Société

Le datajournalisme va-t-il sauver les médias d'information ?

Perte d’audience, concurrence accrue, baisse de confiance… Les médias d’information payants sont aujourd’hui confrontés à une crise. Depuis quelques années émerge une pratique journalistique qui semblerait pouvoir leur redonner leur dimension d’antan : le datajournalisme.
Le « journalisme de données » est une technique qui consiste à analyser un vaste ensemble de données complexes (des data) pour en extraire des informations pertinentes et les rendre intelligibles au grand public. Les sources sont fiables, les informations à la fois attrayantes et intéressantes. L’intérêt du datajournalisme pour les médias d’information est d’autant plus visible lorsqu’il permet de faire des gros coups, qui boostent l’audience – les « Panama Papers » en sont un exemple criant. Mais lorsqu’il a prétention à devenir hégémonique, à être seul détenteur du Vrai, le datajournalisme dévoile ses failles. Nate Silver, star du datajournalisme aux Etats-Unis, en a récemment fait les frais en prédisant un score de 2% pour Donald Trump aux primaires républicaines.
La « crise » des médias d’information payants
Si l’on parle d’ordinaire de « crise » des médias d’information, c’est pour désigner la presse quotidienne française dont les ventes ne cessent de diminuer. Il faut pourtant nuancer cette affirmation, le déclin de 8,6% des ventes papier en 2015 étant assez bien compensé par les abonnements sur format digital, qui ramènent la baisse générale à 1,4%. Cependant plusieurs facteurs montrent que les médias d’information – pas uniquement la presse – connaissent actuellement des difficultés.
Un secteur très concurrentiel
Les quotidiens d’informations font face à la concurrence des médias gratuits. La plupart d’entre eux est aujourd’hui passée au bimédia, avec une version du journal disponible en ligne. Mais face au rythme auquel court l’information sur Internet, les quotidiens donnent accès à une grande partie de leurs contenus gratuitement en comptant sur les revenus publicitaires de leurs sites. C’était sans compter sur les « bloqueurs de pub » – AdBlock en tête – qui ont permis aux internautes de ne plus subir l’omniprésence d’annonces autour de leurs articles. Face à cela, plusieurs quotidiens ont mené une « opération contre les bloqueurs de publicité » en mars dernier.
A la télévision et à la radio, la concurrence est surtout à l’oeuvre entre les médias eux-mêmes. On comptera bientôt pas moins de quatre chaînes d’information sur la TNT : BFM TV, ITélé, LCI (arrivée le 5 avril), et la chaîne info du service public à partir de la rentrée prochaine. De même, la case la plus importante en radio est la matinale, dont la mission principale est d’informer.
Une perte de confiance
La confiance des Français dans les médias ne cesse de s’effriter. C’est du moins ce que dénote le « Baromètre 2016 de confiance des Français dans les médias » réalisé par TNS Sofres sur un échantillon de 1061 personnes. On y découvre que le degré de crédibilité des médias est en chute libre : sur Internet, il s’élève à 31% (huit de moins que l’année passée), 50% pour la télévision (-7%), 51% pour la presse (-7%) et 55% pour la radio (-8%). De même, 64% des interrogés considèrent que les journalistes ne sont pas indépendants du pouvoir politique, et 58% des pressions de l’argent.
Le constat est sans appel : les médias d’information pâtissent d’un déficit commercial et de confiance. C’est là que le datajournalisme entre en scène. Il va permettre à plusieurs médias d’informations de réaliser un coup d’ampleur mondiale, qui va alimenter leurs Unes pendant plusieurs jours.
Les « Panama Papers », la plus belle réussite du datajournalisme
Leur nom est un symbole à lui tout seul. Les « Panama Papers », en hommage aux « Pentagon Papers » du New York Times de 1971, sont une version 2.0 du journalisme d’investigation : un datajournalisme porté à une échelle mondiale. Ce sont en effet 370 journalistes issus de 109 médias internationaux qui ont épluché les quelques 11,5 millions de documents (2,6 téraoctets de données) de Mossack Fonseca, spécialiste de la création de sociétés écrans basé au Panama. Les rédactions, coordonnées par le Consortium International des Journalistes d’Investigation (ICIJ), ont démontré que les data alliées à un travail collaboratif permettent aux médias de faire des gros coups.
 

 
Les médias d’information participants ont redoré leur blason. Associées à la rigueur journalistique, les data ont une utilité citoyenne. Elles permettent de dévoiler les abus des puissants au monde entier. Avec les « Panama Papers », les médias d’information sont du côté du peuple. Et ce dernier le leur rend bien. Pour preuve le bond des ventes papier du Monde, seul journal français ayant pris part à l’opération : +109% le premier jour de la publication des révélations, +56% le deuxième. Le trafic web n’était pas en reste, avec 6,4 millions de visites cette semaine-là dont un tiers sont passées par un contenu « Panama Papers ». L’émission Cash Investigation (sur France 2), affichait quant à elle 17,1% de part d’audience pour son numéro consacré au scandale. On pourrait croire que le datajournalisme est tellement efficace qu’il finira par tout remplacer.
Le cas Nate Silver, ou quand le datajournalisme se brûle les ailes
Nate Silver est une star du datajournalisme aux Etats-Unis. Il doit cette popularité à deux coups d’éclat. Son site spécialisé dans le journalisme de données, FiveThirtyEight, a prédit les résultats dans 49 des 50 Etats durant les élections présidentielles de 2008 et a réalisé un sans-faute en 2012. Auréolé de ces succès, le datajournaliste affirmait en juin 2015 que Donald Trump n’avait que 2% de chances de s’imposer aux primaires de son parti. Bien que sa méthode (basée sur l’analyse des sondages et de l’histoire du pays) semble sans failles, Nate Silver s’est vu contraint de réévaluer cette estimation à 13% en janvier 2016 et a été ensuite dépassé par les événements.
N’a-t-il pas droit à l’erreur ? C’est sans doute ce qu’il aurait pu plaider s’il n’avait pas tenu des propos visant à décrédibiliser le rôle des éditorialistes politiques. Quelle importance pourraient avoir leurs opinions, leurs ressentis face à l’exactitude mathématique du datajournalisme ? Aucune, si l’on en croit son article publié le 23 novembre 2015 sur FiveThirtyEight. Intitulé « Dear media, stop freaking out about Donal Trump’s polls », il y réfute les critiques de ceux qui « couvrent la politique pour vivre ».
Depuis les abandons de Ted Cruz et John Kasich, les adversaires de Nate Silver ne cessent de faire remarquer ses erreurs d’estimation, souvent avec mauvaise foi. Ils mettent le doigt sur les erreurs, passant sous silence les nombreux succès. Le datajournaliste a par ailleurs reconnu avoir utilisé une méthode moins rigoureuse qu’à son habitude pour effectuer ses analyses dans le cas de Donald Trump et a révisé sa copie.
Que retenir de tout cela ? Le datajournalisme est une évolution profitable au secteur de l’information, en quête de renouvellement et de regain d’attrait. Mais lorsqu’il traite de politique, il a une limite. Certes il permet d’analyser la part sociologique de l’Homme : les statistiques illustrent ou dévoilent un fait social qui, en tant que norme, peut servir à prédire quelques comportements. Mais il ne peut percevoir le pouls d’une nation, son caractère ambivalent et imprévisible, aux traductions fortes (l’émotion collective, le débat…). Jusqu’à preuve du contraire, l’âme d’un peuple ne transparaît pas dans des données informatiques, ni dans les sondages.
Clément Mellouet 
Sources: 
La Dépêche, Presse: les quotidiens se battent pour compenser le déclin du papier, 03/02/2016
Le Figaro, Opération contre les bloqueurs de publicité, 21/03/2016
TNS Sofres, Baromètre 2016 de confiance des français dans les médias
NationalArchives.com, Pentagon Papers
Five Thirty Eight
Five Thirty Eight, Dear Media, Stop Freaking Out About Donal Trump Polls, 23/10/2015
Crédits photos: 
Observatoire du Web Journalisme
Youtube 
 

Société

Des paroles et des pactes

L’interdépendance entre langage et société relève aujourd’hui de l’évidence tant les liens entre ces deux notions paraissent intrinsèques. Néanmoins, on assiste à un vrai regain d’intérêt pour la parole sur le long terme, la parole qui s’étale et qui prend le temps de prendre le temps. À contre courant du mouvement actuel qui tend à l’hyper-rapidité et à la consommation à vitesse grand V de contenu, la société renoue avec le langage et devient à nouveau éprise de ses (beaux) parleurs.
Questions pour mon champion
Comme chaque année, le journal La Croix vient de publier son baromètre annuel visant à étudier la relation entre Français et médias. Le résultat est sans appel : le désamour est bien réel et le panel médiatique subit un véritable discrédit par la population. Une nécessité de renouvellement s’impose et par conséquent de nouveaux formats apparaissent. Ces derniers tendent à remettre au goût du jour cette importance de la parole, et la pertinence du discours. Effectivement ce processus n’est qu’un retour à la pratique originelle de l’interview à la télévision mais dans une époque marquée par l’instantanéité des messages, pourquoi s’entêter à vouloir permettre la pérennité de tel ou tel discours ?
Ces formats déclenchent l’adhésion puisqu’il nous font la promesse d’une expérience nouvelle face aux médias. Poussez la porte de n’importe quelle boîte de production et vous verrez que la notion de “promesse” est quasiment obsessionnelle : proposer un concept au public c’est promettre une forme de contenu particulière qui correspond ou qui va créer une attente chez le spectateur.
Ce nouveau type d’émission recoupe un large panel de programmes : de la baignoire de Jeremstar, au café avec Michel Denisot en passant par le canapé de Mouloud Achour, il y a une véritable plongée dans l’intimité de la personne interviewée ;  c’est la promesse. Le succès de ces émissions réside en une équation très simple : voir sans être voyeur ; vous êtes intégrés dans la confession sans ressentir de gêne puisque le programme vous y autorise implicitement. De surcroît, la parole est au centre de ces programmes, décor minimaliste, mise en scène simpliste, tout est fait pour que le langage devienne l’épicentre de l’émission à tel point que l’on se permet le format long : 37 minutes de discussion entre Omar Sy et Mouloud Achour, 42 minutes entre Christiane Taubira et Michel Denisot. Cela en dit long sur la mutation actuelle et sur la tribune accordée à ces influenceurs contemporains : (presque) sans filtres on laisse libre court à la parole sans couper court à la pensée.

Regarder par le trou de la serrure
En prenant de la hauteur de vue sur nos écrans, des hypothèses peuvent expliquer le succès de ce retour au “free speech”. Il semble pertinent de parler de panoptique inversé ; concept inventé par Bentham afin de décrire la structure architecturale d’un pénitencier qui permet au gardien – situé au centre – de surveiller sans être vu, de tout entendre sans rien faire (cf schéma ci-dessous). Ce concept est si subtilement pensé qu’il engendre la création d’un sentiment de surveillance encore plus fort que la surveillance elle-même. Dans Surveiller et punir, Michel Foucault ré-actualise cette théorie et l’étend à des champs autrement plus vastes en parlant notamment de captation de l’intime. Le parallèle peut alors être fait entre la télévision et ses programmes de TV-réalité dans lesquels le gardien est symbolisé par la caméra ; l’oeil panoptique peut alors être associé aux médias en général, qui nous observent, nous surveillent, nous captent.

Dans ces nouveaux formats qui visent à libérer la parole, le téléspectateur devient à son tour le gardien. Tout est surveillé, certainement analysé, commenté et c’est cette complicité avec la caméra qui permet le succès de tels programmes. Emmanuelle de Champs, maître de conférence à Paris VIII affirme alors que : “Le panoptique, c’est avant tout le regard, un dispositif qui permet de « tout voir », mais c’est aussi l’écoute : pour Bentham, il faudrait également s’assurer que le gardien puisse « tout entendre », tout écouter, sans être lui-même entendu”. Le téléspectateur peut tout voir, en toute tranquillité et jouit à son tour de ce sentiment de surveillance qu’il ressent traditionnellement à son détriment comme le confirme un peu plus le baromètre de La Croix évoqué ci-dessus. Le temps d’une émission, les bras croisés, on décortique la parole d’un personnage bien souvent présenté les bras ballants, dans son plus simple appareil : la vérité.
L’impact d’un pacte
La confession impose l’instauration d’un pacte qui fait écho à la promesse dont nous parlions plus tôt dans cet article. À l’image des récits autobiographiques la notion de vérité semble être le moteur de ce type de programmes, il y a donc nécessité de certifier l’authenticité de la parole prononcée. Rousseau lui-même dans ses Confessions prononçait ceci : “Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme, ce sera moi”, à l’heure où les hommes politiques sont pointés du doigt pour leur manque de transparence, intervenir dans ce genre d’émissions comme l’ont fait Manuel Valls ou encore Christiane Taubira, apparaît comme une occasion de paraître dénué de filtres. Toute la subtilité des programmes TV apparaît clairement au travers de cette mécanique : ce pacte, dont ni vous ni la TV ne parle, n’est pas formel ni officiel, et pourtant vous signez et vous l’acceptez au moment où vous regardez le programme : captation de votre intime.

Le succès de ces longs formats réside donc dans la création d’un pacte avec le spectateur. On se prend à adhérer à ces dévoilements psychologiques même si certaines séquences comme celle de Jean-François Copé sur le divan de “Marco” au bord des larmes frôlent le risible. Quoiqu’il en soit la parole reprend sa place dans le débat public et fort de son succès, ce nouveau type de format tend à se généraliser. Cela peut être considéré comme une façon intéressante de rebattre les cartes du jeu médiatique : certes ces interview peuvent être taxées d’opération communication mais elles ont le mérite de procurer le sentiment d’accessibilité à des personnages médiatiques justement caractérisées d’inaccessibles. Il est vrai que les présentateurs prennent parfois des allures de psychologues médiatiques mais en ces temps où la parole peine à être crédible, qui n’a pas besoin d’une bonne thérapie ? 
Jordan Moilim
Sources: 
TNS-Sofres/ La Croix; Baromètre 2016 de confiance des français dans les médias, 02/02/2016 
Michel Foucault, Surveiller et punir, 1975
Jean-Jacques Rousseau, Confessions, 1782
Crédits images: 
CLIQUE TV
Canal + 
BESTIMAGE
 

affiche un village francais
Société

N'essayez pas de résister

 

Pour annoncer la diffusion de la cinquième saison de sa série Un village français, France 3 a sorti les grands moyens. C’est le moins que l’on puisse dire ; presse, spot publicitaire diffusé au cinéma, importante campagne d’affichage, rien ne semblait trop beau. Mais ce qui est particulièrement remarquable n’est pas tant l’aspect quantitatif de cette campagne que le ton décalé qui a été choisi.

Le spot publicitaire tout d’abord. Au cours de la vidéo, le spectateur a d’abord l’impression de se trouver devant un « simple » extrait d’épisode. On retrouve les personnages habituels, dans un décor et une ambiance tout à fait typiques. Mais alors que le jeune garçon pose une question brûlante quant au retour de son père prisonnier, son interlocuteur allemand s’adresse tout à coup au spectateur en lui conseillant de suivre la nouvelle saison pour enfin découvrir la réponse.

Mais surtout, ce sont les affiches qui sont les plus surprenantes. Elles sont signées par le responsable de marque de l’Agence Australie, Laura Maître, et ses deux créatifs, Jean-Philippe Ridon et Frédéric Debruycker. Trois différents modèles ont été conçus autour de trois slogans : « En 43, il y avait déjà du réseau », « Vous allez être occupés », « Vous allez devoir vous libérer ». Chacun d’entre eux est construit autour d’un jeu de mots qui permet de dresser un parallèle linguistique entre la Seconde Guerre mondiale et aujourd’hui. Les termes « réseau », « occupés » et « libérer » font ainsi référence à la France occupée puis libérée grâce (entre autres) aux réseaux de résistants. Mais ces mots renvoient aussi aux moyens de communication (réseaux sociaux par exemple) et emplois du temps (souvent chargés, d’où les expressions « se libérer » et « être occupé ») actuels. Dans le dossier de presse de la série, la chaîne explique avoir voulu s’appuyer sur le réalisme. La typographie choisie rappelle ainsi les messages que les résistants inscrivaient parfois sur les murs des villes occupées, en guise de contestation de l’occupation. Par ailleurs, on distingue en bas de chaque affiche les personnages principaux de la fiction, comme pour marquer la stabilité et la force de la série, la continuité de la nouvelle saison avec les précédentes.
Jusque là, on pourrait penser que France 3 a tout bon. Et pourtant. Si cette campagne de publicité a été majoritairement saluée (notamment par le site AlloCiné qui loue « l’audace » de la chaîne), c’était sans compter sur l’effroi des journalistes de Rue89. C’est sûr qu’en postant sur Twitter « Saison 6 : « ça gaze sur France 3″ ? », Pascal Riché annonçait la couleur. S’il planait encore quelques doutes quant à la réception de la campagne par ces journalistes, le titre de leur article sur le sujet se charge de clarifier les choses : « Promo de France 3 : ‘Vous allez être occupés’… ou choqués ». Les reproches adressés à France 3 vont dans deux sens mais se rejoignent en un point : le manque de respect envers la mémoire de la Seconde Guerre Mondiale. En effet, le spot publicitaire dérange dans la mesure où il crée un suspens ludique jugé inapproprié au propos. De même, le décalage des affiches arrache un sourire qui ne serait pas de circonstance (d’où le jeu de mots volontairement plus malsain et inacceptable de Pascal Riché). C’est sûr que vu comme ça… Mais alors France 3 a-t-elle vraiment été trop loin ?
Cette campagne de publicité est-elle efficace ou dessert-elle le contenu de la série dont la grande qualité ne cesse d’être soulignée ?
De toute évidence, le ton adopté rend la démarche intrigante, attractive, moderne et dynamique. C’est une entreprise audacieuse et courageuse, qui tend à rompre avec l’image traditionnelle de France 3. De cette manière, la chaîne tente sûrement d’attirer un nouveau public, peut-être plus jeune, en tout cas plus nombreux. Face au nuage de publicités qui envahissent l’espace public, il est désormais essentiel de se distinguer pour espérer être efficace. La qualité du produit ne suffit pas toujours, les marques sont « condamnées » à être originales. Et n’est-il pas justement dans l’intérêt de la mémoire collective d’encourager le plus grand nombre à regarder ce genre de fiction historique de qualité, qui ne se contente pas de raconter l’histoire mais qui la problématise et la remet en perspective ? De la même façon, le spot publicitaire s’inscrit d’une certaine façon dans la logique de la série. L’interruption de la scène par l’acteur qui encourage le spectateur à suivre la série représente une certaine mise à distance. L’acteur et son personnage se dédoublent, ce qui rompt l’illusion et invite donc à prendre un certain recul sur la réflexion proposée par la fiction.
Ainsi, si la campagne est certes moins subtile que la série, elle reste efficace car originale, audacieuse, et tout de même bien pensée. Irrésistible.
 
Margaux Putavy
Sources
Rue89
Allociné

Société

Sophia Aram, rien ne va plus pour France 2

 
Le talkshow, animé par l’ex chroniqueuse de France Inter, est un fiasco. Dans sa longue chute aux enfers, l’émission entraîne outre un bashing acharné contre la personne de Sophia Aram, un coût très significatif pour France 2.
D’abord en direct, puis enregistré durant l’après-midi et remodelé à maintes reprises. Cela ne suffit toujours pas pour faire de ce talkshow « hybride », hésitant entre un stand-up amateur et une revue d’actualité bâclée : l’Access prime time espéré de cette rentrée 2013.
Les 943 000 téléspectateurs du 16 septembre, première de l’émission, se retrouvent en cercle restreint un mois plus tard à 386 000.
Comble de malchance ? Erreur de casting ? Irresponsabilité du Directeur de l’antenne et des programmes, Philippe Vilamitjana qui a été limogé cette semaine ?
L’inquiétude est telle que certains accusent cette émission d’être à l’origine d’un effet domino, entrainant une baisse d’audience jusqu’au journal de 20h.
Une situation financière délicate :
Cette inquiétude est d’autant plus légitime, qu’avec la suppression de la publicité après 20 heures, ce créneau est plus que stratégique pour France 2. L’Access prime time rapporte habituellement à France 2 près de 30% de ses recettes publicitaires.
Mais, depuis le désastre entrainé par l’émission de Sophia Aram, le compte n’y est plus. Ainsi, alors que TF1 se targue de vendre les 30 secondes de publicité après son Access prime time entre 14 400 et 26 800 euros, à la même heure sur France 2 le prix est au rabais, entre 4 900 et 7 400 euros.
« France Inter, ce n’est pas la France »
Sophia Aram propulsée comme anchorman de ce talk-show « à la française » ne semble pas être autant à l’aise que lorsqu’elle était chroniqueuse sur France Inter.
Vous vous souvenez ? Le bon temps où elle pouvait médire sur le Tout-Paris, et faire de ses lynchages radiophoniques une tribune personnelle, ce temps est désormais révolu.
Tout comme la radio, la télévision demande une expérience bien particulière afin de capter son public. Il faut faire preuve d’adaptabilité, gage de durée, mais surtout de succès. Et c’est bien là où Sophia Aram a failli à sa mission, comme le rappelait Laurent Ruquier « France Inter ce n’est pas la France, c’est à dire que France Inter, c’est Télérama, les Inrocks … A France 2 il faut pouvoir toucher un public beaucoup plus large ».
L’irresponsabilité de France 2 :
« Le bashing » que connaît Sophia Aram est justifiable et ce n’est pas pour déplaire à certains, l’arroseuse est enfin arrosée. Cette dernière est pourtant loin d’être la seule fautive. Anne Roumanoff avait déjà échoué l’année dernière sur le même créneau horaire. La candidature de Sophia Aram a été retenue après un grand nombre de refus de la part entre autres de Stéphane Bern, Ariane Massenet ou Flavie Flament.
Pourquoi un tel choix, de la part du désormais ex Directeur de l’antenne et des programmes, Philippe Vilamitjana ? A l’heure où l’ambiance est plus à la « planification », afin de répondre aux contraintes financières qui s’imposent à tous les opérateurs publics.
Combien ça coûte :
D’après l’Observatoire des subventions, l’émission couterait par semaine 70 000 euros, avec un contrat représentant 14 millions d’euros pour la société de production Morgane. Cependant, il existe une clause de sortie si l’émission ne rencontre pas son public. Cette clause de 3 à 6 mois impose une indemnité à la société de production qui s’élèverait aujourd’hui à 50%, de dédommagements sur le contrat initial, soit 7 millions d’euros selon le syndicat de l’audiovisuel public. Un montant exorbitant, surtout lorsqu’il s’agit de nos deniers publics !
Là où la télévision devrait divertir, c’est un échec. Là où le service public devrait être performant et doublement exemplaire sur ses investissements, c’est raté.
Dites « Stop ou encore » :
Cette semaine vient d’être nommé un nouveau Directeur de l’antenne et des programmes Thierry Thuillier, excellent professionnel de l’information, mais saura-t-il relever le défi d’une grille des programmes digne de l’audiovisuel public ?
A savoir plus proche de la ligne éditoriale de la BBC avec des programmes de qualité et de divertissement. Comme avait su le faire avec talent l’ancien Président de France Télévision et présentateur de «  Des Racines et des ailes », Patrick de Carolis. Il est nécessaire pour France 2 de s’éloigner de ces talk-shows « délirants » dignes de la télévision italienne.
Cher Monsieur Thuillier, outre le désastre financier qu’elle engendre, cette émission ne redonne pas le moral aux français, il est encore temps de réagir ! Comme le rappelait, si justement, Georges Pompidou, « arrêtons d’emmerder les Français » ! Faites ce geste de salut public : Dites « Stop ou encore ».
 
Romain Souchois
Sources :
Europe 1
Le Monde
L’Observatoire des subventions
Le Parisien
Photo à la Une :
Le Huffington Post

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Politique

Débats télévisés et présidentielle : quelle incidence du format sur le discours des candidats ?

 
Qui dit campagne présidentielle dit émissions de campagne : « Paroles de Candidat » sur TF1 et « Des paroles et des actes » sur France 2 reçoivent les principaux candidats à la présidentielle. Emissions de prime time, audiences fortes, commentées en live sur Twitter par des milliers de personnes (hashtags : #pdf #dpda). Elles sont des occasions uniques pour les candidats de faire entendre leur « parole » au plus grand nombre.
« Paroles de français » sur TF1, renommée « Paroles de candidat » pour la campagne présidentielle, est une émission où se confrontent des participants soigneusement choisis et un présidentiable. Ce dispositif est l’occasion pour le candidat de rebondir sur de nombreux sujets : agriculture, sécurité, enseignement, etc. Ainsi ce n’est pas Laurence Ferrari qui interviewe réellement le candidat, mais des Français, réduits à une simplicité facilitante pour l’émission : un homme, un problème, un sujet, une solution présentée par le candidat. Des journalistes sont aussi présents pour titiller les présidentiables sur des sujets plus complexes comme l’économie. L’image d’un dialogue simple entre le candidat et les personnes présentes donne à penser au spectateur que celui-ci est proche des problèmes des Français. Il ramène pourtant à une vision un peu populiste de la politique, à savoir que chaque problème personnel est forcément lié à un problème important de la société.
« Des paroles et des actes » sur France 2, présentée par David Pujadas, est une émission « pot-pourri », à la fois entre le talkshow à l’américaine, l’émission d’économie pure et le débat incisif entre journaliste et candidat ou candidat contre candidat. En ce sens, elle semble être un résumé rapide de toutes les épreuves que les candidats ont à passer dans cette campagne. L’aspect talkshow est donné par l’interview du début par la journaliste Nathalie Saint-Cricq : on attaque François Hollande sur son poids, Nicolas Sarkozy sur son « casse-toi pauvre con ». Cela est suivi par le questionnaire économique pointu de François Lenglet, puis par une interview plus institutionnelle avec Fabien Namias. Le présidentiable se retrouve ensuite à débattre avec un contradicteur, avant de reprendre l’émission point par point avec Franz-Olivier Giesbert et Hélène Jouan. En ce sens, c’est un bilan complet pour le candidat : image médiatique, économie, idées sur la politique et les institutions, capacité à débattre. Ce format semble pourtant diviser la politique en strates, rendant parfois difficile la vision d’un projet de société complet de la part des candidats.
Ces émissions très regardées semblent être un passage obligé ou du moins voulu par tous les candidats : c’est le cas d’Eva Joly, dont le porte-parole Sergio Coronado dénonce « la logique sondagière » de France 2 qui n’a pas encore invité la candidate. On peut conclure par le fait qu’il est étonnant de remarquer qu’à l’heure du digital, la télévision semble encore être le principal média de la campagne présidentielle. Il est d’ailleurs le seul à être soumis à des temps de paroles (cf Les images et la spontanéité forcée, Thomas Millard, Asymétrie, December, 5th 2011).
 
Ludivine Preneron
Crédits photo : ©Ladmedia.fr

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