent illustré par un ciel bleu, paisible malgré quelques petits nuages dans lesquels sont parfaitement bien rangés nos fichiers qui nous suivent en permanence.
 
L’ envers du cloud
Cet imaginaire qui est développé par les professionnels de l’image sont autant d’indicateurs des incertitudes qui règnent face à ce cloud dont on parle tant.
Le mot fait le buzz, l’image est claire, mais ne représente que très peu la réalité. Les datacenters, le lieu physique où se trouvent les données sont bien moins sympathiques et médiagéniques que le cloud. Le stockage prend de la place, le stockage coûte beaucoup en énergie, le stockage implique de faire confiance à l’entreprise qui traite les données, le stockage signifie la perte des données… Toutes ces inquiétudes justifiées ne sont que très rarement prises en compte par les acteurs dominants sur le marché. Il y a un véritable manque de transparence qui ne laisse aux consommateurs français que le choix de faire confiance et d’accepter les offres existantes les yeux fermés.

Avec le lancement de Numergy, une infrastructure fournissant de « l’énergie numérique » et de SFR business team, la première offre de service de cloud française pour les entreprises, SFR innove en intégrant ces inquiétudes grandissantes.
On parle de « cloud maîtrisé », de « cloud souverain » ou de « cloud à la française ». Cela traduit un effort remarquable pour redonner un cadre à ces limbes numériques. Des infrastructures françaises, un opérateur français, une entreprise française et le soutien financier de l’État français.
Esther Pondy