Com & Société, Flops

Réseaux sociaux : bonjour le fisc, adieu vie privée !

Le Ministre de l’Action et des Comptes Publics, Gérald Darmanin, a annoncé dans l’émission Capital sur M6 l’expérimentation de la lutte contre la fraude fiscale en surveillant les réseaux sociaux. Oui vous avez bien lu ! Cette mesure devrait entrer en vigueur au début de l’année prochaine alors il est encore temps de faire le tri dans ses photos Instagram, Facebook et Twitter avant que le fisc ne vous pointe du doigt.

Flops

Zuckerberg, Trump… maladresses face à la crise humanitaire Portoricaine

Plus d’un mois après le passage de l’ouragan Maria qui a dévasté Porto Rico, une grande majorité de la population est toujours privée d’eau potable. Les habitants vivent, pour la plupart, sans électricité et parfois même sans toit après que plus de 90 000 maisons y ont été détruites. Alors que le pays peine à rassembler les milliards de dollars d’aide dont il a besoin pour sa reconstruction, il a accueilli ces dernières semaines des personnalités haut placées susceptibles de contribuer… ou pas !
Zuckerberg et la réalité virtuelle : campagne de sensibilisation ou promotion maladroite ?
Le 9 octobre dernier, Mark Zuckerberg a réalisé un livestream visant à faire découvrir la nouvelle interface de réalité virtuelle de Facebook : Spaces. Lors de cette démonstration, le patron de Facebook s’est virtuellement télé-porté dans différents endroits. Parmi eux, l’île de Porto Rico, complètement ravagée par les récentes catastrophes naturelles.

Entre deux éclats de rires, Zuckerberg  accompagné de Rachel Franklin, responsable de la « réalité virtuelle sociale » chez Facebook, se balade sur un fond de maisons inondées.
Depuis leurs confortables bureaux en Californie, Zuckerberg et Franklin ont voulu montrer que la réalité virtuelle abolit les frontières et offre une mobilité illimitée.  Ainsi, grâce à Spaces, les deux collègues ont pu se télé-porter à Porto Rico, sur la Lune ou encore dans le salon de Mark avec son chien. Les déplacements des deux touristes amusés auraient pu faire sourire les internautes. Mais dans une ville qui souffre encore fortement des lourdes conséquences de l’ouragan Maria, ils ont immédiatement donné lieu à un véritable flop communicationnel.
En effet, si Zuckerberg a voulu profiter de ce voyage virtuel pour rappeler le partenariat de Facebook avec La Croix Rouge afin d’« aider les habitants à reconstruire Porto Rico », son action a plutôt été reçue comme une auto-promotion maladroite et de mauvais goût. Bien plus, elle a déclenché de nombreuses critiques sur le « tourisme noir ou de catastrophe[1] », une forme de tourisme qui s’est développée ces dernières années et qui consiste à visiter des lieux touchés par des catastrophes.
Le patron du géant du web n’a pas tardé à s’exprimer à ce sujet, tentant de justifier l’apport de Spaces aux efforts de secours après des catastrophes majeures : « L’une des forces de la réalité virtuelle est sa capacité à générer de l’empathie. Mon but était de montrer comment la réalité virtuelle peut accélérer les prises de conscience et nous aider à voir ce qui se passe à différents endroits du monde.».
Comme on peut le voir, ces explications n’ont pas été satisfaisantes et ont continué de générer un débat sur les réseaux sociaux. Accusé d’exploiter un désastre, Zuckerberg a par exemple été qualifié de « milliardaire sans cœur » ou encore de « dirigeant manquant d’humanité », ce qui a poussé l’équipe de relations presse à tenter de réparer les pots cassés.

Le tourisme de catastrophe est un sujet particulièrement sensible aux États-Unis, où Zuckerberg n’a pas été le seul à être fortement critiqué. En effet, Donald Trump a fait l’objet d’un véritable backlash dans la presse et sur les réseaux sociaux à la suite d’un soutien à Porto Rico considéré comme bien trop faible, et d’une visite particulièrement dérangeante à San Juan, capitale de l’île… pourtant américaine.
La visite catastrophique de Donald Trump à Porto Rico : entre prises de paroles déplacées et gestes irrespectueux
C’est seulement deux semaines après le passage dévastateur de l’ouragan Maria à Porto Rico que Donald Trump a décidé de se rendre sur place pour apporter son aide et prendre connaissance des dégâts. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette visite tardive a fait scandale. Et pour cause, le président des États-Unis a enchaîné les maladresses dès son arrivée sur l’île.
À priori venu pour apaiser les tensions, Trump n’a fait qu’empirer les critiques à son égard en déclenchant une indignation générale. Alors que la lenteur de l’aide fédérale lui avait été reprochée, Trump a quant à lui critiqué la contribution des citoyens de l’île en déclarant que « les  Portoricains devaient faire davantage pour aider ». De plus, face aux reproches exprimés en raison d’un soutien jugé minimal, Trump n’a pas pu s’empêcher de rétorquer par une blague pour le moins déplacée : « Je déteste avoir à le dire, mais ces derniers jours, vous nous avez un peu fait sortir du budget, Porto Rico. Mais ce n’est pas grave, on  va vous aider ! »
Comme si cela ne suffisait pas, Trump a continué sur sa lancée. Pendant une conférence de presse donnée sur place, le président américain a affirmé que les habitants de l’île devaient se considérer « chanceux ». En effet, il estime qu’il faut se féliciter du « faible nombre de victimes » comparé à Katrina en 2005, qu’il a qualifié de « vraie catastrophe ».
Mais le président américain ne s’est pas arrêté aux mots. Alors qu’il assistait à une distribution de produits de première nécessité, Donald Trump a jugé bon de lancer des rouleaux de papier dans la foule. Ce geste jugé irrespectueux et condescendant a déclenché l’indignation du peuple portoricain mais aussi du reste du monde, qui s’est manifesté sur les réseaux sociaux comme Twitter.

Ni la visite choquante du président américain, caractérisée par son manque de soutien général et la minimisation des conséquences de l’ouragan sur l’île, ni la légèreté mal placée du PDG de Facebook ont permis d’apaiser le sentiment des Portoricains d’être des citoyens de seconde zone… Mais la diffusion médiatique des événements a au moins suscité une indignation généralisée et a mené à s’interroger sur le statut des habitants de l’île.

Maria Qamari
Twitter : @MariaQamari
Sources :

[1] Olivia Solon, « Mark Zuckerberg ‘tours’ flooded Puerto Rico in bizarre virtual reality promo » – The Guardian. Publié le 10 octobre 2017.
Alexandra Milhat, « Mark Zuckerberg se « téléporte » à Porto Rico, ravagé par l’ouragan Maria, et c’est très gênant » – Huffington Post. Publié le 10 octobre 2017.
Le Monde. « Mark Zuckerberg s’excuse pour son étrange vidéo en réalité virtuelle à Porto Rico » Publié le 11 octobre 2017.
6 Médias. « Porto Rico : le comportement de Trump suscite l’indignation » – Le Point. Publié le 4 octobre 2017.
Le Monde avec Reuters. « Porto Rico : la visite pleine de maladresses de Donald Trump » -Le Monde. Publié le 4 octobre 2017.

Crédits :

Capture d’écran Live Facebook. « Live from virtual reality — teleporting to Puerto Rico to discuss our partnership with NetHope and American Red Cross to restore connectivity and rebuild communities. » 9 octobre 2017.

 

Captures d’écran Twitter :

Matthew Stoller @matthewstoller
Erica Holl @mulegirl
Stephen Colbert @stephenathome
Anthony Houser @tonyhouser
Jorge Ramos @jorgeramosnews

Com & Société

WeChat VS Facebook : duel au sommet

Difficile pour nous aujourd’hui d’imaginer notre vie sans nos applis. Facebook, Instagram, Snapchat, Twitter, Uber, Messenger et bien d’autres rythment notre quotidien. Pourtant, en Chine, vous ne trouverez aucune de ses applis. La censure du gouvernement oblige les Chinois à créer leurs propres apps.
Un certain nombre d’acteurs ont ainsi commencé à copier les réseaux occidentaux pour fournir aux Chinois leur éventail d’applications. Mais en quelques années, un réseau s’est imposé comme la « super app » et pourrait bien avoir des conséquences sur nos réseaux occidentaux.
WeChat, la « super app » chinoise
En 2011, le groupe Tencent crée WeChat, qui n’est à l’origine, rien de plus qu’une application de messagerie, au même titre que WhatsApp ou Messenger. En à peine plus d’un an, 150 millions d’internautes se ruent sur l’application. Très vite, WeChat évolue et offre de plus en plus de services. Aujourd’hui, l’application réunit plus de 950 millions d’abonnés et a complètement bouleversé le quotidien de ses utilisateurs. En une seule application, WeChat concentre un nombre incalculable de services. Vous pouvez envoyer un message à un ami pour lui proposer de sortir, lui envoyer la photo d’un restaurant que vous aimeriez tester, réserver une table dans ce restaurant, payer la note à la fin du repas, noter la qualité du restaurant… et votre ami pourra même vous rembourser par message le lendemain, pendant que vous travaillerez avec vos collègues, toujours depuis l’application. En bref, vous pouvez tout faire !
Plus besoin d’un Facebook, d’un Amazon, d’un Instagram, d’un Paypal, d’un Slack ou d’un TripAdvisor quand vous avez WeChat. Le réseau social est conçu pour rendre ses usagers captifs : ils n’ont plus besoin de quitter l’application, que ce soit pour leur loisir ou pour leur vie professionnelle.
Pour mieux comprendre WeChat, nous vous proposons cette vidéo du NY Times, récapitulant très bien l’impact de l’application sur la vie des chinois.

Vers une « WeChatisation » occidentale ?
Arrivé dernièrement sur le marché européen, WeChat promet de faire bouger les lignes. Dans un premier temps, WeChat en Europe sera surtout destiné aux touristes chinois ayant pris l’habitude de payer leurs achats depuis l’application, ce qui implique que les banques et les commerçants acceptent le partenariat avec WeChat Pay. WeChat n’est pas le premier à s’implanter sur le marché européen en proposant son système de paiement. Alipay, le service proposé par le géant chinois Alibaba, a fait son apparition en France, permettant à 450 millions de Chinois de faire leurs achats depuis l’application. Avec WeChat Pay, ce sont plus de 150 millions de Chinois supplémentaires qui bénéficieront de ces avantages.
Cette adaptation des commerçants aux usages chinois pourrait bien amener les européens à reprendre le même modèle. Plus besoin d’argent liquide ou de carte bleue si tous les commerçants proposent de payer via une application permettant de tout faire. WeChat compte déjà plus de 200 millions d’utilisateurs étrangers, principalement en Asie du sud-est, mais pas seulement. Les occidentaux travaillant avec des partenaires chinois se rendent vite compte qu’il est plus facile de communiquer par WeChat, très répandu dans le domaine professionnel, que par E-mail, peu utilisé en Chine. L’essor de l’application chinoise en Amérique et en Europe pourrait donc se faire par la sphère professionnelle et le développement commercial lié au tourisme.
Facebook fait de la résistance
Nous étions habitués à voir le marché chinois copier le marché occidental, mais aujourd’hui, l’inverse pourrait bien se produire. Difficile d’imaginer que Facebook laissera WeChat lui prendre des parts de marché sans réagir. En témoignent les nouvelles fonctionnalités développées notamment sur Messenger. Il est désormais possible d’envoyer de l’argent directement depuis la messagerie de Facebook, ce qui n’est pas sans rappeler le système des « enveloppes rouges » du géant chinois. De même, Facebook a ouvert sa marketplace permettant de mettre en relation des acheteurs et des vendeurs de différents produits, sans pour autant permettre la transaction depuis la plateforme.
Facebook tente de rendre son public de plus en plus captif en lui proposant toujours plus de services. D’autant plus que Facebook a annoncé que son système publicitaire était arrivé à saturation : intégré plus de liens sponsorisés nuirait à l’expérience utilisateur et risquerait de leur faire perdre des internautes. Pour continuer à se développer, le réseau de Mark Zuckerberg doit trouver de nouveaux relais (98% des revenus de Facebook viennent de la pub). L’exemple de WeChat, dont le modèle économique repose principalement sur les commissions lors de transactions et la monétisation de leurs jeux (seuls 18% des revenus viennent de la pub) pourrait fortement inspirer Facebook.
Ces « super apps » posent toutefois un problème majeur, celui de l’utilisation des données. Une application dont on est captif et qui subvient à tous nos besoins récolte un nombre incalculable de données sur chaque utilisateur. On sait déjà que le gouvernement chinois profite des datas de WeChat pour surveiller sa population. Ainsi, les thèses de Michel Foucault dans son ouvrage Surveiller et Punir semblent trouver un sens nouveau. D’un régime disciplinaire, on passe à une surveillance plus discrète. Pour autant, chacun se sait sous surveillance en permanence. De quoi s’interroger quant aux effets d’une sorte de panoptisme digital.
Nicolas Morteau
Twitter : @N_Morteau
LinkedIn : Nicolas Morteau

Sources :
Davan-Soulas Melinda, WeChat, le réseau social multifonctions qui gère la vie des Chinois débarque en France, LCI, publié le 09/07/2017, consulté le 23/10/2017.
Fabrion Maxence, Proche des 2 milliards d’utilisateurs, Facebook voit son chiffre d’affaires augmenter de 49% au 1er trimestre, Frenchweb, publié le 04/05/2017, consulté le 23/10/2017.
How WeChat Became China’s App For Everything, Fast Company, publié le 01/02/2017, consulté le 24/10/2017.
Noisette Thierry, WeChat : « Notre stratégie pour nous développer en Europe », L’Obs, publié le 07/04/2016, consulté le 24/10/2017.
Crédits :
Crédit vidéo : The New York Times, How China Is Changing Your Internet | The New York Times, publié le 09/08/2016
Crédit photo : www.thedrum.com
 

Société

Le règne du « partage » : analyse d’une tendance communicationnelle

La notion de « partage » est partout, elle semble être devenue l’une des valeurs cardinales de la génération des digital natives : elle est omniprésente dans la publicité, sur les réseaux sociaux, dans la communication institutionnelle… Alors que les inégalités économiques et sociales, ainsi que l’esprit de concurrence n’ont jamais été aussi exacerbés qu’aujourd’hui, cet appel au partage interpelle. Il est pour le moins paradoxal.
Le partage, une ouverture sur le monde ?

Est-ce un simple et curieux hasard si le terme partage vient étymologiquement du même mot que « partir » (du latin partire) ? Le désormais slogan officiel des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, « Venez partager », laisse presque entendre « Partez à Paris ».
« Depuis le lancement de la candidature, nous sommes particulièrement attachés à porter des valeurs d’ouverture sur le monde et de partage », a déclaré Etienne Thobois, le directeur général de Paris 2024. Cette volonté affichée de véhiculer ces deux notions étroitement liées, se concrétise encore davantage par le slogan écrit en anglais, dévoilé avant sa traduction française : « Made for sharing ». Ce slogan a fait couler beaucoup d’encre, mais il permettrait, selon les organisateurs, de diffuser plus largement un appel à venir à Paris lors des Jeux. Une traduction en espagnol est même envisagée, afin d’attirer le maximum de visiteurs possible. Dans cette campagne de communication, l’idée de partage est donc combinée à celle d’ouverture, jusqu’à rendre insécable les deux notions, autant sur le fond (valeurs portées par le slogan) que sur la forme (traduction en langues étrangères).
Mais ce rapprochement — voire cette association — entre partage et ouverture sur le monde est loin d’être une nouveauté en communication. Pour preuve, les réseaux sociaux ont d’une manière générale, adoptés la logique du share. Ici encore, par l’action de partager un contenu sur Internet donc d’en démultiplier l’audience potentielle, on l’ouvre sur le monde. A fortiori, et à l’ère des réseaux sociaux, il semblerait que le mécanisme de partage (sharing, retweet, etc.) ait définitivement supplanté l’URL comme constitutive principale du Web. Toutefois, si le partage n’est pas univoque et qu’il existerait, selon une étude, jusqu’à six profils de « partageurs » différents (des plus intimistes aux influenceurs), force est de constater que la tendance au partage semble aller de pair avec le processus de mondialisation. Comme l’exprimait le président de l’entreprise de services mobiles Cellfish à propos du Brexit : « Cela ne rime à rien de remettre des frontières dans un monde dominé par Facebook ».
Quand le partage devient un argument de vente

Plus qu’être synonyme d’ouverture sur le monde, la valeur partage peut s’avérer être un véritable recours commercial pour les marques. Le célèbre slogan publicitaire « On partage ? » de Kinder Bueno en est l’une des plus emblématiques illustrations. À travers cette invitation à déguster ses produits, l’entreprise du groupe Ferrero véhicule l’idée implicite qu’un biscuit Kinder se partage avant de s’acheter. On cherche, par là même, à rassurer le client : acheter un Kinder Bueno est un geste altruiste, ce qui expliquerait d’ailleurs pourquoi ces biscuits sont vendus par deux (ils ne demanderaient qu’à être partagés).
Autre usage de la valeur partage, celui de Coca-Cola. En 2014, la marque a lancé une gamme de sodas, où l’injonction au partage est non seulement inscrite sur la canette, mais se personnalise : « Partage un Coca-Cola avec Pierre, Paul, Anne ou Marie » nous intime la marque. Poussant encore plus loin l’étrange équivalence entre consommation et partage, déjà bien amorcée par Kinder, la marque Coca-Cola se positionne, avec cette gamme, en tant que créatrice de lien social : elle se donne pour mission de réinsérer de la convivialité dans l’individualisme de nos sociétés. Acheter, c’est partager, voilà l’homologie que ces deux campagnes publicitaires ont réussi à établir dans l’inconscient de millions de consommateurs.
La valeur du partage propre à la culture des millenials ?
Au vu des récentes campagnes de communication précédemment évoquées, le « partage » apparaît comme l’une des notions particulièrement mobilisées par les organisations (entreprises comme institutions), pour attirer l’attention des consommateurs, et en particulier des jeunes. Toutefois, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, le partage n’est pas une caractéristique intrinsèque à la culture numérique et digitale. Selon une étude du New York Times Customer Insight Group, elle ne serait qu’une transposition du plurimillénaire art de la conversation, dont les enjeux sont en revanche bien plus grands, au regard des près de quatre milliards d’internautes, et tous potentiels partie prenante de cette discussion.
En tant que créateur de contenu, le partage n’est pas nécessairement plus altruiste ou bienveillant, car le partage sert parfois de faire-valoir. Autrement dit, intégrer un bouton « partager » ou « retweeter » sur l’article d’un site est plutôt une vitrine permettant de mettre en scène une popularité immédiatement visible, car chiffrable, d’un influenceur sur les réseaux sociaux, qu’une incitation au partage de contenu.
Qu’il se décline sous la forme d’ouverture sur le monde, d’altruisme ou d’acte de conversation comme un autre, le partage semble être devenu un mot passe-partout, sans cesse renouvelé par les différentes campagnes de communication l’ayant employé. Il s’est ainsi quelque peu vidé de son sens premier.
Sara Lachiheb
Linked In : Sara Lachiheb
Sources :

Nicolas Richer. « La vérité sur les boutons de partage (et la meilleure extension) », wpmarmite.com, mis en ligne le 15 mars 2016. Consulté le 29/10/2017.

Ricardo Da Silva. « 6 types de partageurs sur les réseaux sociaux. #infographie », ricardodasilva.fr, mis en ligne le 4 mai 2014. Consulté le 29/10/2017.

Elsa Bembaron. Marie-Cécile Renault. « Cela ne rime à rien de remettre des frontières dans un monde dominé par Facebook », Le Figaro, mis en ligne le 24 juin 2016. Consulté le 29/10/2017.

 
Sources images :
http://www.strategies.fr/sites/default/files/assets/images/strats-image-1064438.jpeg
https://essentiel-autonomie.humanis.com/sites/all/themes/custom/humanis_assets/images/partager-facebook.png
http://www.coca-cola.pf/wp-content/uploads/2015/04/actu_partagez.jpg
 

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Agora, Com & Société

Les réseaux sociaux : Narcisse ou le mythe de la modernité.

À l’ère aseptisée des réseaux sociaux, la mise en scène représente-t-elle une recherche de l’esthétisme artistique ou bien s’apparente-t-elle davantage à une dangereuse quête de reconnaissance ?
Si la question se pose aujourd’hui, c’est notamment à cause des plateformes telles que Facebook, Instagram et Twitter. Il apparaît en effet que les utilisateurs de ces réseaux sont prêts à tout pour faire le buzz et ainsi générer ainsi un maximum de « like » de la part des internautes, sur les contenus ou les photos mis en ligne — à tout oui, comme cette jeune modèle russe, Viktoria Odintcova dont les récents exploits ont fait polémique, provoquant à la fois admiration et protestation dans les rangs de ses abonnés.
À la recherche de sensations fortes ?
C’est comme si nous étions dans un épisode de la saison 3 de Black Mirror : la recherche de reconnaissance sur les réseaux sociaux menant à une progressive aliénation du protagoniste principal de l’épisode 1, Nosedive.
En observant les clichés et les vidéos réalisées (vidéos montrant les coulisses du shooting), tout est fait pour donner le vertige. La jeune femme de 22 ans se suspend dans le vide, maintenue seulement par la poigne de son partenaire, le réalisateur Alexander Tikhomirov, à plus de 300 mètres du sol, du haut de la Cayan Tower de Dubaï. Les photos postées sur son compte Instagram sont impressionnantes !

Pourtant un doute subsiste : aucun moyen de sécurité ne semble avoir été mis en place pour gérer un éventuel accident. La top russe se serait-elle livrée à cet exercice dangereux simplement pour … obtenir des « likes » sur ses photos ? Cela semble absurde — et pourtant, avec plus de 3 millions d’abonnés sur son compte Instagram, Viktoria Odintcova est habituée à proposer des contenus appréciés par ses utilisateurs, visant toujours plus à s’attirer les faveurs d’anonymes sur les réseaux sociaux, au point de mettre sa vie (et celle de l’équipe l’encadrant) en danger.

Art for art’s sake ?
Mettre sa vie en danger pour l’amour du « like » : cela en vaut-il la peine ? Car malgré les 111 920 mentions « J’aime » sur cette photo, les commentaires ne sont pas tous tendres. Sur le compte Instagram de la jeune femme, on peut en effet lire : « Representacion grafica de la estupidez humana » (« Représentation explicite de la stupidité humaine »), « This is completely stupid » (« C’est complètement stupide »), ou encore « You shouldn’t do this » (« Tu ne devrais pas faire ça »).
Ces commentaires témoignent de la prise de conscience des internautes face à l’absence de conditions de sécurité lors du shooting. The Cayan Group, propriétaire de la tour, a rapidement annoncé sur son site qu’une procédure serait lancée pour condamner cet acte téméraire. Ces photos font d’autant plus polémique qu’elles font écho à la mort tragique des deux Instagrameurs, Heavy Minds et Siirvgve, respectivement 18 et 25 ans, récemment décédés dans les mêmes circonstances.

Mais si ces deux « explorateurs urbains » trouvaient leur inspiration dans la ville et son environnement, prenant des risques pour mettre leur talent au service de l’art photographique, on peut s’interroger sur les véritables motivations qui ont poussé Viktoria Odintcova à jouer de la sorte avec le danger.
Les réseaux sociaux jouent un rôle essentiel, et nous ne pouvons, à ce stade, nier le fait que ces outils 2.0 ne feraient en fait qu’exacerber les pulsions narcissiques et l’attrait du danger des individus présents sur ces réseaux.
La tyrannie du « like »
Les photographes et les artistes ont toujours pris des risques. Cela fait partie de ce métier de passionnés. Proust disait de la photographie qu’elle permettait de montrer de combien d’instants éphémères la vie était faite… Le risque en fait partie. Il faut tenter sa chance, comme nous l’explique Larry Fink dans une interview donnée au magazine Time au mois de février, ou comme nous le prouvent au quotidien les reporters photographes en zone de guerre par exemple.
Mais la présence des individus sur les réseaux sociaux, le fait d’être protégé(e) par un écran ne semble en fait qu’accentuer la course au spectaculaire. Il faut fasciner l’utilisateur lambda, le faire rêver, et lui révéler de nouvelles sources d’inspiration. Pouvoir merveilleux et tragique des réseaux sociaux. Je like, tu likes, il/elle like… Foule d’anonymes qui peuvent décider en quelques clics du destin d’un individu et accroître sa soif de reconnaissance. Ou au contraire la tarir. Dans les cours de récréation, les jeunes enfants ont toujours eu recours à des jeux dangereux : le jeu du foulard, le jeu de la tomate (les deux consistants en des jeux dits de non-oxygénation). Mais avec l’apparition des réseaux sociaux, les jeunes (et moins jeunes) sont désormais à la recherche de cet éventuel dernier frisson.
En effet, si des défis comme l’Ice Bucket Challenge (sur le principe de la nomination, il s’agit de se renverser un sceau d’eau glacé sur la tête en se filmant) permettaient de lever des fonds pour la maladie de Charcot, d’autres « jeux » comme l’Ice Salt Challenge (qui consiste à se verser du sel sur la peau puis à y apposer un glaçon, provoquant ainsi des brûlures graves et irrémédiables) ou le Blue Whale Challenge sont au contraire de véritables incitations à la violence sur soi. Le dernier, particulièrement morbide, consiste à effectuer une liste de 50 défis dont le niveau de dangerosité ne cesse de croître à mesure que l’on s’approche de la fin. Ainsi, en février, deux adolescentes russes ont été retrouvées mortes des suites de ce défi apparu pour la première fois il y a environ deux ans sur le site Vktontakte.
Un nouvel existentialisme ?
Ces pulsions étaient donc déjà là en nous, et le mythe de Narcisse a depuis les métamorphoses d’Ovide*, traversé les époques. Toutefois, il semble que les réseaux sociaux aient ici un nouveau rôle à jouer. Ils sont devenus non seulement le nouveau miroir dans lequel on ne cesse de contempler notre reflet lissé et retouché par les filtres dans l’intention d’être vu par les autres, dans une sorte de nouveau théâtre de la représentation de soi.
Mais surtout, ils apparaissent comme un nouveau moyen d’affirmation. En postant des photos sur ces sites et, en prenant des risques, on essaie de se démarquer des autres — au lieu de rentrer en communication avec eux — et de prouver peut-être, que l’on mérite cette reconnaissance quel qu’en soit le prix à payer.
Au-delà d’une polémique autour de la sécurité et des dangers d’escalader un building pour se suspendre dans le vide, les clichés de Viktoria Odintcova nous invitent à réfléchir sur ce nouvel existentialisme, souvent dangereux, du début de notre siècle.
Lina Demathieux
Lindekin
@linadmth
*http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/narcisse-mythologie/
Sources :
• Mathieu, « Pour récolter plein de likes sur sa photo, cette Instagrameuse s’est suspendue dans le vide », Journaldubuzz
Paru le 06/03/17 – Consulté le 13/03/17
• Foreign Staff, The moment Russian model Viki Odintsova risks her life in daredevil Dubai photoshoot
Paru le 16/02/17 – Consulté le 13/03/17
• L’EXPRESS.fr, « #Iceandsalt challenge, le nouveau jeu dangereux des ados sur les réseaux sociaux »,
Paru le 31/01/17 – Consulté le 13/03/17
• L’EXPRESS.fr, « Blue Whale challenge, des défis sur les réseaux sociaux qui poussent au suicide »,
Paru le 07/03/2017 – Consulté le 13/03/17
• GHEZLANE-LALA Donnia, « Pour l’amour des « likes », une instagrameuse se suspend dans le vide », Cheese Konkini,
Paru début mars 2017 – Consulté le 13/03/17
Crédits :
Image de couverture : https://www.tv.nu/program/la-mode-2-0-je-poste-donc-je-suis
Image 1 : Photo issue du compte Instagram @viki_odinctova
Image 2 : Photo issue du compte instagram de Siirvgve, Lyon

Com & Société, Politique

Vkontakte vs. Facebook, les enjeux politiques des nouveaux médias

Dans notre monde ultra connecté, il est aujourd’hui difficile d’échapper aux réseaux sociaux. Ils sont présents partout dans le monde et ont une influence de plus en plus importante dans le champ médiatique et politique. Avec ses 1,7 milliards d’utilisateurs, le géant américain Facebook semble être un leader indétrônable. Pourtant, s’il est le numéro 1 mondial, il n’est pas pour autant premier dans tous les pays. En Chine, le leader n’est autre que Sina Weibo, avec ses 309 millions d’utilisateurs, et en Russie, Ukraine et Biélorussie, il s’agit de Vkontakte (littéralement « en contact »), qui en compte plus de 100 millions. Ainsi, la maîtrise de l’information est devenue, au XXIème siècle, un enjeu essentiel pour les plus grandes puissances de notre monde.
Une concurrence Est-Ouest jusque dans les réseaux sociaux

Profil Vkontakte du fondateur de ce réseau, Pavel Durov

Profil Facebook du fondateur de ce réseau, Mark Zuckerberg

Vkontakte et Facebook semblent incarner une rupture symbolique, un fossé communicationnel entre la jeunesse de l’Est et de l’Ouest. Nous pourrions presque voir dans la création de ce réseau, deux ans seulement après celle de son homologue américain en 2006, la volonté assumée de se démarquer culturellement, en créant son propre modèle dans un contexte d’essor des nouveaux médias. Cette volonté de concurrencer coûte que coûte son rival historique n’est pas franchement un phénomène nouveau pour la Russie, bien au contraire.
Pourtant, et c’est bien là que réside tout le paradoxe de cette démarche, des similitudes troublantes existent entre les deux concurrents. Premièrement, le concept, puisque les deux sites sont destinés à la rédaction de messages publics comme privés, au partage de photos ou de vidéos, à la création de pages publiques, de groupes ou encore événements. La ressemblance réside aussi dans les couleurs dominantes et même dans l’agencement des sites et applications qui sont quasiment identiques.
Au-delà de la volonté de concurrencer le modèle américain, la création d’un réseau social national permet d’instaurer une forme d’autarcie communicationnelle, limitant ainsi l’influence culturelle extérieure.
Les réseaux sociaux, vecteurs de contestations politiques

Manifestations de décembre 2011 en Russie

Sur la scène internationale, la Russie est connue pour sa mainmise gouvernementale sur les médias. Ce contrôle s’exerce par exemple sur la production — la majorité des imprimeries sont propriété de l’État — mais aussi à travers la nomination de proches du gouvernement à la tête des principaux organes médiatiques, comme D. Kisselev, nommé par V. Poutine à la tête de Rossia Segodnia en 2013, et surtout par une forme de pression constante sur les journalistes.
Cependant, Internet et les nouveaux médias restaient des espaces de relative liberté, dont le contrôle échappait au gouvernement qui sous estimait sans doute le rôle potentiel de ceux-ci, du moins jusqu’en décembre 2011. À la suite d’élections législatives, aux résultats jugés frauduleux, la population décide de se rassembler dans la rue pour manifester. Dès lors, les réseaux sociaux, et notamment Vkontakte, sont montrés du doigt et accusés d’alimenter un esprit contestataire envers le régime, puisqu’ils ont le pouvoir de fédérer les masses, de rassembler la foule derrière certaines idées, mais aussi d’importer des principes et idéaux venus d’Occident; ils constituent par conséquent une menace envers l’ordre politique établi.
Vkontakte : Un espace de liberté ou un domaine contrôlé ?

Pavel Durov, fondateur de Vkontakte

Suite à ces événements, le gouvernement russe décide de resserrer l’étau autour d’Internet et des réseaux tels que Vkontakte. Cela se caractérise par exemple par la rédaction d’une loi « contre la calomnie », visant à éviter la diffusion de messages allant à l’encontre de l’ordre établi, limitant ainsi la contestation politique. De même, en 2014, Pavel Durov, le fondateur du réseau social russe est évincé au profit d’Igor Setchine et Alicher Ousmanov, deux proches de Vladimir Poutine. Son éviction a lieu dans un contexte bien particulier, celui du bras de fer avec l’Union Européenne et les États-Unis sur l’Ukraine. Ainsi, sur fond de conflit géopolitique, c’est bien une bataille communicationnelle qui se déroule et dont la clé semble être la maîtrise de l’information.
Pourtant, un problème demeure encore à ce jour pour le régime russe : l’impossibilité de censurer les contenus sur Internet, et donc sur Vkontakte. En effet, une forme de censure sur les journalistes restait possible tant que celle-ci s’exerçait de façon indirecte et ce, sur un nombre limité de personnes, et qu’elle ne nuisait pas à l’image du pays. Le problème des réseaux sociaux réside justement dans le fait que chacun peut produire du contenu, politique ou autre. Censurer les contenus sur Vkontakte reviendrait finalement à censurer une grande partie de la population elle-même, chose tout à fait impensable dans un État dont toute la communication étrangère est basée sur la volonté de véhiculer l’image d’une « démocratie » forte.
Aussi, la Russie – au même titre que les États-Unis et la Chine – semble avoir parfaitement compris les enjeux culturels, mais aussi politiques et stratégiques que représente la maîtrise de l’information à l’ère du numérique.
Lucille Gaudel
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Sources :
Chupin Ivan, Des médias aux ordres de Poutine ?, Savoir Agir, 2014, consulté le 27/12/2016 https://www.savoir-agir.org/IMG/pdf/SA28-ChupinIvan.pdf
Hénin Nicolas, La France Russe : Enquêtes sur les réseaux de Poutine, Fayard, 2016, 221370113X
Laroque Clémence, « Facebook, Vkontakte : quels dangers pour le gouvernement russe ? », Le Courrier de Russie , 20/01/2012, consulté le 26/12/2016 , http://www.lecourrierderussie.com/societe/gens/2012/01/vkontakte-facebook-dangersgouvernement
Lefilliâtre Jérôme, « Comment Poutine a mis la main sur Vkontakte, le Facebook russe », Challenges, Le 22/04/2014, consulté le 26/12/2016, http://www.challenges.fr/monde/ comment-poutine-a-mis-la-main-sur-vkontakte-le-facebook-russe_158593
« En Russie, Poutine accentue son contrôle sur les médias », Le Monde, 09/12/2013, consulté le 28/12/2016, http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/12/09/vladimir-poutineaccentue-son-controle-sur-les-medias-russes_3528033_3214.html
« Les médias russes entre contrôle interne et propagande externe », 20 Minutes, 2/11/2014, consulté le 28/12/2016
Crédits photos :
– Profil Facebook de Mark Zuckerberg
– Profil Vkontakte de Pavel Durov
– Profil Instagram de Pavel Durov
– Reuters Pictures, Denis Sinyakov
 

Agora, Com & Société

Roosh V: le coach en séduction "qui vous veut du bien"

Coqueluche du mouvement néomasculiniste (mouvement qui prône le retour à la domination masuline), Daryush Valizadeh (plus connu sous le pseudonyme de Roosh V) est un bloggeur et youtubeur américain de 36 ans, coach en séduction autoproclamé, ouvertement raciste et misogyne.
Doté d’une véritable communauté d’internautes, tous plus charmants les uns que les autres, constituée et fédérée autour de l’idéal du retour de la domination masculine ( très loin des préceptes de l’amour courtois), Roosh distille ses conseils en amour, sexualité et politique grâce à une stratégie de communication bien rodée. Livres, conférences, site internet, réseaux sociaux : retour sur le bloggeur le plus détesté des Etats Unis (voire du monde) ?
Roosh, le grand frère
Son site sobrement intitulé Le retour des rois ne laisse pas de place au doute. Roosh V et quelques « invités » publient des articles portant sur des sujets aussi variés que les phénomènes de société, la politique, la paternité et bien sûr la place de la femme (quasi inexistante). Les titres de ses articles sont courts, nets, précis, destinés à interpeller le lecteur et les internautes, à les faire réagir (Why Anglo-American Women Are Terrible Financial Investments – Pourquoi les femmes Anglo-Américaines constituent-elles un mauvais investissement financier ? ; Are There Legitimate Reasons To Be Fat?- Y a-t-il des excuses à l’obésité ?) en sont des exemples frappant.
Tous ces articles, florilèges de la théorie masculiniste, s’adressent aux hommes tout d’abord sur un ton didactique : Roosh part d’une question générale, d’un constat, d’exemples tirés de sa propre vie présentés comme des arguments d’autorité, pour les interroger et les étudier afin d’en tirer une vérité générale énoncée de façon virulente. Il se met dans la position de l’éclaireur, du prophète venu pour guider les hommes, et les rassurer sur leur situation en expliquant que le retour à la domination masculine est possible, mais que les hommes manquent juste de clés pour rétablir la situation.
Selon lui, les hommes blancs seraient les nouveaux souffre-douleurs de la société. Roosh n’hésite ainsi pas à critiquer les pouvoirs politiques, la société, ainsi que les médias dans une logique conspirationniste. On ne nous dit pas tout, et tout est fait pour écraser l’homme blanc.
Ce mentoring s’illustre d’abord dans la séduction et l’amour : il défend dans un de ses articles que « L’homme est le chef de la famille », et s’attèle, tout au long du texte, à déculpabiliser les hommes de leur volonté de retrouver une situation de leadership. Une idée qu’il explique dès le début en écrivant : « il faut rappeler que l’homme est naturellement le chef de la famille. Ce n’est pas un fait culturel ». Pour guider son apprenti, et en bon coach qui se respecte, Roosh tire ses idées de l’histoire, prouvant ainsi le bien fondé de ses propos (la Grèce Antique et l’Empire romain dans son texte).
Youtubeur, Roosh communique aussi avec des vidéos pédagogiques notamment en matière de femmes, la plupart sont courtes et sont l’occasion d’accompagner les spectateurs de la même façon que le ferait une youtubeuse beauté. Dans l’une d’elles, il explique ainsi que s’intéresser aux filles est une perte de temps : « When you overvalue a girl by thinking you need to spit your high-octane game, your brain concludes that it’s dealing with something ‘important.’ It will then increase your anxiety and fear about making a mistake…” (« Lorsque vous surestimez une fille en pensant que vous avez besoin de sortir le grand jeu, votre cerveau conclut qu’il a affaire à quelque chose d’ « important ». Il augmentera alors votre anxiété et la peur de faire une erreur … ») Or, c’est bien connu, à quoi bon s’embêter à séduire une fille ? Au fond elle n’a pas son mot à dire, elle n’existe que pour assouvir les désirs masculins.

Un poète maudit ?
Roosh V se considère pick-up artist. Il considère en effet que ses techniques pour “draguer” les filles peuvent être élevées au rang d’art, la drague est pour lui un jeu.
Ce mouvement né il y a une quarantaine d’années a fait parler de lui « grâce » à Julien Blanc. Dans une vidéo de 2014 il expliquait comment attraper des jeunes japonaises dans la rue en collant leur visage à son entrejambes pour mimer une fellation (le coach s’était vu interdire l’entrée dans plusieurs pays comme le Canada et le Brésil, et avait été expulsé d’Australie où il résidait à l’époque). Face au tollé, il s’était justifié en expliquant qu’il s’agissait uniquement d’une blague de mauvais goût.
Dernièrement, Roosh a été propulsé sur le devant de la scène via un de ses articles relayés sur son compte Twitter (très actif) et les réseaux sociaux. En 2014, il propose une idée quelque peu surprenante pour éradiquer le viol : “Si le viol devient légal, une fille n’entrera plus jamais dans une chambre avec un homme qu’elle ne connaît pas à moins d’être absolument sûre qu’elle est prête à coucher avec lui”
Après le tollé d’une telle déclaration, Roosh a bien essayé de se défendre prétendant que l’ironie était un de ses procédés favoris pour défendre ses idées, et qu’il ne fallait pas prendre cela au premier degré.
Il n’empêche, qu’est ce qui nous prouve qu’il ne pense pas ce qu’il dit ?
Après tout, son site défend l’idée d’une femme intéressante « uniquement pour sa beauté et sa fertilité », incapable de réfléchir. L’un de ses articles propose aux hommes des solutions pour littéralement « ramasser des jolies filles ». La femme n’est qu’un objet de d’ornement comme un autre.
De là à faire du viol un bienfait de société, il n’y a qu’un pas.
Ces coachs en séduction ne sont pas forcément influents (Roosh ne compte « que » 21 880 abonnés), mais ils restent dangereux : quoi de mieux que d’exploiter les peurs et les faiblesses de certains hommes pour donner de la force à ses idées ? Roosh s’adresse essentiellement à un public d’hommes blancs, qui se sentent comme dépossédés de leur virilité, craignant les femmes. Les commentaires que l’on peut lire à la suite de ses articles ne laissent pas de place au doute quant aux caractéristiques majeures des fans de Roosh. Sur l’article parlant des femmes américaines que nous avons évoqué plus haut, un certain Jason exprime son mépris total « I would, without a doubt, be more comfortable with having a 7 year old boy handle my money than I would 95%+ of adult women. They want money but they can’t handle it.” (“J’aurais, sans aucun doute, plus confiance à laisser un garçon de 7 ans gérer mon argent qu’à plus de 95% des femmes adultes. Elles veulent l’argent, mais ne savent pas le gérer »).Il parait si simple alors de faire des femmes des objets intrinsèquement inférieurs aux hommes et interchangeables, tantôt soumises au bon vouloir des hommes, tantôt sorcières villes et perverses transformant les garçons innocents en des fourbes séducteurs.
Face à cette peur du féminisme et de sa conception par beaucoup comme une théorie extrémiste qui vise à assoir une domination de la femme sur l’homme, il parait important de rappeler que le féminisme est « un mouvement militant pour l’amélioration et l’extension du rôle et des droits des femmes dans la société » (Larousse).
Face à ces mauvaises interprétations, plusieurs personnalités ont décidé de définir et de réhabiliter le féminisme par l’humour. On pense notamment à Orelsan et Gringe qui livrent leur propre version du féminisme dans la mini-série Bloqués.
Arianna Delehaye
Sources :
Terrafemina, Un « coach en séduction » raciste et misogyne incite à agresser sexuellement les femmes japonaises, Novembre 2014
Les inrocks, Roosh V, le “pick-up artist” qui voulait légaliser le viol, annule ses conférences, 05/02/2016
Et juste pour le plaisir :
Crédit photo : 
YOUTUBE/ROOSH V
 

Société

The lion that broke the internet

Rappel des faits : le 1er juillet 2015, au Zimbabwe, Walter Palmer, un dentiste et chasseur américain abat Cecil, un lion à la crinière noire, star du parc national Hwange et sujet d’étude des chercheurs de l’université d’Oxford. Ce braconnage a duré plus de 40 heures. Walter Palmer a tout d’abord attiré l’animal à l’extérieur, du parc et l’a blessé avec une arbalète avant de le traquer et de l’abattre au fusil. Très vite, cet abattage a attiré l’attention des médias internationaux et a suscité l’indignation des défenseurs de l’environnement et de l’opinion publique. Résultat, l’affaire est remonté dans les sphères politiciennes et jusqu’aux tribunaux.
C’est précisément cette « attention », cette réaction des médias, qui a érigé ce fait divers en véritable phénomène médiatique, aujourd’hui connu et reconnu sous le verbatim « Cecil le Lion ».
Naissance du phénomène
Les mécanismes traditionnels de l’information se mettent en route
La première couverture médiatique de l’affaire Cecil le lion, concerne l’affaire elle-même. Dans les médias traditionnels, les articles expliquent comment le lion a pu être tué, quelle était sa particularité, et la somme que le dentiste a dépensé pour cette chasse. C’est après cette première couverture factuelle, que l’affaire Cecil le Lion va pouvoir commencer à circuler. Rapidement l’expression “Cecil the Lion” est reprise. La légitimité des médias traditionnels suffit à figer cette formule. Elle va ensuite jouer un rôle très important dans l’amplification du phénomène, puisqu’elle va permettre d’indexer et de retrouver toutes les réactions et tous les commentaires. La formule devient donc une porte d’entrée pour l’ensemble des réactions internationales.
Internet permet à tout un chacun de s’approprier le phénomène
Dans le cas de Cecil le Lion, les internautes sont les acteurs principaux de la viralité du phénomène. Ils se sont appropriés toutes les plateformes d’expression du web pour contribuer à l’écriture du phénomène Cecil le Lion.
Campagnes
Beaucoup de campagnes ont été lancées, avec des objectifs très variés à chaque fois. L’université d’Oxford, qui avait placé un collier GPS autour du cou du lion en 2008, afin de recueillir des données sur le mode de vie des lions et leur longévité, a lancé un appel aux dons pour “révolutionner” la protection des félins. Plusieurs associations de défense de la faune et de la flore ont crées leurs propres pétitions comme l’African Wildlife Foundation ou PETA. Et face à l’absence de campagnes réclamant la justice, des internautes se sont lancés. Cecil, célèbre lion à la crinière noire du Zimbabwe, tué pour 50 000 euros : demande à Barack Obama de faire condamner le dentiste. Même chose pour Extradite Minnesotan Walter Palmer to face justice in Zimbabwe, postée sur la plateforme de pétitions de la Maison Blanche. Cecil est également devenu l’illustration d’autres pétitions comme Justice for Cecil, help fight trophy hunting! ou Demand Justice for Cecil the Lion in Zimbabwe, qui militent pour l’interdiction des permis de chasse.
Réseaux sociaux
Entre les différentes pétitions et appels aux dons lancées par des organismes officielles et toutes celles lancées par des particuliers, il y a eu un vaste éparpillement des campagnes de mobilisation. Mais cette éparpillement est encore plus visible sur les réseaux sociaux, où un nombre pharaonique de pages et autres groupes ont été crées à l’effigie de Cecil.
Sur Facebook, parmi les 100 pages dédiées à Cecil, il y a :  Cecil the Lion, Justice for Cecil the Lion, CECIL the LION, Cecil : The Lion, Justice For Cecil the Lion, R.I.P. Cecil the Lion, Cecil, Lion. Parmi la trentaine de groupes, il y a RIP Cecil the lion… let’s tell the dentist he is a coward !, CECIL the Lion HUNTS Walter Palmer, Cecil the lion says “All Lives Matter”, Extradite Walter J. Palmer: Justice for Cecil the Lion, etc.
 
Sur Twitter, 53 comptes lui sont dédiés, dont : Cecil The Lion Game @lioncecilgame, Cecil_the_Lion @Lion_for_Truth, CecilTheLion @CecilTheLion, Justice For Cecil @justiceforcecil, Cecil Lion Festival @GurundoroFest, Cecil The Lion @lion_cecil…
 
Sur les réseaux sociaux, on voit une véritable volonté de réappropriation du phénomène. Signe d’une énorme volonté de mobilisation des internautes. Même s’il existe une première page ou un premier groupe, qui reprend la terminologie exacte « Cecil the Lion», beaucoup d’autres pages et groupes éclosent, avec à chaque fois, un effort du créateur ou de la créatrice pour trouver une manière de reformuler la terminologie, en jouant sur les majuscules, les signes de ponctuation, les tirets, en rajoutant des mots…

Forums
Mais bien au-delà des élans d’émotions et d’indignation, la mort de Cecil le Lion a généré beaucoup de commentaires et de débats. Les plus grands forums se sont tous retrouvés avec un, ou plusieurs, sujets mentionnant Cecil : American hunter illegally killed Cecil the Lion, Cecil the Lion as a non-killable beast in WoW, The killing of Cecil the Lion, Cecil the Lion, We need a tribute to Cecil the Lion in the game, The brother of Cecil the Lion, was killed by a hunter in Zimbabwe, this Saturday, announces CNN, Cecil the Lion Killed.
Vidéos
Et le phénomène Cecil le Lion n’a pas non plus échappé aux plateformes de vidéos. En dehors des reportages journalistiques, un florilège de vidéos sur les réactions qu’a provoqué l’affaire ont été postées : en allant des réactions de célébrités aux réactions d’internautes lambdas.  

Ce qui nous amène à notre 3ème et dernière partie sur le traitement médiatique de l’évènement médiatique lui-même de Cecil le Lion, et de la manière dont il a été couvert dans les médias.
Troisième niveau, le traitement médiatique du phénomène en tant que tel
Quand les figures médiatiques se mettent en scène et deviennent des leaders d’opinion
Ici le reportage journalistique porte plus sur le scandale qui a éclaté autour de l’affaire, que de la mort de Cecil en elle-même.

 
D’autres vidéos vont commencer à fleurir pour commenter la manière dont telle ou telle célébrité a réagi à la mort de Cecil. Des articles ont fleuri sur le même thème « Celebs React to the Heinous Murder of Cecil The Lion », avec une énumération des tweets. 

Le Figaro a fait un article sur l’acteur Arnold Schwarzenegger qui attaque le dentiste américain. Le Télégramme a couvert l’indignation de Brigitte Bardot le 1er août. Et dernièrement c’est la photo d’Ashley Benson, sur Instagram qui a réveillé la communauté pro-Cecil. A l’approche d’Halloween l’actrice poste une photo d’elle en costume de lion, avec comme légende “Help ! Can’t decide on my Halloween costume this year ! What do you guys think of this Cecil the Lion costume?” Très vite le message a fait un tollé, les internautes qualifiaient sa référence d’offensive et de mauvais. Cette anecdote a même fait l’objet d’un article, le 7 octobre sur PureBreak.
Dans d’autres vidéos, des internautes se filment en train de « découvrir » et de réagir pour la première fois, à la réaction de Jimmy Kimmel.
Ou encore la vidéo Jimmy Kimmel Chokes Up Over the Death of Cecil the Lion, dont le sujet n’est pas la mort du lion mais uniquement la réaction du présentateur vedette. Dans la vidéo Teens React to Cecil the Lion Killed, filme des jeunes devant un ordinateur et filme leur réaction « spontanée ». A ce stade, ce n’est plus la mort de Cecil le Lion qui est médiatisée, mais la réaction d’individus plus ou moins connus à sa mort.
Toutes ces réappropriations ont renforcé le phénomène, car elles ont généré de l’engagement et de l’identification. Les internautes se sentent investis dans le débat, et se sentent appartenir à une communauté.
Toutefois, la mobilisation sur Internet, a amené à des manifestations plus concrètes : devant la maison de Walter Palmer et devant son cabinet dentaire par exemple. Ces manifestations physiques ont continué à alimenter le phénomène. Elles ont rendu la mobilisation télégénique, et ont ainsi permis une couche supplémentaire de couverture médiatique.
Le méta-discours
Et puis il y a eu des articles sur le phénomène : comment Cecil le Lion a généré autant d’engagement et de réactions dans le monde occidental. Le 30 juillet, Marino Eccher écrit l’article « Why the death of Cecil the lion ran wild on the Internet ? ». Nous sommes seulement deux jours après la révélation de la mort, il énumère les réactions sur Internet (plus de 700 000 tweets et 1 million de recherches sur Googe, rien qu’aux Etats-Unis). Selon lui, l’histoire a été propagée par une poignée d’influenceurs sur les réseaux sociaux, des comptes qui agrègent à chaque fois des dizaines de millions de followers, comme des comptes de médias ou de célébrités, dont l’acteur Ricky Gervais. Fin août, la BBC2 dédie son émission Newsnight au phénomène, avec comme accroche “We look back on the killing of Cecil the Lion : did we overeact ? is social medial to blame ?” En effet, dans la naissance et la propagation du phénomène Cecil le Lion, les réseaux sociaux ont vraiment joué un rôle de tremplin. Le fait divers a été partagé et relayé sur les réseaux, avant d’atteindre par la suite le palier des médias traditionnels. Sans aucun doute, si un le braconnage de Cecil était arrivé avant l’existence des réseaux sociaux, il serait resté un fait divers et n’aurait pas pris cette ampleur phénoménale.
Aujourd’hui Cecil the lion est devenu un emblème. Une véritable communauté d’internautes émus par sa mort s’est crée, et depuis elle agit comme un vigile. D’autres cas de meurtres d’animaux sauvages été révélés, comme celui d’une girafe par la chasseuse américaine Sabrina Corgatelli). Chaque nouvel épisode judiciaire entre Walter Palmer et le Zimbabwe fait de nouveau l’objet d’articles, renouvelant une fois de plus le phénomène et les réactions des internautes. Des rumeurs et des intox ont même vu le jour : Cecil serait finalement bien en vie, ou son frère Jericho aurait été à son tour assassiné par un chasseur. Cette dernière intox a d’ailleurs fait l’objet d’un article, sur la formation et la déformation de la rumeur sur francetvinfo.fr.
Ainsi, le phénomène Cecil le Lion est devenu viral sur les plateformes web. L’institution de la formule « Cecil the lion » a permis de fixer ce phénomène et de lui permettre de circuler. La réappropriation des internautes a permis d’ériger ce fait divers jusqu’à un véritable évènement. Ces réappropriations ont crée un nouveau niveau dans l’affaire Cecil le Lion, avec une nouvelle couverture médiatique, qui a porté cette fois sur les vagues d’émoi. Il y a donc eu un mouvement de balancier entre les internautes et les médias traditionnels : les internautes ont crée le phénomène, qui a ensuite été relayé par les médias traditionnels, ce qui a alimenté de nouvelles réactions d’internautes etc… Et au fil de toute cette circulation médiatique, Cecil le Lion est devenu aujourd’hui un véritable objet culturel.
Cet article est un résumé d’une étude qui a été réalisée par Orlane Lebouteiller, Marion Parquet et Marie Mougin, dans le cadre du cours de sémiotique culturelle d’Internet, d’Etienne Candel, en décembre 2015.
Marie Mougin 

Agora, Com & Société

#RIPTWITTER: quel avenir pour l'oiseau bleu ?

Twitter est considéré comme un géant des réseaux sociaux. Bien moins important, certes, que le roi Facebook, le réseau à l’oiseau a tout de même une place de choix dans le coeur de ses utilisateurs. Mais justement, son problème semble être aujourd’hui de  réussir à conquérir de nouveaux publics, de convaincre qu’il vaut la peine qu’on s’intéresse à lui.
Un nombre d’utilisateurs qui ne s’envole pas
Début février, Twitter annonçait que son nombre d’utilisateurs, s’élevant à 320 millions, avait stagné par rapport au trimestre précédent. Le groupe n’a jamais réellement dégagé de bénéfice: son modèle économique est encore peu rentable. Il est surtout basé sur la publicité qui représente 63% des revenus (tweets, trending topics et comptes sponsorisés) mais, comme l’expliquait Cédric Deniaud, co-responsable du site mediassociaux.fr, au journal LaCroix, « Sans audience, il est difficile de trouver une stratégie pour cibler les internautes autant que les annonceurs ». Les données publiées dans les tweets sont également jugées moins personnelles que sur Facebook par les annonceurs et donc les tweets sont moins attractifs. Twitter a perdu plus de 500 millions de dollars sur l’année 2015 indique un rapport de l’AFP. Ces problèmes financiers ajoutent donc une pression supplémentaire à Twitter: les investisseurs commencent à perdre patience et leurs inquiétudes quant à la croissance du réseau social ne font, elles, qu’augmenter. Parallèlement, l’action ne cesse de chuter depuis le début de l’année. Elle a perdu 80 % de sa valeur depuis ses sommets en décembre 2013, juste après son introduction en Bourse.
Le pourquoi du comment
Pourquoi Twitter n’attire plus ? Ce réseau social a été un réel succès à sa création: il a rapidement rassemblé un million d’utilisateurs et en deux ans, on comptait déjà deux milliards de tweets. Et même si Stromae chante que « l’amour est comme l’oiseau de Twitter, on est bleu de lui seulement pour quarante-huit heures », le site de microblogging ne semble pas si facile à utiliser pour tout le monde. En effet, Twitter est perçu comme un réseau social trop compliqué à appréhender. Les twittos eux-mêmes le reconnaissent, comme le montre ce tweet :

Twitter a en effet des codes bien ancrés: les RT, #LT, #NP, w/, #FF et autres #TBT peuvent décourager des utilisateurs novices pour lesquels on ne prend pas la peine de préciser ces spécificités. Et fil d’actualité instantané, qui plait beaucoup aux initiés, peut constituer un réel obstacle car sa rapidité et son instantanéité le rende parfois difficile à suivre par rapport à celui de Facebook par exemple.
En outre, l’utilité de Twitter n’est pas non plus une évidence pour les internautes. Pour beaucoup, Twitter est souvent associé avec le fait de raconter sa vie aux yeux du monde entier, or soit ils n’en ont pas envie ou ne considèrent pas avoir une vie assez intéressante pour le faire. En outre, certains ne voient pas pourquoi rajouter un réseau social à leur vie numérique déjà bien remplie, il semble que Facebook suffise à un grand nombre d’internautes. Ainsi, Twitter semblerait trop complexe à utiliser et pas assez utile pour que l’on mérite de s’y intéresser.
Il est intéressant de remarquer un phénomène étonnant, actuellement en pleine croissance, sur Facebook : des pages comme Urban Hit ou Les FDP du Net, pour ne citer qu’elles, rencontrent un réel succès en publiant majoritairement des captures d’écrans… de tweets ! Cette tendance montre bien l’intérêt qu’ont les utilisateurs de Facebook pour l’univers, souvent drôle et décalé, de Twitter. Ces publications peuvent avoir plusieurs effets pour le réseau à l’oiseau: elles peuvent permettre d’attirer du public en le médiatisant ainsi ou bien, au contraire, conforter les internautes dans l’idée qu’ils n’ont pas besoin de s’y inscrire puisqu’ils ont accès aux tweets via Facebook. Ce phénomène permet donc de  constater que les utilisateurs de Facebook pourraient être un terreau fertile pour Twitter qui doit donc réfléchir à la façon de leur donner envie de s’inscrire sur la plateforme.

Le changement n’est pas chose aisée
Si Twitter a besoin de changer pour attirer de nouveaux utilisateurs, il faut réussir à le faire sans mécontenter les utilisateurs actuels. En effet, si Twitter peine à attirer de nouvelles recrues, celles qu’il a déjà enrôlé sont totalement convaincues par le fonctionnement du réseau, à tel point que le moindre changement évoqué fait toujours l’effet d’une bombe. Ainsi plus tôt cette année, l’annonce du passage de 140 caractères à 10 000 avait fait débat sur le réseau, tout comme le passage du « favori » au « like » ou encore récemment le changement du fonctionnement du fil d’actualité qui a déclenché le hashtag #RIPTwitter tant il révolte certains utilisateurs. Ces changements tendent, en effet, à rapprocher Twitter de Facebook. Or bon nombre des aficionados de Twitter, sont fermement accrochés à la différence de Twitter par rapport au réseau de Mark Zuckerberg, les twittos n’hésitant d’ailleurs pas à railler Facebook dès qu’ils le peuvent.  Ces changements apparaissent donc comme une violation du contrat de lecture que proposait Twitter à sa création et permettent ainsi de voir à quel point il peut-être difficile de le modifier, l’importance qu’il peut avoir aux yeux des utilisateurs.

En plus de ces changements qui touchent au fonctionnement même de la plateforme, Twitter essaye aussi de proposer de nouvelles fonctionnalités. Ainsi, l’onglet « Momens » a été lancé aux Etats-Unis dans une version test. Le principe est le suivant: les tweets sont regroupés par thème afin de faciliter le suivi de l’actualité, un peu à la manière d’une story sur Snapchat. Cette vidéo permet de mieux comprendre le concept de Moment. Twitter a donc choisi de tabler sur un de ses points forts : l’actualité. En effet, nombre d’utilisateurs sont sur ce réseau afin de pouvoir suivre ce qui se passe en temps réel (les informations sont très souvent diffusées sur Twitter avant n’importe quel média traditionnel), tout en essayant de simplifier le suivi de cette actualité sans pour autant heurter le fonctionnement actuel, puisqu’il s’agit d’une fonctionnalité qui vient s’ajouter aux autres.

Face à l’enjeu déterminant de réunir une plus grande communauté d’utilisateurs, Twitter doit réussir à allier innovation, simplicité et communication. Comme nous le montre la création de Moments, il semble que Twitter ait réalisé qu’il était maintenant en concurrence avec des réseaux sociaux largement basés sur l’image comme Instagram, Snapchat ou encore Vine qui réussissent, eux, à attirer des cibles plus jeunes. Néanmoins, cette fonctionnalité n’étant pas basée sur l’ego comme le sont en grande majorité les réseaux de l’image, nous pouvons douter de son succès auprès d’un public plus jeune.  En investissant dans Periscope, Twitter avait pourtant marqué un bon point dans cette stratégie de l’image et de la vidéo. Malgré cette mauvaise passe entendra-t-on encore longtemps gazouiller l’oiseau bleu ? #lavenirnousledira
Clémence de Lampugnani
@Clemydelamp
Sources:
Constance Léon, La Croix « Twitter cherche encore son #modèle économique »  
Le Monde.fr avec AFP pour lemonde.fr « Le nombre d’utilisateurs de Twitter a stagné à 320 millions au 4e trimestre »
GB avec AFP RelaxNews pour clubic.com « Pour éviter de stagner, Twitter veut se transformer »
Thomas Coëffé  pour le blogdumodérateur « Nouveauté: Twitter moments, pour découvrir les principaux événements et actualités du moment »
Crédits photos: 
Twitter
Urban Hit / Facebook 
http://thewrap.com 
 

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Société

Le débat réenchanté ?

« La politique c’est du jargon déclamé à longueur d’ondes par des clones encravatés »
« Nous voulons du contenu, des idées, des échanges exigeants »
Deux émetteurs différents pour un même message. Les jeunes youtubeurs à l’origine de la chaîne Osons Causer; et les moins jeunes signataires du manifeste lancé par le collectif Notre Primaire, semblent s’accorder sur un point : le débat politique doit être dépoussiéré dans sa forme, et reconquis dans ses idées.
Osons Causer et Notre Primaire : deux exemples de réenchantement du débat politique
D’un côté, il y a Osons Causer : une chaîne YouTube créée par trois étudiants aux valeurs « humanistes, émancipatrices et tout ce que tu veux », comptant près de 32 000 abonnés. Son ambition est d’aborder les sujets « chauds » d’actualité politique à travers des éclaircissements philosophiques, sociologiques et économiques – en somme éveiller l’esprit critique. Partant du constat sans équivoque: « la politique, c’est chiant », le jargon administratif et la langue de bois sont d’emblée pointés du doigt et mis au rebut. Le projet est de revenir aux fondements d’une démocratie vraie, basée sur un langage compréhensible par tous, un « blabla d’intérêt général ». Autrement dit, l’initiative réside en priorité dans la réactivation de la parole politique, avant toute action politique.

De l’autre, il y l’initiative de gauche Notre Primaire. Politiques (Daniel Cohn Bendit en tête) – mais aussi écrivains, sociologues et philosophes (Raphaël Glucksmann), sémiologues, cinéastes, syndicalistes – signent un manifeste pour une primaire à gauche en prévision de 2017. Mais ils ne se contentent pas de signer : une tournée de rencontres à travers le pays est organisée afin de redonner au débat une place centrale dans le processus de décision démocratique. Le site reprend les codes d’un blog où de nombreux signataires publient des tribunes et des articles qui, souvent, soulignent l’urgence d’agir et les lignes directrices d’un potentiel futur programme présidentiel. Il s’agit de « débloquer le débat » pour débloquer la vie politique française actuelle. Le succès de Notre Primaire n’est cependant pas garanti (on compte un peu plus de 78.000 signataires, loin des 150.000 attendus).
Il reste que nous sommes face à deux formes de réactivation démocratique : une qui s’adresse au peuple en quête de sens, l’autre au peuple en quête de renouveau électoral.

L’agora citoyenne renouvelée…
Les deux communautés ne sont donc pas de même nature (ou de même génération) – l’une s’inscrivant dans une tendance plus générale à l’expression libre sur les plateformes telles que YouTube et l’autre ayant une visée politique davantage orientée. Elles se sont néanmoins crées suite à un constat commun: la nécessité presque vitale d’une reconfiguration de la parole et de l’action politique. Il s’agit de « réenchanter » la pratique du débat pour lutter contre le « désenchantement » de la population vis-à-vis de la politique.
Ainsi on retrouve la même volonté de replacer le débat au service de l’intérêt public. Le postulat de départ est la constatation d’un manque total de confiance non pas envers la politique mais envers ceux qui l’exercent. Plus précisément, il traduit la lassitude que beaucoup ressentent face à l’état du débat actuel – dans les médias et sur les réseaux sociaux. En effet, à trop se prêter au jeu de l’infotainment ou à celui de Twitter, les acteurs politiques semblent négliger leur mission – car les nouvelles formes de communication ne laissent pas la place à l’explication, à la pédagogie, à la persuasion, détruites par les clashs à répétitions et les « petites phrases ».

Force est cependant de constater que ce modèle de communication politique basé sur l’immédiateté et l’omniprésence médiatique n’est pas prêt de disparaître. Alors, qui mieux que le peuple pour rallumer la flamme des débats politiques français ? Qui mieux que les citoyens, sur une chaîne YouTube ou lors des rencontres de Notre Primaire, pour remédier à cette inefficacité et à cette stagnation technocratique – grâce à la parole ?
L’espace public s’est « virtualisé » et crée une sorte d’agora 2.0, comme le dit Michel Serres. L’auteur, dans Petite Poucette, évoque la possibilité grâce au numérique de passer à une société « liquide », où les citoyens – s’émancipant de plus en plus des carcans établis par l’Etat – auraient chacun leur mot à dire, leur responsabilité à prendre.
Notre Primaire ayant lancé son initiative par une campagne digitale, avec le hashtag #NotrePrimaire et la publication du manifeste sur un site web dédié publiée sur Libération, et Osons Causer se coulant dans les usages les plus actuels du Web (se filmer « à la manière d’un Norman ou d’un Cyprien ») ; il est clair que ces deux initiatives s’inscrivent dans une logique de reconquête d’un débat citoyen par le biais du numérique et du Web, de réinvestissement de l’espace public par la diffusion d’une parole éclairée.

… au service d’une démocratie participative enclenchée ?
Outre l’utilisation commune du « nous » dans leurs dénominations respectives, les discours d’Osons Causer et de Notre Primaire frappent par leurs similitudes, malgré l’écart générationnel qui s’opère entre eux :
« Quand les dégoutés s’en vont, il ne reste que les dégoutants. Si le peuple se retire des affaires politiques, des véreux de toutes sortes se feront un plaisir de « gérer » pour eux et d’organiser notre dépossession. » (Osons Causer)
« Il n’y a pas de fatalité à l’impuissance politique. La France est riche de son énergie vitale et de ses talents qui aspirent à forger un avenir bienveillant » (Notre Primaire).
Des balbutiements de la démocratie participative lancée par Ségolène Royal dans sa campagne de 2007 à ces nouvelles initiatives, on voit bien que la quête est la même à travers les générations : le symbole de 68 Daniel Cohn-Bendit et les jeunes youtubeurs ont soif d’un débat qui donnerait au peuple l’envie et les moyens de se réengager.
Faustine Faure
@FaustineFaure
Sources :
Libération, « Débloquez le débat! », 25/01/2016
Streetpress, Le petit buzz d’Osons Causer, la chaîne Youtube qui parle politique, Lucas Chedeville, 5/02/2016#

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Chaîne Youtube d’Osons Causer 
Télérama, Les Youtubeurs de gauche mènent la contre-attaque, Erwan Desplanques, 15/02/2016 
Crédits photos :

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http://www.vie-publique.fr/focus/referendum-initiative-partagee-definitivement-adopte.html