Politique

Robert Ménard ou l’art de faire polémique

Le 11 décembre dernier, Robert Ménard a une nouvelle fois fait polémique en publiant sur Twitter sa toute récente campagne d’affichage réclamant la desserte de Béziers par le TGV. Il y représente, notamment, la femme de manière dégradante. Ce n’est pas la première fois que Robert Ménard, maire de la cité héraultaise, choque par le biais de sa communication.

Société

Who run the Internet ? Girls !

En ce mois de novembre 2017, le harcèlement sexuel est encore plus que jamais présent dans nos sociétés. Qu’il se manifeste au travail, à la fac, dans les transports en commun ou encore dans la rue, les femmes y sont chaque jour confrontées.

 #BalanceTonPorc

Depuis quelques semaines, l’affaire du producteur Hollywoodien Harvey Weinstein enflamme les communautés d’internautes. Les répercussions sont telles qu’il est quasiment impossible aujourd’hui d’éviter cette abondance de tweets accompagnés du hashatg #BalanceTonPorc. Cet hashtag a été lancé le 13 octobre dernier par Sandra Muller, fondatrice et directrice de la rédaction de « La lettre de l’audiovisuel », un média à destination des professionnels des médias et des instances dirigeantes. Le but de l’initiative de la journaliste ? Inviter toutes les femmes à prendre la parole sur le sujet. En résultent alors des dénonciations en cascade, comme l’illustre le cas de la militante du PCF Julia Castanier, à l’origine de ce tweet : « J’avais 25 ans et j’étais attachée parlementaire. En allant vers l’hémicycle, @jeanlassalle m’a mis une main aux fesses. #balancetonporc ». Sa révélation a par la suite poussé d’autres femmes à dénoncer à leur tour le député.

Quand les réseaux sociaux deviennent une arme
Les réseaux sociaux jouent bel et bien un rôle important dans cet éveil de la parole des victimes. En août 2012, la communauté « Paye Ta Schnek » faisait son apparition sur Facebook. Son objectif, « lutter contre le harcèlement sexiste que subissent les femmes de tous genres, de la part d’hommes ». La page s’attèle à publier des remarques sexistes entendues ici et là ainsi que des témoignages de victimes, afin de dénoncer l’omniprésence du harcèlement au quotidien.

 

 
Sur Instagram également, le 29 août dernier Noa Jansma, une étudiante néerlandaise, donnait naissance au compte @dearcatcallers. Ce « projet d’art » comme elle-même l’a présenté, avait pour objectif de montrer à tous ceux qui n’en auraient pas encore conscience, la fréquence du harcèlement de rue dans la vie quotidienne d’une femme. Pendant un mois, elle a publié 22 selfies pris avec chaque homme l’interpellant dans la rue à coups de remarques obscènes et autres insultes déplacées. Il s’agissait pour elle, comme elle l’explique dans une interview pour Konbini, d’utiliser le selfie comme une arme lui permettant ainsi « d’entrer dans l’intimité » de ces hommes de la même manière qu’eux le font lorsqu’ils interpellent les femmes dans la rue.

Des plateformes de libération de la parole : vers une justice citoyenne des réseaux sociaux ?

Ainsi, sur Twitter, Facebook ou encore Instagram, les femmes profitent de la visibilité et de la liberté offerte par les réseaux pour enfin s’exprimer sur les violences subies quotidiennement. Ce phénomène de dénonciation par le biais des réseaux sociaux offre donc à ces derniers un nouveau statut : ils deviennent de véritables plateformes de libération de la parole. Mais le réseau social est-il le lieu adéquat pour dénoncer le harcèlement ? La question fait amplement débat. Éric Naullau, invité sur Europe 1 le 17 octobre dernier, affirme que la solution ne réside pas dans « un réseau social basé sur la délation, cela passe par la loi ».
Nous sommes donc face à une tentative de la part des femmes du monde entier de gérer le harcèlement en renversant le rapport de force à l’aide des réseaux sociaux. Cette nouvelle forme d’activisme pourrait être qualifiée de « médiactivisme », un terme initié par Dominique Cardon et Fabien Granjon dans leur ouvrage Médiactivistes paru en 2010. Nous entrons en effet dans une ère au sein de laquelle, grâce aux réseaux sociaux, chaque utilisateur peut désormais réagir librement et individuellement à une cause qui lui tient à cœur. Pour reprendre les dires des deux auteurs : « les collectifs d’internet se définissent moins par des valeurs partagées que par des engagements circonstanciés »
Dans l’article de Mediapart « Manifeste pour un journalisme citoyen » publié le 14 octobre dernier, François Serrano déclarait de la même façon à propos des réseaux sociaux : « Absolument tout citoyen ayant une conscience sociale et la volonté de s’exprimer a toute la légitimité pour assumer la responsabilité d’informer ses concitoyens, avec ses propres mots, sur des sujets qu’il connaît. » Le journaliste introduisait ici l’idée d’une nouvelle forme de journalisme permise par l’émergence des réseaux sociaux, qu’il qualifie de journalisme citoyen.

Les réseaux sociaux offrent ainsi un nouveau visage à l’information et au militantisme, et la dénonciation du harcèlement qui sévit actuellement en est le parfait exemple. Dès lors, ne pourrions-nous pas pousser la réflexion en parlant à notre tour d’une nouvelle forme de justice permise elle aussi par les réseaux sociaux ? Ne pourrions-nous pas là employer le terme de justice citoyenne ? Le débat reste ouvert.
Pauline Gosalbez
Twitter @p_gosalbez
Crédit image :
Photo de couverture : Vasava Design & Branding agency
Photo 1 : Issue du compte Twitter de Julia Castanier
Photo 2: Page Facebook de la communauté Paye Ta Schnek
Photo 3:  Compte Instagram @dearcatcallers
Sources :
Lauren Morello, « Science and sexism : In the eye of the Twitterstorm ». Nature, international weekly journal of science. 11 Novembre 2015. Consulté le 18/10/2017. 
Interview de Noa Jansma (@dearcatcallers) par Konbini mise en ligne et consultée le 22 Octobre 2017.

Interview de Éric Naullau & Éric Zemmour sur Europe 1 diffusée le 17 Octobre, vidéo consultée le 18 Octobre 2017. 
Pierre Le Coz. Le Gouvernement des émotions… et l’art de déjouer les manipulations. Armand Colin. 2014. EAN13 : 9782226256997. 
Dominique Cardon et Fabien Granjou. Médiactivistes. PFNSP Collection ‘Contester’. 2010. ISBN : 9782724611687.
François Serrano. « Manifeste pour un journalisme citoyen ». Mediapart. 14 Octobre 2017. Consulté le 18/10/2017. 

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Politique

La droite en débat, premier round

Après plusieurs bandes annonces attrayantes diffusées quotidiennement sur les chaînes TF1 et LCI, le premier débat de la primaire de la droite s’ouvrait enfin devant 5,638 millions de téléspectateurs le jeudi 13 octobre dernier à 20h45, pour plus de deux heures d’antenne. L’un des évènements majeurs de la vie politique française en cette fin d’année 2016 est ici imagé pour la première fois : ce premier débat rassemble les sept candidats à la primaire qui a pour but d’élire le représentant de la droite et du centre à l’élection présidentielle de l’année 2017. Seul objectif, donc : conquérir un électorat.
Plusieurs voix, une seule voie
Après une brève présentation digne d’un show télévisé prononcée par Gilles Bouleau, un générique dynamique et ambitieux sur fond de musique entraînante laisse apparaître un par un les visages des candidats à la primaire des 20 et 27 novembre prochains. Comme si l’on assistait à l’ouverture d’une émission de télé-réalité ou de jeu télévisé, les candidats sont présentés succinctement : alors que les couleurs patriotiques que sont le bleu, le blanc et le rouge jaillissent aux yeux des téléspectateurs, chacun voit son identité dans la campagne présidentielle résumée peu ou prou par la diffusion d’une phrase choc, prononcée auparavant lors de meetings politiques.
Le débat ne pourra commencer qu’après l’énonciation des règles à suivre durant celui-ci : le show est réglé au millimètre, presque de manière scolaire. Chaque candidat dispose du même temps de parole : une minute pour chaque réponse, trente secondes pour rebondir sur l’intervention d’un adversaire.
Après avoir précisé que l’emplacement des candidats ainsi que l’ordre de prise de parole avaient été tirés au sort, Gilles Bouleau introduit auprès du public ses deux voisins pour la soirée : Elizabeth Martichoux de RTL et Alexis Brézet du Figaro. Selon eux, les objectifs sont, pour les candidats, de « clarifier leurs propositions pour la France ». Ainsi, Isabelle Martichoux ouvre le bal avec cette question : « Pourquoi voulez-vous devenir Président ou Présidente de la République ? ».
Le classique et le moderne connectés
Parmi les sujets abordés lors de ce premier débat, l’originalité n’est pas au rendez-vous ; l’économie et le régalien, eux, si. Pour chaque candidat, il s’agit moins d’affaiblir ses rivaux que de gagner des points en exposant ses propositions : aucune annonce n’est réellement novatrice, l’objectif principal étant de faire connaître ses idées. Selon Alexandre Lemarié, journaliste au Monde, en charge du suivi de la droite et du centre, on parle plus de « round d’observation » que de débat.
Toutefois, le format du débat, lui, est novateur et se distingue par sa modernité. Là aussi, le modèle social de la pratique des médias s’impose : participation, interactivité et commentaires sont les bienvenus et l’importance des réseaux sociaux est ici soulignée. En effet, durant toute la durée du débat, les téléspectateurs ont pu réagir et adresser leurs questions grâce au hashtag #primaireledébat, ainsi que sur les pages Facebook TF1, RTL et LeFigaro. En outre, le plateau lui-même prend une forme inédite : rappelant plus celui du Maillon Faible que celui des précédents débats politiques, celui-ci donne à ce débat de la primaire un caractère moderne et innovant. La stratégie est claire : on attend des questions simples, émanant de tous et accessibles à tous, pour des réponses simples, claires et concises, également audibles par tous.
Quand l’habit fait le moine
Stratégie médiatique, certes, mais aussi stratégie de l’image. En effet, l’image est un élément fondamental de la communication : au-delà du discours, elle véhicule un message, qui diffère de candidat en candidat. Sept candidats, six couleurs : chacun de nos prétendants s’est choisi une apparence bien à lui, dans un effort de différenciation par la tenue vestimentaire, et plus particulièrement par la couleur de celle-ci.

Nicolas Sarkozy choisit de rester classique : cravate de couleur bleue marine, celle d’un ancien Président de la République, mais aussi celle de sa campagne de 2012. Couleur de la sagesse, écho d’un certain passé.
François Fillon porte une cravate violette, couleur de la vérité, de l’honnêteté, valeurs qu’il défendait déjà en 2007 avec L’Etat en faillite.
Alain Juppé opte pour le noir, une couleur qui rassemble par sa neutralité et sa sobriété.
Jean-François Copé, lui, fait le choix d’une cravate bleu ciel : il s’agit d’attirer le regard, de
rappeler sa présence et sa légitimité.
Tout comme la cravate de Jean-Frédéric Poisson, Nathalie Kosciusko-Morizet arbore une couleur non moins attirante : le rouge du pouvoir et de la conquête, s’éloignant des six costumes masculins.
Enfin, Bruno Le Maire, candidat du renouveau, choisit de se démarquer par l’absence de cravate, mettant ainsi en valeur le blanc immaculé de sa chemise et soulignant l’atout qu’il brandit le plus souvent : sa jeunesse. Alors, à chacun sa stratégie : se démarquer ou s’affirmer, se faire connaître ou se faire reconnaître, par l’image ou par la gestuelle chez un Juppé calme et serein ou un Sarkozy tendu et agité

 
Si ce débat a pu prendre les aspects d’un évènement de télé-réalité ou de show télévisé, les couleurs politiques ont su rester au garde à vous. Entre continuités et nouveautés, celui-là a su annoncer la forme inédite que prend la campagne présidentielle à venir. Certains en sortent renforcés, comme Jean-Frédéric Poisson qui a su apparaître aux yeux des Français comme un candidat légitime, d’autres moins, mais rien n’est joué : la suite aux prochains rounds, les 3 et 17 novembre prochains.
Diane Milelli
LinkedIn Diane Milelli
 
Sources :
– LeMonde.fr : «Bilan du débat de la primaire à droite, C’était un peu le round d’observation » par Alexandre Lemarié
–  LeMonde.fr : « Sept candidats, deux droites »
– Le Nouvel Obs : «Primaire de droite : les coulisses du premier débat sur TF1»
– Europe 1 : « Débat : l’analyse politique d’Antonin André »
Crédits photo :
– LCI, Primaire de la droite et du centre, revivre le débat en 2 minutes
–    L’express, Primaire à droite: le premier débat télévisé était-il raté?

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"90 jours" pour tout changer ?

« Écologie » : c’est presque de manière violente que ce terme clivant retentit dans les esprits, victime d’une quantité de clichés indénombrables. L’ « écolo », dans l’imaginaire collectif, est tantôt associé à une sorte de babacool nostalgique aveuglé par les promesses utopiques que lui font ses tongs en bois, tantôt à un genre de « bobo biocool », faisant peser sur tout ceux qu’il fréquente une véritable culture de la culpabilité. L’écologie effraie car elle nous confronte à des réalités parfois choquantes et dramatiques, qui nous renvoient à notre statut de « poussière d’étoile » et bousculent notre rapport au temps. L’écologie effraie, aussi, parce qu’elle nous responsabilise et nous demande de jouer pleinement notre rôle de citoyen.
Les nouvelles technologies au service de l’écologie participative
Pourtant, certains n’hésitent pas à faire preuve de créativité et à utiliser les supports communicationnels modernes pour réconcilier écologie et citoyenneté. La technologie semble en effet s’imposer peu à peu en tant que medium innovant, encourageant la sensibilisation de la société civile aux problématiques écologiques.
C’est dans cette lignée communicationnelle ludique que s’inscrit l’application pour smartphone « 90 jours ». Imaginée par Elliot Lepers, designer de formation, elle offre à tout un chacun la possibilité de se familiariser à l’écologie et d’agir de manière non-chronophage à partir d’outils qui sont entrés dans notre quotidien. Son créateur envisage l’application en tant qu’ « assistant personnel permettant de mettre en œuvre sa propre transition écologique ».

Première étape : remplir un questionnaire afin de définir son profil personnalisé. Deuxième étape : relever vaillamment les défis reçus. De « faire pipi sous la douche » à « modérer sa consommation de viande » ou encore « s’inscrire à une AMAP », les impacts environnementaux des défis sont expliqués et assortis de conseils qui favorisent le passage d’une écologie de la privation à une écologie plaisante qui crée une nouvelle pratique.
Lors d’une conférence donnée pour TedX Paris, Elliot Lepers explique penser qu’il est « important de sortir l’écologie de ses incarnations ». Dans l’espace public et médiatique, l’écologie est le plus souvent dépeinte à coup de drame et de fin du monde, alors que c’est uniquement l’inaction face aux questions environnementales qui nous sont posées qui présage des conséquences dramatiques. De quoi encourager le plus grand nombre à fermer les yeux et à mépriser les couleurs des bacs de tri sélectif.
Il semble légitime de questionner l’efficacité concrète de ce genre d’application qui ne relève, pour certains, que du gadget. Les résultats sont bien là, pourtant : les utilisateurs de « 90 jours » ont déjà réussi à économiser 900 000 kg de cO2 et un million de litres d’eau. Plus de 60 000 personnes l’utilisent aujourd’hui. Cependant, d’autres outils communicationnels de plus vaste ampleur permettent, à une autre échelle, la mobilisation d’acteurs écologiques qui tentent de porter les revendications devant les pouvoirs publics. C’est le cas de la pétition en ligne, par exemple, qui est à l’origine d’une nouvelle communauté partagée.
S’informer, se former… et agir ?
Ce qui semble important, avant de pouvoir agir en tant qu’acteur écologique citoyen, est de savoir comment et pourquoi. Cette nécessité informationnelle est exploitée sous des formes de plus en plus innovantes, comme le webdocumentaire. Ces œuvres multimédia et interactives proposent une immersion documentée au sein d’un thème donné et invitent le spectateur à participer voire, parfois, à mener la visite guidée. Elles sont données à l’usagé comme des jeux, des panoplies à explorer et à manier. Arte en a produit de nombreux, mis en ligne sur sa plate-forme créative. « Polarsea360 », par exemple, est un voyage virtuel à la découverte de la fonte des glaçes.

Ces plate-formes technologiques nous proposent à la fois du contenu informatif et un nouveau mode de participation au débat : le citoyen a des clés en mains. Lors de la COP 21, par exemple, les internautes étaient invités à réagir via les réseaux sociaux. Pour la journée du dimanche 29 novembre (jour de l’arrivée de 130 chefs d’Etat à Paris) plus de 750.000 tweets en lien avec la conférence des Nations unies ont été postés sur Twitter.
Toutes ces initiatives tendent à dé-diaboliser l’écologie considérée comme science obscure pour en faire une pratique qui nous soit familière. Demain, film documentaire réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, récompensé par le césar du meilleur documentaire, nous propose d’aller à la rencontre de ces acteurs innovants qui repensent l’écologie via l’utilisation de nouveaux outils. Comme le dit Elliot Lepers : « nous sommes tous les designers de notre quotidien ». Alors, prêts à relever le défi ?

Emilie Beraud
Sources :
http://90jours.org/
http://www.tedxparis.com/?s=90+jours
http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/05/05/linky-le-compteur-intelligent-suscite-deja-la-polemique_1517385_3234.html

Cyril Dion nous raconte le succès de « Demain », le docu écolo-feel good devenu phénomène de société


http://www.franceculture.fr/emissions/la-revolution-ecologique/ecologie-et-democratie
La résistance au changement, produit d’un système et d’un individu par Daniel Dicquemare
Crédits images :
Aline Nippert
http://90jours.org/

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Le débat réenchanté ?

« La politique c’est du jargon déclamé à longueur d’ondes par des clones encravatés »
« Nous voulons du contenu, des idées, des échanges exigeants »
Deux émetteurs différents pour un même message. Les jeunes youtubeurs à l’origine de la chaîne Osons Causer; et les moins jeunes signataires du manifeste lancé par le collectif Notre Primaire, semblent s’accorder sur un point : le débat politique doit être dépoussiéré dans sa forme, et reconquis dans ses idées.
Osons Causer et Notre Primaire : deux exemples de réenchantement du débat politique
D’un côté, il y a Osons Causer : une chaîne YouTube créée par trois étudiants aux valeurs « humanistes, émancipatrices et tout ce que tu veux », comptant près de 32 000 abonnés. Son ambition est d’aborder les sujets « chauds » d’actualité politique à travers des éclaircissements philosophiques, sociologiques et économiques – en somme éveiller l’esprit critique. Partant du constat sans équivoque: « la politique, c’est chiant », le jargon administratif et la langue de bois sont d’emblée pointés du doigt et mis au rebut. Le projet est de revenir aux fondements d’une démocratie vraie, basée sur un langage compréhensible par tous, un « blabla d’intérêt général ». Autrement dit, l’initiative réside en priorité dans la réactivation de la parole politique, avant toute action politique.

De l’autre, il y l’initiative de gauche Notre Primaire. Politiques (Daniel Cohn Bendit en tête) – mais aussi écrivains, sociologues et philosophes (Raphaël Glucksmann), sémiologues, cinéastes, syndicalistes – signent un manifeste pour une primaire à gauche en prévision de 2017. Mais ils ne se contentent pas de signer : une tournée de rencontres à travers le pays est organisée afin de redonner au débat une place centrale dans le processus de décision démocratique. Le site reprend les codes d’un blog où de nombreux signataires publient des tribunes et des articles qui, souvent, soulignent l’urgence d’agir et les lignes directrices d’un potentiel futur programme présidentiel. Il s’agit de « débloquer le débat » pour débloquer la vie politique française actuelle. Le succès de Notre Primaire n’est cependant pas garanti (on compte un peu plus de 78.000 signataires, loin des 150.000 attendus).
Il reste que nous sommes face à deux formes de réactivation démocratique : une qui s’adresse au peuple en quête de sens, l’autre au peuple en quête de renouveau électoral.

L’agora citoyenne renouvelée…
Les deux communautés ne sont donc pas de même nature (ou de même génération) – l’une s’inscrivant dans une tendance plus générale à l’expression libre sur les plateformes telles que YouTube et l’autre ayant une visée politique davantage orientée. Elles se sont néanmoins crées suite à un constat commun: la nécessité presque vitale d’une reconfiguration de la parole et de l’action politique. Il s’agit de « réenchanter » la pratique du débat pour lutter contre le « désenchantement » de la population vis-à-vis de la politique.
Ainsi on retrouve la même volonté de replacer le débat au service de l’intérêt public. Le postulat de départ est la constatation d’un manque total de confiance non pas envers la politique mais envers ceux qui l’exercent. Plus précisément, il traduit la lassitude que beaucoup ressentent face à l’état du débat actuel – dans les médias et sur les réseaux sociaux. En effet, à trop se prêter au jeu de l’infotainment ou à celui de Twitter, les acteurs politiques semblent négliger leur mission – car les nouvelles formes de communication ne laissent pas la place à l’explication, à la pédagogie, à la persuasion, détruites par les clashs à répétitions et les « petites phrases ».

Force est cependant de constater que ce modèle de communication politique basé sur l’immédiateté et l’omniprésence médiatique n’est pas prêt de disparaître. Alors, qui mieux que le peuple pour rallumer la flamme des débats politiques français ? Qui mieux que les citoyens, sur une chaîne YouTube ou lors des rencontres de Notre Primaire, pour remédier à cette inefficacité et à cette stagnation technocratique – grâce à la parole ?
L’espace public s’est « virtualisé » et crée une sorte d’agora 2.0, comme le dit Michel Serres. L’auteur, dans Petite Poucette, évoque la possibilité grâce au numérique de passer à une société « liquide », où les citoyens – s’émancipant de plus en plus des carcans établis par l’Etat – auraient chacun leur mot à dire, leur responsabilité à prendre.
Notre Primaire ayant lancé son initiative par une campagne digitale, avec le hashtag #NotrePrimaire et la publication du manifeste sur un site web dédié publiée sur Libération, et Osons Causer se coulant dans les usages les plus actuels du Web (se filmer « à la manière d’un Norman ou d’un Cyprien ») ; il est clair que ces deux initiatives s’inscrivent dans une logique de reconquête d’un débat citoyen par le biais du numérique et du Web, de réinvestissement de l’espace public par la diffusion d’une parole éclairée.

… au service d’une démocratie participative enclenchée ?
Outre l’utilisation commune du « nous » dans leurs dénominations respectives, les discours d’Osons Causer et de Notre Primaire frappent par leurs similitudes, malgré l’écart générationnel qui s’opère entre eux :
« Quand les dégoutés s’en vont, il ne reste que les dégoutants. Si le peuple se retire des affaires politiques, des véreux de toutes sortes se feront un plaisir de « gérer » pour eux et d’organiser notre dépossession. » (Osons Causer)
« Il n’y a pas de fatalité à l’impuissance politique. La France est riche de son énergie vitale et de ses talents qui aspirent à forger un avenir bienveillant » (Notre Primaire).
Des balbutiements de la démocratie participative lancée par Ségolène Royal dans sa campagne de 2007 à ces nouvelles initiatives, on voit bien que la quête est la même à travers les générations : le symbole de 68 Daniel Cohn-Bendit et les jeunes youtubeurs ont soif d’un débat qui donnerait au peuple l’envie et les moyens de se réengager.
Faustine Faure
@FaustineFaure
Sources :
Libération, « Débloquez le débat! », 25/01/2016
Streetpress, Le petit buzz d’Osons Causer, la chaîne Youtube qui parle politique, Lucas Chedeville, 5/02/2016#

Accueil

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Chaîne Youtube d’Osons Causer 
Télérama, Les Youtubeurs de gauche mènent la contre-attaque, Erwan Desplanques, 15/02/2016 
Crédits photos :

Twitter
Youtube
http://archi.last-cry.com/dessin/?attachment_id=160
http://www.vie-publique.fr/focus/referendum-initiative-partagee-definitivement-adopte.html
 

Des paroles et des actes, Marine Lepen
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De DPDA à Face à France: vers un renouveau du débat politique à la télévision

Marine Le Pen, la star. Marine Le Pen, la diva, « à qui on n’impose rien ». C’est en ces termes que la présidente du Front National a annulé à la dernière minute sa venue dans l’émission politique phare de France 2, Des Paroles et Des actes, obligeant la chaîne à supprimer l’émission de sa grille du soir. Cet épisode fait suite à une lettre envoyée par les présidents du PS et des Républicains au CSA, pour qui la visibilité accordée à la candidate dans la région Nord Pas de Calais-Picardie aux régionales est contraire à l’égalité politique Ces évènements remettent en question la légitimité du format de l’émission de France 2 face à de nouvelles formes mises en avant, jugées plus authentiques.
Une occasion manquée pour le FN
L’invitation de Marine Le Pen – une cinquième fois, un record pour l’émission – souligne l’incapacité du parti à mettre en avant médiatiquement des figures autres que celles de son leader. Cela ne peut que souligner, dans un parti où les mandats nationaux se font rares, l’échec de surexposition d’un Florian Philippot qui truste la part du lion médiatique de son parti et qui se voit critiqué par des ténors comme Louis Alliot, pour qui « c’est Marine qui décide »
La vraie question qui se pose pour le Front National, qui veut s’inscrire dans la logique des partis dits “de gouvernement” et s’institutionnaliser, c’est de se construire des personnalités plus visibles médiatiquement, qui peuvent être vues comme une alternative au leader, au risque de passer pour une entreprise familiale où, pour diriger, le bon patronyme est nécessaire.
La réalité du « système » ?
L’erreur la plus notoire vient sans doute de Jean Christophe Cambadélis et de Nicolas Sarkozy qui, soucieux de ne pas laisser une « tribune » de deux heures à Marine Le Pen, ont alerté le CSA , permettant ainsi à Marine Le Pen de dénoncer une fois de plus le fameux UMPS et de s’embourber dans sa stratégie du « seul contre tous » Elle met en avant une supposée collusion d’un système médiatico-politique – dont elle serait la victime. Les Républicains et le PS sont les meilleurs alliés de Marine Le Pen, qui se niche volontiers dans les draps de la démocratie et s’offusque dans un communiqué de presse de la volonté de l’émission d’organiser un débat « excluant d’ailleurs sans raison les autres candidats à cette élection ». Par leur erreur stratégique, les Républicains et le PS ne font que donner plus de force à l’argumentaire traditionnel du FN.
En annulant l’émission, France 2 ajoute de l’huile à la communication d’un FN qui s’affirme comme étant au centre de la vie politique française, en plaçant sa présidente dans une situation où elle peut se permettre de refuser une émission en prime time.
Une perte de crédibilité pour l’émission
Alors que France 2 avait réussi à s’imposer comme la chaîne des rendez-vous phares de la politique, avec ses émissions de débat comme Mots croisés et Des paroles et des actes (qui permettent d’interroger sur une volonté quasi-exhaustive des personnalités politiques), France 2 écorche son image de chaîne du service public en mettant clairement en avant une volonté d’audimat et un besoin de rentabilité, et donc une volonté de susciter de fortes audiences en invitant des personnalités médiatiques susceptibles de créer l’événement.
Comment la télévision – considérée comme le quatrième pouvoir – peut-elle répondre aux injonctions de présidents de partis politiques qui, conscients de la visibilité procurée par l’émission, se sont précipités pour fixer les modalités de son organisation ? Comment l’émission peut-elle continuer à prétendre être indépendante de la mêlée politique ?
Le face aux Français pour plus d’authenticité

Il semble que la formule en place depuis 2011 doit être repensée et actualisée, surtout dans le contexte d’élections régionales, que France 2 peine à couvrir. Est-ce pertinent d’inclure un débat avec seulement une partie des candidats à la présidence d’une région, dans une émission à portée nationale ?
L’imbroglio de Des paroles et des Actes souligne l’incapacité actuelle du service public français à assurer une bonne couverture médiatique des élections locales.
Bien que France télévisions déclare ne pas vouloir remettre en cause le format de l’émission de France 2, « seule émission du PAF sur une grande chaîne généraliste à une heure de grande écoute », jouissant d’un quasi-monopole sur le paysage audiovisuel français ; le retour de Face à France , sur NRJ 12 (une émission crée en 1987) remet au goût du jour une tendance qui s’inscrit dans les émissions politiques : celle d’un désir d’authenticité de la parole qu’une simple confrontation entre personnalités politiques ne pourrait remplir. L’objectif est clair : arracher le masque du pouvoir à ces hommes et à ces femmes pour les mettre face au quotidien. L’utilisation actuelle des réseaux sociaux dans ce type d’émissions à la manière de C dans l’air, avec sa séquence questions-réponses, s’inscrit dans cette lignée. Il faudrait ainsi voir la confrontation portée par les vrais français, ces gens lambdas qui sans détours sauront apporter un peu de spontanéité dans un débat, alors qu’ils en sont traditionnellement exclus, comme le souligne la visite récente de François Hollande chez Lucette.
Un rapport au parlement sur les orientations de la chaine paru en octobre prévoit la création d’une nouvelle chaine d’information, animée d’une volonté explicative qui se voudrait plus pédagogique. On pourrait penser à un nouveau format court en cohérence avec la ligne éditoriale de la chaîne, qui s’adapte au phénomène du buzz politique amplifié par les réseaux sociaux : le paysage audiovisuel français est peut-être en quête d’une émission politique de type débat accessible à l’ensemble des citoyens.
Jérémy Figlia 
Sources :

http://lelab.europe1.fr/louis-aliot-critique-lomnipresence-mediatique-de-florian-philippot-2540967
http://www.frontnational.com/2015/10/monsieur-pujadas-on-ne-mimpose-rien/
 
Crédits photos : 
http://www.rtl.fr/actu/politique/marine-le-pen-sur-france-2-exigences-contradictoires-colere-et-grande-confusion-avant-l-emission-des-paroles-et-des-actes-7780210304 
http://www.non-stop-people.com/actu/tv/face-france-christophe-beaugrand-cloue-le-bec-christine-boutin-89922