Ce n’est un secret pour personne : Trump utilise de manière privilégiée les réseaux sociaux — et en particulier Twitter — pour communiquer sur des sujets très variés : politique intérieure comme extérieure, actualité internationale, et même pour commenter les actions de certaines célébrités. Au risque de se montrer impertinent à l’égard de la fonction qui est la sienne, voire de déclencher des polémiques et des tensions diplomatiques. Mais quels sont les véritables ressorts de cette communication trumpienne presque intempestive sur Twitter ? En quoi celle-ci lui est parfois plus nuisible que bénéfique ? FastNCurious a mené l’enquête !
Voilà près d’un mois et demi que Donald Trump a accédé au poste de président du monde libre. Cependant, cette appellation, « monde libre », née durant la Seconde Guerre mondiale et popularisée pendant la Guerre Froide, apparaît aujourd’hui plus désuète que jamais. L’admiration que porte le nouveau président américain pour Vladimir Poutine rend obsolète l’opposition entre monde libre, mené par les États-Unis, et le bloc soviétique. De plus, la liberté que les États-Unis ont toujours prônée et voulu exporter dans un souci d’universalisme, ne semble plus vraiment d’actualité.
Contre-vérités et fake news, mots clés de la vie politique américaine
Tout a commencé le samedi 21 janvier, lors de la première conférence de presse du nouveau porte-parole de la Maison Blanche, Sean Spicer. Les médias sont qualifiés par le hautfonctionnaire de « malhonnêtes ». Il les accuse d’avoir relayé des informations fausses à propos du nombre de personnes qui étaient présentes à la cérémonie d’inauguration du président Trump la veille, et décide de ne répondre à aucune question des journalistes. Le 11 janvier, le président-élu avait déjà refusé de prendre une question du journaliste de CNN Jim Acosta, en affirmant qu’il relayait des « fake news », c’est-à-dire des informations fallacieuses.
Ces premières conférences de presse ont scellé la relation déjà complexe entre Donald Trump et les médias américains. En effet, durant sa campagne, celui qui était alors candidat à la présidence entretenait un rapport particulier avec les médias. Il n’a cessé d’affirmer des contre-vérités, dédaignant ainsi les nombreuses tentatives de correction des médias, et dénigrant par là même, leur mission démocratique traditionnelle. En retour, les médias, et notamment la télévision, ont été son meilleur allié, puisqu’à force de couvrir les multiples dérapages de Trump, ils lui ont offert des centaines d’heures de diffusion gratuites.
Un climat de plus en plus tendu entre Trump et les journalistes
Désormais chef de l’exécutif, Trump n’a pas lésiné sur les critiques envers les médias, et se permet d’aller encore plus loin. En effet, ce début de mandat a été secoué par plusieurs scandales déjà, plus ou moins fondés. À chaque fois qu’une affaire sortait dans la presse, Trump s’empressait de la qualifier de « fake news » — comme il l’avait notamment fait pour l’affaire de collaboration et de chantage entre la Russie et l’équipe Trump pendant la campagne.
Plus extrême encore, pour parler des grands médias, la chaîne historique d’informations en continu CNN, le journal New York Times ou encore la chaîne NBC News, le président américain utilise désormais l’expression « failing », soit en déclin, en échec, et les qualifie systématiquement de « fake news media ». Il s’exprime principalement à travers ses tweets, contournant ainsi les canaux traditionnels.
C’est bien là que la présidence de Trump devient dangereuse, et constitue une menace pour la liberté de la presse, et la liberté d’expression en général. En faisant des médias le monstre duquel il faut se détourner, Donald Trump peut obtenir le monopole de la vérité. Il fait de sa parole, la parole d’Evangile. Traditionnellement, dans une démocratie, les médias jouent un rôle de gendarme, ils existent pour rendre public. Kant définit même la démocratie par le principe de « Öffentlichkeit », soit publicité. Ils contrôlent les informations émises par le pouvoir, ou fournissent au public les informations qui pourraient être cachées par le pouvoir. Ils sont les garants de la vérité vérifiée et surtout des libertés d’opinion et d’expression. Dans l’Amérique de Trump, le rôle des médias est nié et même méprisé, dégradé.
Il y a quelques semaines à peine, à l’occasion d’une conférence de presse hebdomadaire à la Maison Blanche, l’administration Trump a interdit l’accès à la salle de presse à certains journalistes, notamment ceux du New York Times, de CNN et du Huffington Post, qui tous ont tendance à vivement critiquer le président américain. La voix qui porte l’opposition a donc été étouffée par le pouvoir exécutif.
La fin d’une époque ?
Le philosophe Achille Mbembe théorise notre temps en affirmant que l’âge de l’humanisme touche à sa fin, pour laisser place au nihilisme, et à l’autoritarisme populiste. Sa vision consiste donc à considérer que l’histoire socio-politique de l’humanité peut être envisagée comme un enchaînement de différents paradigmes. Seulement, cette analyse est-elle satisfaisante ? Peut-on simplement voir les choses en termes de grandes aires, et grandes ères ? Peut-on analyser l’histoire comme un mouvement inexorable qui balance l’humanité entre des époques plus ou moins libertaires ? La fin du paradigme humaniste est-elle une fatalité ?
L’affaiblissement du pouvoir médiatique causé par Trump est une tragédie moderne, mais on ne doit ni ne peut se résigner. Le New York Times a diffusé pour la première fois, durant la pause publicitaire de la cérémonie des Oscars du 26 février 2017, une réclame promouvant le travail journalistique et le fact-checking, qui consiste à s’assurer de la véracité des faits et des informations. De la même manière, le Washington Post prouve sa résistance et sa résilience en adoptant le sous-titre « Democracy Dies in Darkness », soit la démocratie meurt dans l’ombre. Le journal fait ainsi référence à la nécessité du journalisme en tant que garant d’une certaine transparence du pouvoir. Encore plus encourageant, de nombreuses associations de soutien au journalisme se développent, comme le Committee to Protect Journalists qui, après avoir été citée par Meryl Streep lors de son fameux discours des Golden Globes, a connu une forte augmentation de dons.
L’argument de la sortie d’un paradigme peut être destructeur, car il confère une dimension fataliste aux changements que nous sommes en train de vivre. Pourtant, la presse a survécu à bien d’autres crises démocratiques au cours de son histoire. Faible corps médiatique correspond nécessairement à une démocratie faible. C’est à nous de prendre les bonnes mesures et d’adopter les bons réflexes.
Mina Ramos
Sources :
– CILIZZA Chris, Sean Spicer held a press conference. He didn’t take questions. Or tell the whole truth, The Washington Post, publié le 21 janvier 2017, consulté le 1er mars 2017. https://www.washingtonpost.com/news/the-fix/wp/2017/01/21/sean-spicer-held-a-pressconference-he-didnt-take-questions-or-tell-the-wholetruth/?utm_term=.5aea6a1a7ca5
– SILLITO David, How the media created the president, BBC.com, publié le 14 novembre 2016, consulté le 1er mars 2017. http://www.bbc.com/news/entertainment-arts-37952249
– LAVENDER Paige, Donald Trump Refuses to Take A Question From CNN Reporter, Calls Network ‘Fake News’, The Huffington Post, publié le 11 janvier 2017, consulté le 1er mars 2017. http://www.huffingtonpost.com/entry/donald-trump-cnn_us_58765783e4b05b7a465ccc0b
– CALDERONE Michael, Trump White House Bars News Organizations From Press Briefing , The Huffington Post, publié le 24 février 2017, consulté le 1er mars 2017. http://www.huffingtonpost.com/entry/white-house-bars-newsorganizations_us_58b08a76e4b0a8a9b78213ae
– La Documentation française, « Médias et démocratie, La fonction des médias dans la démocratie », http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/libris/3303330403389/3303330403389_EX.pdf
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– Image de Une : Spencer Platt / Getty
– Image 1 : compte Twitter @realDonaldTrump
– Image 2 : compte Twitter @realDonaldTrump
Le 12 Février dernier, John Oliver, présentateur de l’émission politique américaine, Last Week Tonight, fait part d’une idée brillante : « glisser des faits utiles dans [le] menu media »¹ du président des États-Unis.
Comment s’y prend-il ? En rachetant des espaces publicitaires pendant les matinales de Fox News, MSNBC et CNN — des chaînes que Donald Trump semble regarder, d’après son compte Twitter, pour diffuser des infomercials².
C’est le 20 janvier dernier que le nouveau Président élu a été introduit à la fonction suprême, au cours de l’une des cérémonies les plus codifiées de la tradition américaine. L’usage veut en effet que la prestation de serment soit suivie d’une série de chants et de concerts à la gloire de l’Amérique et de son nouveau leader.
MUSIQUE & INVESTITURE
La musique tient une place importante dans cette très longue cérémonie, où un/une artiste de premier plan vient célébrer l’union du pays. Une nouveauté cette année : venir chanter à l’intronisation du président des États-Unis est devenu un acte politique. En effet, de grandes chanteuses classiques telles que Marian Anderson ou encore Jessye Norman s’étaient produites aux inaugurations de présidents aux idées radicalement opposées (Eisenhower et Kennedy pour la première, Reagan et Clinton pour la seconde). Même Ray Charles, démocrate convaincu, était prêt à venir chanter pour Reagan, et le fit par ailleurs pour une convention du parti républicain.
C’est depuis Roosevelt en 1941 que showbiz et politique se sont liés pour faire de cet acte solennel un évènement marquant de l’Histoire. Parler sur l’esplanade du Capitole n’était alors pas un acte de soutien au nouveau dirigeant, mais une preuve d’engagement pour la nation. À l’époque, ce sont les paroles d’Ethel Barrymore ou encore celles de Charlie Chaplin reprenant un monologue de son film The Great Dictator, qui ont résonné devant le Capitole. Une liste des plus grandes icônes de la culture américaine du XXème siècle a suivi : de Frank Sinatra à Fleetwood Mac en passant par Bob Dylan, Aretha Franklin, Stevie Wonder ou encore Beyonce.
Jusqu’à l’ère Obama, être invité à chanter dans le cadre d’une investiture était un honneur, une consécration pour l’artiste et son œuvre, entrant au panthéon des grandes voix de l’Amérique. Inviter des artistes est aussi le moyen pour le nouveau président élu de faire une synthèse historique de l’Amérique des Arts et de celle du pouvoir, pour produire le symbole fort d’un pays rassemblé sous le même drapeau, le temps de son mandat du moins.
TRUMP MUSIC
Aux prémices de la nouvelle ère Trump, se produire à l’investiture n’est plus un acte patriote, mais est vu comme un service rendu à un homme sans foi ni loi. Jennifer Holliday, icône gay et un temps annoncée, s’est finalement retirée n’ayant « pas pris en compte le fait que [sa] participation serait vue comme un acte politique allant à l’encontre de [ses] propres croyances et serait considérée à tort comme [son] soutien à Donald Trump et Mike Pence ».
Son impopularité sans précédent et ses prises de position protectionnistes, misogynes ou anti-islamistes ont fait de lui un ennemi face auquel la culture s’est rassemblée. Les rumeurs de refus de grandes stars telles que Céline Dion ou Justin Timberlake se sont rapidement répandues dans les médias. Certains artistes ont refusé publiquement la proposition de l’équipe de Trump comme Moby, publiant même sur Spotify une playlist de ce qu’il aurait joué comme DJ à sa soirée d’investiture (American Idiot de Green Day ou encore Strange Fruit de Billie Holiday en font partie).
D’autres ont paru hésiter quelques temps avant de refuser à leur tour. C’est le cas du ténor italien Andréa Boccelli, dont le candidat élu était visiblement très fan. Ce dernier aurait finalement lui-même conseillé au chanteur de ne pas se produire à sa propre cérémonie « à cause des réactions que cela pourrait provoquer ».
Certains autres ont rompu les rangs du rassemblement, souhaitant chanter « contre le racisme », comme Rebecca Fergusson ou encore Azealia Banks. Ce ne sont évidemment pas celles qui auront été retenues. Au programme s’alignaient Jackie Evancho, finaliste malheureuse de America’s got talent, Toby Keith, chanteur country aux paroles plutôt patriotes, The Rockettes, troupe de danseuses new-yorkaises se produisant chaque Noël au Radio City Music-Hall, entre autres.
Cette pauvreté en termes de programmation a rapidement suscité les sourires, et le symbole d’un Président entouré de si peu de représentants de la culture populaire a renforcé l’image d’un leader isolé du peuple qu’il s’apprête à diriger. L’invitation de célébrités, censée sous Roosevelt être un vecteur de popularité et de confiance, s’est révélée être un échec cuisant sur le plan de la communication de Donald Trump. Tom Barrack, grand organisateur de cette cérémonie d’investiture, relativisera finalement ces désistements en assurant : « Nous avons la chance d’avoir la plus grande célébrité du monde, qui est le président élu […] Donc ce que nous allons faire, au lieu de mettre autour de lui des gens illustres, c’est l’entourer de la douce sensualité des lieux. Il s’agira davantage d’un mouvement poétique que d’une cérémonie de couronnement façon grand cirque. »
CONTRE-CONCERT ET PROTESTATION, LA MUSIQUE EN MARCHE
Dès le lendemain de l’investiture, les rues de Washington se sont remplies de 500 000 opposants au nouveau Président. : la Women’s March rassemblait des mécontents parmi lesquels des célébrités du cinéma et des stars de la musique. Scarlett Johansson, Alicia Keys, Madonna, Katy Perry, Janelle Monae étaient au micro de la scène montée pour l’occasion, pour exprimer leur colère et l’espoir d’un pays qui respecte ses femmes.
Quelques jours plus tôt, lors de la fête de départ du couple Obama, une liste impressionnante d’artistes conviés, des plus anciens aux plus jeunes, de Stevie Wonder à Chance The Rapper. Des concerts étaient aussi organisés à la Maison Blanche, Barack Obama ayant par ailleurs fait l’honneur aux employés d’inviter Bruce Springsteen pour un concert privé.
La musique et l’art en général, ont donc fait entendre leurs voix pour choisir leur camp, et ce contraste frappant entre un pot de départ avec autant de stars et une cérémonie officielle dépourvue de têtes connues, a tôt fait d’alimenter les shows télévisés. Donald Trump, pour la première fois, est apparu officiellement comme un Président qui n’a pas su rassembler de grands acteurs du rayonnement international de son pays, et a même suscité l’hostilité du milieu de la musique, l’un des plus puissants soft powers américains…ayant un jour donné à l’Amérique sa grandeur.
César Wogue
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Mikaëla Samuel, Investiture de Donald Trump: comment les stars américaines lui ont tourné le dos
Sarah Larson, TRUMP AND CELEBRITY APPROVAL: YOU CAN’T ALWAYS GET WHAT YOU WANT
Sources :
24.01.17, Investiture de Donald Trump: comment les stars américaines lui ont tourné le dos, consulté le 6/02/17
Jess Fee, Music Monday: Inauguration Artists Over the Years, 22.01.13, http://mashable.com/2013/01/21/, consulté le 5/02/17
09.01.17, Trump and Celebrity Approval: You Can’t Always Get What You Want, The New Yorker, consulté le 5/02/17
FACT, We reviewed all the really great, not sad acts playing Donald Trump’s inauguration, 20.01.17, consulté le 5/02/17
Sylvain Siclier, Un accueil musical cinglant pour Donald Trump, Le Monde abonnés, 20.01.17, consulté le 5/02/17
Pierre Bouvier, L’investiture de Donald Trump, un spectacle codifié, Le Monde abonnés, 20.01.17, consulté le 6/02/17
Le Monde, Donald Trump a peiné à trouver des artistes pour son investiture, 20.01.17, consulté le 6/02/17
Stephanie Merry, Inauguration performances weren’t always so contentious: Highlights from the last 75 years, The Washington Post, 12.01.17
Le Superbowl est un des évènements sportifs les plus importants de la planète qui a réuni cette année, plus de cent millions de téléspectateurs. Ï les annonceurs, c’est l’occasion de réaliser le coup marketing de l’année. Afin de capter l’attention des téléspectateurs, de plus en plus las des formats classiques, la publicité devient un spectacle à part entière.
Mais puisque pertinence publicitaire rime souvent avec actualité médiatique, certaines marques n’ont pas hésité à profiter de la couverture médiatique pour exprimer leur positionnement anti-Trump. Ce qui — ne le nions pas — leur offre à leur tour, un rayonnement international. Parmi les sujets très controversés sont revenus le projet de construction d’un mur à la frontière mexicaine, mais aussi le « muslim ban », décret interdisant l’entrée sur le territoire de ressortissants de certains pays arabes. Si celui-ci a été rejeté par la justice, il en dit long sur la couleur que Trump donnera à son mandat. Le traditionnel show de mi-temps, assuré par Lady Gaga, s’avère après analyse, beaucoup plus politisé qu’il n’en a l’air.
Des publicités aux messages forts
La publicité de 84 Lumbard, fabricant de bois de construction, a certainement délivré le message le plus limpide. Une mère et sa fille traversent le Mexique pour se retrouver face à un mur infranchissable en arrivant à la frontière des États-Unis. Elles trouvent finalement une porte leur permettant d’entrer. Puis, « la volonté de réussir est toujours la bienvenue ici » s’affiche à l’écran. La référence à la construction du mur est si évidente que Fox News, la chaîne diffusant le match et ayant ouvertement soutenu Trump durant la campagne, a demandé à l’annonceur de supprimer la fin du film comprenant le mur. Une censure en partie détournée par l’invitation à voir la suite de la publicité sur leur site internet, qui a rapidement saturé.
84 Lumbard s’est défendu d’encourager l’immigration illégale. Rob Shapiro de la Direction client de Brunner, l’agence à la tête de cette campagne déclare à ce sujet : « il n’était pas possible d’ignorer ce mur et les débats sur l’immigration qui se tiennent dans les médias et dans tous les foyers américains. Alors que tous les autres tentent d’éviter la polémique, n’est-il pas temps pour les marques de défendre ce en quoi elles croient ? ».
Airbnb, Expedia ou encore Budweiser ont eux aussi diffusé des spots attaquant directement la politique anti-immigration de Trump et ventant les bénéfices de celle-ci sur l’économie et la société.
La publicité politisée s’appuie sur le discours d’information objectivé par les pratiques journalistiques de la société. En l’occurrence, l’opposition à la politique controversée de Trump est largement relayée dans les journaux du monde entier. Défendre « ce en quoi les marques croient » correspond à une stratégie de communication qui reflète l’état d’esprit d’une partie de la société. Pour Patrick Charaudeau, professeur à l’Université Paris XIII et chercheur au CNRS, tous ces savoirs qui constituent la source des références faites dans la publicité, correspondent à une « représentation rationalisée sur l’existence des êtres et des phénomènes sensibles du monde ». Ce type de discours s’apparente aussi à un discours politique dans la promesse d’un bien-être prochain, l’idée d’une cause commune, où le pouvoir d’achat remplace le vote. Il rompt en outre, avec la vision d’un discours publicitaire déconnecté de la société.
Le show de Lady Gaga, une référence cachée aux scandales de Trump père?
Le spectacle de Lady Gaga avait tout ce qu’on attendait de la mi-temps du Superbowl. La scène montée en un temps record donnait l’impression d’être en plein milieu d’un de ses concerts. La chanteuse a toujours revendiqué son soutien à la communauté LGBT et son opposition à Donald Trump. Ainsi, beaucoup espéraient quelques mots à ce sujet durant son spectacle. Mais, comme elle l’avait annoncé, aucune allusion directe au Président n’a été faite, à part peut-être le jet de micro à la fin du concert, rappelant celui de Barack Obama lors de son dernier discours.
Cependant au début du spectacle, la chanteuse a entonné This is your land de Woody Guthrie. Cette chanson de protestation est extrêmement connue aux États-Unis, elle a été chantée par Bruce Springsteen à la cérémonie d’investiture de Barack Oabama. Mais ce que peu savent, c’est que l’auteur lui-même était un opposant à Trump … père.
Écrite dans les années 30, This is your land ne paraît qu’en 1951. Elle a été raccourcie et les vers politisés ont disparu pour plaire au plus grand nombre. Il aura fallu attendre jusqu’en 1997 pour découvrir le reste de la chanson. Les paroles sont en effet, une critique du système américain qui laisse, comme l’a connu Guthrie lorsqu’il écrivait cette chanson, des personnes dans la faim et dans la pauvreté.
Mais c’est dans un autre texte de 1950 que Guthrie critique ouvertement la Trump Organization, alors dirigée par Fred Trump, le père de Donald. Après la guerre, la crise immobilière a laissé des milliers de personnes sans logement. Fred Trump a profité de cette opportunité pour développer un parc immobilier en signant des contrats publics avec la Federal Housing Administration.
Guthrie a habité pendant deux ans à Beach Heaven, un parc de logement de la Trump Organization, à Brooklyn. Dans sa chanson I ain’t go home, aussi appelée Old Man Trump, il dénonce deux choses : la discrimination raciale de Beach Heaven, qui n’accepte pas les Noirs, mais aussi des loyers aux prix exorbitants en nommant directement Fred Trump comme responsable.
« Beach Haven ain’t my home!
I just cain’t pay this rent! »
« Beach Haven looks like heaven Where no black ones come to roam!
No, no, no! Old Man Trump! »
En 1954, la Trump Organization est effectivement accusée de fraude de 4 millions de dollars au gouvernement américain suite à une sur-évaluation des loyers. Entre 1973 et 1978, le département des Droit Civils l’accusera également de discrimination raciale. Les dossiers ont établi qu’une politique de discrimination raciale était menée, visant à réduire la population noire dans les logements.
En interprétant une de ses chansons, la voix de Lady Gaga se lie indéniablement à celle de Guthrie. Ainsi, tout en subtilité, elle redonne vie à l’esprit contestataire de Guthrie, ainsi qu’à son opposition à Trump. Elle n’embarrasse pas le sponsor du spectacle, Pepsi, par des remarques directes. Non, elle retourne ce géant de la culture américaine contre celui qui, en remettant en cause l’immigration, qui est un des fondements de cette société cosmopolite, tente de la détruire.
Louise Cordier
LinkedIn
@louisycordier
Sources :
« La publicité politisée : du devoir de discrétion à l’impératif de transparence » pas de date de publication, lu le 8 février 2017
« This Land Is Our Land: how Lady Gaga sang an anti-Trump protest song at the Super Bowl without anybody noticing », Telegraph, Alice Vincent, publié le 6 fevrier 2017, lu le 7 février
« Super Bowl: des spots publicitaires anti-Trump diffusés », publié par l’Express le 6 février 2017, lu le 7 février
Fred Trump, Wikipedia, lu le 7 février 2017
Crédits :
Photo de couverture, Airbnb, Superbowl 2017
Woody Guthrie, image de la pochette du vinyl sorti en 1997, label Smithsonian Folkways Recordings
GIF Lady Gaga au Super Bowl 2017
Le 8 janvier dernier ont eu lieu les Golden Globes, cérémonie qui récompense les meilleures prestations d’acteurs, d’actrices ainsi que les meilleurs films et séries de l’année. Un parterre de célébrités, des discours de remerciement par dizaines… au premier regard, rien qui ne sorte des sentiers battus dans le monde de l’entertainment américain. Pourtant, les enjeux allaient bien au-delà de savoir qui avait la plus belle robe entre Kerry Washington et Amy Adams. L’enjeu était, contre toute attente, politique.
Avatar du politainment
Le discours de Meryl Streep n’a échappé à personne. Il était présent sur tous les réseaux sociaux, dès la seconde où il a été prononcé. Dans ce qui devait être sa séquence de remerciements après avoir gagné le prix du meilleur premier rôle dans un film musical (Florence Foster Jenkins de Stephen Frears), Meryl Streep a décidé de ne pas se restreindre à de simples formalités. L’actrice qui a, tout au long de sa carrière, accumulé de nombreuses récompenses, a ouvertement critiqué Donald Trump, en faisant bien attention à ne jamais le nommer. En effet, à quelques jours de l’investiture, les Golden Globes se présentaient comme le dernier cri d’alerte de l’Amérique progressiste, et alarmée.
Meryl Streep n’a évidemment pas été la seule à faire allusion à l’élection de Donald Trump, et à exprimer ses inquiétudes. En effet, dès les premières minutes de la cérémonie, Jimmy Fallon, présentateur vedette du Tonight Show et présentateur de l’édition 2017 des Golden Globes, a ouvert le feu en faisant référence à l’élection qu’il, comme beaucoup d’autres, pense faussée par le système du collège électoral. Le présentateur-comédien débute son monologue avec cette phrase : « This is the Golden Globes, one of the few places left where America still honors the popular vote. » (Bienvenue aux Golden Globes, l’un des derniers endroits en Amérique où le vote populaire est encore pris en compte). La couleur est alors annoncée. La soirée a donc été ponctuée d’interventions du genre qui mettaient en avant le rejet général du 45ème président des États-Unis par la caste hollywoodienne.
Le paradoxe réside en cela. Voilà la couche de la société américaine la plus éloignée de la réalité, qui n’est que divertissement pur, qui ramène les téléspectateurs au monde concret qui les attend, à la fin de ces deux heures de « show ». Assistons-nous à l’expression paroxystique de ce que l’on appelle le politainment ? Depuis l’avènement de la « screen era » (l’ère de l’écran) dans les années 1960, porté par la figure du jeune et beau John F. Kennedy, la politique dans les médias a glissé vers le monde de l’entertainment. Barack Obama est l’exemple parfait de cette mise en scène spectaculaire de la politique. On se rappelle de son apparition dans le Tonight Show en juin 2016 et de cette séquence mythique durant laquelle le président du monde libre s’adonne à un jeu musical dont le principe est de slammer l’actualité.
Les stars en politique, les politiques stars
Il semblerait que la revendication politique des stars hollywoodiennes soit le résultat de cette transformation de l’image de la politique dans les médias. Au beau milieu d’une émission dont l’unique vocation est de divertir et de glorifier des célébrités dont le quotidien est très éloigné de celui des Américains moyens, Meryl Streep s’est sentie légitime de livrer un discours politique.
Au pays où un milliardaire, magnat de l’immobilier peut devenir président, pourquoi pas imaginer une actrice hollywoodienne en meneuse d’un mouvement de révolte politique ? Au fond, qu’est-ce qui oppose une star hollywoodienne à Donald Trump ? Ils sont tous les deux riches, vivent dans un tout autre univers. Avec l’élection présidentielle de 2016, c’est la notion de légitimité en politique qui a été bouleversée. En effet, même Reagan, qui avait été acteur avant de devenir président, a effectué un mandat de gouverneur de Californie avant de prétendre au plus haut poste du pays. L’homme ou la femme politique est désormais un ou une « entertainer » avant tout. Il s’agit plus de divertir que de produire une réflexion sensée. Les meetings de Donald Trump en sont l’exemple. Il harangue la foule à coup de slogans vides de sens, comme « Build a wall ! », en référence à l’érection d’un mur plus grand et plus long que celui qui a déjà été construit par George W. Bush à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, ou encore « Lock her up ! », en référence aux accusations de corruption dont Hillary Clinton a fait l’objet durant la campagne.
https://www.youtube.com/watch?v=NaDE-YqT09E
La figure de l’homme politique a perdu ses repères et ses normes. Meryl Streep devient alors aussi légitime que Donald Trump et peut se permettre de livrer un discours ouvertement partisan et de s’afficher en tant que leader d’un mouvement anti-Trump aux yeux du monde entier.
Une nouvelle tribune pour la lutte politique
La plateforme utilisée est d’autant plus intéressante qu’il s’agit d’un show retransmis à la télévision à une heure de grande audience. En livrant son discours aux Golden Globes, Meryl Streep savait qu’elle toucherait un public large, international, pas forcément politisé, à travers un média traditionnel. En effet, la cérémonie a attiré environ 20 millions d’Américains devant leur poste — ce même média qui a été l’outil privilégié de Donald Trump pendant sa campagne. L’actrice décide donc de l’attaquer sur son propre terrain. La réponse du futur président a été envoyée via Twitter, devenu maintenant son réseau de prédilection. Le septuagénaire a compris que Twitter lui permettait de contrôler son image et de s’exprimer de manière univoque et unilatérale.
En 140 caractères, le businessman reconverti en président a exprimé son mécontentement. Le fait qu’il ait utilisé Twitter pour répondre à une attaque à son encontre à la télévision illustre également la dimension de cette nouvelle guerre qui s’engage sur tous les terrains médiatiques : les médias traditionnels VS les nouveaux médias.
Les cérémonies de récompenses sont tout ce qu’il y a de plus traditionnel à la télévision américaine. Les Oscars ou les Grammy’s, qui existent depuis respectivement 1929 et 1958, sont de véritables institutions de l’entertainment américain. Il est intéressant de voir à quel point la politique s’immisce dans ces créneaux télévisés, normalement réservés exclusivement au divertissement. On peut citer par exemple la controverse #OscarsSoWhite, lancée sur Twitter en janvier 2016, qui accuse l’Académie des Oscars d’ignorer les performances des acteurs et actrices noir(e)s. Là aussi, la polémique opposait l’opium du peuple contre le tout jeune réseau social Twitter. De la même manière, en juin 2016, à l’occasion des BET Awards (BET, Black Entertainment Television), l’acteur Jesse Williams a livré un discours poignant traitant de la condition des Noirs aux Etats-Unis, et invitant tous les Afro-Américains à la résistance et à la résilience, en référence au hashtag #BlackLivesMatter, devenu un véritable mouvement civique pour l’égalité.
Dans un monde où une star de la téléréalité milliardaire peut diriger le pays le plus puissant de la planète, on peut certainement imaginer que les cérémonies d’awards, le lieu du « show américain » le plus typique, pourraient bientôt devenir le lieu de la revendication politique la plus convaincante.
Mina Ramos
@Mina_Celsa
Sources :
– DEGBE Esther, « Donald Trump omniprésent dans les discours aux Golden Globes », Huffington Post, publié le 9/01/2017, consulté le 14/01/2017 http://www.huffingtonpost.fr/ 2017/01/09/donald-trump-omnipresent-dans-les-discours-aux-golden-globes/
– BARNES Brooks, « At the Golden Globes, a New Culture War Erupts Onstage, The New York Times, publié le 9/01/2017, consulté le 10/01/2017 https://www.nytimes.com/2017/01/09/movies/ golden-globes-donald-trump-meryl-streep.html?smid=fb-nytimes&smtyp=cur&_r=0
– DE MONTALIVET Hortense, « Le discours indigné de Jesse Williams aux BET Awards », Huffington Post, publié le 27/06/2016, consulté le 14/01/2017 http://www.huffingtonpost.fr/ 2016/06/27/le-discours-indigne-de-jesse-williams-aux-bet-awards/
– O’CONNELL Michael, « TV Ratings : 2017 Golden Globes Climb to 20 Million Viewers », The Hollywood Reporter, publié le 9/01/2017, consulté le 14/01/2017 http:// www.hollywoodreporter.com/live-feed/tv-ratings-golden-globes-up-2016-early-numbers-962326
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Twitter / Golden Globes Awards
Twitter / @realDonaldTrump
Magnat de l’immobilier, star et producteur d’une émission de téléréalité et aujourd’hui, candidat républicain à la présidentielle, Donald Trump est plus qu’un simple homme d’affaires. C’est un phénomène médiatique et politique.
A quatorze mois des élections, les sondages le donnent largement gagnant pour la primaire Républicaine. Trump écrase ses adversaires avec au moins 30% d’opinions favorables. Des chiffres surprenants face au comportement médiatique du candidat, avant tout connu pour ses propos misogynes et racistes. Pourquoi ce qui devrait lui porter préjudice lui donne-t-il un statut de favori au sein de cette primaire républicaine?
Un discours populiste à la rhétorique bien huilée
Son discours d’annonce, prononcé symboliquement dans la Trump Tower, abordait les principaux thèmes de sa campagne. Des thèmes articulés autour d’un nationalisme assumé qui pointe notamment du doigt la Chine comme un danger économique et diplomatique pour les Etats-Unis (« There are no jobs, because China has our jobs »). Un discours démagogique comme première arme pour toucher le cœur des électeurs.
Sa conclusion est éloquente : les Etats-Unis ont besoin d’un leader, d’un homme providentiel. Et cet homme n’est autre que lui-même. Le discours est percutant, les phrases courtes, imaginées comme des slogans dont on retient l’essentiel : Donald Trump « is going to make the America Great again ». Le schéma est simple : « eux », les politiciens, le gouvernement, les médias, ne sont pas capables de rendre aux Etats-Unis leur statut de leader mondial. « Eux », les pays étrangers, les immigrés illégaux « nous » mettent en danger. Ce sont « eux » contre « nous », le vrai peuple. Mais « moi », Donald Trump, je peux assumer ce rôle et c’est pourquoi je me présente. La rhétorique est efficace, en témoignent les sondages mais aussi son omniprésence dans les médias.
Une stratégie du scandale et du buzz médiatique
Cette rhétorique est couplée à une autre stratégie de communication : celle de faire le buzz. En effet, dès le lancement de sa campagne, Donald Trump a su créer la polémique. Sa déclaration sur les immigrés mexicains, les taxant de « violeurs », a été diffusée en continu sur les chaînes de télévision américaines, octroyant une place de choix à sa campagne sur la scène médiatique et dans les esprits des électeurs. Parallèlement, soulignant une fois de plus le paradoxe de sa montée dans les sondages, elle a également provoqué (à dessein) l’indignation de toute une communauté ainsi que des autres candidats républicains.
Sa popularité dans les sondages surfe également sur sa notoriété de star de la télé réalité. Cette identification des deux personnages créés – le showman et l’homme politique – repose sur la similitude de sa campagne avec un grand spectacle dans lequel le personnage de Donald Trump se met en scène dans le costume d’un homme politique. Il exerce une fascination liée à une attirance naturelle du spectateur pour tout ce qui est spectaculaire, divertissant, choquant. Un statut de vedette des médias que Barack Obama résume en ces termes « He knows how to get attention. He is the classic reality TV character ».
Enfin, comme l’explique le journaliste Howard Fineman dans le Huffington Post, son succès reflète un désenchantement politique. Il utilise une lassitude générale des hommes politiques classiques et surtout une érosion de la confiance populaire en la capacité de ces hommes à améliorer leur situation matérielle pour mettre en avant sa différence : c’est un homme d’affaires. Les Américains ne veulent plus d’un homme politique, ils veulent un gestionnaire efficace.
Le scandale permet donc d’attirer l’attention : l’électeur est plus attentif dès lors qu’un discours provoque en lui une réaction guidée par l’affect. Ainsi, sa campagne est avant tout articulée autour d’un constat qu’il fait du monde contemporain : les Etats-Unis vont mal, socialement, économiquement, et sur le plan militaire. Il instille ainsi la peur, celle de l’étranger, de la concurrence, de la destruction du système américain dans la conscience américaine : les Etats-Unis ne sont plus ce qu’ils étaient.
Un buzz dont l’efficacité est mesurable dans les sondages mais aussi sur les médias sociaux.
L’homme se finance seul : une image du rêve américain, celle du « self-made-man », et un argument pour revêtir ce costume d’homme qui dit la vérité, qui dit non au politiquement correct parce qu’il n’est pas manipulé par les différents lobbies. Pas de campagne de publicité à la télévision ou sur YouTube donc. Un compte facebook, un compte Twitter et un site internet. Mais près de quatre millions de likes sur Facebook et 4.38 millions de followers sur Twitter. A titre de comparaison, Hillary Clinton totalise « seulement » 1.5 millions de likes sur Facebook et Ben Carson, « seulement » 719 000 followers sur Twitter. Donald Trump n’est pas seulement un invité régulier des médias : il est une star sur internet. Donald Trump est en effet le nom le plus recherché sur Google parmi tous les candidats à la présidentielle. Sa personnalité outrancière exerce une véritable fascination sur les électeurs américains, qui le retrouvent sur les réseaux sociaux pour suivre ses clashs par tweets interposés et ses commentaires de l’actualité. Une fascination entretenue mutuellement par les médias et par le public, par le biais des sondages d’une part et de la couverture de l’actualité de l’autre.
How many trumps has he now ? (« Combien d’atouts a-t-il encore ? »)
Le personnage de Donald Trump ne s’est pas construit politiquement, sur un programme ou des idées fortes, mais sur des icônes, un slogan et sa personnalité. Son comportement heurte les fidélités partisanes : par ses propos insultants et haineux, mais aussi par sa vantardise omniprésente (« I beat China all the time »). Il entraîne une inertie du débat politique et neutralise ses adversaires. Il est ainsi perçu comme un danger par ses adversaires républicains : il est l’homme à abattre.
Cependant, sa stratégie ne tient qu’à un fil : l’attention que lui portent les médias et le public. Sera-t-elle toujours récompensée dans les sondages dans les 14 mois de campagne restants ?