Publicité et marketing

Dolce & Gabbana devient l’ennemi public n°1 de la jeunesse chinoise

Raciste, dégradant, sexiste, offensant : ce sont tous les adjectifs qui sont en mesure de décrire la série de courtes vidéos de promotion de « The Great Show », un défilé organisé par Dolce & Gabbana à Shanghai. En effet, pour promouvoir l’événement, la marque à succès en Chine a diffusé sur les réseaux sociaux une série de petits films humoristiques nommée « chopsticks eating » (manger avec des baguettes). Contrairement à l’effet escompté, une vague de haine a frappé les joues luxueuses des deux fondateurs, Domenico Dolce et Stefano Gabbana. Image dégradée, boycott et messages haineux, dans quel état va donc finir la grande marque de luxe italienne ?

Campagne Dolce&Gabbana choquante
Publicité et marketing

Le shockvertising

Vous n’avez rien demandé à personne. En bon citoyen intégré à la société sur-consommatrice vous avez parfaitement intégré la présence des publicités dans votre milieu naturel, vous ne les voyez même plus, vous avez renoncé à vous battre contre cette hyper-publicitarisation qui vous envahie. Selon certaines agences, les Français subiraient entre 600 et 800 messages publicitaires par jour (2 500 selon la « Brigade anti-pub »).
Face à une telle omniprésence, les spectateurs sont devenus hostiles : la lassitude a peu à peu gagné les Français qui sont désormais passifs quant à l’abondance de ces messages.
Les entreprises, de leur côté, tentent désespérément de capter votre attention dans cette jungle où la compétition est rude. Certains misent sur l’humour, d’autres sur le glamour mais dans le meilleur des cas, une publicité ne retient notre attention que quelques instants. Il n’y a pas à tergiverser : celles qui nous sortent de notre torpeur habituelle, sont d’une toute autre nature. Vous les avez certainement déjà remarquées… Elles nous offusquent, nous terrorisent parfois. Elles se fondent dans la masse de slogans et de réclames pour mieux nous frapper.
Certaines affiches cherchent en effet à nous choquer, non par pur plaisir sadique mais par désir de sensibilisation et de lutte pour des causes nobles : combat contre l’exclusion, les violences conjugales, le tabagisme, la protection de l’environnement et des animaux, la faim dans le monde… Le spectateur ressent alors souvent un tel malaise qu’il accepte de faire un don pour soulager sa conscience.
Jusque là rien de bien nouveau, il existerait deux grandes familles publicitaires : celles qui nous vendent un produit en nous attirant et celles qui défendent une cause en nous choquant. L’une nous manipule, l’autre nous sensibilise. L’une incite à l’achat, l’autre nous pousse à nous remettre en cause. Ces deux ensembles semblent donc complètement distincts. La réalité est bien sûr beaucoup plus compliquée.
Les marques ont compris que le meilleur moyen de se différencier de la concurrence était de recourir à une stratégie plus agressive à l’égard des consommateurs. C’est la stratégie adoptée par Benetton sous l’égide du photographe Oliviero Toscani. Celui-ci a renoncé à l’idée de vendre du rêve ; pour lui la publicité « ne vend pas des produits ni des idées, mais un modèle frelaté et hypnotique du bonheur ». Exit donc le mythe de la publicité qui défendrait des valeurs et une vraie image de marque, place à la créativité, à la liberté d’expression et aux images fortes. Les photos de Toscani sont toujours percutantes, choquantes et contraires à l’opinion publique.
Une nouvelle technique publicitaire est donc en plein essor : le shockvertising. Exploiter les tabous de la société : le sexe, le racisme, la violence, la mort, la maladie pour faire la promotion d’un produit qui n’a aucun lien avec ces grands thèmes de société. Les publicitaires utilisent des éléments qui ne passent pas inaperçus dans le but de susciter des émotions négatives chez les consommateurs (révolte, tristesse, colère).
Pourquoi les marques cherchent-elles à choquer leurs clients potentiels ? En quoi cela est-il favorable à la vente ?
Le shockvertising est en réalité très efficace car le fait de troubler les spectateurs renforce la mémorisation et donc l’efficacité de la technique marchande. Ces campagnes entrainent la confusion chez celui qui les regarde car aucun lien apparent ne semble lier l’idée du message au produit lui-même ; cela oblige donc les spectateurs à réfléchir sur la connexion entre les deux. On peut prendre l’exemple de l’affiche Dolce Gabbana qui montre une scène de viol, ou encore la marque de vêtement Sisley qui est très connue pour ses publicités outrancières dans lesquelles les thèmes de la drogue et du sexe sont très souvent repris. On y voit notamment des jeunes filles en train de « sniffer » un T-Shirt blanc comme s’il s’agissait de cocaïne. D’autre part, une publicité censurée crée du scandale et attise ainsi la curiosité des consommateurs qui chercheront par tous les moyens à voir ce qui semble si dérangeant ; ce fut le cas pour les affiches de campagnes contre le Sida sur lesquelles la maladie était comparée à Hitler, Staline et Hussein.
Le shockvertising est une technique publicitaire controversée et souvent dénoncée.
Jusqu’où les marques sont-elles prêtes à aller pour nous inciter à l’achat ? Les valeurs morales que nous partageons peuvent-elles être irrespectueusement utilisées à des fins commerciales ? Les publicitaires se défendent en affirmant que la liberté d’expression et la créativité sont les bases de leur métier. De plus, l’argument marketing est incontestable : les campagnes choquantes font parler d’elles et donc des marques qu’elles représentent. Attention tout de même car donner un nom à une technique (le shockvertising), ne la rend pas légitime pour autant et les dérives sont fréquentes. Ames sensibles s’abstenir.
 
Charlotte Moronval
 
Crédits photo : ©Dolce&Gabbana – ©Aids – ©Sisley

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