Sexualité féminine et réseaux sociaux : quand Instagram redessine le corps des femmes
Nous vivons dans une société hypersexualisée, où nous sommes en permanence confrontés à des représentations du corps. Pourtant, force est de constater que ce corps est idéalisé et ainsi peu conforme à la réalité. Ainsi, quand une publicité montre une femme presque entièrement nue, cela ne heurte personne, en revanche quand une photo publiée sur les réseaux sociaux a le malheur d’afficher un téton, elle est immédiatement retirée. Nous sommes donc face à un paradoxe puisque le seul corps qui a le droit d’être montré, c’est celui qui ne présente aucune imperfection ; en somme, nous ne pouvons voir que des corps tellement retouchés qu’ils en deviennent irréels. Les hommes comme les femmes pâtissent de cette situation, de ce diktat de la perfection physique.
Des dessinateurs engagés
Face à des médias qui livrent une image stéréotypée du corps de la femme, il est pourtant possible de lutter en optant pour une stratégie de communication puissante, qui ne nécessite pas de longs discours. Ainsi on recense aujourd’hui de plus en plus d’artistes et de dessinateurs qui se plaisent à représenter des corps nus de manière décomplexée. Sur Instagram, des comptes de dessins érotico-féministes fleurissent et deviennent de plus en plus suivis et connus. Ils mettent en scène majoritairement des femmes, de couleurs, tailles et morphologies différentes, de manière à diffuser des représentations variées de la beauté féminine, qui ne sont pas nécessairement en accord avec la publicité. S’ils ne montrent presque que des femmes, c’est parce qu’ils utilisent leur art pour briser le tabou qu’est encore la sexualité féminine. En effet, les femmes sont actuellement tiraillées entre un culte du corps et une honte de ce même corps ; comment ne pas l’être quand une femme qui allaite son enfant en public est insultée et traitée d’exhibitionniste !
Une lutte pour l’acceptation du corps dans toutes ses formes
Ainsi, ces dessinateurs mettent leur art au service du mouvement de libération du corps de la femme et la sexualité féminine. Le compte Instagram Club Clitoris (aka Meredith Grace White) est un bon exemple de cette tendance. Sur la description du compte, on peut lire que l’objectif est d’encourager les femmes à célébrer la partie la plus intime de leur corps. Ainsi, on peut y voir des sexes de toutes les formes, couleurs et pilosité, bien loin de ce que la pornographie met en avant. Bien plus que des dessins érotiques, parfois provocateurs, ce compte est une ode à la beauté du corps de la femme et à la différence. L’artiste passe ainsi un message fort : les femmes n’ont pas à avoir honte de leur corps tel qu’il est au naturel, et cela même s’il ne correspond pas aux critères de minceurs et d’absence de pilosité véhiculés par une société tyrannique de la perfection.
Petites Luxures : le dessin érotique au service du féminisme
Dans le même esprit, le compte Petites Luxures, rassemble des dessins au train fin, osés mais néanmoins très poétiques et même parfois drôles. Ce compte gagne de plus en plus d’abonnés et parmi eux des personnalités qui mettent en avant le travail effectué par le dessinateur (dont on ne connaît pas l’identité ou le sexe), puisque ce dernier commercialise des objets arborant certains de ces dessins. Willow Smith, fille de Will Smith, suit ce compte et a partagé certaines des publications. La jeune chanteuse se revendique ouvertement comme membre du courant féministe en faveur de la libération du corps de la femme et diffuse ses idées sur les réseaux sociaux, tout particulièrement Instagram. Certains des DJettes du collectif Barbi(e)turix portent également sur scène ces dessins imprimés sur des tee-shirts. Ce mouvement aime montrer un autre érotisme, plus drôle et décontracté, en bref décomplexant. Et force est de constater que ça marche : le compte petites luxures fait le buzz et certains des dessins ont été exposés à Paris.
Une société schizophrénique
Cette tendance du dessin féministe touche bien d’autres sphères que celle des réseaux sociaux. En effet, de nombreux DJ arborent des tee-shirts imprimés de dessins de club clitoris, des influenceurs se les font même tatouer. Pourtant, même si le mouvement se démocratise peu à peu, il se heurte à une certaine pudibonderie. De nombreuses publications sont effectivement supprimées car considérées pornographiques, tandis que certaines publicités, parfois bien plus choquantes, sont diffusées à une échelle bien plus importante. On peut alors constater que cette vague de libération via les réseaux sociaux confronte ces médias, et donc la société, à leurs propres contradictions.
Nous sommes arrivés à un stade où la société dans laquelle nous vivons est à la fois exhibitionniste et d’une pudeur maladive. Les réseaux sociaux n’en sont pas que le témoin puisqu’ils amplifient cette schizophrénie. Comment alors ne pas reconnaître l’ingéniosité d’artistes qui jouent avec ce paradoxe en utilisant ces médias, dont ils contournent les règles via le dessin ; un dessin n’est pas une photo et donc a bien moins de chances d’être censuré. Face à une objectification du corps de la femme omniprésente dans les médias, la solution pourrait être en effet de le mettre en scène mais d’une autre manière, afin de livrer un spectacle libérateur. L’impact grandissant de leurs œuvres laisse espérer un glissement progressif de la représentation du corps, et notamment celui de la femme, moins complexée et stéréotypée.
Laura Laarman
Sources :
• Le Bonbon (Agathe, 17/07/2016) » Les illustrations qui émoustillent Instagram », consulté le 14/01/2017
• (Chloe, le 06/04/2016), consulté le 14/01/2017 barbieturix.com
Crédits photos :
• Club clitoris : https://www.instagram.com/clubclitoris/
• Image : le 17 janvier 2017 https://www.instagram.com/p/BPYM3e3DLMY/?takenby=clubclitoris&hl=fr
• Petites Luxures : https://www.instagram.com/petitesluxures/
Images : 30 décembre 2016 Instagram Petites Luxures
6 novembre 2016 Instagram Petites Luxures