Politique

Quand l’armée de terre recrute

Lancée en mars 2016, la campagne de l’armée de terre 2016-2018 est un véritable phénomène : trois spots télévisés, de nombreuses affiches, une nouvelle présence sur les réseaux sociaux, un meilleur suivi des candidats, rien n’est laissé au hasard pour atteindre les objectifs d’un recrutement en hausse constante (16 000 soldats recrutés en 2016 contre 10 000 en 2013), résultat immédiat des lourdes périodes que nous endurons depuis quelques années… Zoom sur cette sublime campagne signée Insign.
 
Les jeunes, cœur de cible de cette nouvelle campagne
L’objectif est clair : parler aux jeunes. Mais comment s’adresser à cette jeune génération aux noms si divers qu’on ne les comprend plus ? Millenials, génération Y, web natives, les jeunes Français sont de véritables adeptes du zapping et se lassent très vite, ce que l’on peut aisément constater au vu de la vitesse à laquelle les buzz se créent puis disparaissent. Cette campagne multicanaux et multi-supports détourne ce problème issu de l’entrée dans un nouveau paradigme. Certes, les jeunes sont de moins en moins sensibles à la publicité mais une campagne 360° semble avoir été une solution efficace. Pour se placer comme employeur de référence, l’armée de terre a compris qu’il fallait savoir entrer dans les codes de la nouvelle génération, et ce en terme de présence, de contenu et de forme.
Revenons ainsi sur le traitement de ces trois points dans cette campagne 2016-2018.
Avant tout, il faut saluer l’omniprésence de l’armée de terre sur cette campagne. Ils ont su s’adapter aux contraintes imposées par leur cible : Twitter, Facebook, Instagram, Snapchat mais aussi s’appuyer sur une refonte du site, la création d’une application mobile et une simplification de la démarche administrative… Tant d’éléments neufs qui forment les prémisses d’un processus de communication réussi. Simplifier la procédure et suivre de plus près les potentiels candidats sont des innovations primordiales que l’armée de terre a su s’approprier.
Pour sensibiliser un jeune public, il faut savoir comprendre ses attentes. L’un des trois spots TV nommé « Fraternité » est ainsi un exemple parfait de cette exigence :

On peut ainsi y entendre : « Je porte l’uniforme d’une vie » ou encore « On cherche tous l’aventure et on y trouve des frères ». Le rêve d’aventure, le besoin de se sentir utile, de trouver sa place en société ainsi que celui de vivre entouré d’amis sont des réalités dont ils ont su tirer les mots justes. En effet, en 2016, l’organisation Générations Cobayes lançait une étude sur le bonheur des jeunes français. On découvrait alors que 73 % des sondés jugeaient indispensable d’exercer une activité professionnelle dans laquelle ils se sentent utiles aux autres et à la société. Ce sont donc des valeurs engageantes et simples qui parlent immédiatement à des jeunes en quête d’identité qui pourront trouver une deuxième famille dans l’armée. Et c’est justement ce travail sur l’identité que l’on retrouve de manière récurrente dans la communication de l’armée de terre qui avait nommé sa campagne précédente « Devenez vous-mêmes ». Jouer sur la carte de l’émotion et de la fraternité est ainsi un très bon premier levier.
Mais l’acte de communication ne peut se réduire au message transmis. On ne s’intéresse pas seulement au « quoi » mais aussi au « comment ». Les visages filmés ainsi que les voix enregistrées sont ceux et celles de jeunes soldats ce qui permet l’identification directe du spectateur à la recrue. Pour un public qui s’est lassé des publicités et qui est devenu hostile aux communications commerciales, la durée des spots compte également. Il faut rendre cela simple dans un souci d’efficacité : leurs spots sont courts, dans un style minimaliste qui va à l’essentiel de manière fluide, comme pour mettre au second plan l’aspect publicitaire et montrer plutôt le côté « témoignage ». Et c’est ce jeu sur la proximité qui fait de cette campagne de recrutement un succès : elle clôt le fossé entre le vrai monde et la publicité.
 
La corde de l’authenticité
C’est justement cette authenticité qui fait la force des campagnes de l’armée de terre. En communication, réaliser un spot publicitaire sans acteur, ni décor, est une technique souvent utilisée dont le nom « Real Life Advertising » parle de lui-même. Lorsque l’on analyse un autre spot de cette campagne nommé « opération extérieure » on comprend alors tout l’enjeu de cette technique :

Une vraie peinture de l’héroïsme qui nous fait comprendre le nom donné à cette campagne
« Votre Volonté. Notre Fierté ». Et qui dit peinture, dit images : ainsi, celles que nous apercevons dans ces différents films sont l’œuvre du photographe Thomas Goisque, lui-même ancien militaire ! Question authenticité, difficile de faire mieux. Ce dernier a suivi des soldats lors de véritables opérations, on ne parle donc pas de mise en scène mais bien de photo-reportage. Il est également celui qui a su capturer l’expression des visages des jeunes soldats que l’on retrouve sur les différentes affiches de la campagne :

Ces soldats témoignent réellement devant l’objectif, provoquant une sensation de véracité supplémentaire qui est elle-même accentuée par l’usage du « je ».
Ainsi, le pouvoir de l’image, du témoignage et du message de fierté sont les leviers de cette neuvième campagne. Ajoutons à cela une présence crossmédias ainsi qu’une bonne dose d’authenticité et cela nous donne un résultat incroyable, reconnu également par de nombreuses institutions : Effie 2016, Grand Prix Stratégies de la publicité 2016, Communication et entreprise 2016…
 
Steffi Noël
@SteffiiNoel sur Twitter
 
Sources :
• Dossier de presse digital, L’armée de terre. Publié en 2016, consulté le 27/05/17
• « Votre volonté, notre fierté » l’armée de terre lance sa nouvelle campagne, Laurent Lagneau, Opex 360. Publié le 09/03/16, consulté le 01/05/17.
• L’armée de terre cherche ses nouveaux héros, Sandrine Bajos, Le Parisien. Publié le 14/03/16, consulté le 01/05/17.
 
Crédits photo :
• L’armée de terre
• 1ere photo :
https://www.recrutement.terre.defense.gouv.fr/sites/sengager/files/styles/big_teaser_content_respcustom_user_desktop_1x/public/thumbnails/image/espacecomm_sengager.fr_2.jpg?itok=a9w_BK8b
• 2eme photo :
http://www.orientation-pour-tous.fr/IMG/jpg/campagne_adt_2016.jpg

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Comment s'exporte le Made In France à Shanghai ?

 
Figure incontournable, le Made in France n’a jamais été  autant  dans les esprits depuis qu’Arnaud Montebourg s’en est institué le fervent défenseur. On se souvient en effet de l’ancien ministre du redressement productif posant fièrement en marinière Armor Lux à la une du Parisien Magazine du 19 octobre 2012, montre Herbelin au poignet et blender Moulinex en main, le tout sur fond bleu blanc rouge.
Lorsque l’on parle Made in France, on pense luxe, automobile, vin et gastronomie. Mais Chanel et Peugeot sont loin d’être les seules marques représentantes du Made in France, et l’on peut également citer Saint Michel, les couteaux Laguiole, ou encore les fromages d’Isigny.
Cependant, si le « produire français » existe depuis longtemps, la notion a  évolué et est aujourd’hui porteuse de certaines valeurs. En effet si le Made in France, comme son nom l’indique, fait référence à une production française, le terme est aujourd’hui également devenu synonyme d’authenticité, de qualité, d’élégance et de savoir-faire. Le Made in France est donc un idéal de consommation pour certains, mais c’est avant tout une histoire d’identité nationale.
Qu’en est-il du Made in France à l’étranger ?
Si le Made in France a une signification particulière pour les citoyens français, il en prend une toute autre lorsqu’il s’agit du déplacement des produits hors de leur berceau de production. Lorsqu’il s’exporte, le « Made in » devient en effet vecteur d’une certaine ethnicité : un produit Made in France n’aura pas tant de caractère ethnique en France, or il en sera différemment d’un produit Made in France dans un pays étranger. 
Si le Made in France est en vogue, ce n’est également pas sans raisons. La crise économique a  encouragé un retour à l’artisanat et le Made in France jouit ainsi d’une image positive à l’étranger, avec des produits associés à une notion de qualité, elle-même liée à ces valeurs artisanales. Cette notion, très appréciée des étrangers, se décroche de la production de masse (Made in China) et donne dès lors tout son sens au Made in France, qui ne prend sens qu’au regard du label Made in China connu de tous.
Comment les marques utilisent-elles le Made in France à des fins communicationnelles et marketing ?
Si les marques françaises ont su se démarquer sur leur territoire avec une frange de la population accordant de plus en plus d’importance au « consommer français », comment s’exporte le Made in France ? Prenons l’exemple de Shanghai. En plein boom économique, de plus en plus de marques françaises n’hésitent pas à s’y implanter. La ville est en effet très attrayante pour nos marques et entreprises Made in France : en plein essor, celle-ci dispose encore d’une certaine liberté d’idées, et suscite le désir des marques. En bref : une ville où l’opportunité est à portée de main. Aujourd’hui, la french touch est partout présente dans la métropole et les marques françaises ont bien cerné l’enthousiasme que génère ce je-ne-sais-quoi français qui parvient particulièrement bien à trouver son public.
On peut ainsi citer l’exemple de la marque DS (groupe automobile PSA) avec l’ouverture de ses showrooms et le design de ses véhicules basés sur le luxe à la française. Aujourd’hui, pas moins de vingt-six points de vente ont été ouverts dans les villes chinoises, telles que Pékin, Canton et Shenzen. 

Toujours dans le domaine de l’automobile, citons le cas de Renault qui a accompagné le lancement de sa Renault Zoe d’une campagne print mettant en scène le produit en  plein cœur de Shanghai. On peut voir ici le rapprochement entre le dynamisme de la ville (vitesse des passants, espace saturé d’enseignes) et le dynamisme du produit, le côté innovant de la voiture (100% électrique, 0 émission, 0 bruit) en lien avec la ville de Shanghai, ville de l’innovation.

Si l’on s’intéresse maintenant au luxe, c’est au tour d’Yves Saint Laurent d’utiliser la ville de Shanghai pour le lancement de son parfum Black Opium. Dans le spot publicitaire dédié au parfum, tout nous paraît grand et saturé en lumière, à l’image de la ville : grandes routes, grand hall d’hôtel et grand tunnel.

Au tour désormais de la mode : la marque nippone Uniqlo a également lancé un nouveau partenariat mondial avec la marque française au style chic très parisien Inès de la Fressange, et cela pour la saison automne hiver 2014-2015, témoignant à nouveau de l’attrait suscité chez les étrangers par le style à la française. 
Avec ces nombreux exemples, la ville de Shanghai, forte d’une image dynamique, d’innovation et de vitesse où tout est encore possible, apparaît alors pour les marques comme the place to be. Ces dernières ont su s’y installer, faire vendre leurs produits et se pérenniser en tant que marques porteuses des valeurs Made In France là où on ne l’aurait pas forcément deviné. On en viendrait presque à se demander si le style américain ne se serait pas essoufflé. 
Pauline Flamant
Sources :
Influencia.net
news.autojournal.fr
lesechos.fr
Crédits images : 
rézolumiere.ning.com
Renault
Youtube.com

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Rêve-veillez-vous !

 
Lendemain des élections européennes, triste mine que fait la France. On s’indigne et on pointe les coupables du doigt : les abstentionnistes d’une part, les électeurs du Front National de l’autre.
Et il y a de quoi s’indigner en effet, lorsqu’en France, le parti d’extrême droite parvient à rafler le quart des sièges au Parlement Européen et que l’abstention atteint 56,50%.
Loin de moi l’idée de féliciter les extrémistes mais l’emballement médiatique qui s’empare de ce sujet m’exaspère. D’une part, les partis politiques, excepté le FN – a priori – , ne font plus rêver comme cela a pu être le cas jusque dans les années 1980. Relayée par les médias, l’aphasie ambiante enfle quotidiennement. Concernant l’Union Européenne d’autre part, la majeure partie des citoyens ne semble pas comprendre (même en cherchant) comment fonctionne le système et surtout, quel est l’impact de l’UE sur leur vie quotidienne. Au lieu de fustiger la partie de la population qui ne s’intéresse pas à la politique, ne devrait-on pas plutôt remettre en cause un système qui représente moins de la moitié des Français ?
Et cela est une question de communication, la question de communication majeure de notre génération peut-être : comment penser un système fondé sur le dialogue, c’est-à-dire un système où l’institution se fait comprendre du peuple qu’elle représente et inversement ?
Les vieilles recettes ne fonctionnent plus, tout est à réinventer aujourd’hui : de la forme des partis aux modes de suffrages.
Alors, profitons de ces résultats pour construire une Europe qui ressemble à ses Européens.
 
Mathilde Vassor
Crédit photo : susauvieuxmonde.canalblog.com
Source : Le Monde

libération
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Centrafrique ou Françafrique ?

 
François Hollande a annoncé jeudi 4 décembre une action militaire « immédiate » de la France en Centrafrique, validée par le Conseil de sécurité de l’ONU, pour aider les forces panafricaines à restaurer le calme dans le pays.
 Malgré une communication bien huilée faite d’éléments de langage insistant sur la dimension courte, rapide et efficace de l’opération « Sangaris », dite de stabilisation, François Hollande n’a pas pu empêcher les polémiques.
Au cinquième jour de l’opération, deux soldats français ont été tués, amenant immédiatement les médias à soulever la question suivante : la Centrafrique ne serait-elle pas un piège pour la France ? La Une de Libération du mercredi 11 décembre en est un exemple. L’erreur de l’exécutif a été d’avoir axé sa communication sur une contradiction entre rapidité et efficacité.
 Mais c’est évidemment surtout le refrain de la Françafrique que l’on entend le plus. Or, si les intérêts de la France ne sont pas économiques, on peut néanmoins considérer qu’ils sont communicationnels.
 Grâce cette opération la France, après le Mali, la Syrie et l’Iran, s’affirme de plus en plus sur la scène diplomatique par une communication de « leadership » qui ferait d’elle le nouveau « gendarme du monde ». Si pour Jean-Marc Ayrault, « la France assume tout simplement ses responsabilités internationales », le sous-entendu habile démontre combien cette communication est un enjeu, car qui dit responsabilités dit bien pouvoir.
 D’autre part, la communication de guerre est toujours un moyen pour l’exécutif de rassembler un pays en théorie unanime devant le fait militaire et la défense de la démocratie. Une communication qui veut faire de cette opération un élément fédérateur, salvateur, à l’heure où le gouvernement s’enlise dans les affaires de politique intérieure.
 Mais si cette stratégie avait bien fonctionné lors de l’intervention au Mali, peut-elle encore être efficace ? Le scepticisme des médias semble indiquer le contraire. Par ailleurs, peut-elle être pérenne ? La communication de guerre n’est souvent efficace que dans un temps limité – le temps de l’enthousiasme patriotique et des premières victoires, et périclite sur le long terme.
 Clarisse Roussel
 
Sources :
Lefigaro.fr
Latribune.fr
Lexpress.fr
Atlantico.fr
Crédit photo : Libération

mucem marseille
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Inauguration du MuCEM : une communication en béton ?

Désormais, les voyageurs qui arrivent par les flots à Marseille ne seront plus emprunts de tristesse provoquée involontairement par le Fort Saint-Jean, dévasté il y a un demi-siècle par les bombardements. A tribord, ils peuvent admirer le Fort entièrement rénové, à côté duquel se dresse sur l’esplanade du J4 le Musée des Civilisations d’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), habillé d’une fine dentelle de béton. Ce cube minéral, admirable geste architectural de Rudy Riccioti, fait face à la mer ainsi qu’au mistral et côtoie le Vieux-Port qui ne perd pas de son charme face à la modernité apparente du MuCEM. Révélé à la presse mardi dernier avec comme invité d’honneur le président de la République, puis ouvert officiellement au public le vendredi, le MuCEM ouvre la seconde saison du programme des festivités proposées dans le cadre de Marseille-Provence 2013.
Quel rôle peut jouer l’inauguration très médiatisée du MuCEM dans la promotion des manifestations culturelles qu’accueille Marseille, Capitale Européenne de la Culture 2013 et sa région ? Comment ce nouvel espace culturel a-t-il été promu au sein du territoire régional et national ?
Le MuCEM en campagne
« Les Marseillais sont enchantés par ce lieu qui masque une sensibilité territoriale, (qui) exprime un autre horizon plus marin. C’est un lieu qui est poreux à l’imaginaire » déclare Rudy Riccioti à propos du MuCEM. Reste à savoir si les responsables chargés de la campagne de communication pour l’inauguration du MuCEM ont été aussi sensibles à cet imaginaire que ne le prédit l’architecte.
« Vous aussi, rejoignez la campagne du MuCEM ! »
Le MuCEM était entré en campagne dès Décembre 2012, sous l’égide de l’agence Dream On. A cette période, les Marseillais ont pu voir les rues de leur ville envahies par des affiches sur lesquelles figuraient des portraits de Marseillais accompagnés d’un slogan qui résumait ce que le MuCEM représente pour eux. Ainsi, Paul, photographe de La Plaine, déclarait « En Juin 2013, on arrête de mettre les grands musées à Paris » ou Fabrice, poissonnier-restaurateur, annonçait qu’« En juin 2013, la Méditerranée sera un vrai bouillon de culture ».

Dream on a souhaité impliquer les marseillais dans ce projet culturel en mettant en scène leur propre parole délivrée dans l’espace public. Cette campagne s’est faite à l’issu d’un concours qui proposait aux Marseillais de personnaliser leur photo au moyen d’une application Facebook dédiée, pour ensuite proposer un slogan individuel qui traduisait la façon dont ils percevaient le MuCEM. Les dix photos qui ont obtenues le plus de like sur le réseau social ont été sélectionnées pour participer à la campagne.
Ainsi, les Marseillais se sont fait les portes paroles de leur cité. Une parole souvent irrévérencieuse, humoristique et même polémique, avec un accent toujours marseillais. “Nous avons fait ce choix car nous souhaitons que les Marseillais s’approprient le MuCEM” explique Julie Basquin, responsable du département Communication et du Mécénat du musée.
En souhaitant privilégier le marketing participatif, cette campagne a au moins eu le mérite d’investir les habitants de Marseille et de la Provence dans ce chantier phare de MP 2013, duquel ils avaient pu se sentir exclus lors des débats concernant sa construction. On peut également parler de crowdsourcing, c’est-à-dire de la mobilisation d’un grand nombre de personnes pour favoriser une certaine forme de créativité dans l’argumentation publicitaire. L’intérêt de cette campagne est qu’elle ait stimulé une parole, consensuelle ou non, autour de ce lieu. Dans un premier temps, il était nécessaire que le MuCEM soit l’occasion de « faire parler » avant de « faire agir », d’autant plus que son inauguration en juin laissait le temps à cette campagne de pouvoir fonctionner. Bien évidemment, la campagne empreinte également quelques caractéristiques au story-telling, avec l’idée majeure que le MuCEM délivrerait un récit mythique, social, historique sur les civilisations européennes et méditerranéennes. Cette parole est toujours fortement encrée dans un cadre spatio-temporel, en étant sans cesse accompagnée du leitmotiv « en juin 2013 ».
« Toute la Méditerranée se raconte au MuCEM »

En ce moment même et depuis quelques semaines, une seconde vague d’affichage est destinée à exposer le positionnement de l’institution, en mettant en scène des figures qui incarnent les peuples du bassin méditerranéen. Etendue au territoire national, la campagne montre tantôt une femme d’un certain âge coiffée d’un hijab, tantôt un enfant habillé d’une tunique. En arrière plan se distingue des paysages méditerranéens, et les portraits sont accompagnés de slogans comme « Toute la Méditerranée s’émerveille au MuCEM », « Toute la Méditerranée se raconte au MuCEM », ou encore « Toute la Méditerranée s’expose au MuCEM ». L’usage de verbes pronominaux, qui permettent de faire des peuples méditerranéens les acteurs de ce musée avant l’institution elle-même, reste pertinent. En revanche, on ne peut qu’être déçu face à la pauvreté esthétique des visuels, qui reposent essentiellement sur un imaginaire populaire archétype et ne délivre rien du véritable « imaginaire » dont parlait Riccioti à propos du MuCEM.
On ne peut également que regretter le fait que la campagne ne réinvestisse pas l’incroyable effet visuel qu’offre l’architecture du MuCEM (et celle de ses collections), notamment la résille de béton aux formes sensuelles et poétiques. En France, il y a quelques jours encore, le MuCEM ne bénéficiait pas d’une grande visibilité. Cette campagne n’aura certainement pas encouragé la population ni à s’y intéresser ni à venir découvrir ce lieu si incroyable, cet événement à ce point majeur pour la ville de Marseille et MP 2013 qu’est l’inauguration de cet espace culturel.
Mais quoi qu’on puisse penser de la campagne, l’ouverture du Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, fortement relayée dans les médias, aura réactualisé les manifestations de Marseille-Provence 2013, et constitue à elle seule un levier médiatique et communicationnel incroyable pour Marseille et la Provence, qui n’ont pas fini de nous faire rêver.
Sources :
Site officiel du MuCEM
Site de la campagne de communication du MuCEM 
Site de l’Agence Dream on
Article sur le Monde.fr
Margaux le Joubioux
Annexe :
 
Le MuCEM en quelques chiffes :
167 millions d’euros pour construire ce monstre architectural
44000 m2 pour partager la Méditerranée
250000 œuvres exposées
300000 curieux et passionnés attendus pour l’année 2013
12 ans de discussions, débats, polémiques pour arriver à l’ouverture de cette incroyable bâtisse.
4 années de construction, travaux, études de terrain pour parvenir à ce cube minéral.
3 sites : le Fort Saint-Jean rénové, le Centre de Conservation et de Ressources dans le quartier La Belle de Mai et l’espace construit sur le J4, dessiné par Rudy Riccioti
1 ville : la Cité Phocéenne pour accueillir ce fabuleux espace culturel

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Jakadi : « Pour ne pas tenter les pickpockets, fermez bien votre sac et surveillez vos objets personnels »

 
Mâtinée de mutineries et d’escamoteurs, la France revêt un habillage peu reluisant. L’éclat de la « Ville-Lumière » se ternit dans la fête de son équipe championne, tout comme le scintillement culturel est maculé de vols à la sauvette, au Louvre ou sur la croisette, du sac à main d’une touriste quelconque aux bagages d’un prestigieux cinéaste chinois.
Ces récents évènements de vol à la tire ont poussé le comité Colbert à tirer la sonnette d’alarme. Regroupant les plus grands noms du luxe, ce comité rappelle que son secteur assure la moitié de ses ventes grâce aux touristes. Ce n’est pas vraiment le moment, dans le marasme économique ambiant, d’érafler l’un des seuls moteurs économiques de la France…
La publicité du pays comme destination touristique repose évidemment sur la façon dont on bichonne et rassure ceux qui nous visitent. Il n’y a qu’à voir la Tunisie qui affiche ses paysages ensoleillés dans les couloirs du métro, pour faire oublier son climat révolutionnaire.
Et la sécurité d’une destination touristique est un argument majeur pour son attraction. C’est même le premier, selon une enquête CNN « Online Consumer Survey » sur le tourisme et le voyage ; 67% des personnes interrogées font de la sécurité le critère numéro un dans leur choix de destination. La notoriété du lieu est ici secondaire. C’est du reste plutôt contre-productif de la part de nos pickpockets : en faisant les poches des touristes, ils dégradent l’image de la France, qui est en quelque sorte leur marque employeur. Ils en profitent en l’endommageant.
Comment rectifier le tir ? Le directeur de l’Office du tourisme de Paris prend ainsi la parole pour ramener l’affaire du pillage de ce car de touristes, dont la vidéo circule énormément sur le Net au Japon, à un simple débordement ponctuel, lié au sport (l’incident s’étant produit au Trocadéro, où le PSG fêtait sa victoire). Le problème, c’est que le visionnage de la vidéo répète et pérennise l’acte momentané.
Le réseau contribue à tisser l’image, et Zhang Qiang l’a bien compris, lui le numéro deux du plus influent conglomérat d’Etat chargé du 7ème Art en Chine, dont les bagages ont été volés à Cannes dans sa chambre d’hôtel. « La sécurité publique en France est vraiment mauvaise et, face à une telle arrogance, il ne faut pas hésiter à ne pas venir à un tel festival ! », s’est-il emporté sur son compte de Microblog. Les retombées de ce qu’il qualifie « d’expérience dramatique », sont lourdes. Mauvaise presse, ce message a été republié à l’envi par les internautes chinois. Il vient, de fait, corroborer l’inquiétude de la Chine, qui a récemment demandé aux autorités françaises de faire attention à la sécurité de ses visiteurs. C’est sans parler des vols de bijoux qui sont survenus ces derniers jours au festival de Cannes.
Les agents de sécurité du Louvre en viennent également à mettre le holà par une grève, pour dénoncer la défaillance des autorités à contrôler l’essaim de mineurs, d’origine roumaine, qui détroussent les touristes autour du musée, et même jusque dans les salles d’expositions.
Dans ce contexte, c’est avant tout l’e-réputation de la destination France qui doit être soignée. Ainsi 759 parutions d’articles ont été recensées par Baidu News à propos d’un fait divers sur l’agression d’un car de touristes chinois à l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle. Or le public chinois est très réceptif aux buzz négatifs. Selon le CIC (organisme de veille des tendances digitales), « 58, 7% des chinois prennent des décisions d’achat basées sur les informations online générées par les utilisateurs », avec 19% par exemple pour les Etats-Unis.
A l’agence de développement touristique « Atout France », unique opérateur de l’Etat dans le secteur du tourisme, de bien prendre en main cet enjeu de la communication digitale.
 
Sibylle Rousselot
Sources :
http://www.docnews.fr/actualites/etude,culture-patrimoine-subliment-france,32,17219.html
Un producteur chinois se dit victime d’un vol et critique le Festival
Vol de plus d’un million de dollars de bijoux sur la Croisette
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/grande-consommation/actu/0202778168458-le-luxe-francais-s-inquiete-de-la-montee-de-l-insecurite-a-paris-569080.php
http://www.marketing-chine.com/tourisme/linsecurite-en-france-inquiete-la-chine

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Le Slip Français, les dessous du Made in France

 
Avec Margaux le Joubioux et Angélina Pineau, voyons comment le désormais célèbre Slip Français a su profiter des discours politiques sur le Made in France et créer de toute pièce son propre label. 
Depuis la dernière campagne présidentielle, Le Slip Français a largement investi le paysage médiatique et les réseaux sociaux. Jusqu’alors, les sous-vêtements masculins ne s’exhibaient guère ni dans les magazines, ni sur les écrans. Véritable étendard du label Made in France, qu’a révélé cette webmarque, à travers sa défense de la production hexagonale et son potentiel communicationnel aussi transgressif que réactionnaire ?
 
Le Slip Français : qu’a-t-il de plus que les autres ?
A première vue, Le Slip Français n’est pas différent de ceux qui ornent les rayons des magasins. Son signe distinctif : un drapeau tricolore présent sur chacun des modèles de la marque. Le Slip Français revendique ses origines et fait de ce symbole un gage de qualité. En plus d’être 100% coton, l’entreprise s’engage, à l’heure de la délocalisation, à produire l’ensemble de ses slips en France. Au coeur de la Dordogne, à Saint-Antoine plus précisément, on s’active afin d’honorer les commandes de plus en plus nombreuses. Depuis la création de l’entreprise en septembre 2011, ce sont plus de 20 000 pièces qui ont été fabriquées pour un chiffre d’affaires de 300 000 €.
Mais créer des produits de qualité ne suffit pas, et les textiles Made in France sont  facilement classés dans la catégorie des produits doucement surannés voire carrément ringards. Afin d’éviter d’être rangé aux côtés des charentaises et de la marinière Armorlux, Le Slip Français a fait de la communication son meilleur atout.
La clé du succès a été de revendiquer le côté « franchouillard » et « slip à papa » de leur gamme de produit. Le slip était un apparat un peu honteux qu’il était préférable de dissimuler. Réapproprié par une minorité d’hommes prescripteurs de tendance, le slip s’exhibe et devient une arme de séduction massive. Quelle est cette minorité ciblée par la marque ? Il s’agit de jeunes urbains âgés de 20 à 35 ans (ou leurs compagnes) dotés à la fois d’un solide pouvoir d’achat et d’un sens de l’autodérision qui les encourage à se distinguer via leurs vêtements. En un mot : les hipsters.
 
La communication numérique

Mais le but n’est pas de créer de la nostalgie sinon du rétro. Pour éviter de finir dans les catalogues La Redoute ou les magasins Damart, les commandes ne s’effectuent que sur Internet. Cette stratégie 100% numérique a le mérite, outre celui de réduire considérablement les frais de production et de distribution, d’inscrire la marque dans les usages de son époque. Elle permet une très grande réactivité. En effet, leur site internet, tout comme les pages sur les réseaux sociaux démontrent une parfaite compréhension des règles en vigueur sur le web 2.0. Comme en témoigne l’appel aux dons sur My Major Company afin de créer le « slip qui sent bon ».

Mais cette stratégie numérique n’entrave en rien la volonté de l’entreprise d’avoir de solides partenariats dans le monde réel. Ainsi, pour la Saint-Valentin, Le Slip Français s’est associé à Princesse Tam Tam et cet été, Claudie Pierlot proposera une gamme de culottes aux couleurs tricolores. L’élargissement progressif de sa production est une nouvelle étape pour la marque qui envisage déjà de devenir « le Petit Bateau du web ».
 
Forte présence dans les médias incarnée par un leader incontesté
Cette stratégie est portée par le directeur et fondateur de la marque, Guillaume Gibault. Diplômé d’ HEC, il est beau garçon, télégénique et a fondé une approche du Made in France aussi légère que décalée. Son ambition semble être à la hauteur de son potentiel communicationnel. Ce jeune entrepreneur réinvestit avec succès le concept du Made in France développé par ses pairs politiques, de Delors à Bayrou, pour en faire un label attractif et innovant. À défaut d’en être le ministre, Guillaume Guibault défend un redressement productif plus opportuniste et potache que réactionnaire.
 
Entre l’Ode et l’élégie : une forme de lyrisme patriotique

Alors comme ça, tu te dis capable de vendre n’importe quoi Made in France ? Même du slip ? » Chiche.
Cette odyssée du slip devait bien reposer sur le mythe du pari amical pour pouvoir se transformer en ode patriotique. Le jeune gaulois Guillaume Gibault a bien choisi un ton « patriotico-patrimonial » teinté d’humour mais aussi de nostalgie pour sa webmarque le Slip Français. Des slips à noms de sous-marins de DCNS (Le Redoutable, le Vaillant, l’Intrépide, Le Triomphant), de maîtres du ring (Le Marcel, L’Emile, L’Eugène, L’André), jusqu’aux caleçons à la terminologie rétro-hipster (Le Félix, Le Léon, Le René, Le Charles), Le Slip Français n’a pas fini d’user de la métaphore virile ni de la rhétorique gaullienne, avec une tendance prononcée pour le  « Vive la France ! » Emblème historique et militaire, la cocarde vient compléter le liseré bleu-blanc-rouge sur l’élastique. La marque propose enfin aux sans-culottes de l’Hexagone un habillement qui puisse satisfaire leurs ambitions patriotiques ! Acheter et porter le Slip Français peut en effet être interprété comme un acte civique de défense de certaines valeurs. Le produit correspond très bien à la tendance qui irrigue de plus en plus la consommation : « Je suis ce que je consomme. »
 
100% Storytelling
« On raconte une Histoire, et raconter une histoire, c’est ça qui me plaît, encore plus que le produit lui-même » déclare Guillaume Gibault au journal Libération qui a publié son portrait en septembre 2012. En effet, le succès du Slip Français repose sur la performance du storytelling à la Française : des sous-vêtements 100% coton et surtout 100% « made in l’Hexagone profond ». En rattachant la production à un toponyme, d’abord national avec le fameux label Made in France, puis départemental (la Dordogne) et villageois (la production à Saint Antoine), la marque en appelle à l’imaginaire territorial relativement efficace en temps de crise économique, sociale et identitaire. Elle crée chez le consommateur un sentiment d’appartenance à un corps collectif, mais également à un territoire et un savoir-faire qu’il s’agit de défendre. Source d’affirmation de soi et de sa communauté, le Slip Français répondrait à notre cher Maslow qu’il suffiraitt d’un slip pour satisfaire les besoins des consommateurs. Il répondrait également à un sentiment d’insécurité dans un monde où les repères s’évaporent. Le Slip Français a pris acte d’un double sentiment d’infériorité individuel et national, au niveau industriel, auquel il a répondu par des produits qui exaltent la fierté virile mais aussi collective. L’achat d’un produit de la marque relèverait alors d’avantage de considérations éthiques qu’économiques.
 
Une réécriture subversive
Le Slip Français s’amuse également à détourner des discours politiques pour se les réapproprier au moyen d’une rhétorique subversive efficace. La marque s’inscrit « volontairement » dans une revendication identitaire explicite, tout en déployant avec virtuosité et ironie une stratégie de réappropriation du symbolique. On se souvient des affiches électorales soudainement détournées sur Internet avec le gimmick « slip ». « En slip, tout est possible »  « La France forte en slip », « Le changement de slip, c’est maintenant », « Prenez le pouvoir en slip ». Le terme « slip » s’y détachait visuellement et graphiquement dans le but de produire une rupture cognitive dans le parcours de lecture. La distance humoristique a ainsi permis de s’affranchir de toute dimension politique pour retisser du sens. La métamorphose se produit grâce à cette transgression du « sacré » dont se revendiquent les slogans politiques. De façon paradoxale, la mise en spectacle de ce mot, plutôt familier aux côtés de termes politisés, a eu pour conséquence de dépolitiser ces slogans réinvestis par le marketing. Cette réécriture profite également de leur forme indirectement performative pour constituer les slogans publicitaires de la marque.

Plus que jamais la rhétorique affichée de la marque Le Slip Français transforme un produit en symbole de la reconquête du potentiel industriel français. Mais sous ses allures d’appel à la mobilisation générale, la marque est également le signe d’un grand opportunisme marketing qui a su réinvestir la majorité de ses fondements : la construction d’un imaginaire, l’innovation et la transgression.
Margaux le Joubioux, Angélina Pineau
 
 

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La gastronomie française ou le positionnement de marque

Pour débuter ce dossier sur le Made in France, Com’ des chefs, le pôle gastronomie du CELSA nous propose son point de vue sur ce label ambigu. Parce qu’il fait partie du patrimoine immatériel français dans le cas de la gastronomie, il est réputé authentique. Cette authenticité, enviée par certaines marques, devient alors un véritable positionnement stratégique de marque.
Historiquement, la cuisine pré-existe à la gastronomie. La singularité française provient de la richesse de ses sols et de la diversité des produits qui en découle, mais aussi de l’aspect politique de la bonne cuisine française. Elle était celle des châteaux, des cours royales et des moines rabelaisiens. Nicolas Fouquet réunissait les grands chefs pour Louis XIV comme le célèbre François Vatel. Ce dernier symbolise la perfectionnisme gastronomique français dans la mesure où il n’a pas hésité à mettre fin à ses jours voyant que le poisson du dîner du roi avait du retard.
De manière générale, la gastronomie serait l’appréciation de la nourriture, mais elle renvoie en fait à l’écriture sur la cuisine. Elle est l’art de faire un bon repas et naît à partir du moment où les écrits sur la cuisine se développent au XVIIIe siècle. Selon l’historien Pascal Ory, elle serait donc à la cuisine ce que le critique est à la littérature.
Ainsi la gastronomie française s’est construite sur tout un imaginaire collectif, lui donnant un rôle essentiel de relais de l’idée nationale auprès des villages que rien n’unissait encore. Avec entre autre le désenclavement des campagnes, l’unification de la langue dans une lutte contre les patois, la gastronomie participe à l’élaboration de la nation française. La gastronomie française est donc (comme la nation) un discours unificateur, sujet à une instrumentalisation politique, idéologique ou culturelle.
Dès lors, le Made in France en gastronomie est d’autant plus important qu’il permet d’ancrer une marque dans une tradition vieille de plusieurs siècles et reconnue dans le monde entier. Le film de Sofia Coppola (Marie Antoinette) et ses scènes de banquets fastueux témoigne bien de l’imaginaire bien présent autour de la cuisine française.

Le label Made in France, une étiquette ambiguë
Avec la gastronomie, le Made in France devient véritablement patrimoine immatériel. Le vin, le fromage, le pain, les pâtisseries font incontestablement partie de la culture française. Pour ce type de produits, le besoin de se rattacher à un label se fait peu sentir puisqu’ils sont la tradition.
Mais certaines marques ont bien compris la dimension politique (au sens large) actuelle de la nourriture et ont choisi de surfer sur la tendance du made in France. Par exemple, Michel et Augustin, marque au nom très français, n’ont pas à proprement parler le label Made in France mais ils se revendiquent « experts du goûts » et soulignent sur leur package l’origine hexagonale de leurs produits. Ils jouent en fait sur l’authenticité. Même sans label, c’est bien cet argument développé en introduction du dossier qui est mis en avant. L’authenticité, la promesse de vérité et de proximité est argument de vente, elle est présentée comme une garantie d’un bon goût, car d’un goût d’une qualité française.
Au contraire, la marque Charles et Alice (yaourts aux fruits) possède bien le label Made in France mais le met peu ou moins en avant, sur son site comme sur son packaging.
Finalement, le Made in France est avant tout devenu un choix de positionnement par rapport aux autres produits, aux concurrents.
En effet, l’imaginaire autour de la cuisine française possède une force de persuasion indéniable. Nous l’avons vu, il est le fruit d’une culture vieille de plusieurs siècles. Et surtout, il s’est popularisé et ne concerne plus uniquement une élite châtelaine, ou uniquement les femmes. La gastronomie est devenue une culture populaire, comme le démontre le succès des émissions comme Top Chef, Un dîner presque parfait ou Master chef. Les marques ont bien compris cet engouement, largement exploité dans leurs stratégies marketing.
Ladurée ou le made in France comme success story
La Success Story de Ladurée est là pour en témoigner. Fondée en 1862 par Ernest Ladurée ce n’est au départ qu’une petite boulangerie qui va devenir l’un des premiers salon de thé de la capitale, puis proposer ses célèbres macarons. Il compte aujourd’hui 800 employés dans le monde et compte 14 maisons dans 5 pays, dont 6 en France. Si son PDD refuse de donner son chiffre d’affaires actuel, il est estimé à près de 80 millions d’euros en 2010.
 

Le logo de Ladurée perçu de l’étranger s’ancre dans le Made in France, pourtant aucun label n’y figure, ni même un drapeau tricolore. En effet Ladurée cherche plutôt par son esthétique à s’ancrer dans le Paris du Second Empire. Ce sont des feuilles de lauriers qui viennent rappeler le règne de Napoléon III, avec en dessous un “Paris” qui fait gage de qualité dans le milieu du luxe, parce que oui, Ladurée est une marque de luxe.
Car c’est aussi ce que véhicule cette marque française au grand savoir-faire : la légitimité de prix très élevés. C’est ce que Ladurée cultive avec ce style propre au Second Empire, et ces différents symboles qui savent rappeler régulièrement au consommateur qu’il s’agit d’une expérience unique.
Rien de mieux que d’apparaître dans le film de Sofia Coppola déjà cité plus haut pour s’inscrire dans une tradition de luxe, d’excellence et de raffinement typiquement français aux yeux du monde entier.
Sur le site internet http://www.laduree.fr/ c’est aussi le parisianisme et le caractère français de la marque qui sont mis en valeur. La page d’accueil est une immersion dans la boutique parisienne, nous sommes sur les Champs Elysées et pouvons interagir avec les divers éléments présents.
Made in France ou Made in Local ?
Mais si ce n’est pas le Made in france en lui-même qui est à l’honneur dans une marque aussi importante que Ladurée, et plutôt un certain raffinement lié à la parisienneté, il faut dès lors se poser la question de la résurgence du local.
La notion de terroir est de ce point de vue un élément fondamental. Elle revient sur le devant de la scène depuis une dizaine d’années. Il s’agit de redonner sa place au savoir-faire des régions. Face à des produits alimentaires lissés par la mondialisation, et toutes les angoisses qu’elle provoque, le consommateur se tourne vers ce qui est fiable : le local.
La marque Reflets de France et son histoire sont à cet égard particulièrement significatifs. Elle est créée en 1997 par le groupe Pomodès qui veut redécouvrir les recettes propres à chaque région de France. Aujourd’hui la marque fait figure de succès en tant que marque de distributeur facteur de fidélisation de la clientèle de Promodès et Carrefour.  Ses consommateurs types sont les plus prisés par les grandes marques nationales : jeunes, urbains et intéressés par une assiette plus ancrée dans la culture française.
Un enjeu de légitimation de l’entreprise et du prix
L’enjeu est important, aussi bien pour les entreprises que pour les régions. Pour Pomodès, et pour les grands groupes distribution, il s’agit de légitimer territorialement une gamme de produits mais aussi un groupe de distribution d’échelle nationale qu’il faut réhumaniser. Considérant l’explication de la fonction de la légitimité selon Laufer : « une organisation a besoin de se justifier comme étant au service du groupe et d’assurer ses responsabilités en tant qu’acteur ayant une influence sur la société », c’est bien ce qui résulte de cette préférence du consommateur pour le local, qui lui fait acheter français et positionne la marque comme acteur responsable sur le plan social et environnemental. Les recettes de nos grands-mères n’ont jamais pollué la planète et en plus, créent de l’emploi. C’est aussi une question de rapprochement avec le consommateur, qui est à même de prouver son attachement à la culture locale en achetant en moyenne un produit deux fois plus cher que la gamme traditionnelle des distributeurs. Cela n’est pas sans rappeler le mécanisme à l’œuvre chez les produits bio, mais il est rare de rencontrer un produit qui fasse les deux.
Les produits Reflets de France et autres mets des locavores, avec leurs appellations d’origine contrôlée et certifications origine France en tous genres, sont exemptés de toute justification sur le plan environnemental, et on ne compte plus sur la toile le nombre de blogs de nos amis écolos cherchant désespérément comment manger local et bio avec les mêmes produits. Le site des 2 Vaches pose ainsi dans un article datant du 29 janvier la question du choix entre bio et local, qui pour le cas des produits laitiers est vite résolue puisque la production de lait est concentrée dans 4 régions en France. D’où cette simple question : le « France washing » n’est-il pas la suite du green-washing et aussi un aveu d’échec de ce dernier ?
Anne-Gaëlle Nicole, Judicaëlle Moussier
 
Sources :
http://www.lecommercedulevant.com/affaires/h%C3%B4tellerie-amp-tourisme/none-liban/david-holder-%C2%AB-les-libanais-m%E2%80%99ont-donn%C3%A9-envie-d%E2%80%99ouvrir-%C3%A
http://www.francetvinfo.fr/video-le-made-in-france-devient-tendance-dans-l-alimentation_159583.html
http://institut-gestion.univ-larochelle.fr/IMG/pdf/Les_MDD_du_terroir_facteurs_de_Legitimation_le_cas_Reflets_de_France.pdf
http://www.strategies.fr/actualites/marques/179067W/2-6-4133/le-renouveau-du-made-in-france.html

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Le Made in France façon FastNCurious

 
En Janvier dernier, FastNCurious s’intéressait aux Revenants, dans le cadre de sa nouvelle rubrique, les « Dossiers ». Nous avions vu dans quelle mesure Canal+ et Haut & Court façonnaient un modèle de série française. Cela ouvrait la voie à un sujet plus large sur les productions made in France. Ce mois-ci, nous vous proposons notre second dossier qui vient prolonger cette réflexion et nous nous intéresserons donc au Made in France dans son ensemble.
Le made in France a, avant tout, une définition juridique. C’est une appellation, un label, sur l’origine d’un produit. A son origine, il ne désigne rien d’autre qu’une étiquette « fabriqué en France ». L’appellation se positionne en effet par rapport au bien connu made in China. Elle marque donc le retour au local, la réponse à la mondialisation. Elle serait un réflexe identitaire, une mise en avant de la culture française comme unique et solide. Mais cette définition est partielle. En effet, ce label a rapidement pris une toute autre envergure.
A priori, le made in France est culturel. Uniquement et sincèrement culturel ? Non. C’est avant tout un objet de communication. Communication politique, médiatique, marketing. Il est objet politique car, revêtu d’une apparence culturelle, il offre une belle légitimation à un discours communautariste. Peur de l’autre, peur de la mondialisation, peur de la consommation débridée, auxquelles répond le made in France et son aspect communautaire, équitable, sain, authentique. L’appropriation politique du sujet, par la droite comme la gauche, montre bien à quel point il est dépendant de discours et d‘un contexte ou d‘une atmosphère politique et sociale particulière. Le Slip Français au moment des débats sur l’identité nationale aurait eu une toute autre saveur.
Puisqu’il s’agit de mettre avant tout l’authenticité en exergue, celle-ci désigne un objet dont l’origine et l’auteur sont certifiés, et dont la réalité et la sincérité sont incontestables. Ce sont donc des valeurs de transparence, d’exactitude, de pureté et de véracité qui sont ici à l’œuvre. Mais dans ce contexte complexe des problématiques de traçabilités et de repli sur soi, la culture fait aussi partie intégrante du soft power. Le made in France serait alors un moyen d’affirmer la place du pays sur l’échiquier mondial, un outil. C’est en tout cas ce qu’ont compris les politiques ou les marketeurs qui tentent de l’imposer sur le marché global, mais aussi sur le marché intérieur. Paradoxalement, les premiers à convaincre de la sincérité du sujet, sont bien les français eux-mêmes.
On se demande alors comment le made in France peut garder son aspect authentique alors qu’il fait aussi l’objet d’une construction communicationnelle, médiatique et politique. D’autant plus que la conception que les Français ont de la culture suppose qu’elle ne doit pas être souillée. On nous vend un label spontané et authentique, mais n’est-il pas une construction, une œuvre de communication ?
Pour répondre à ce paradoxe, nous avons décidé de faire appel aux associations du CELSA et à quelques rédacteurs. Contrairement aux Revenants, nous avons fait le choix de nous intéresser à différents objets, tout en traitant la question du made in France de manière transversale. Lundi, Wine Not nous présentera les particularités du vin français et Com’ des Chefs traitera des délices de la gastronomie française. Mardi, nous analyserons la stratégie du Slip Français, emblème du made in France. Mercredi, la French touch sera à l’honneur avec le Gorille, Jeudi nous verrons en détail les enjeux qui se cachent derrière le nouveau moteur de recherche Qwant. Vendredi, nous laisserons la parole à Sybille Rousselot, Alice Nieto, Pauline Saint Macary, Marine Miquet et Alicia Poirier N’Diaye qui ont travaillé sur le Made in France dans le cadre de leur travail d’initiation à la recherche de L3.  Pour terminer en beauté nous vous réservons une invité de marque qui portera un regard original et plus global sur la question.
Camille Sohier et Arthur Guillôme

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E-diplomatie : la diplomatie (française) à l’heure du numérique

 
Le rapport Tavernier sur Le réseau diplomatique et le rôle des ambassadeurs, présenté à l’Assemblée Nationale en février 2002, explicitait déjà les liens étroits entre diplomatie et médias :
« Dans l’exercice de sa mission d’information, l’ambassadeur se trouve désormais concurrencé par les médias. »
 
Nous assistons en effet à un enchevêtrement des sphères médiatique et politique – a fortiori diplomatique -, accentué par l’avènement des réseaux sociaux. Le Quai d’Orsay a notamment ouvert, en mai 2012, son compte Twitter, en arabe, sous le nom de @francediplo_AR, afin de communiquer sur l’action du ministère dans le monde arabe. L’information diplomatique semble de plus en plus perdre de son panache, de son caractère « officiel » crypté par les diplomates chevronnés, au profit d’une analyse strictement journalistique. Les journalistes ont d’ailleurs un accès privilégié à l’information qui leur permet d’exercer  une influence sur les décisions politiques.
Dès lors, la communication diplomatique, cet art séculaire de la conduite des relations internationales, subit de profondes mutations, à l’heure où se dessine un « monde multipolaire » sous l’impulsion des NTIC : la diplomatie semble prise dans  « une révolution de la vitesse », selon une expression chère à P. Virilio.
Aussi convient-il de penser la diplomatie, à travers le prisme des médias, comme un art de régulation  des échanges interétatiques à l’intérieur du « monde communicationnel ». La communication diplomatique est aujourd’hui multilatérale et se décline en version 2.0. Internet offre de grandes potentialités quant aux nouvelles façons de travailler, avec l’ensemble de la communauté internationale : dans un élan de solidarité collectif, de plus en plus  d’entreprises, d’ONG, et d’individus intègrent peu à peu Facebook, Twitter, Linkedin et les autres réseaux sociaux dans leurs échanges.
La question se pose alors de savoir comment la diplomatie s’adapte à l’ère des télécommunications et des médias.
Si Napoléon Bonaparte définissait, au XIXème siècle, la diplomatie comme « la police en grand costume », on peut l’actualiser en précisant que la diplomatie se veut désormais « puissance normative » dans les Relations Internationales, se heurtant néanmoins aux intérêts et désaccords propres à chaque Etat.  Il s’agit en fait de  combiner la participation à une société internationale et la pratique des relations d’Etat à Etat, à l’heure d’Internet. En d’autres termes,  il convient de s’interroger sur le nouveau paradigme diplomatique que les réseaux sociaux façonnent.
Si la manière dont le printemps arabe s’est appuyé sur Internet se veut une manifestation particulièrement marquante de cette nouvelle donne dans la communication diplomatique, c’est loin d’en être l’unique. Il pose  cependant plusieurs difficultés propres à la diplomatie, telle qu’elle se revendique 2.0 : le traitement standardisé et bureaucratique de l’information se voit remis en cause par une multiplication des sources et des analyses, dont l’expertise est parfois à revoir.  De même, on constate que le système est dichotomique entre d’un côté « les nobles artisans » de la diplomatie, les têtes pensantes, et de l’autre, les « petites mains », qu’Internet tend à rassembler/confronter.
Le printemps arabe témoigne d’une nouvelle configuration des Relations Internationales, ouvrant la voie à un nouveau paradigme, alors que la diplomatie tente de s’adapter aux nouveaux enjeux médiatiques et communicationnels.
A la diplomatie traditionnelle, à laquelle la France se cantonne toujours, succède désormais  la e-diplomatie appelée aussi diplomatie digitale, diplomatie en ligne, ou encore cyber-diplomatie.
On pourrait reprendre la célèbre formule de C. Von Clausewitz, selon lequel «  la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », en la remaniant légèrement : l’e-diplomatie  serait désormais  la continuation de la politique par d’autres moyens.
Penser la e-diplomatie nécessite toutefois de s’intéresser au cas des Etats-Unis, où la diplomatie digitale commence à s’institutionnaliser, et à réellement se structurer.  Depuis le succès des campagnes électorales 2.0, les réseaux sociaux sont devenus un vecteur clé de la politique d’influence américaine à travers le monde. Avec B. Obama, le « smart power » est apparu, dès 2009, comme le nouveau mode d’expression et d’expansion diplomatique, à travers le monde,  et Twitter comme Facebook  se sont révélés être des canaux de communication décisifs. Cette stratégie s’inscrit d’ailleurs en contrepoint avec l’administration « va-t-en-guerre » sous Bush, étant donné qu’elle vise au contraire à développer les ententes entre les institutions, à plusieurs échelles. En outre, la communication 2.0 implique les populations à un niveau local et « ad hominem »  de façon plus systématique que les traditionnels communiqués officiels destinés aux fonctionnaires des gouvernements.
En France, le manque de  confiance et donc de solidarité collective entre institutions,   ONG, hackers et activistes du Web cantonne le pays à une diplomatie encore traditionnelle, basée exclusivement sur la croyance indéfectible en l’expertise des diplomates : ce qui peut engendrer des erreurs de jugement, comme lorsque Michèle Alliot-Marie a proposé d’envoyer des CRS français pour maintenir l’ordre en Tunisie.
Malgré son ancrage dans une « tradition », la diplomatie française cherche toutefois à se mettre à l’heure du numérique : l’AFP a notamment lancé un Hub e-diplomatie à savoir une application web interactive sur Twitter, permettant l’accès aux Tweets des institutions et des personnalités les plus influentes du monde, tout ça en temps réel et à l’échelle mondiale.  C’est la première fois que les acteurs sont référencés dans un même outil public.  La sélection des comptes  est opérée par les experts de l’AFP.
Envisager l’e-diplomatie amène à comprendre le glissement des relations diplomatiques entre Etats vers une géopolitique des réseaux sociaux, et comment ces derniers façonnent les relations internationales.
Si l’explosion des NTIC permet une certaine démocratisation des processus de diffusion et de participation à l’information, elle engendre aussi des insuffisances. Les diplomates semblent aujourd’hui confrontés à un dilemme : soit tenter d’apporter une information brute, selon la logique du traitement médiatique,  soit une information soumise à leur expertise,  avec le risque de se faire doubler par les décideurs. C’est là tout l’enjeu de l’e-diplomatie.
 
Danaé DM
Sources :
–       Les enjeux actuels de l’évolution des métiers de la diplomatie – Les Cahiers IRICE, n°3, 2009, « Diplomaties en renouvellement »
–       Diplomatie digitale : pionniers en la matière, les Etats-Unis sont aujourd’hui suivis par la France – La Netscouade
 –       A definition of digital diplomacy –