Société

Sourds et malentendants, leur combat pour la télévision

Qui ne s’est jamais trompé, lors d’un film, en sélectionnant les sous-titres pour malentendants ? Dans ces moments, le spectateur lambda a un petit aperçu de leur quotidien. Les sourds et malentendants représentent aujourd’hui 6,6% de la population française, soit 6 millions de personnes dont 400 000 sourds profonds. Mais comment ce public consomme-t-il les contenus télévisés ? Les chaînes sont-elles adaptées ? La question du handicap est très peu abordée dans les programmes des candidats à la présidentielle. Pourtant, ces derniers négligent une grande partie de leurs électeurs à cause d’une mauvaise adaptation de leurs discours télévisés aux sourds et malentendants. Sans jouer les pères moralistes, essayons ici de décrire la réalité des pratiques développées pour ce public à la télévision.
Un gouvernement qui fait la sourde oreille
Depuis la loi du 11 février 2015, toutes les chaînes (publiques ou privées) représentant plus de 2,5% de la part d’audience moyenne actuelle doivent adapter leurs programmes en proposant un sous-titrage. Cette mesure était essentielle car la télévision, si on se réfère aux malentendants, demeure leur principal moyen d’information et de divertissement.
Mais à cette réaction tardive du gouvernement s’ajoute un manque de diversité des programmes adaptés comme le montre ce témoignage de Lucas, jeune homme sourd :
« Il existe des émissions qui ne sont pas sous-titrées. Notamment l’émission “La Mode, la mode, la mode” sur Paris Première. Je voudrais travailler dans la mode, donc j’aimerais en apprendre plus… J’ai même envoyé un message à la chaîne, personne ne m’a répondu… »
Malgré cette loi de 2015, nombreuses sont les émissions et documentaires spécialisés persistant inaccessibles pour les sourds et malentendants. Leurs choix sont donc bien plus réduits que ceux des autres téléspectateurs.
De plus, pour les émissions en direct, la situation reste catastrophique. En effet, les traducteurs n’ayant pas le temps de traduire les dialogues, on observe un écart de temps entre l’image et les sous-titres dépassant parfois de 10 secondes. 10 secondes semblent représenter peu, mais c’est un écart considérable pour suivre et comprendre un programme télévisé. Ce détail, qui peut sembler anodin, handicape fortement les sourds et malentendants.
Prenons l’exemple d’Emmanuelle, qui avait fait parler d’elle sur Twitter en filmant son téléviseur lors des débats des primaires sur France 2 (voir vidéo ci-dessous). Un mot s’affiche toutes les secondes, sans être mis en lien avec les précédents, il est donc impossible pour Emmanuelle de suivre les discours des candidats. Ce post illustre la réalité des traductions disponibles lors des directs des grandes chaînes comme des petites.

Je suis sourde et je veux suivre la #PrimaireLeDebat comme tout le monde. Mais les sous-titres sont pourris sur @France2tv. #PrimaireGauche pic.twitter.com/e6AglB6obe
— Emmanuelle (@eaboaf_) 19 janvier 2017

Il reste donc beaucoup à faire pour garantir une égalité d’accessibilité aux contenus télévisés, d’autant plus que beaucoup de sourds signant ne sont pas à l’aise avec la lecture et les subtilités de la langue française. L’idéal serait donc de proposer deux options pour chaque programme : les sous-titres ou l’intégration d’une traduction en langue des signes.
Un retard qui se creuse pour les plateformes de VOD 
La solution pour les sourds et malentendants serait donc de regarder les programmes en différé, permettant ainsi aux chaînes de télévision d’avoir plus de temps pour traduire les programmes. Cependant, aucune loi n’oblige les dispositifs de replay à adapter leurs programmes aux sourds et malentendants. Et pourtant, le visionnage en replay est de plus en plus à la mode et serait extrêmement utile pour les malentendants. Il y a donc un sérieux manque de réalisme de la part des chaînes, excluant tout un public de téléspectateurs et renforçant leur sentiment d’isolement.
Autre domaine n’étant pas réglementé : la publicité. Certes, la publicité n’est pas considérée comme programme culturel et énerve de nombreux individus. Cependant, les sourds et malentendants devraient avoir le choix de zapper la publicité ou de la regarder. C’est pour cela que certaines agences de publicité ont décidé de sous-titrer leurs spots télévisés. Publicis a pris cette initiative en 2016 :
« C’est important pour nous dans le cadre de notre responsabilité sociétale de travailler avec nos clients sur ce sujet incontournable qui est l’accès des communications à la population en situation de handicap. Et je suis très fier que Publicis Conseil soit la première agence de France dont tous les annonceurs ont sauté le pas pour sous-titrer tous leurs films TV ». Patrick Lara, Directeur Général de Publicis
Une belle initiative montrant l’envie du secteur de la publicité de s’adapter à tous ses publics. Mais surtout, montrant un pas de plus contre les inégalités de consommation des dispositifs de communication.
Des technologies qui s’adaptent
Heureusement, de nouveaux appareils se développent pour aider la compréhension des programmes à ce public malentendant. Les malentendants peuvent désormais relier leurs appareils auditifs à la télé afin d’augmenter le son de la diffusion directement dans leurs oreilles.
Cependant, avec des écouteurs ou des appareils auditifs reliés à la télévision, le téléspectateur peut uniquement écouter le son de la télévision. Cela l’isole donc des personnes regardant avec lui la télévision, ne pouvant interagir avec ses proches en même temps. Or, si nous reprenons un ouvrage majeur, La télévision cérémonielle, Anthropologie et histoire en direct de Daniel Dayan et Elihu Katz, nous constatons que certains évènements télévisés créent des discussions, du lien social en réunissant plusieurs personnes autour de la télévision. Prenons comme exemple L’Euro de Football, événement suscitant de nombreux échanges lors du visionnage : les malentendants reliés uniquement à la télévision ne peuvent partager leurs avis et profiter de cet événement comme tous les autres téléspectateurs. Les chaînes de télévision sont donc les mieux placées pour aider à la bonne assimilation des programmes.
À ces petits objets connectés s’ajoute l’apparition des caméras à la radio. Les sourds et malentendants regardent essentiellement la télévision et restent coupés des autres médias traditionnels (à part la presse). Avec l’arrivée de la caméra en studio d’enregistrement, certaines matinales sont traduites en langue des signes et parfois, des spécialistes sous-titrent en direct chaque dialogue. France Inter avait montré l’exemple lors de la Semaine Européenne pour l’Emploi des personnes handicapées en mettant en œuvre ces deux types de traduction. Ici, nous avons une réelle amélioration de la communication envers ces publics.

Il y a donc une réelle volonté de communiquer les programmes télévisés aux sourds et malentendants, que ce soit au niveau du gouvernement ou des acteurs privés. Cependant, la société demeure mal renseignée sur les problèmes que rencontre ce public malentendant. Des programmes télévisés se développent donc afin de montrer ce handicap aux yeux de tous, et surtout aux jeunes publics. Gulli, par exemple, a diffusé le premier épisode de C’est bon signe le 2 février dernier. Cette série met en scène un adolescent sourd et ses tracas quotidiens. Quel est le but ici ? Communiquer sur le quotidien d’un sourd de manière adaptée aux jeunes spectateurs afin d’éviter les maladresses commises envers ce public par manque de connaissances. Ces initiatives doivent être développées pour établir et faire perdurer une égalité télévisuelle entre tous les publics.
Nathanaelle Enjalbert
Linkedin
REMERCIEMENTS
Merci beaucoup à Mélanie Duval, chargée de projet enseignement supérieur au CED, Handicap et Diversité, qui a pris le temps de répondre à mes questions pour cet article. Merci également à Hanna Zouari, étudiante au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) pour son avis précieux.
SOURCES 
DIGIACOMI Claire, « Cette internaute sourde a su attirer l’attention en plein débat de la primaire de la gauche », huffingtonpost.fr, 19/01/2017
AFP, « Les sous-titrages à la télé, un « calvaire » pour les sourds », L’express.fr, publié le 08/02/2015
AUDIGIER Anne, « Les programmes de France Inter en Langue des Signes », Franceinter.fr, publié le 14/11/2016
Site de l’Unapeda, association pour les sourds et malentendants
Daniel Dayan, Elihu Katz, La cérémonie télévisuelle, Anthropologie et histoire en direct, 1996
Crédits photos:
Langue des signes, Getty, photographe non connu
Capture d’écran de la chronique de Sophia Aram sur France-Inter. 
 

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Société

Quand la parole des femmes se fait oublier

Le 7 novembre dernier avait lieu un rassemblement dans plusieurs grandes villes de France pour lutter contre l’inégalité salariale. En effet, depuis le 7 novembre, à partir de 16h34 les femmes travailleraient bénévolement. Ces dernières sont payées en moyenne 16% de moins que les hommes (calcul réalisé par Eurostat, organisme des statistiques de L’Union Européenne). Pour lutter contre l’une des plus grandes inégalités qui demeurent en France, des groupes féministes sont apparus sur Internet. Entre blogs et événements Facebook, quelle est la portée de ces nouveaux collectifs ?
Paye ton Tumblr

A l’origine, il était Paye ta shnek. Crée par Anaïs Bourdet en août 2012, ce tumblr rassemble les témoignages de victimes de harcèlement de rue. Simples, ces affiches présentent en citation, un propos retenu par une victime. Efficace, le contenu choque par son contraste avec le choix des couleurs plutôt ludiques.
L’idée lui est venue après avoir visionné une vidéo en caméra cachée de Sofie Peeters dénonçant le harcèlement de rue. En l’espace de quelques semaines c’est plus de 150 messages par jour qu’elle reçoit. Le modèle a été repris par d’autres et nous voyons fleurir aujourd’hui sur la toile de nombreux tumblr pour dénoncer les discriminations contre les femmes : Paye ta robe, Lesbeton, Projet crocodile par exemple.
Le concept se développe parce que ces blogs viennent parer un gouffre médiatique. En effet les femmes sont sous-représentées dans les médias : elles sont 37,6% à détenir la carte de presse en presse régionale et 41,7% en presse nationale. Le taux de présence des expertes quant à lui est de 23% à la radio, 15% dans la presse, 18% à la télévision. Même à la télévision, les présentatrices sont souvent reléguées au rang de potiches, à l’image de Karine Ferri dans The Voice dont le rôle est bien effacé face à Nikos Aliagas. La diversité féminine ne caractérise pas non plus le PAF : la femme télévisuelle est – trop souvent ? – belle, blanche, grande et mince.
Il est donc impossible de parler des problèmes rencontrés par les femmes car elles ne sont ni écoutées ni même représentées dans les médias traditionnels. Les blogs deviennent alors une forme d’expression privilégiée par celles-ci. Internet est l’espace de discussion et de dénonciation des inégalités homme/femme. Il permet de créer une masse militante anonyme beaucoup plus forte qui étend ainsi son réseau beaucoup plus facilement. Il crée une communauté non plus basée sur les centres d’intérêt mais sur les discriminations partagées.
Le mouvement du 7 novembre : « une affaire de bonne femme » ?
 
Les groupes féministes qui naissent sur Internet sont également très actifs dans le monde réel. A l’origine de nombreuses campagnes de sensibilisation, ces collectifs créent également des événements et des rassemblements pour appeler le grand public à réagir. Ces événements font parfois le « buzz » comme le mouvement du 7 novembre, organisé par le collectif féministe Les Glorieuses, relayé par la suite sur les réseaux sociaux telle que la page Facebook Paye ta shnek.
Il est intéressant de constater qu’ici les médias se sont faits une fois de plus observateurs des agissements d’Internet. L’Obs, Le Monde et bien d’autres ont appelé à rejoindre le mouvement. Les femmes journalistes ont manifesté, parfois même au sein des rédactions. Mais ont-ils proposé autre chose que ce rassemblement ? Une action ? Une pétition ? En ont-ils parlé le reste de l’année ?
Il aura donc fallu attendre un mouvement venu des réseaux sociaux pour que les grands journaux nationaux parlent à nouveau, et en dehors de la journée mondiale pour les femmes, d’inégalité salariale. Malheureusement, le mouvement s’est essoufflé aussi vite qu’il est apparu : aucun suivi dans les médias le lendemain, aucune déclaration de politiques (mise à part celles de deux ministres femmes du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem et Marisol Touraine) ni aucune proposition voire même de début de débat. Le traitement médiatique s’est arrêté sur les jours précédents et la journée de l’événement. Et pourtant, les inégalités, quant à elles, perdurent.
Aux armes, citoyennes ET citoyens !
Loin d’être négligeable, la portée de ces blogs est réelle mais limitée si les médias et les politiques ne s’engagent pas, eux aussi. Nous pouvons observer un clivage manifeste entre la masse populaire présente sur Internet et les représentations médiatiques. Pour obtenir un véritable changement des mentalités, sans doute faudrait-il déjà que les médias deviennent eux-mêmes un exemple d’égalité hommes/femmes et se fassent les véritables relais des combats d’Internet. Les luttes pour les droits des femmes nécessitent un traitement médiatique beaucoup plus global. En attendant, les femmes devront une fois de plus travailler autant et gagner moins que leurs collègues hommes jusqu’à ce qu’on en parle à nouveau…l’année prochaine ?
Laura Sébert
LinkedIn
Sources :

L’image des femmes dans les médias, HCE
Les femmes, toujours en minorité dans les médias, Le Monde, le 09/ 03/ 2015
Interview Anaïs Bourdet alias Paye Ta Shnek, MadmoiZelle, youtube, le 06/ 06/ 2016
Paye Ta Shnek, le tumblr

Crédits :
-Paye ta shnek (Facebook)
-Les glorieuses (Facebook)

Société

Internet sous péage : entre voies express et chemins de terre

 
La « neutralité du Net »… on en a déjà entendu parler, c’est le genre d’actualité à laquelle on ne prête pas vraiment attention, un peu comme le conflit israélo-palestinien et toutes ces autres choses qui paraissent beaucoup trop compliquées pour que l’on daigne ouvrir nos écoutilles. Et pourtant, ce n’est pas faute de couverture médiatique, de nombreux travaux journalistiques tentent d’expliciter cette affaire et de sensibiliser le public à cette cause, sans grand succès.
Alors la neutralité du Net, qu’est-ce que c’est ? C’est l’un des principes de base de l’Internet : un Internet neutre où toutes les informations circulent à vitesse égale à travers les « bandes passantes », ces immenses tuyaux qui font circuler l’information en ligne. Ainsi, que l’on soit un membre des « GAFA » ; acronyme désignant à l’origine Google Apple Facebook et Amazon, mais qui est de plus en plus utilisé comme un synonyme pour désigner tous les géants du Net à mesure qu’ils se multiplient, comme Twitter et Youtube par exemple ; ou une petite entreprise, ou une association, ou encore un particulier, nous empruntons tous la même autoroute de l’information. Seulement, il y a de plus en plus de poids-lourds sur la route, Youtube par exemple occupe 13% des bandes passantes pour ses contenus vidéos volumineux et très fortement consultés. Cela entraîne un surcoût pour l’entretien et le développement des bandes, et c’est ainsi qu’aux Etats-Unis, l’organisme en charge des télécommunications, la Federal Communications Commission (FCC), entreprend de réformer l’accès à aux bandes, notamment par la création d’offres différenciées.
Certes, aujourd’hui le débat est centralisé dans le pays de l’oncle Sam, c’est à cause de l’arrivée de Netflix et de son accaparement de 32% des bandes passantes, selon le cabinet Sandvine, mais puisqu’Internet est partout, sa neutralité nous concerne tous. En 2012 par exemple, les spécialistes du numérique s’interrogeaient déjà sur le sujet sur le site Owni.
AVOIR FACEBOOK SANS AVOIR INTERNET
La fin de la neutralité du Net ce serait donc des offres différenciées, un système de péage, amenant à un Internet à deux vitesses, entre ceux qui pourront payer plus cher un débit de connexion plus rapide et un accès illimité, et les autres.

Concrètement, cela instaurerait un filtre dans lequel seuls les grands groupes marchands, comme les GAFA, pourraient entrer. Les petites boutiques en ligne et les sites à but non-lucratif (associations, forums, blogs) n’auraient pas les moyens de s’offrir la voie rapide sur Internet et seraient relégués sur les petites routes départementales. L’accès à Internet ne leur serait pas refusé mais leurs sites seraient si longs à charger qu’à terme ils finiront par perdre en visibilité et par disparaître. En effet, les internautes ont perdu l’habitude d’attendre que la page charge et ne tardent pas à aller voir ailleurs. De nos jours, Internet et rapidité vont de pair, alors ralentir quelque-chose revient pratiquement à le faire disparaître. Quant à nous, internautes, nous aurons à choisir entre plusieurs forfaits Internet. Comme le vendeur en informatique nous demande ce que nous recherchons comme type d’ordinateur, le fournisseur d’accès nous demanderait quel usage on souhaite faire de l’Internet : les mails, Facebook, Wikipédia, les sites d’information, Youtube… Vous pourriez avoir Facebook sans avoir Internet, ou envoyer des mails qui, pris dans les embouteillages, mettront plusieurs heures voire jours avant d’atteindre leurs destinataires.
LOADING… PLEASE WAIT

Les bandes passantes sont saturées, elles demandent plus d’entretien, la FCC a besoin de lever de nouveaux fonds, sa réforme tient, en tous cas sur le papier. Dans les faits, elle se heurte à plusieurs réalités.
– A terme, cet Internet à deux vitesses se transformerait en une immense galerie marchande, où tous les sites se devraient d’être ou commerciaux, ou bardés de publicité, pour rentabiliser le péage versé aux « FAI » pour fournisseurs d’accès à Internet.
– Il n’y aurait plus d’Internet du savoir, d’Internet des connaissances, d’Internet citoyen et participatif. Cet Internet-ci serait tellement lent que les internautes finiraient par ne plus s’en servir.
Et pour une fois, citoyens et grandes entreprises se rangent du même côté : comme Google qui a récemment pris position pour la défense de la neutralité du Net, la plupart des entreprises de la Silicon Valley ont un système économique qui est fondé sur les contenus postés par les utilisateurs. Ce sont les « UGC » pour User Generated Content, dont ces entreprises se font les curateurs, les éditeurs, les hébergeurs et les distributeurs. Comme Youtube qui attend qu’un internaute poste une vidéo et nous oblige à visionner des publicités avant de pouvoir y accéder, toutes ces entreprises ont besoin de la créativité des internautes pour la monétiser et être rentables. Sans la masse d’internautes elles ne seraient rien. Ainsi, sans la neutralité du Net elles ne seraient rien non plus.
Et c’est ainsi que le 10 septembre 2014, le mouvement Internet Slowdown a été lancé : aux Etats-Unis, des milliers de sites se sont mis à fonctionner au ralenti le temps d’une journée, afin de montrer à leurs utilisateurs à quoi ressemblerait l’Internet de demain et les sensibiliser à la cause. Parmi eux : Tumblr, Netflix, Digg, Mozilla, YouPorn, Etsy, Kickstarter, Vimeo… Google a également récemment pris position pour défendre l’Internet innovant et citoyen qui est permis par la neutralité du net.
En définitive, imposer un accès différencié, autant dire discriminé, au Net, irait à l’encontre des principes fondamentaux de l’Internet et des libertés. Internet construit comme outil de démocratisation de la culture, permettant au savoir et à la connaissance de circuler à travers les distances géographiques mais surtout par-delà les frontières sociales, serait bafoué. Et l’opinion publique qui se forme en ligne, serait complètement modulée par les acteurs dominants du réseau, soit, pour poursuivre le raisonnement précédent, de grands groupes commerciaux. C’est pour toutes ces raisons que depuis le 12 mars 2012 le Conseil National du Numérique – CNNum – invite le gouvernement français à reconnaître le principe de neutralité du Net comme « principe fondamental nécessaire à l’exercice de la liberté de communication et de la liberté d’expression ».
Internet est un réseau de communications où freiner revient, ni plus, ni moins, à censurer.
Marie Mougin
@Mellemgn
 
Sources:
HBO – Last Week Tonight with John Oliver: Net Neutrality
France 4 – Internet va t-il coûter plus cher ?
France Culture Plus – La neutralité du net, cheval de Troie de la Silicon Valley ?
Le Monde blogs – Netflix et YouTube seront-ils épargnés par la remise en cause de la neutralité du Net ?
Le Monde blogs – Neutralité du Net : Google sort enfin de son silence
Libération – L’Internet pour les riches, des JPG pour les pauvres
Les Echos – La neutralité du Net sur la sellette
Slate – Pourquoi ça rame quand je veux regarder une vidéo YouTube avec Free
RTBF – Internet Slowdown Day
La Quadrature du Net – Les failles fatales de la neutralité du Net selon le CNNum
La Quadrature du Net – Net Neutrality
Owni – La guerre des tuyaux
Owni – La neutralité cachée d’Internet
CNNum – Avis sur la neutralité du net
Sénat – Union européenne et monde numérique
Crédits Gifs:
Conférence Cross Campus (Santa Monica)
Battleforthenet.com

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Always
Publicité et marketing

#Commeunefille : Quand le féminisme fait vendre !

 
Face caméra, on demande à de jeunes gens (femmes, hommes, enfants) de courir, frapper, jeter la balle “comme une fille”. La réponse se traduit par des mouvements caricaturés, ridicules et exagérés. En revanche, la même demande est formulée à de petites filles, qui, elles, affranchies de toute idée préconçue, ne décèlent pas le côté péjoratif et se comportent tout à fait normalement.

Always a fait le choix d’une campagne publicitaire choc, à contre sens des stéréotypes qui sont généralement plus fréquents et même plus tolérés dans les publicités. Les traits sont souvent appuyés et les rôles sociaux conservés afin de correspondre à l’univers du consommateur.
Ici, la marque de produits féminins sent le changement de pratiques et des mentalités et se veut en rupture une fois pour toute  avec l’image négative accolée au mot “fille” dès qu’il s’agit de compétences ou exploits particuliers. La vidéo souligne le fait que ce sentiment d’infériorité finit par se distiller dans l’esprit des jeunes filles et se traduit par une perte de confiance en elle dès la puberté.
C’est sur ses valeurs égalitaires que la marque Always mise pour booster ses ventes de serviettes hygiéniques et s’offrir une image d’une entreprise responsable et attentive aux droits et au statut de ses consommatrices.
Même si le message véhiculé est louable, on pourrait se demander s’il appartient à des entreprises de les endosser et de les promouvoir, leur objectif étant, en fin de compte, purement commercial. Dove avec sa campagne Oneslaught (voir vidéo ci-dessous) avait suscité le même engouement et avait de ce fait réussi un beau coup de communication.

De la même manière que des entreprises peuvent miser sur des publicités provocantes, voire sexistes, d’autres comme Always prennent le contre-pied. Néanmoins l’objectif reste le même, celui de gagner en notoriété auprès de ses consommateurs et de susciter le plus de réactions. Cette vidéo peut être considérée comme une opération réussie. Déjà 2 millions et demi de vues comptabilisées sur Youtube, en plus de plusieurs reprises sur de nombreux sites d’information et de divertissement.
Par ailleurs, si l’initiative a été largement appréciée, quelques internautes mécontents se sont tout de même exprimés, la vidéo pour eux ne faisant qu’appuyer des clichés, ne traitant uniquement d’exploits physiques et ne posant pas les bonnes questions.
Qu’elle utilise l’ironie, l’humour, ou la sensibilisation, la publicité révèle quelque chose de nos sociétés. L’égalité homme/femme, entre revendications et acquis, reste au cœur de la nôtre.
Salma Bouazza
Sources :
Slate.fr
Lesechos.fr

Publicité et marketing

Numericable : bad buzz for good business ?

 
Il est là, le tout premier buzz de cette jeune année 2014. C’est l’opérateur et fournisseur d’accès Numericable qui l’a créé en présentant le lundi 6 janvier dans le quotidien 20 Minutes sa nouvelle campagne de publicité à l’humour douteux et qui, surtout, flirte avec le sexisme.
Pour commencer l’année… une pub aux frais des femmes !
Afin d’inciter ses consommateurs (qu’apparemment Numericable ne jugerait qu’être masculins) à choisir sa fibre optique de haut débit, le câble-opérateur joue d’une manière osée sur les clichés de genre. En effet, en adoptant la fibre optique (fournie par le leader du marché auto-proclamé) Numericable promet : « Téléchargez aussi vite que votre femme change d’avis ». Un énoncé périlleux qui a immédiatement déclenché une vague d’indignations et qui s’est vu fortement discuté sur Twitter.

Même Le Petit Journal s’est emparé de l’actualité pour railler à sa manière les créateurs de cette pub à caractère misogyne.
Le basculement: les hommes « soudainement » mis à l’honneur
Plus tard dans la journée, Numericable présente sur son compte Twitter « en avant-première » la suite de la campagne « que vous pourrez retrouver en version papier dès mercredi ». Cette fois-ci, la fibre Numericable permettra de « télécharge(r) aussi vite que votre mari oublie ses promesses » et ce sont donc maintenant les hommes dont on se sert pour tenter de faire rire.

Pourquoi une publicité en deux temps ?
Pourquoi Numericable n’a-t-il pas publié ces deux annonces en mêmes temps ? On peut y voir deux théories : si l’on en croit l’opérateur, cette campagne serait le fruit d’une stratégie de communication réfléchie, misant sur le buzz et l’indignation de sa première pub pour pouvoir ensuite lancer la deuxième contre-affiche, cette fois-ci en se moquant des hommes. En agissant ainsi, Numericable a de toute évidence cru bien faire bien faire et être équitable. Sauf que la parité dans le sexisme, ce n’est pas mieux que le sexisme en soi, mais le même principe : l’un comme l’autre reste dégradant, terriblement stéréotypé et surtout ennuyeux. Car faire de la publicité en jouant sur les clichés hommes-femmes n’est pas vraiment novateur, c’est avant tout un concept publicitaire archaïque et dépassé… surtout en 2014.
C’est en cela que l’autre théorie, celle du rattrapage de dernière minute, reste pour beaucoup la plus plausible comme en témoigne ce tweet :

Cela paraît surtout suspect du fait que Numericable ait prétendu auprès de la presse que « ce deuxième volet était prévu », mais sans pour autant vouloir en apporter la preuve ni fournir davantage d’explications.
Un véritable « bad buzz » ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette polémique a été inefficace pour le fournisseur d’accès à Internet. Au contraire, Numericable a réussi à faire (beaucoup) parler de lui et cela sans grand renfort d’investissements publicitaires (se cantonnant seulement à une annonce dans le 20 Minutes et une deuxième sur Internet). Tous les médias ont voulu sauter sur l’occasion pour informer leurs lecteurs de cette publicité révoltante, et ils se sont même quasiment trouvés « contraints » de continuer de publier des articles à propos de la suite que prenait cette campagne. Comme l’illustre cette accroche commerciale « deux articles pour le prix d’un », Numericable aura donc à la fois profité du buzz ainsi que de la réinterprétation de son message. Des points de vue communicationnel et économique, une tactique plutôt maline, même si celle-ci n’était probablement pas réfléchie.
Morale de cette histoire ?
Cette communication est sans doute osée mais elle l’est surtout dans un contexte où le Gouvernement français a comme objectif de lutter contre le sexisme sur le Web et où l’Assemblée Nationale travaille sur l’égalité hommes-femmes dans la société. Eventuellement aussi une raison pour laquelle cette campagne fait tant parler d’elle.
Quoiqu’on en dise, une chose est sûre : si l’objectif de toute campagne est de faire parler d’une marque, celle-ci risque d’être une nette réussite pour Numericable. En revanche, si on en parle bien, c’est une autre question.
Teresa Spurr
Sources :
Leplus.nouvelobs.com
L’Express
Le Point
Le Huffington Post
Numerama.com
Canalplus.fr
assemblee-nationale.fr

UN Women
Société

La femme selon Google ?

 
Google serait-il sexiste ? C’est ce que semble sous-entendre la dernière campagne publicitaire de UN Women (Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes), réalisée par l’agence Memac Ogilvy & Mather Dubai.
 Les différentes affiches de la campagne mettent en scène quatre visages de femmes. Si ces dernières représentent visiblement les femmes des quatre coins du monde, elles ont en commun le fait d’être bâillonnées par le célèbre moteur de recherche.
 La campagne réalisée touche un point qui demeure sensible aujourd’hui, et ce d’une façon d’autant plus percutante qu’elle s’appuie sur des preuves. Ainsi, « les femmes ne devraient pas » se trouve complétée par : « avoir de droits » , « voter » ou « travailler. »

  À une époque où Internet est gage d’une liberté d’expression qui semble illimitée, on voit ici que la diffusion et le partage des idées peut également amener à cristalliser certaines représentations sociales, quitte à faire taire ceux et celles qui sont directement concernés.
Internet crée un lien entre tous, au-delà des différences ethniques et culturelles. On abolit les frontières, on fait valoir des valeurs, des opinions. Pour le meilleur et pour le pire, semble préciser UN Women.
 Cependant, peut-être faudrait-il éviter de condamner le géant américain d’emblée. Derrière les machines, ce sont bien des hommes (et des femmes) qui nourrissent le moteur de recherche. Google tient ici le rôle du méchant mais ne fait que refléter les requêtes les plus courantes.
 Alors, véritable dénonciation de la part de UN Women ou simple mise en lumière frustrante d’un cercle vicieux qui n’en finit (toujours) pas ?
 
Annabelle Fain
Sources :
Unwomen.org

Crédits photos : Memac Ogilvy & Mather Dubai