Société

Facebook, ton pire cauchemar ?

 
Des conditions générales nébuleuses
Le 26 août dernier, Facebook a dû faire face à une plainte massive. Le groupe de Marc Zuckerberg s’est engagé à reverser 20 millions de dollars aux utilisateurs dont certaines données avaient été revendues à des fins publicitaires, à leur insu. Afin de faire preuve de plus de transparence et de clarifier les paragraphes nébuleux permettant certaines interprétations, Facebook a prévu un changement de ses conditions générales, concernant particulièrement l’utilisation de ses données. Cette annonce s’est faite très discrètement (du moins vis-à-vis des utilisateurs). Pourtant, six associations américaines pour la défense des libertés sur Internet se sont emparées du sujet, ce qui a conduit à un décalage dans le lancement de cette politique auprès des utilisateurs américains. Les modifications ne sont plus qu’une question de temps. L’Europe s’inquiète, même si encore protégée par les autorités de protection des données comme la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) qui restent méfiantes à l’égard de ces pratiques. Des articles soucieux ont fusé, ici et là.
Entre volonté de faire preuve de transparence et d’honnêteté et simple protection juridique, la modification des conditions générales d’utilisation n’en reste pas moins une remise en question de la propriété des données nous concernant.
L’écrire, c’est pire
Cette modification dont nous parlons tant, que signifie-t-elle concrètement? Selon Facebook, il s’agit de clarifier un point qui pourtant, pour les médias, n’est autre que l’annonce d’une abominable vérité que les utilisateurs refusent de voir : Facebook utilise nos données, à notre insu et à des fins commerciales. Après maintes recherches sur Internet et après avoir épluché les conditions d’utilisation version française, il semblerait que le pire se tienne encore aux Etats-Unis. Par exemple, le paragraphe 10 point 1 est beaucoup repris par les médias :
Vous nous donnez la permission d’utiliser votre nom et la photo de votre profil en rapport avec du contenu commercial ou sponsorisé. Par exemple auprès d’une marque que vous avez soutenue en cliquant sur « like ». Ceci signifie que vous donnez votre accord pour qu’un business ou une autre entité rémunère Facebook pour l’utilisation de votre nom, la photo de votre profil et les informations vous concernant, avec votre consentement, sans aucune compensation en échange.”
et on obtient en Français :
Vous pouvez utiliser vos paramètres de confidentialité pour limiter la façon dont votre nom et votre photo de profil peuvent être associés à du contenu commercial, du contenu sponsorisé ou d’autres contenus (tels qu’une marque que vous indiquez aimer) que nous diffusons. Vous nous donnez la permission d’utiliser votre nom et votre photo de profil en association avec ce contenu, conformément aux limites que vous avez établies.”
Entre le pire et le “moins pire”… Une fois décortiquée la langue de bois, Facebook utilise tout de même vos noms et photos pour faire de la publicité sponsorisée, mais il semblerait qu’en France l’on ait encore un choix, ce qui n’est plus le cas outre-Atlantique. Encore faut-il savoir que vos paramètres par défaut sont « tout public ». Peut-être découvrirez-vous un jour votre tête dans une publicité pour spiritueux ou problèmes de peau… A suivre !
Quand l’argent n’a pas honte
Notre première réaction était celle d’une surprise abasourdie, quant à ce que permet le premier réseau social du monde. D’autant qu’ils ne changent pas leurs façon de faire, ils ne font qu’officialiser une pratique qu’ils exerçaient déjà (cf. lien RFI). Le droit français et européen offre encore une certaine protection du droit moral et privé, dont les contours tendent à changer ces dernières années.
Certes, il est grave qu’une entreprise prenne autant de libertés avec notre propre liberté et vie privée mais au final, on se demande si le plus grave, ce n’est pas cette indifférence générale qui gangrène les utilisateurs. Même si l’information a été relayée par les médias, sur un ton plutôt alarmant d’ailleurs, les internautes n’ont pas massivement crié leur opposition aux nouvelles conditions d’utilisation et n’ont pas non plus décrié l’abus qui en est fait. Oui, ils ont grincé des dents. Mais pas avec assez de conviction pour quitter Facebook, ce qui aurait (peut-être ?) permis de remettre en cause l’utilisation de la plateforme.
 
Sophie Pottier et Pauline St Macary
Sources:
RFI
Commentçamarche
Le Monde
Gentside
Un dernier lien datant de 2009 mais toujours intéressant
Crédits image : zombie-parade.net

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Société

Sims en déroute

 
Il n’y a pas cinquante arguments à avancer pour vendre un jeu vidéo. Lorsque la réussite technique ne peut pas servir de cheval de bataille, les éditeurs se rabattent sur des variations du genre « nous avons fait exactement ce que vous attendiez » ou « notre seul souci est de créer un jeu sur lequel tous nos fans peuvent s’amuser ».
C’est avec ce type de gentilles formules, assez peu efficaces lorsqu’elles sont censées répondre à des critiques, qu’Electronic Arts a choisi d’affronter la petite tempête soulevée par la sortie du dernier SimCity.
Bad move EA, bad move…
L’ire des joueurs s’était déchaînée dès la toute fin 2012, lorsque Maxis, le studio chargé du développement de SimCity, avait eu le malheur d’organiser un chat sur Reddit pour annoncer les fonctionnalités du jeu aux fans de la série. Il y avait été précisé que SimCity ne disposerait d’aucune forme de mode Offline, et donc que le jeu serait proprement inutile sans connexion Internet.
Âge du tout-connecté ou pas, il reste nombre de situations dans lesquelles un ordinateur est incapable d’accéder au Net, surtout s’il dépend des réseaux wifi adjacents. Mais la rage des joueurs tenait moins à cette agaçante contrainte qu’à ce que l’annonce sous-entendait. Car généralement, la principale raison pour laquelle un éditeur décide d’empêcher l’activation Offline de sa production est la recherche d’une forme de DRM (Digital Rights Management).
En clair, un moyen d’empêcher l’utilisation de copies piratées du jeu en maintenant actifs un certain nombre de protocoles d’authentification, dépendants des serveurs de l’éditeur.
Le 5 Mars, EA lançait officiellement SimCity après une courte période d’essai (ou Beta). Relançant au passage les plaintes exaspérées des joueurs, qui se retrouvaient incapables d’utiliser leur copie en raison de serveurs surchargés. Au principe même de la connexion obligatoire, toujours vue avec une extrême méfiance par la communauté gamer, s’ajoutait l’échec de la marque à faire fonctionner son propre système.

Résultat : un dégoût si grand qu’Amazon a prévu de rembourser ceux qui ont obtenu SimCity via sa plate-forme, pour ensuite se retrouver dans l’impossibilité de l’activer en raison des insuffisances de l’éditeur.
L’événement est depuis considéré comme l’une des pires releases de l’histoire du jeu vidéo et ce malgré la qualité exceptionnelle de SimCity lui-même. Et pour le coup de grâce : une double pétition de consommateurs, extrêmement suivie, fut présentée auprès de Whitehouse.gov et Change.org, à laquelle Maxis ne put répondre qu’en proposant un jeu gratuit du catalogue EA aux joueurs floués.
EA réagit rapidement au niveau technique en doublant la capacité de ses serveurs. Mais l’argument communicationnel ne changea pas de ce qui avait été martelé depuis le chat désastreux : l’obligation du Online n’était qu’un choix désintéressé. Essentiel dans le développement du titre, il ne visait qu’à créer une expérience nouvelle et communautaire pour les joueurs et ce sans aucun pensée mesquine ayant trait au DRM. Une justification difficile à avaler par des fans qui ne voyaient là qu’une énième tentative de l’éditeur pour instaurer un contrôle autoritaire sur l’utilisation de sa production. En outre, ils devaient réaliser assez rapidement qu’il était possible de faire revenir SimCity au Offline en ne supprimant qu’une seule ligne dans le code du jeu.
Ce n’est pas au vieux singe que l’on… Ah ben si tiens
Cette problématique n’est nouvelle ni pour EA ni pour le marché du jeu vidéo en général. Lors de la sortie l’année dernière du très attendu Diablo III, Blizzard Entertainment avait essuyé des critiques semblables. La série Diablo avait pour elle l’excuse d’être en partie vouée au jeu en ligne, là où les précédents SimCity étaient des jeux Offline avant tout. Mais cela n’avait guère joué sur le lancement, qui avait été immédiatement boycotté par des joueurs trahis par les serveurs de Blizzard. En France, l’association UFC-Que Choisir avait même été jusqu’à porter plainte contre le développeur pour avoir distribué un produit inutilisable.

Notons cependant que tous les éditeurs ne tombent pas dans le piège, ainsi Ubisoft qui avait eu la bonne idée d’affranchir ses titres d’une connexion obligatoire quelques mois avant la sortie du remarqué Assassin’s Creed III fin 2012. Il évitait ainsi des déboires semblables tout en s’assurant quelques temps plus tard de diffuser des extensions qui, elles, ne pouvaient être jouées en Offline sur des copies piratées. Le contrôle sécuritaire de la diffusion était maintenu, mais sans que les joueurs aient eu l’impression d’acheter quelque chose « qui n’était pas vraiment à eux ».
DRM is the new Fun
Ces anecdotes ne se répètent pas pour rien. Elles trahissent un enjeu grandissant pour les éditeurs de jeux vidéos, qui sont rattrapés par la démocratisation du piratage. Si l’industrie vidéoludique y réagit aussi tardivement (par comparaison, entre autres, aux labels musicaux), c’est essentiellement grâce à la popularité des jeux fondamentalement Online et donc relativement aisés à contrôler, tels Call Of Duty ou les MMORPG (jeux de rôle en ligne).
Mais c’est la vision des consommateurs qui change le plus par résonnance et en vient à admettre dans des cas comme ceux de Diablo ou de SimCity qu’une copie piratée a au moins le mérite de satisfaire immédiatement son utilisateur, là où les versions officielles sont comme on l’a vu tributaires de manquements logistiques. La méfiance vis-à-vis du tout-Online mène même parfois à considérer que le développement d’un MMORPG (prenant place dans un monde persistant, qui n’admet par définition pas de mode Offline) n’est plus autre chose pour les éditeurs qu’un moyen de s’assurer un DRM inviolable.
Et les faits ne manquent pas pour conforter les joueurs dans leurs opinions, ainsi avec la rumeur grandissante selon laquelle la Xbox 720 (prochaine console de Microsoft) ne pourra fonctionner sans connexion au service Xbox Live, ce qui permettrait de tuer le marché de l’occasion des jeux Xbox en même temps que le piratage ou le simple prêt entre amis : chaque copie de chaque titre ne pourra être utilisée que par un unique utilisateur du service, ayant dûment payé pour ce droit.
Le Flop retentissant d’Electronic Arts est donc le symptôme d’un phénomène qui ne semble pouvoir être endigué que par la mutualisation de la diffusion. Rares sont les alternatives autres que les plates-formes telles que Steam, de Valve. Car Steam encourage ses utilisateurs à passer par lui pour acheter des jeux, et à lancer ces derniers en restant connecté au service. Ceux qui ont fini par apprécier ce fonctionnement et notamment les nombreuses interactions sociales qu’il permet de conserver tout en jouant, sont ainsi moins tentés de simplement quitter la plate-forme. La mort du Offline n’étant à l’évidence pas un changement que les gamers sont prêts à accepter, les éditeurs de jeux vidéos ne semblent pouvoir sauver leur industrie autrement qu’en développant un discours d’escorte de plus en plus tentaculaire, irrigué de services corollaires au gaming lui-même et justifiant une connexion constante.
C’est ça, ou se faire insulter sur Reddit.
 
Léo Fauvel
Sources :
Journaldugamer.com
Forbes, ici, là et là.
Rue89