Politique

Le Penelopegate ou l’art du scandale en communication

C’est un scandale de plus révélé par l’historiquement irrévérencieux Canard Enchaîné, le mercredi 25 janvier, et dans lequel patauge François Fillon depuis une semaine : Pénélope Fillon, femme du candidat LR à la présidentielle, aurait gagné au moins 500 000€ (le chiffre monte) grâce à un emploi fictif d’assistante parlementaire et à une collaboration légère à La Revue des Deux Mondes.
Le lendemain, une enquête est ouverte par le Parquet Judiciaire pour « détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits », un intitulé peu saillant pour celui qui déclarait en 2012 « il y a une injustice sociale entre ceux qui travaillent dur pour peu et ceux qui ne travaillent pas et reçoivent de l’argent public ».
Entre effet boule de neige et jeux d’échos
Les échos sur l’affaire Pénélope Fillon, bien vite renommée « Penelope Gate », se sont immédiatement multipliés dans la sphère politique. Certains surfent sur la vague, tel Benoît Hamon qui propose d’interdire l’embauche de proches par les parlementaires. D’autres se prennent les pieds dans le tapis, comme Marine Le Pen, reprise sur le plateau de TF1 parce qu’elle est également mise en cause pour une affaire de travail fictif concernant des assistants du Front National au parlement européen, ou encore François de Rugy qui, voulant ironiser sur l’affaire en photographiant les fiches de paie de ses deux assistants parlementaires, a trahi l’inégalité de salaire entre son collaborateur et sa collaboratrice. Chaque réaction est le prétexte sinon d’un article, au moins d’un tweet.

#PenelopeGate
Car le tapage, mesure sonore du scandale, n’est pas seulement l’apanage des politiques, il suffit pour cela de suivre le fil rouge du hashtag #PenelopeGate. En plus des dernières mises à jour de l’affaire judiciaire, on y retrouve l’ironie mordante avec laquelle le Canard avait écrit son article.

Dans le cas spécifique du scandale, les réseaux sociaux permettent ainsi aux médias traditionnels et aux citoyens de doubler le discours informatif d’un discours de dérision. Comme les caricatures du XXème siècle, les images verbales et non-verbales autorisent une sorte de retournement de pouvoir qui, s’il est temporaire et symbolique, n’en est pas moins cathartique.
Communication de crise : l’émotion est-elle le bon filon ? 
Pendant que Twitter gazouille, le camp Fillon organise la défense : un scandale, selon l’étymologie grecque skándalon est une « pierre placée sur le chemin pour faire trébucher ». Or, à moins de deux mois des élections, les points de sondages perdus par François Fillon suite aux révélations du Canard Enchaîné pourraient être le début d’une chute fatale pour le candidat de droite.
La communication de crise du camp Fillon s’est faite en trois temps : sur les conseils d’Anne Méaux, conseillère en communication du candidat, François Fillon se présente tout d’abord au journal de 20h du 26 janvier. Mais l’exercice est dangereux. Malgré la volonté du candidat de faire face aux français en toute honnêteté, à la loupe du factchecking des internautes, le candidat commet des erreurs d’approximation qui desservent sa défense.
Ensuite, son équipe de communication orchestre la mise en scène du meeting de La Villette. Alors que François Fillon fait son entrée main dans la main avec femme, sa porte-parole lance une ovation reprise par les 15 000 personnes présentes. À la tribune, c’est l’émotion qui domine. Penelope Fillon, dressée en victime de la calomnie, réveille en son mari un personnage protecteur qui humanise un candidat parfois jugé trop austère : « Je la défendrai ; je l’aime et je la protégerai et je dis à tous ceux qui voudraient s’en prendre à elle qu’ils me trouveront en face ». À la dramatisation du discours répond l’engouement de la foule ; l’introduction du registre pathétique, inhabituel chez M. Fillon, est efficace chez ses partisans.
Enfin, suite à l’audition du couple par le parquet, un tweet depuis le compte du candidat assure que « tous deux ont pu établir des éléments utiles à la manifestation de la vérité ». La forme est intéressante : ce n’est pas un tweet brut, mais la capture d’écran du communiqué officiel. La mise à distance scripturale et énonciative rend le propos plus objectif.
 
Scandale et imaginaire politique
Avec la parution de nouvelles accusations via le Canard Enchaîné du mercredi 1er février, et la poursuite de l’enquête par le Parquet, la communication du camp Fillon, peu portée sur une argumentation de fait, bat de l’aile. Même s’il n’y a pas de mise en examen, le doute instillé par le scandale peut avoir fait perdre quelques électeurs cruciaux au parti Les Républicains.
Que le scandale soit fondé ou non, sa réception et son traitement sont révélateurs : plus proche de l’infotainement que du choc politique, l’affaire Fillon – dont le Penelope Gate n’est qu’un épisode – indigne mais n’étonne pas. L’imaginaire politique français tend dangereusement vers le cynisme : l’intégrité dans le milieu semble être devenu une chimère, et cette banalisation du mensonge et de l’impunité interroge les fondements républicains et démocratiques de l’État.
 
Mélanie Brisard
Linkedin 
 
Pour prolonger la lecture :
• Les précédents politiques du genre
• La perception de la presse étrangère 
• L’interview de Penelope Fillon pour le site de campagne de son mari, et en particulier sa réponse sur la place de femmes en France
 
Sources :
• Le Canard Enchaîné du 25 janvier et du 1er février 2017
• Une partie des réactions captées par le Figaro
• Le direct du journal Le Monde sur le sujet
• Sur les erreurs de défense de fait de Fillon  
• Le cas De Rugy analysé par le Point
• Résumé du meeting à la Villette par France TV Info
 
Crédits photos :
• L’affaire vue par Fair
• Captures d’écran du fil Twitter
• L’affaire vue par Frédéric Deligne
• L’affaire vu par Pascal Gros @GrosPascal
 

Politique

Fillon et la refonte de la Sécurité Sociale : le premier faux-pas.

Fin novembre et contre toutes attentes, François Fillon l’emportait à la primaire de la droite et du centre, devenant ainsi le présidentiable du parti Les Républicains (LR). Cette victoire a sans doute été possible grâce à la réaffirmation d’une ligne droitière forte portée par un candidat aux convictions conservatrices assumées. Parmi les propositions de son programme, celle portant sur la modification des remboursements de la sécurité sociale a très rapidement fait du bruit dans le Landerneau.
Une remise en cause historique
Pour pallier le déficit de la sécurité sociale, Fillon a exprimé le souhait que seules les maladies chroniques et les infections longue durée soient remboursées par la sécurité sociale; le reste devrait dès lors être pris en charge par les mutuelles. Ce système implique donc des remboursements plus ou moins importants selon l’organisme auquel on souscrit. En somme, il s’agit de faire un pas vers la privatisation de la sécurité sociale en se rapprochant du modèle américain. Seuls les plus nécessiteux, c’est-à-dire les personnes aux revenus trop modestes pour se munir d’une mutuelle, seraient éligibles à une sorte de bouclier sanitaire qui leur fournirait une couverture maladie accrue gratuitement, les préservant ainsi de ce grand recul social.
Avec cette proposition, au départ bien inscrite dans son programme, Fillon est le premier candidat à remettre en question le système de santé français, pourtant plébiscité et pris en tant que modèle par d’autres pays. Ce projet n’a rien d’anecdotique puisque c’est l’esprit et la lettre d’une conquête sociale emblématique de après-guerre qui se trouvent menacés d’extinction. Dans l’article qui lui est consacré dans le journal Libération du 19 décembre 2016, Henri Guaino, député LR des Yvelines, dit à propos de cette réforme : « C’est une purge comme jamais proposée depuis la Seconde Guerre mondiale […] peut-être le pire programme de casse sociale qui a été imaginé depuis 1944 ». Fillon fait donc des mécontents dans tous les camps, y compris le sien. Sans doute parce que sa proposition tente d’effacer le socle du modèle social républicain établi.

Une idéologie libérale en guise de faux-semblant
En lieu et place du modèle actuel dans lequel chaque citoyen consent à un effort financier pour les autres, François Fillon propose de substituer une idéologie de responsabilisation et de souci des grands équilibres. Au point, là encore, de troubler son propre camp et de s’attirer les remontrances de ceux qui y voient une vision moralisatrice du salut par la souffrance. Aujourd’hui tout le monde a le droit à la même pres- tation sanitaire quel que soit sa situation financière. En cela, la sécurité sociale fran- çaise repose sur des valeurs de solidarité. Privatiser, entièrement ou partiellement la sécurité sociale, c’est défaire un pilier de l’État-providence. Donner la priorité aux mutuelles signifie effacer l’égalité entre tous et défavoriser davantage les plus précaires. En effet, d’après Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, cette réforme coûterait des milliers d’euros supplémentaires par an à chaque foyer. C’est donc l’instauration d’un système à deux vitesses que Fillon plébiscite : d’une part se trouveraient ceux qui ont les moyens de se payer le luxe d’être en bonne santé et d’autre part, ceux pour qui ce serait impossible.

L’homme rattrapé par son image
Les primaires républicaines s’adressaient à une fraction de la population. Mais une fois la victoire acquise, la véritable compétition implique de brasser un public bien plus large. Le jeu de la surenchère à droite n’est donc plus autant permis. Dans un souci de réalité et pour ne pas hypothéquer ses chances à la présidentielle, Fillon opère un renoncement malgré lui. Avec ce recul, c’est le spectre de l’homme transparent, pointé du doigt comme tel, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, dont le courage et l’audace ne sont pas les premières vertus, qui revient. Quoi qu’il en soit, ce renoncement aura tôt fait d’apparaître aux yeux d’un grand nombre de citoyens comme le premier faux pas du grand favori de cette élection, mieux vaudrait alors pour lui que ce soit le seul !
Déborah MALKA
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Sources
BOFF Céline, « Sécurité Sociale : non, François Fillon ne fait pas marche arrière sur ses promesses », 20Minutes, publié le 13/ 12/ 2016, consulté le 21/ 12/ 2016. http:// www.20minutes.fr/economie/1980055-20161213-securite-sociale-non-francois-fillonfait-marche-arriere-promesses
BREZET Alexis, « Sarkozy-Fillon : cinq ans d’humiliations », Atlantico, mis en ligne le 23/ 12/ 2014, consulté le 21/ 12/ 2016. http://www.atlantico.fr/decryptage/sarkozyfillon-cinq-ans-humiliations-1919292.html
EQUY Laure, Interview d’Henri Guaino, Libération, publié le 19/ 12/ 2016, consulté le 21/ 12/ 2016.
FARGUES Laurent, « Sécurité sociale : pourquoi Fillon tarde tant à expliquer son programme », Challenges, mis en ligne le 09/ 12/ 2016, consulté le 21/ 12/ 2016. http:// www.challenges.fr/cs-articlebig/securite-sociale-pourquoi-fillon-tarde-tant-a-expliquer-son-programme_442102
France Info, « Quatre propositions de François Fillon sur la sécurité sociale », France Télévisions, mis en ligne le 12/ 12/ 2016, consulté le 21/ 12/ 2016. http://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/quatre-propositions-de-francois-fillon-sur-la-securite-sociale_1965995.html
GODELUCK Solveig, « Santé : les propositions de Fillon font polémique », Les Echos, mis en ligne le 25/ 11/ 2016, consulté le 21/ 12/ 2016. http://www.lesechos.fr/ elections/primaire-a-droite/0211532561992-sante-les-propositions-de-fillon-font-polemique-2045768.php
LANDRE Marc, « Une pétition anti-Fillon de médecins « pour sauver la Sécu » cartonne sur le net », Le Figaro, mis en ligne le 21/ 12/ 2016, consulté le 21/ 12/ 2016. http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/12/21/20002-20161221ARTFIG00009-unepetition-anti-fillon-de-medecins-pour-sauver-la-secu-cartonne-sur-le-net.php
« La réforme de la sécurité sociale vue (et revue) par François Fillon », Sciences et Avenir, mis en ligne le 14/ 12/ 2016, consulté le 21/ 12/ 2016. http://www.sciencesetavenir.fr/politique/la-reforme-de-la-securite-sociale-vue-et-revue-par-francoisfillon_108889
Crédits photo : Guillaume TC
Crédits dessins : Charles Fery

Publicité et marketing

Michel et Augustin ne sont pas dans leur assiette

Au cours de l’année 2016, Michel de Rovira et Augustin Paluel-Marmont, les deux dirigeants de l’entreprise éponyme Michel et Augustin, ont dû essuyer plusieurs polémiques. La dernière en date porte sur leur soutien indirect à la manif pour tous. La proximité des deux dirigeants avec les milieux homophobes et anti-IVG a suscité la fronde de certains consommateurs sur les réseaux sociaux qui ont appelé au boycott de leurs produits. Ces réactions publiques risquent à terme de ternir l’image de marque du groupe agroalimentaire.
Une erreur de communication
Jusqu’à présent, le duo ne s’était pas prononcé politiquement et était resté fidèle à la ligne stratégique de son modèle entrepreneurial, Ben & Jerry’s. Le groupe s’était investi essentiellement au niveau social et sociétal, et tout particulièrement sur le terrain de l’insertion professionnelle, comme le suggère une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux montrant Anne-Claire Long, la Directrice des Ressources Humaines de Michel et Augustin, proposer aux passagers du métropolitain un poste de web designer au sein de l’entreprise ou la possibilité de préparer son CAP pâtisserie dans les locaux de la « bananeraie » (le siège social de l’entreprise). Ces deux initiatives mettent en exergue l’intention des trublions d’agir sur le marché du travail.
Cependant, les différentes prises de position politiques des deux dirigeants viennent porter atteinte, aux yeux de certains consommateurs, à l’image altruiste de la marque.
En mai 2016, Michel et Augustin ont fait parler d’eux en invitant à la « bananeraie », dans le cadre des rencontres « boire une vache avec… », François Fillon, personnalité politique choisie par le mouvement Sens Commun, lié à la manif pour tous. Ils avaient certes invité d’autres élus politiques de tous bords confondus, mais la rencontre avec François Fillon a marqué l’esprit des internautes dans la mesure où Augustin Paluel-Marmont, l’un des deux fondateurs du groupe, a ouvertement soutenu le candidat à la primaire de la droite et du centre en affirmant : « François Fillon est le seul homme politique à formuler un horizon politique pour la France. » .
D’autre part, une photo de Michel et Augustin en compagnie de membres de Gens de Confiance, une start- up proche du mouvement de la manif pour tous, a circulé sur Twitter. Cette photo n’a fait qu’attiser les accusations dont ils faisaient l’objet et a engendré de nouvelles réactions : certains consommateurs se sont organisés pour coller des post-it dénonciateurs sur les produits Michel et Augustin dans les supermarchés, tandis que d’autres ont appelés au boycott de la marque.

Pourquoi une polémique d’une telle ampleur ?
La dissonance entre les valeurs affichées par la marque (l’humanisme, le dialogue, la sincérité, l’humour), celles imaginées par une partie de ses consommateurs (la tolérance, l’esprit jeune, le cool) et les convictions des individus Michel de Rovira et Augustin Paluel-Marmont (le libéralisme économique et le conservatisme social) est devenue patente.
La stratégie de communication de l’entreprise a agi comme une caisse de résonance suite à ces révélations, étant donné que la communication de Michel et Augustin s’appuie sur la notion de friendship marketing. Il y a à la fois une hyper-personnalisation des deux créateurs, qui deviennent eux-mêmes un argument de vente à travers l’outil du storytelling (leur scolarité commune, le vélo de Michel, la kangoo bleue d’Augustin, les plantes vertes de Michel, la fille d’Augustin…) et une place considérable prise par les consommateurs dans la communication digitale du groupe : le feedback est sans cesse sollicité pour mieux cerner les attentes du consommateur en l’interrogeant sur le format de tel produit, la couleur de tel packaging, ou encore sa recette préférée. La participation des consommateurs renforce l’attachement de ces derniers à la marque et leur donne l’impression de faire partie de
l’aventure Michel et Augustin. Les consommateurs prennent part, de fait, à l’identité de la marque et une véritable relation se tisse entre eux et le groupe, ce qui correspond à un dépassement du modèle de l’échange marchand traditionnel.
Or, comme l’a mis en exergue Paul Ricoeur dans Soi-même comme un autre, la relation avec
autrui implique une sollicitude critique qui tient compte de la morale, et de fait engendre une
affection pour l’autre et suppose, en filigrane, des similarités éthiques.
Il n’en demeure pas moins qu’une telle stratégie marketing peut se retourner contre ses géniteurs : lorsque l’identité de ceux qui incarnent la marque ne correspond plus aux attentes morales des consommateurs, ceux-ci ont le sentiment de s’être fourvoyés sur ce qu’ils pensaient être leurs semblables, ce qui engendre de l’amertume.
La communication de crise
Dans un premier temps, le community management s’est organisé sur les réseaux sociaux, en répondant aux différents tweets afin de mettre un terme aux polémiques. Le 14 octobre 2016, ne constatant pas l’arrêt des offensives, Michel, Augustin et la tribu ont pris la parole dans un premier communiqué de presse. Ils démentent d’emblée être homophobes et ré-contextualisent les rencontres qui sont à l’origine de la polémique en rappelant leur ambition d’ouverture et d’échanges.
S’en suit un deuxième communiqué de presse publié le 18 octobre, dans lequel le groupe réaffirme son leitmotiv, « #liberté, #différence et #fraternité » et ses valeurs : l’entrepreneuriat au sens très large, l’importance du savoir-faire manuel, l’attention à l’autre, le sens de l’effort, le respect de notre planète, le partage, le sport, la solidarité envers les plus démunis. Ils joignent au communiqué un lien de la vidéo du Palmashow, le duo d’humoristes qui avait fait une parodie de Michel et Augustin, « les internets » se jouant des haters. Ils confirment ainsi leur sens de l’humour et leur sens de l’autodérision. Un numéro de téléphone est aussi mis à disposition pour plus d’informations au sujet des valeurs de l’entreprise. Il s’agit, en définitive, de rétablir le dialogue et la confiance entre la firme et le consommateur.
Cependant cette stratégie de communication se retourne contre ses élaborateurs, puisque le communiqué de presse a été relayé par les médias traditionnels (Libération, Capital, 20
minutes, Europe 1 et l’Obs) qui ont remis le sujet sur la table et se sont davantage penchés sur les origines de la polémique plus que sur la plaidoirie des trublions du goût. Ils ont sorti le sujet de la sphère Twitter, quelque peu étriquée, pour l’exposer à la vue de tous. En somme, leur stratégie de communication a agi comme une caisse de résonance et n’a fait qu’envenimer la situation.
Judith Grandcoing
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Sources :
Taupin Benjamin. Michel et Augustin au-delà du « fun ». Le Monde, le 25.06.2015.                         Consulté le 29.10.2016
Le Roy Le Marrec Manon. Michel et Augustin, des gâteaux étouffe-bobos. Libération, le 22.10.2016. Consulté le 22.10.2016
Dancourt Anne-Charlotte. Michel et Augustin accusés de soutenir la Manif pour tous. Les
Inrockuptibles, le 18.10.2016. Consulté le 18.10.2016
micheletaugustin.com Consulté le 06.11.2016
Crédits :
webzinedemaelie.wordpress.com
yzgeneration.com
 

Politique

La course aux livres chez Les Républicains

Cela fait quelques temps que les médias français nous « alertent » sur la baisse générale du niveau intellectuel de notre classe politique. Elle a beau avoir fait ses classes à Sciences Po et à l’ENA, nombreux sont les journalistes qui se demandent où sont passés les De Gaulle, les Pompidou, les Mitterrand : nos grands hommes de lettres quoi ! La nostalgie du « c’était mieux avant » est caractéristique d’une bonne partie du système médiatique et de l’opinion ; ne comptez pas sur Eric Zemmour et Alain Finkielkraut pour redresser la barre, il est beaucoup plus aisé de briser la coque du bateau quand il est déjà en train de couler.
Soyons optimistes bon sang ! Assez des Anglo-Saxons pour nous descendre, l’ « auto french-bashing » n’a rien de bon, alors lâchons du lest et regardons un peu vers l’avenir. Tiens ! Par exemple, Jean-François Copé qui nous parle du Sursaut français dans son nouveau livre, ça ne vous donne pas envie d’y croire ? Non ? Vraiment ? Je ne sais pas ce qu’il vous faut alors. Notre Jean-François national travaille pourtant d’arrache-pied depuis plusieurs mois à la réalisation de son ouvrage. Experts, anthropologues, tous y sont passés pour l’aider à « révolutionner le logiciel politique » et enfin mettre sur la touche le vieux Juppé et l’autre excité de Sarkozy comme il aime si souvent le dire lorsque les caméras sont rangées.
« Je suis devenu la caricature de moi-même. J’étais omniprésent, avec un style qui forcément agace […] J’étais incapable d’être absent d’un clivage. »

Qui aurait bien pu dire que le style de Copé était agaçant ? Tout le monde se souvient de sa fameuse histoire hilarante du pain au chocolat. Je suis sûr que les Français de culture ou de confession musulmane ont dû apprécier et qu’ils en rigolent encore à table en famille. Une chose est sûr Jean-François, c’est qu’eux aussi, ils sont « profondément choqués » ! 
Mais Copé est loin d’être le premier à sortir un livre dans cette course à la présidentielle. François Fillon, lui aussi dans une perspective de retour sur le devant de la scène médiatique, est le premier d’entre eux avec Faire. Alors si on m’avait demandé de parier sur lui il y a quelques temps, jamais je n’aurais sorti ne serait-ce qu’un centime de ma poche : force est de constater que son ouvrage a connu un certain succès en librairie. A croire que l’ex-Premier ministre a gardé une image solide et un intérêt auprès d’une partie des Français malgré la guerre fratricide qu’a connu l’ancienne UMP. Rares sont les ouvrages d’hommes politiques qui atteignent de tels niveaux de vente ; environ 50 000 exemplaires vendus, – sans vouloir rentrer dans la guerre des chiffres qui a déjà fait polémique -, alors que les experts parlent de 3000 exemplaires en moyenne pour ce type d’ouvrage. A ce moment-là, on se demande qui peut bien faire baisser la moyenne des ventes ? Une rumeur veut qu’il y ait plus d’exemplaires du livre de Jean-Christophe Cambadélis sur les étagères du Publicis Drugstore que d’exemplaires vendus… Mais petit lot de consolation pour le président du Parti Socialiste, puisque la palme d’or revient à Christine Boutin et ses 58 exemplaires de Qu’est-ce qu’un parti chrétien démocrate ? Contrat de lecture explicite ne rime pas forcément avec foule de lecteurs. A bon entendeur.
« Je suis le seul à offrir une vraie rupture avec un projet complet de transformation de mon pays autour d’un concept puissant qui est la liberté. »
Il est vrai que Fillon est clairement dans la rupture avec Faire. Sans lui donner tort ou raison, le projet qu’il avance est radicalement libéral. Un projet que Nicolas Sarkozy n’hésite pas à qualifier de fou, mais de folle aussi la personne qui pense un jour être élue avec. Mais en fin de compte, peut être que ce discours de rupture plaît à bon nombre de Français à en croire les ventes de son livre. Affaire à suivre donc.
Autre personnalité qui a un discours qui plaît à droite, à savoir Bruno Le Maire. Fort de ses 95 000 ventes avec Jours de Pouvoir paru en 2013, l’outsider , comme les médias se plaisent à le nommer, a repris la plume récemment et est sur le point de nous proposer un nouvel ouvrage : Ne vous résignez pas !. L’homme qui a réussi à faire 30% face à Sarkozy lors de l’élection à la présidence du parti ne veut pas s’arrêter en si bon chemin. Le Maire espère réellement incarner le renouveau qu’il prône depuis déjà quelques temps. Vous l’aurez compris, il n’ira pas de main morte avec les camarades de son parti qui sont installés depuis longtemps. L’avenir nous dira si le phénomène Le Maire prendra plus de place dans le cœur des Français.
Vient le tour d’Alain Juppé dans un registre toutefois assez différent des autres. Le maire de Bordeaux en est déjà à son deuxième livre programmatique sur une série de quatre. Le « septuagénaire de gauche », pour faire du Sarkozy-dropping, vient tout juste de remettre le curseur à droite avec Pour un Etat fort, qui traite notamment des problématiques sécuritaires liées au terrorisme. L’ancien Premier ministre a d’ailleurs réservé une partie entière à ces dernières suite aux attentats de Paris de novembre dernier.
« Les Français ont parfois l’impression que l’Etat est absent lorsqu’il devrait être présent, et présent lorsqu’il devrait être absent. Revenons à l’essentiel. »
Le message est clair : un Etat plus fort avec le renforcement des pouvoirs régaliens mais un Etat plus petit dans une perspective de réduction de la sphère d’influence des pouvoirs publics. Un délicat mélange entre Etatisme et Libéralisme qu’il continue de maîtriser et qui le place encore aujourd’hui en tête de tous les sondages. A 10 mois des primaires de la droite et du centre, et avec encore deux livres à paraître et une stratégie de large rassemblement, Juppé pense qu’il a sa chance. En tous cas, il sait que c’est sa dernière pour accéder aux plus hautes fonctions, si tant est que la bulle Juppé n’explose pas en plein vol. Les favoris dans cette même position n’ont jamais vraiment eu de chance dans l’histoire politique française…
Enfin. Nous y voilà. Notre chouchou à tous, le trublion de la politique française, le Racine des Temps Modernes : Nicolas Sarkozy ! Tout comme ses compères, l’ancien Président de la République a publié un livre. Un livre qui restera à jamais gravé dans les mémoires. Tout comme Phèdre à sa sortie, La France pour la vie a essuyé de nombreuses critiques par l’ensemble de la presse avec ses petits couacs historiques. Même Le Figaro, qui pourrait de prime abord être un journal plutôt docile envers Sarkozy, s’amuse à décompter ses aveux de fautes commises pendant son passage à l’Elysée.
« Je ne suis décidément pas très doué pour l’écoute de moi-même ou des autres. »

Ecouter les autres n’a jamais vraiment fait partie de ses qualités et c’est peut-être pour ça qu’il se retrouve de plus en plus esseulé au sein de son propre parti. Mais pour ne pas passer pour une mauvaise langue, rappelons que La France pour la vie est pour le moment le plus gros succès en termes de vente, ce qui nous montre bien qu’une partie non négligeable de l’électorat ne l’a pas encore lâché ; et que c’est cet électorat qui se déplacera massivement pour les primaires de novembre 2016.
Sarkozy est avant tout ici, dans un pur exercice de communication s’éloignant de l’exercice de style littéraire d’un Le Maire ou d’un Juppé. La France pour la vie ne propose d’ailleurs pas de véritable projet pour 2017 selon Jean-Pierre Raffarin, qui parle plutôt d’un immense mea culpa. Et l’auteur des maintenant fameuses raffarinades s’est adonné au plaisir de trouver un meilleur titre pour le livre de Sarkozy : « Désolé pour ce moment. » Du grand Mendès !
L’important quand un livre d’homme ou de femme politique sort en librairie, c’est d’analyser clairement le contrat de lecture qui est établi. Quels messages l’ouvrage veut-il nous faire passer ? A qui s’adresse-t-il ? Partant de là, il est déjà plus facile d’appréhender la stratégie qui sous-tend l’écriture.
Jean-François Copé tente de sortir de sa longue traversée du désert après avoir été contraint de quitter ses fonctions de président de l’UMP suite à l’affaire Bygmalion, en essayant de retrouver de la visibilité dans les médias grâce à la sortie de son livre. Mais cette volonté de retrouver le devant de la scène est accompagnée d’un désir de bousculer les habitudes de la classe politique en proposant une vision qui selon lui est complètement novatrice quitte à passer pour la condescendance en personne. François Fillon, qui est dans une meilleure position, cherche lui aussi à retrouver sa place dans les grands médias. Pour ce faire, il mise avant tout sur son projet politique pour 2017. En effet, son ouvrage est à mon sens le plus aboutit pour le moment en termes de propositions. Bruno Le Maire ne cherche pas vraiment une place médiatique puisqu’il est déjà dans une très bonne position, mais on pourrait dire qu’il tente de conserver ses avantages actuels tout en s’inscrivant dans la tradition politique littéraire. Alain Juppé quant à lui, développe une véritable stratégie de rassemblement. Il ratisse large en essayant de s’adresser à l’ensemble des Français mais sa dernière sortie littéraire nous montre qu’il a tout de même restreint sa cible « au peuple de droite », même si je n’aime pas cette expression, en envoyant un message sécuritaire fort afin de contrer la stratégie droitière de Sarkozy. L’ancien Président de la République pour finir, s’inscrit plutôt dans la même ligne que Copé dans le sens où tous deux essayent d’obtenir le pardon des Français pour leurs erreurs. Dans la vie, il y a deux types de personnes : ceux qui ont une vision et ceux qui s’excusent.
Quoi qu’il en soit, cet exercice d’écriture n’est pas réservé à Les Républicains puisque comme le rappelle Alain Duhamel, c’est un exercice quasi obligatoire dans l’optique d’une élection présidentielle dans un pays au lourd passé littéraire comme le nôtre. D’ailleurs, si l’on se penche sur les écrits politiques de ses vingt dernières années, la gauche (celle du Parti Socialiste) a été assez prolifique. Mais structurellement depuis quelques temps, cette même gauche est en panne d’idées, en panne de projets. En même temps, comment voulez-vous qu’elle véhicule des valeurs et des idées nouvelles avec un gouvernement qui s’est converti au social-libéralisme ? La gauche ne pense plus vraiment le monde de manière idéologique et la démission récente de Christiane Taubira est loin d’être une bonne nouvelle à mon sens pour la pensée socialiste peu importe ce que l’on en pense…
Antoine Gagnaire
@AntoineGagnaire
Sources :
http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2016/01/19/25001-20160119ARTFIG00061-j-etais-la-caricature-de-moi-meme-cope-sort-du-silence-sur-le-divan-de-fogiel.php
http://lelab.europe1.fr/jean-francois-cope-profondement-choque-davoir-ete-si-souvent-profondement-choque-2650189
http://www.liberation.fr/debats/2016/01/27/la-strategie-du-livre-politique_1429401
http://www.lesinrocks.com/2016/01/24/actualite/les-30-phrases-%C3%A0-retenir-dans-le-nouveau-livre-de-nicolas-sarkozy-11800358/
http://www.lejdd.fr/Politique/Exclusif-Alain-Juppe-detaille-son-programme-pour-un-Etat-fort-766657
 http://actu.orange.fr/france/fillon-lr-je-reste-le-seul-a-offrir-une-vraie-rupture-afp_CNT000000hPnfZ.html
http://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/021668070274-70000-exemplaires-du-livre-de-sarkozy-ecoules-en-une-semaine-1197137.php
Crédits photos :
 AFP JEAN-SEBASTIEN EVRARD
AFP DOMINIQUE FAGET

Politique

Les Umpardonnables

 
Désunion. Immobilisme. Guerre des chefs pour le pouvoir.
Voilà l’exact contraire d’une union pour un mouvement populaire. Et pourtant c’est bien l’image que véhiculent les prétendants à la présidence de l’UMP depuis maintenant plus d’une semaine et demie.
Une semaine et demie où la communication a montré plus que jamais son importance vitale, puisqu’au fond, c’est un enchaînement de faux pas, d’actions, et de déclarations hasardeuses qui met en péril l’avenir politique de Jean-François Copé, François Fillon, et de leur parti. Comment l’image d’un parti qui a gouverné la France durant les dix dernières années a-t-elle plus voler en éclats en quelques jours à peine ? Et surtout quels enseignements en tirer ?
La crise était prévisible : du fait des tensions internes travaillant l’UMP depuis des mois et aiguisées par les défaites cumulées des présidentielles et des législatives, du fait de la guerre d’influence qui avait déjà lieu entre Messieurs Copé et Fillon par le biais des motions, du fait enfin de l’ombre de Nicolas Sarkozy qui plane toujours au-dessus du parti.
Du reste, face aux multiples sondages réalisés auprès de sympathisants UMP donnant à penser une large victoire de François Fillon (prenons en exemple le sondage BVA publié le 16 novembre, annonçant que  67% des sympathisants UMP préféraient Fillon à Copé pour diriger l’UMP), les fins observateurs n’étaient pas dupes : tout simplement parce que les sympathisants ne sont pas les militants.
Les scores s’annonçant serrés, des deux côtés, on jouait la carte de la confiance : l’un pouvant s’appuyer sur de « bons » sondages, et l’autre sur la force de frappe de ses militants et ses réseaux d’influence. Aussi la soirée électorale du 18 novembre commençait bien : on avait tous en mémoire des scrutins indécis, comme l’élection présidentielle américaine de 2000, ou plus récemment le congrès de Reims du PS en 2008. Quand tout à coup, peu avant minuit Jean-François Copé prend la parole : « Les militants et militantes de l’UMP viennent aujourd’hui de m’apporter la majorité de leurs suffrages, et ainsi de m’élire président de l’UMP ». Alors, c’est l’engrenage : quelques minutes plus tard François Fillon prend la parole et revendique à son tour la victoire !  S’en suit un jeu où par seconds couteaux (on parle en communication de crise de « fusibles ») interposés le but consiste à renvoyer la balle dans le camp de l’autre à coup d’accusation de fraudes par ci, de magouille par là. Tout ceci pour apprendre que la Commission d’organisation et de contrôle des opérations électorales (COCOE) aurait oublié de prendre en compte les voix de l’Outre-Mer… La Twittosphère et les internautes se déchaînent, faisant de l’UMP la tête d’orage de tous les nuages de tags.
Superbe exercice de démocratie dans un contexte où le désaveu des Français pour le système politique atteint déjà un seuil alarmant : 60% disent que la démocratie ne fonctionne pas très bien ou pas bien du tout ; 52% ne font confiance ni à la droite ni à la gauche pour gouverner le pays (CEVIPOF–Baromètre confiance en politique – Octobre2011).
La violence de ce combat de personnes – qui a, vous le noterez, annihilé tout semblant de débat d’idée – aura au moins eu le mérite de mettre à nu François Fillon et Jean-François Copé : on a rarement l’occasion de voir les responsables politiques poussés à ce point au bout d’eux-mêmes, de leurs doutes, de leurs ambitions.
Mais qu’avons-nous découverts au bout du compte ? Des « présidentiables » prêts à tout sacrifier, y compris la démocratie, pour conquérir un pouvoir en lambeaux.
La proposition d’un référendum pour savoir s’il faut revoter, un « vote sur le vote » ironise Libé le 28 novembre, ne peut même plus donner l’illusion des bonnes intentions. Le mal est fait. Les cotes d’avenir de Fillon et Copé sont en chute libre (au 28 novembre, ils perdent six points chacun par rapport au mois dernier), et certains responsables de l’UMP commencent à lorgner du côté de l’UDI…
Un accord en amont pour une communication unie, transparente, et surtout prudente était pourtant possible.  Il aurait permis à l’UMP de donner une remarquable image d’unité, d’assurer sa survie, de garantir à son président la légitimité nécessaire, et de se prémunir contre le risque d’une élection façon « congrès de Reims ».
Au lieu de ça, nous avons vu les leaders de l’opposition devenir les meilleurs alliés du gouvernement.
 
Grégoire Noetinger