Culture

Princesse au chômage recherche célébrité précaire

Le marketing genré s’affiche comme la formule magique des marques pour doubler les ventes. Cependant, face aux nombreuses critiques, notamment concernant les Disney Princesses, les marques tentent d’adapter progressivement leurs stratégies publicitaires, à l’image de Vaiana, nouveau film d’animation de Disney, au succès impressionnant. Actuellement, le marketing genré est-il toujours justifié ?
L’empire Disney Princesses
Créée en 1999, Disney Princesses, franchise de Walt Disney Company, vend toutes sortes de produits dérivés à l’effigie des princesses Disney, allant du simple dentifrice à la robe de mariée. Les héroïnes de ce clan très select – Blanche-Neige, Cendrillon, Aurore, Ariel, Belle, Jasmine, Pocahontas, Mulan, Tiana, Raiponce, Mérida et enfin Elsa – sont l’une des principales sources de rentabilité pour Disney.
La Reine des Neiges, film d’animation au plus grand succès, fait la fortune de Disney avec une licence à prix d’or, la plus chère sur le marché du jeu du jouet français en 2015. Mais quelle est la formule magique qui se dissimule derrière ces contes de fées ?
Top 5 des licences en valeur sur le marché du jeu et du jouet français en 2015

Mais quelle est la formule magique qui se dissimule derrière ces contes de fées ? Le marketing genré, formule magique ?
Exploitant le désir des femmes de se faire belles et d’exposer leur identité sexuelle, Disney le transforme en addiction. En témoigne l’omniprésence du mot « princesse » dans l’univers des petites filles grâce des techniques de marketing genré.
Le marketing genré ou gender marketing consiste à adapter la politique marketing en fonction du caractère masculin ou féminin de la cible, selon Bertrand Bathelot, professeur agrégé de marketing.
Très employé pour cibler enfants et adolescents, il permet de doubler les ventes au sein d’une même famille. Par exemple, pour une famille comportant un garçon et une fille, les parents n’achèteront plus un seul vélo mais un vélo « pour fille » et un vélo « pour garçon » !
Afin de marquer des jouets désormais sexués, la couleur rose n°241, paillettes et princesses sont au rendez-vous. Bienvenue sur la planète rose !
La culture girly (1) a pour objectif de fidéliser le consommateur dès son plus jeune âge. Couplée aux techniques de marketing genré, Disney effectue un marketing par âge. La culture girly ne s’arrête donc pas à l’arrivée de l’adolescence avec des célébrités comme d’Hannah Montana, Violetta ou Soy Luna.
À chaque âge son personnage ! Ainsi, le parcours du consommateur type commence avec Winnie L’Ourson suivi de Mickey. Le marketing genré apparaît vers 3 ans chez les filles avec les poupées Animator’s, à 5 ans avec les Disney Princesses, puis c’est les W.I.T.C.H et les programmes télévisés au début de l’adolescence.
Cette poupée, ce cadeau empoisonné
Déjà évoqué par Roland Barthes dans ses Mythologies, le jouet ou jeu d’imitation (2) – la dinette – permet à l’enfant d’intégrer certains rôles sociaux et de renforcer les stéréotypes de sexe.
Même si chacun est libre de dicter à Cendrillon sa destinée dans la cour de récré, son rôle premier, celui qui est fixé à l’écran, reste cependant déterminant dans la construction de l’imaginaire. Dans la plupart des cas, la poupée se transforme en jouet d’imitation, d’où l’importance capitale des rôles donnés aux princesses et actuellement très controversés.
Coupez-lui la tête !
Le rôle réducteur des princesses est fortement remis en question.
Très souvent, le mariage avec le prince charmant apparaît comme seul moyen d’épanouissement. Leurs activités sont peu modernes voire sexistes : travail obsessif sur leur apparence, taches ménagères et attitude passive.
Les relations interféminines sont souvent stéréotypées, conflictuelles et manipulatrices. Les femmes de pouvoir sont les « méchantes » : qui ne se rappelle pas la reine de Blanche Neige et d’Ursula de la Petite Sirène ? Même Elsa, traitée de sorcière, renforce le stéréotype attaché au lien entre pouvoir et féminité.
Leur physique, qui leur permet d’être repérées par le prince charmant, est conçu selon des standards inatteignables (minceur extrême, grands yeux, petits pieds). Loryn Brantz, graphiste américaine montre l’écart entre leur physique et une allure plus « normale », accusant Disney de participer à la création de complexes chez les jeunes filles.

À ces critiques s’ajoutent celles concernant la couleur de peau, l’absence d’ handicap ou de membres de la communauté LGBT. En mai 2016, les internautes s’étaient d’ailleurs mobilisés, via le hashtag #GiveElsaaGirlfriend pour qu’Elsa devienne la première princesse lesbienne.
Un vent d’ouverture apaise les tensions
Depuis quelques années, de nombreuses marques ont entrepris des initiatives innovantes, plus adaptées et à l’écoute des changements sociaux.
Ainsi, Mattel a modifié cette année ses Barbies en proposant des morphologies plus diversifiées et réalistes. GoldieBlox, entreprise américaine de jouets, propose aujourd’hui des jeux de construction pour filles. Et l’année dernière, les Magasins U ont lancé un catalogue de jouets sans distinction de sexe, avec des petits garçons jouant à la poupée ou une petite fille bricolant.

Parallèlement, une vague pro-féminine s’est emparée de certaines marques. À l’instar de Dove, Pantene, ou Always, la tendance est à l’empowerment, comme la campagne communicationelle d’Always « #CommeUnefille ». Certes, il s’agit toujours d’un marketing genré pour des produits s’adressant exclusivement aux femmes.

S’agit-il alors d’une avancée, ou seulement d’une régression déguisée sous des airs de « girl power » ?
Bientôt une nouvelle collection Disney Aventures ?

Le dernier film d’animation produit par Disney, Vaiana, est d’un tout nouveau genre. Pas de prince charmant à l’horizon, Viana n’a qu’un seul amour, l’Océan. Elle s’agrippe à ses rêves, prenant de nombreux risques pour vivre sa passion. Au physique bien plus « normal », Vaiana est authentique, franche et assumée.

Dans la même veine, le film franco-canadien Ballerina confirme cette tendance en mettant en scène une petite fille qui rêve de devenir danseuse étoile.

L’ambition est enfin à l’écran et cela plaît. Seulement quelques jours après sa sortie, Vaiana atteint déjà les 15.9 millions de dollars de recettes, devançant les résultats de la Reine des Neiges.
Avec ce virement stratégique prometteur, à quand une nouvelle collection Disney, avec de véritables métiers, pour que les petites filles d’aujourd’hui puissent se rêver en aventurières, astronautes, journalistes, avocates ou médecins ? Affaire à suivre….
Flore DESVIGNES
LinkedIn

(1) Culture girly : mouvement de mode, apparu au début des années 2000 qui désigne une attitude que les jeunes filles aiment se donner, obsédée par leur apparence et ultra féminine. C’est la culture du rose et des couleurs vives, des strass, des paillettes, de la fausse fourrure2, des jupes etc. Le mouvement girly se retrouve dans les séries de télévision, le cinéma, le maquillage, la musique, la mode, les blogs avec par exemple Hello Kitty, Katy Perry, Lolita, Disney Princesses.

(2) Jeu d’imitation : selon le Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le jeu d’imitation s’appuie sur la reproduction différée de scénarios de la vie courante.

Sources :

• DENJEAN, Cécile, “Princesses, pop stars & girl power”, Arte. Paru en 2012. Consulté le 29 décembre 2016.

• Princesses Disney, Wikipédia, Consulté le 29 décembre 2016

• L.D. “La Reine des Neiges ou : quand Disney avance d’un pas et recule de trois.”, Le cinéma est politique. Paru le 23 décembre 2013. Consulté le 29 décembre 2016.• SOTINEL, Thomas, “Chez Disney, la princesse a du mal à s’émanciper”, Le Monde. Paru le 19 novembre 2013. Consulté le 28 décembre 2016.

• LUCIANI, Noémie, “« Vaiana, la légende du bout du monde » : l’héroïne de Disney qui préfère la mer au prince charmant”, Le Monde. Paru le 25 novembre 2016. Consulté le 28 décembre 2016.
• HARRIS Aisha, “«Vaiana» ou la fin (tant attendue) des contes de fées chez Disney”, Slate. Paru le 30 novembre 2016. Consulté le 28 décembre 2016.

• LE BRETON, Marine, “Vaiana, la nouvelle héroïne Disney qui fait du bien aux petites filles”, Le Huffington Post. Paru le 27 novembre 2016. Consulté le 28 décembre 2016.

• CHARPENTIER, Aurélie, “Disney, le grand manitou du divertissement”, E-marketing. Paru le 1er avril 2007. Consulté le 28 décembre 2016.
• « Girly », Wikipédia. Dernière modification le 26 octobre 2016. Consulté le 7 janvier 2017.

Crédits:

• Alexsandro Palombo, Life is not a fairytale

• Top 5 des licences en valeur sur le marché du jeu et du jouet français en 2015, source panel Epsos, lsa-conso

• Loryn Brantz, graphiste et journaliste chez Buzzfeed

• Les Magasins U, Catalogue de Noël 2015

• GoldieBox

• Le Huffington Post, 27 novembre 2016

 

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la vérité sur les filles fastncurious
Publicité et marketing

Twingo et la vérité sur les filles : un féminisme raté

Le 11 février dernier, Renault, via l’agence Marcel (qui nous avait déjà fait aimer les fruits et légumes moches l’année passée), a lancé son opération « La vérité sur les filles » pour promouvoir sa nouvelle Twingo. Au programme : tweets et selfies contre sweat-shirts et totebags.
En effet, la campagne se présente comme une véritable chasse aux clichés et est caractérisée par un refus de la « femme parfaite ». Très interactive, l’initiative repose sur plusieurs piliers : tout d’abord trois spots diffusés à la télévision et sur internet et portés notamment par Bérengère Krief (comédienne et humoriste que vous avez connu dans Bref) et Nora Hamzawi (humoriste, chroniqueuse du Grand Journal sur Canal + et d’On va tous y passer sur France Inter). Intitulées « les bonnes résolutions », « le texto » et « les contes de fées », ces vidéos veulent revendiquer avec humour le droit des femmes à l’imperfection.
 

 
L’opération est aussi portée par d’influentes bloggeuses mode parmi lesquelles Kenza (larevuedekenza.fr), Deedee (Deedeeparis.fr) et Coline (etpourquoipascoline.fr) qui ont, à l’instar de Bérengère Krief et Nora Hamzawi, chacune créé un slogan chargé de véhiculer une idée forte sur les femmes ; parmi ces propositions humoristiques, on trouve des formules telles que: « Je mange du gluten », « Je crois au prince charmant et aux licornes », « Je ne suis pas chiante, je suis cérébrale », « J’adore les enfants (quand ils dorment) », « Je suis un cordon bleu du surgelé », ou encore « Femme jusqu’au bout de mes sneakers ».

Ces slogans seront ensuite déclinés sur différents supports, en sweat-shirts, T-shirts et totebags qui seront échangés gratuitement contre des selfies dans une boutique éphémère entre le 27 février et le 8 mars à Paris, puis dans toute la France à partir du 20 mars grâce à un « roadshow ». Les internautes peuvent aussi tenter de gagner leur sweat personnalisé en tweetant leurs propres vérités et en utilisant le hashtag #lavéritésurlesfilles.

Une campagne féministe… ou un flop total ?
Le problème, c’est que malgré cette volonté de faire une campagne drôle, interactive et dénonçant les préjugés sur les femmes, on se retrouve rapidement avec un sentiment de gêne… Finalement, les filles représentées dans cette campagne ne s’inquiètent toujours que de leurs régimes, de leur « horloge biologique », de leurs amours ou de leurs vêtements. Au lieu de se défaire de ces clichés, elles se positionnent en négatif par rapport à eux, alors qu’elles pourraient montrer ce qu’elles sont vraiment (fortes, drôles, travailleuses, sympa, fêtardes…). Individuellement, les spots et les goodies sont assez bien ficelés, mais la campagne dans l’ensemble dérive rapidement vers un sexisme latent dénoncé par de nombreux internautes…
D’autant plus que Renault n’en est pas à son coup d’essai dans le thème « campagne sexiste ». En juillet 2014, la marque avait dévoilé sur son compte Belgo-luxembourgeois une vidéo d’assez mauvais goût en proposant aux femmes l’option « Désolée-de-m’être-garée-là » pour avoir l’air « d’une fille sympa même quand vous êtes mal garée » :

Le fait est que cette nouvelle campagne attire un certain nombre de commentaires plus ou moins acceptables via le hashtag #lavéritésurlesfilles : du ridicule à la misogynie, les propositions des twittos rendent plus perplexes qu’elles ne font rire.
On fait des caca papillons #LaVeriteSurLesFilles
— Clara (@Clara_Kck) 19 Février 2015
 

#laveritesurlesfilles c’est que qu’il vaut mieux ne pas chercher à comprendre le plus souvent — Megaconnard (@megaconnard) 12 Février 2015

Mais surtout, c’est une campagne qui veut donner LA vérité sur les femmes… Comme si elle était unique et universellement acceptable. Renault véhicule ainsi l’idée qu’il suffit d’avoir un manuel, une sorte de guide type pour comprendre toutes les femmes, sans distinction de personnalité, de caractère ou de sensibilité… Et que toutes les femmes entrent dans une seule et même catégorie. D’où de nombreuses protestations sur Twitter qui dénoncent purement et simplement cette campagne, ou qui l’utilisent pour pointer du doigt de véritables inégalités homme-femme en changeant totalement la portée du hashtag :
Genre les filles sont un sous groupe homogène du genre humain. Super, quoi. #LaVeriteSurLesFilles #Sexisme
— VeniVidiVoyage (@VeniVidiVoyage) 12 Février 2015

“@Larmurerie: #LaVeriteSurLesFilles c’est qu’en France 121 femmes ont été tuées sous les coups de leur conjoint en 2013” 1 femme / 3 jours — MarieShani Pinkfear (@MarieShani) 12 Février 2015

En somme, une campagne ambitieuse qui aurait pu être très innovante et originale (les goodies, le pop-up store, l’interactivité et la lutte contre les clichés) mais qui tombe dans les travers qu’elle était censée dénoncer… Dommage.
Léa Lecocq
 
Sources:
laveritesurlesfilles.fr
larevuedekenza.fr
etpourquoipascoline.fr
deedeeparis.com
leplus.nouvelobs.com
marieclaire.fr
leplus.nouvelobs.com
madame.lefigaro.fr
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