CROWDFUNDING LOUVRE
Société

Le crowdfunding investit (dans) le musée du Louvre

« Tous mécènes de l’Amour ! ». C’est le mot d’ordre de la 6ème campagne d’appel aux dons du musée du Louvre. Le projet : en appeler aux aficionados des Beaux-Arts pour réunir une partie de la somme nécessaire au musée pour acquérir L’Amour essayant une de ses flèches, une œuvre commandée par la marquise de Pompadour, la célèbre favorite du roi Louis XV, au sculpteur français Jacques Saly.
Ainsi, le crowdfunding ou financement participatif n’est plus l’apanage de l’industrie musicale ou des nouvelles technologies. En effet, ce mode de financement sans intermédiaire, qui permet à chacun de soutenir un projet précis, est en train de devenir une réponse au manque de moyens de l’Etat dans le domaine de l’Art et de la culture. Bien plus, cette tendance apparaît comme une stratégie communicationnelle qui semble payer pour les institutions culturelles, et notamment pour le musée du Louvre.
L’art et la manière de dépoussiérer les musées
Fini le temps où les grands chefs d’entreprise philanthropes et amateurs d’art tenaient le premier rôle dans le renouvellement et la restauration des collections des musées. L’heure est aujourd’hui au crowdfunding. En optant – en partie – pour ce mode de financement innovant, le musée du Louvre se positionne comme un acteur culturel en voie de modernisation. Qui plus est, l’opération de communication qui enrobe l’appel aux dons, fait entrer le musée dans l’ère numérique. Un site, épuré, renseigne le public sur l’œuvre, la campagne et « comment devenir mécène », sans pour autant le noyer sous un flot d’informations inutiles. Une vidéo animée retraçant l’histoire de la sculpture est diffusée sur les réseaux sociaux et permet de capter l’attention de l’internaute – comme en témoignent les nombreux commentaires élogieux qu’elle a recueillis sur Facebook.

 
On retrouve également un clin d’œil au sujet de l’œuvre (L’Amour sous les traits de Cupidon) dans la date de clôture de la campagne : le 14 février 2016, jour bien connu des amoureux. Une campagne digitale plutôt bien rodée pour cette vénérable institution qu’est le Louvre.
Enfin, les modalités de don se trouvent élargies à l’occasion de cette nouvelle édition : au don en ligne ou au paiement par chèque s’ajoute la possibilité de payer via son smartphone ou sa tablette. De quoi achever de convaincre les plus sceptiques que le musée peut encore se révéler in.

Crowdfunding, a crowd-puller ?
Si le musée a bien conscience qu’avoir recours aux grands mécènes est plus avantageux, plus lucratif que cet appel aux dons, comment expliquer que «  Tous mécènes ! » en soit déjà à sa sixième édition et que les donateurs continuent d’affluer ? Il faut donc souligner qu’au-delà de la recherche de fonds, ces campagnes sont l’occasion pour le musée du Louvre d’élargir et de fidéliser un public. En effet, tout au long de l’année, des onglets – plus ou moins discrets – sur les sites des musées, invitent l’internaute aux dons. Cependant, des projets concrets tels que l’acquisition de L’Amour essayant une de ses flèches, sont réellement fédérateurs dans le sens où le donateur se sent devenir « un acteur à part entière de la vie des collections » (Eléonore Valais-de Sibert, anciennement chef du service du mécénat individuel du musée du Louvre). Cela fait prendre conscience au citoyen qu’il participe à la constitution d’un héritage culturel. De plus, il semble qu’un investissement – même minime – dans un tel projet de valorisation du patrimoine, incite le mécène à se rendre plus régulièrement au musée pour contempler l’œuvre qu’il a soutenue. Un hommage sera également rendu aux souscripteurs, comme cela avait été le cas lors de la campagne pour l’acquisition des Trois Grâces de Lucas Cranach en 2010, où les noms des 7000 donateurs avaient été inscrits sur la cimaise accueillant l’œuvre.

Le crowdfunding apparaît ainsi comme un instrument efficace pour approfondir la relation entre le public et l’institution muséale. Toutefois, cette méthode ne répond que partiellement à la désaffection que connaissent l’art et la culture, car si elle renforce le lien avec des catégories socio-culturelles déjà acquises, elle n’en crée pas nécessairement avec des publics moins réceptifs à son objet.
Juliette Bonnet
Sources :
« Quand le Louvre en appelle aux Français pour acheter un trésor national », L’Obs, le 06/10/2015, http://tempsreel.nouvelobs.com/l-histoire-du-soir/20151006.OBS7199/quand-le-louvre-en-appelle-aux-francais-pour-acheter-un-tresor-national.html
Dounia Hadni, « Crowdfunding : une stratégie payante pour les musées », Les Echos, le 10/10/2015, http://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/021389158567-crowdfunding-une-strategie-payante-pour-les-musees-1164155.php
« Le crowdfunding, nouvelle solution de financement pour les musées ? », Good Morning Crowdfunding, le 08/10/2014, http://www.goodmorningcrowdfunding.com/le-crowdfunding-nouvelle-solution-de-financement-pour-les-musees-0810144/
« Tous mécènes ! Quand le musée du Louvre se finance par le crowdfunding », Regards Sur Le Numérique, le 30/11/2012, http://www.rslnmag.fr/post/2012/11/30/Tous-mecenes-!-Quand-le-musee-du-Louvre-se-finance-par-le-crowdfunding.aspx
Crédits images :
Mathieu Ferrier, Agence Photo F. et Antoine Mongodin
Musée du Louvr