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Société

Muselière obligatoire pour médias dangereux

Après s’être attaqué au tribunal constitutionnel, réduisant à quasi néant ses pouvoirs, le gouvernement polonais en place depuis le 25 octobre dernier s’est trouvé une nouvelle cible: les médias. Le but ? Museler les contre-pouvoirs en place en Pologne, au grand dam de Bruxelles et du modèle européen de démocratie libérale.
Quand repoloniser rime avec coloniser
Au pouvoir depuis le 16 novembre dernier, le parti conservateur PiS “Droit et justice”, emmené par Jaroslaw Kaczynski, ne perd pas de temps. En effet, deux réformes, hautement controversées ont vu le jour en l’espace de deux mois: l’une concerne le Tribunal constitutionnel, l’autre se lance à l’assaut des médias. Le 30 décembre, le président Andrzej Duda a promulgué une loi qui se décline en trois points: la nomination des dirigeants des médias publics par le ministre du trésor, la suppression du principe de mandat à durée déterminée et enfin la suppression des concours ouverts pour désigner les patrons des médias.
Le PiS suit tout simplement son programme de “repolonisation” de la presse, qui consiste à arracher les médias publics à leurs financeurs étrangers, notamment allemands. Ces mêmes médias publics deviennent alors des institutions culturelles nationales, soumises au contrôle des autorités gouvernementales.
La Pologne opère un glissement vers une démocratie autoritaire, sans pour autant que l’on puisse qualifier la prise de pouvoir du PiS de “coup d’état”, puisque le résultat émane des urnes. Le message sous-jacent est limpide pour les opposants: les médias sont maintenant les petits soldats du gouvernement.
Sous prétexte de libérer la Pologne d’un vieux joug allemand, qui se manifeste aujourd’hui par le financement des médias, le PiS au pouvoir s’autorise à franchir les limites. Pour l’intérêt de tous à long terme, le gouvernement n’hésite pas à bafouer les principes à la base du modèle de démocratie libérale. Ainsi, le PiS et son programme de “repolonisation” est parvenu à gagner le coeur de ces électeurs qui souffrent de la pauvreté et d’une industrie qui peine à s’imposer sur la scène européenne.
Touche pas à mes médias

Les conséquences n’ont pas tardé à pointer le bout de leur nez: Kamil Dabrowa, patron de la radio publique polonaise Radio Jedynka, s’est vu être destitué de ses fonctions pour avoir contesté la série de réformes sur les médias publics. Il avait en effet pris le parti de diffuser l’hymne européen sur son antenne, afin de dénoncer la politique restrictive du pouvoir en place.
Il n’est pas le seul à avoir fait les frais de cette nouvelle loi, Jacek Tacik, reporter sur la première chaîne de télévision publique polonaise, n’a pas tardé à recevoir sa lettre de licenciement. Le motif ? Sur le papier, un renouveau de la télévision publique dans lequel il n’a pas son rôle à jouer. Dans les faits, Tacik est l’auteur d’un reportage sur les migrants en Hongrie, suite auquel il avait été agressé par la police hongroise, le sujet étant plus que sensible dans le pays. Seulement voilà, avec le nouveau parti au pouvoir, la Pologne s’est faite l’alliée de la Hongrie, et Tacik en subit les conséquences.
Le gouvernement considère que les médias ne répondent plus aux attentes de la population polonaise. Le ministre de la culture, Krzysztof Czabanski, explique que ceux-ci ne se sentent plus en phase avec les journalistes, qui arborent souvent un ton moqueur. Comble de l’ironie, l’objectivité des médias publics est elle aussi remise en cause, par ce gouvernement qui veut avoir le contrôle de l’information. Le contrôle serait meilleur garant de l’objectivité que la liberté ? C’est en tout cas ce que veut nous faire croire le PiS.
Ces licenciements abusifs constituent une atteinte directe à la liberté d’expression, qui était pourtant l’un des plus gros succès de l’après 1989 dans le pays. La transmission des savoirs et de l’information en général, pour laquelle les médias sont missionnés, est maintenant biaisée par la mainmise de PiS sur ceux-ci.
Plusieurs manifestations pour lutter contre la réforme sur les médias publics ont déjà eu lieu à Varsovie, et si elles ne semblent guère avoir stoppé les ultra-conservateurs au pouvoir, elles peuvent se targuer de s’être faites entendre à Bruxelles, siège des institutions de l’Union européenne.
L’Union Européenne comme dernier rempart
Cette atteinte à l’une des libertés fondamentales n’a pas manqué de faire réagir l’Union Européenne, qui en a même profité pour redorer une image un tant soit peu écornée ces derniers temps. L’instance apparait pour les contre-pouvoirs polonais comme le symbole de la démocratie et de la liberté. Bruxelles a convoqué le Président polonais en grande pompe ce 13 janvier afin qu’il s’explique sur les dernières lois promulguées dans son pays. Le leader du parti a du, lui, défendre sa politique le 19 janvier. L’union européenne estime que le respect de l’Etat de droit, et donc de la démocratie, est directement remis en question par les gouvernants polonais.
Si pour l’instant aucune sanction n’est tombée, Bruxelles pourrait bien mettre en marche une procédure pour atteinte à l’Etat de droit.
Pourquoi alors une réaction si rapide et parfois jugée trop dure? D’abord, parce que la Pologne marche sur les pas de la Hongrie. En effet, le président hongrois Viktor Orbàn a lui aussi muselé la presse dans son pays, et l’Union européenne a trop tardé à réagir. Maintenant, elle se trouve face à deux alliés et est donc dans l’impossibilité de priver la Pologne de son droit de vote au sein de l’organisation. Mais encore, Bruxelles sait que les défenseurs de la liberté des médias publics en Pologne comptent sur elle, preuve en est que les manifestants arboraient les couleurs du drapeau européen dans les rue de Varsovie. Aujourd’hui menacée par les aspirations nationalistes de certains pays de l’Europe de l’Est, l’Union européenne redore son blason et s’approprie des valeurs de liberté et de démocratie qui lui avaient presque été retirées.
L’Europe saura-t-elle remettre ses petits soldats sur le droit chemin ?
Manon DEPUISET
LinkedIn 
@manon_dep
Sources:
Le Figaro, La rue polonaise manifeste pour « des médias libres », 10/01/2016
Le Monde, Tribunal constitutionnel, médias: les réformes controversées menées en Pologne, 18/01/2016
France TV Info, Pologne: les conservateurs au pouvoir mettent les médias au pas, 19/01/2016
Crédits photos:
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La Croix

Politique

Propagande et censure: les médias russes pestiférés par leur nouvelle législation

Encadrement des médias traditionnels 
Depuis le 1er janvier 2015, CNN a cessé d’émettre en Russie. Avant elle, d’autres médias ont mis les voiles : RFI, Voice of America, BBC… Leur point commun ? Ce sont tous des médias étrangers. Alors pourquoi ? C’est la faute d’une nouvelle loi sur les médias qui a été adoptée en octobre 2014. Elle interdit à toute personne physique ou morale étrangère ou de double nationalité de posséder plus de 20 % du capital d’un média émettant en Russie : une mesure visant à limiter la participation étrangère dans les médias russes.

Au-delà du contenu de cette loi, les conditions dans lesquelles elle a été adoptée sont aussi significatives. Déposée le 17 septembre sans la consultation de la population, la loi a été adoptée par la Douma (la chambre basse du parlement russe) au bout de neuf jours, le 26 septembre – soit pratiquement sans débat – et ratifiée le 15 octobre. Nous sommes donc dans une adoption éclair qui est à recontextualiser dans les relations tendues qu’entretient la Russie avec le reste du monde depuis l’annexion de la Crimée.
Encadrements des nouveaux médias
Au-delà du contrôle grandissant sur les médias traditionnels, de nouvelles mesures touchent aussi les médias numériques. Depuis le 22 avril 2014, tout blogueur qui atteint le seuil des 3 000 visiteurs a pour obligation de se faire indexer auprès des autorités et devient autant responsable devant le gouvernement que n’importe quel média institutionnalisé. Depuis le 4 juillet 2014, les acteurs étrangers de l’Internet ont pour interdiction de stocker les données des utilisateurs russes en dehors du territoire. Une mesure qui a provoqué le départ des ingénieurs de Google le 12 novembre 2014.
Parallèlement, l’affaire Navalny révèle des demandes de censure de plus en plus nombreuses de la part du Kremlin aux géants de l’Internet. Un procès est actuellement en cours contre Alexei Navalny, avocat et opposant politique russe, et son frère Oleg. Ils sont accusés d’avoir détourné l’équivalent de 400 000 € à la société Yves Rocher Vostok, qui affirme n’avoir subi aucun préjudice de son côté. Le 19 décembre une page Facebook a été ouverte pour appeler à un rassemblement de soutien à Alexei Navalny. Mais dès le lendemain, la page était bloquée. Cette mesure répond à la demande du procureur général, qui s’en réfère de nouveau à une nouvelle loi. Celle-ci date du début de l’année 2014 et permet à tous les procureurs d’ordonner le blocage de sites sans avoir eu de mandat préalable de la cour, pour raisons de soupçons d’extrémismes, ou d’incitation à manifester contre l’accord des autorités. Twitter, Google et Youtube affirment avoir reçu des requêtes similaires, sans y avoir répondu. Pour se rattraper, Facebook a refusé de bloquer la nouvelle page de rassemblement qui a fleuri. Mais pour le blogueur Leonid Volkov, la censure menée conjointement par le procureur général, le Roskomnadzor (service de surveillance d’Internet et des médias traditionnels du ministère des télécommunications) et Facebook ont fait plus de bien que de mal au soutien à Alexei Navalny. 12 000 personnes avaient rejoint la première page Facebook du mouvement, censurée, tandis que la nouvelle compte plus de 15 000 adhérents.

 
De la propagande des uns
Selon Ilze Juhansone, représentante de la Lettonie à l’Union Européenne, la crise ukrainienne a créé un regain de propagande russe. Les chaînes russophones incitent à la haine des nationalistes ukrainiens et pratiquent la désinformation. Un reportage sur l’incendie d’Odessa, survenu en mai 2014 et qui a fait 40 morts contenait un message subliminal image par image : « L’incendie est le fait des ultra-nationalistes de Pravy Sektor » un groupe radical ukrainien. Un autre reportage, cette fois-ci sur le crash du vol MH17 arguait que ce Boeing de Malaysia Airlines avait été abattu par des avions ukrainiens.
Dernièrement, la chaîne russophone Inter a diffusé en Ukraine pour le soir du Nouvel An un concert en direct depuis Moscou avec des célébrités connues pour avoir publiquement affiché leur soutien à Vladimir Poutine dans le conflit avec l’Ukraine. Tel que le chanteur Yossif Kobzon qui a pris le parti des séparatistes du Donbass dont il est originaire.
A la censure des autres
Enfin, la propagande russe pousse les pays qui se considèrent victimes de celle-ci vers de plus en plus de censure. Cette stratégie n’est pourtant pas la bonne car elle va augmenter la défiance des communautés russes au lieu de capter son audience. En avril 2014 la Lettonie a interdit la diffusion de chaines russes sur son territoire. En juin, la Lituanie a suspendu pour trois mois trois chaînes de télévision russes. L’Ukraine de son côté multiplie les mesures : après la création un ministère de l’Information, malgré les critiques de l’Union Européenne, le pays a interdit 14 chaînes de télévision russes, a perquisitionné les bureaux du journal russophone Vesti situés à Kiev et interdit d’entrée sur le territoire une dizaine de journalistes russes. Concernant la chaîne Inter, le secrétaire du Conseil de défense et de sécurité nationale, Oleksandr Tourtchynov et le ministre de la culture Vyacheslav Kirilenko appellent à sa fermeture. Le conseil national de l’audiovisuel doit se réunir à la mi-janvier.
Marie Mougin
@mellemgn
Sources:
ITélé – CNN cesse d’émettre en Russie
Le Courrier de Russie – la participation étrangère dans les médias russes
Le Monde – la nouvelle réglementation sur les données personnelles des internautes russes
Le Monde – les ingénieurs de Google quittent la Russie
Politis – affaire Navalny
Développez – affaire Navalny et réseaux sociaux
Wall Street Journal – demandes de censure de la part de la Russie aux géants du Net
Euractiv – propagande russe en Lettonie
RFI – propagande russe en Lituanie
RFI – face à la propagande russe, l’Ukraine a recours à la censure
L’Expansion – en Ukraine une chaîne russophone menacée de fermeture
Crédits images:
Manifestation de soutien à Alexei Navalny (Associated Press)
Logos des principaux médias étrangers qui ont quitté le pays
Capture d’écran de la page Facebook censurée
 

Tweet sur Ponce Pilate et le débat Sarkozy Hollande 2012
Politique

« Ponce Pilate ! », mais pourquoi ?

 
Ce moment du débat présidentiel en a surpris plus d’un et à juste titre. Les deux candidats étaient alors parvenus à ce moment de leur « discussion », où était ressorti l’affaire DSK. M. Sarkozy accusait M. Hollande de très bien connaître la nature des vices de Dominique Strauss-Kahn, il lui répond donc : « comment vouliez-vous que je connaisse la vie privée de Dominique Strauss-Kahn ? Vous aviez des informations ? Moi je n’en avais pas ». Son débit oratoire est alors très rapide, et cela fait déjà plus de deux minutes qu’ils parlent en même temps et luttent pour prendre le dessus. On atteint clairement un moment où la tension culmine, et la réponse de M Sarkozy tombe alors, assortie d’un air désabusé : « Ponce Pilate ».
Petit rappel historique. Car, même pour nos lecteurs qui connaissent leurs références, il est important en l’occurrence de revenir sur ces détails. Il faut partir du principe qu’ici la référence est biblique, et non pas historique, et qu’elle est employée comme expression figée. Ponce Pilate est donc, selon l’évangile de Luc (3,1), gouverneur de Judée et il est resté célèbre grâce au rôle qu’il a joué dans l’arrestation et la condamnation de Jésus Christ. En effet, Jésus après avoir été trahi par Judas et condamné par l’assemblée législative traditionnelle du peuple juif (le Sanhédrin), doit encore être jugé par le tribunal romain, dont les autorités occupent Jérusalem. Ponce Pilate est le préfet en charge de ce procès, mais il reste sceptique quant aux motifs d’accusation : Jésus Christ est accusé d’avoir excité la révolte du peuple et d’être « le roi des juifs ». Se joue alors une scène d’une injustice flagrante d’absurdité ; Ponce Pilate lui demande : « Es-tu le roi des Juifs? » et « Jésus lui répondit: Tu le dis. » (Matthieu 27 :11). Il refuse ensuite de répondre à toutes les autres questions de Ponce Pilate, qui déclare alors : « Je ne trouve rien de coupable en cet homme. » (Luc 23 :4). Cependant il existe une coutume qui laisserait la liberté au peuple, durant les jours de fête, de libérer un prisonnier et un seul. Comme c’est le jour de Pâques, Ponce Pilate s’adresse à la foule et demande s’ils souhaitent libérer le « roi des juifs », et la foule excitée par le grand conseil et « les sacrificateurs » crie : « Qu’il soit crucifié! » ; le gouverneur ajoute: « Mais quel mal a-t-il fait? Et ils [crient] encore plus fort: Qu’il soit crucifié! » (Matthieu 27 :22-23). Alors Ponce Pilate se lave les mains devant eux et dit : « Je suis innocent du sang de ce juste. Cela vous regarde », et le peuple en accepte la responsabilité (Matthieu 27 :24).
Après cet examen poussé de l’histoire biblique, revenons au débat. La première remarque sans doute à faire, est que M. Sarkozy a comparé Dominique Strauss-Kahn à Jésus. Outre ce non-sens, on comprend cependant qu’il sous-entendait que M. Hollande défendait intérieurement Jésus Strauss-Kahn, mais qu’il « s’est lavé les mains » de sa condamnation et en a reporté la responsabilité sur autrui, de manière lâche et faible. Dans notre cas très particulier, on peut même comprendre, que dans un sens très large, Nicolas Sarkozy accusait François Hollande de faire lâchement l’ignorant en taisant sa complicité et sa connaissance des vices de DSK.
Et c’est après toutes ces explications que vient la véritable question que veut soulever cet article : POURQUOI ? Quels étaient les potentiels électeurs visés par cette accusation ? Est-elle volontairement allusive ? Quelles sont les personnes qui ne l’ont pas perçue comme pédante et/ou mystérieusement incompréhensible ? Pourquoi, en bref, Monsieur Sarkozy a cessé pendant quelques secondes de faire du « grand public » a un moment qui l’était pourtant tellement ?!
Solution n°1 : M. Sarkozy s’adressait à l’élite cultivée de cette nation, et même à la gauche caviar et sceptique, à ses bobos invétérés qui ont hurlé au scandale durant les épisodes du Sofitel, et qui sont allés au catéchisme quand « ils étaient jeunes ».
Solution n°2 : M. Sarkozy espérait qu’on admire aveuglément sa culture, pour contrecarrer l’image du –pourtant indélébile- « cass’toi pov’ con ».
Solution n°3 : il s’est laissé emporter par la tension qui grandissait alors dans le débat, il s’est laissé tenter par le clash, par la joie de la petite phrase charmante et bien placée, une que, même Giscard d’Estaing n’aurait pas osée, au temps de la première « petite phrase » médiatique. C’est bien une « vanne », et du clash, dans la mesure où ce n’est pas expliqué et soutenu par un réel argument, c’est simplement une « pique » comme on n’en fait plus. Intellectuellement c’était justifié, médiatiquement c’était un échec (et le pire des échec pour une vanne du débat présidentiel : l’indifférence et le silence de l’incompréhension).
La leçon de l’histoire ? La France laïque ne connaît plus la Bible ni ses Evangiles et Sarkozy ne sait plus « clasher ». De quoi « s’en laver la main »…
 
Marine Gianfermi
Sources :
Les passages des Evangiles cités (Matthieu ; Luc)
L’extrait du débat
La page Wikipédia de Ponce Pilate (à consulter si on s’intéresse réellement à l’histoire de Ponce Pilate, qui est tout de même considéré comme un saint par l’Eglise orthodoxe éthiopienne et les Eglises coptes)
Crédits Photo : les meilleures tweets sur Ponce Pilate avant et pendant le débat.

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