Flops

L'ORT(AE)F

 
« Un couteau suisse, un objet qui sert à beaucoup de choses mais dont on ne sait pas quelles sont sa fonction première et sa finalité. » C’est en ces termes que Rachid Arhab du CSA a définit l’AEF — qui tient pour Audiovisuel Extérieur Français. Pour faire simple, l’AEF chapeaute les activités des télévisions et radios publiques françaises bénéficiant d’une diffusion internationale.
En 2008, Nicolas Sarkozy avait souhaité donner un coup de fouet à l’ancêtre de l’AEF, France Monde. L’idée était d’inscrire ces différents médias que sont France 24 et RFI détenus à 100% par l’AEF et TV5 Monde dans une stratégie commune afin de leur offrir une réelle visibilité internationale. À la manière de la britannique BBC ou de la montante Al-Jazeera, l’AEF devait permettre à la France d’exister sur la carte des « médias-monde ».
Alors sous la houlette du Ministère des Affaires Étrangères, l’AEF se trouve affublé d’une direction bicéphale composée d’Alain de Pouzilhac au poste de président-directeur général et Christine Ockrent en directrice générale déléguée. Ainsi, petit délice de ce monstre à deux têtes, Bernard Kouchner se retrouve ministre de tutelle de sa femme. Mais une sombre affaire d’espionnage des mails, SMS et documents des dirigeants de France 24 régentée par cette dernière va conduire à sa suspension, laissant Pouzilhac seul aux commandes en mai 2011.
Seul boss à bord, Pouzilhac se retrouve alors les mains libres pour mener sa barque comme il l’entend. Dans son esprit, si l’AEF veut peser, il va falloir intégrer la radio RFI à la chaine de télévision France 24 créant une sorte de double compétence au sein d’un même pôle. Cependant, ce genre de décision ne se décide pas forcément autour d’une tasse de thé à la cafet’ du Quai d’Orsay. Alors une mission parlementaire lancée en février 2011 devait rendre compte de ce projet et des possibles dysfonctionnements attendus.
Ca n’a pas loupé, on se retrouve face à un beau foutoir. En premier lieu, la guéguerre intestine qui a agité l’AEF a salement « terni l’image de la France » selon Pierre Sellal, secrétaire général du Quai d’Orsay. Deuxième tâche d’huile dans le dossier, ce sont les innombrables rallonges que Pouzilhac a quémandées du côté de l’Élysée — 20 millions par-ci, 40 par là, pour une belle ardoise de plus de 100 millions d’euros. Ensuite, léger souci, les deux rapporteurs du dossier, Messieurs Christian Kert (UMP) et Didier Mathus (PS), ne sont absolument pas d’accord sur la suite à donner à la fusion. En effet, alors que Kert se réjouit de celle-ci permettant la réalisation d’une « news factory » d’avenir — combinaison des rédactions radio, Internet et télévision — , Mathus craint une dislocation de RFI au profit de France 24.
Histoire de rendre un rapport un tant soit peu cohérent, les deux députés vont proposer d’un commun accord que TV5 sorte de l’attelage de l’AEF par le biais de France Télévisions, et suggérer une solution mi-chaude mi-froide, où — plutôt qu’une fusion — il s’agirait de simplement renforcer les liens entre RFI et France 24. Ainsi, la fusion entre les deux entités semble plus que compromise puisque le rapport parlementaire est le seul moyen d’acter une telle décision.
Pour le coup, c’est un sacré camouflet pour l’UMP et le désormais candidat Sarkozy qui avait fait de la réforme de l’AEF une mesure phare de son quinquennat. Le résultat se donne à lire clairement, France 24 n’a toujours pas trouvé son aura internationale et la fusion patauge. Ainsi il est fort probable que le dossier n’avancera pas avant les présidentielles, et reste à voir ce que le prochain président décidera de faire.
 
PAL