La circoncision chez les nourrissons
Agora, Com & Société

Une affaire de (cir)concision

 
Avec 78 voix pour, 13 contre, et 15 abstentions, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe a tranché – c’est le cas de le dire – en faveur d’une résolution invitant les pays membres à prendre des mesures contre les « violations de l’intégrité physique des enfants ».
La circoncision sur les nourrissons se retrouve ainsi dans l’œil du viseur à l’heure où la stigmatisation religieuse bat son plein. En assimilant cette pratique à une mutilation sexuelle, le Conseil de l’Europe a suscité de fortes réactions au sein des communautés juives et musulmanes, de quoi animer des débats houleux autour des traditions religieuses.
Suite à cette annonce, le Président israélien Shimon Peres est immédiatement monté au créneau. Il s’est insurgé contre cette mesure et a appelé le secrétaire général de l’APCE (L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe) à user de son influence morale pour modifier la décision interdisant la circoncision.
Plus discrètes furent les réactions au sein du monde musulman, non moins indigné cependant par l’amalgame fait entre circoncision et excision, et par ce qui est considéré comme une attaque islamophobe et antisémite, susceptible d’alimenter les tendances racistes et haineuses dans une Europe décidément peu exemplaire ces temps-ci en matière de tolérance…
Alors, doit-on voir une mesure discriminatoire se profiler derrière cette belle devanture de protection des droits de l’enfance ? Difficile de juger pour le moment, les parlementaires européens étant actuellement surtout désireux d’éclaircir les conditions médicales et sanitaires à respecter pour cette pratique. Selon l’OMS, celle-ci a d’ailleurs fait ses preuves en Afrique subsaharienne pour réduire les risques d’infection du SIDA.

Si l’on est encore loin d’une interdiction complète de la pratique, à terme, celle-ci pourrait s’imposer, repoussant éventuellement l’acte à un âge où le principal intéressé serait à même de donner son accord (du moins autrement que par un gazouillis que l’on aurait effectivement tort de sur-interpréter).
C’est là que le bât blesse cependant, car l’on remettrait ainsi en cause la tradition qui veut que chez les juifs, l’enfant est circoncis le 8ème jour après sa naissance, moment où sa filiation indéfectible à Dieu est scellée. Retarder cette échéance reviendrait à bafouer des siècles de tradition, et accessoirement écourter, plus qu’un certain organe, le temps passé en pleine communion avec Dieu. Face à la question de la liberté de choix se pose donc celle de la remise en cause des principes ancestraux qui fondent le culte.
Si cette résolution est passée inaperçue dans le brouhaha médiatique, elle mérite pourtant bien que l’on s’y intéresse un instant. En plus de susciter ces questionnements éthiques et religieux, elle témoigne une nouvelle fois de l’entrée dans la sphère publique d’un débat purement religieux, faisant écho aux polémiques autour du casher et du halal, ou du travail le dimanche. Elle amène à interroger la légitimité d’instances publiques européennes lorsqu’elles embrassent des problématiques internes à certaines religions, sous couvert d’une lutte de santé publique ou de protection de l’enfance.
Derrière ce décloisonnement se dessine en filigrane le problème de la laïcité, trop souvent envisagé sous un seul de ses aspects, celui de l’ingérence de la religion dans la société, et peut être pas assez sous l’autre, celui qui assure la neutralité de l’Etat à l’égard du culte religieux.
Mais après tout, si l’on prend le problème par le bon bout, on réalise vite que la circoncision en France et en Europe inquiète moins en termes de santé que de plaisir sexuel !
 
Elsa Becquart
Sources :
France Inter – Service Public – Pour ou contre la circoncision ?
Le Figaro – Polémique autour de la circoncision
Le Courrier de l’Atlas – Une décision européenne suscite la polémique
Le Parisien – L’Europe remet en cause la circoncision, juifs et musulmans s’indignent
Crédits photos :
Photo de Une (tableau) : « La Circoncision » du Maître à l’œillet de Baden
Image 1 : Benjamin Barda/ CIRIC. (Avant une circoncision: le mohel (dont le métier est de circoncire) montre le bébé aux fidèles. Synagogue de Neuilly-sur-Seine (92))