Société

Elon Musk et le projet SpaceX : un nouvel humanisme ?

Créateur de Paypal, propriétaire de Tesla et désormais de l’entreprise SpaceX, Elon Musk se fait Jules Verne moderne, et s’annonce comme le successeur naturel de Steve Jobs en terme d’innovations Hi-Tech. Les perspectives d’Elon Musk distancent les limites terrestres et celles de notre raison : il désire créer un circuit touristique vers Mars et à terme une communauté permanente. Une manière selon lui de fuir la Terre, qu’il considère condamnée par le désastre écologique et la robotisation.

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Société

Les trans et la publicité commerciale : entre militantisme, image de marque et opportunisme médiatique

En tant que reflet supposé de nos sociétés, la publicité à le pouvoir d’orienter l’opinion publique par les représentations qu’elle propose. Ainsi, le recours plus fréquent dans les campagnes publicitaires à des membres de la communauté LGBT, en l’occurrence transgenres (personnes qui se sentent appartenir à un autre genre que celui que leur attribue leur état civil à la naissance) et transsexuels (personnes entreprenant des transformations physiques pour appartenir au sexe auquel elles s’identifient), est loin d’être anodin.
Souvent décriées ou au contraire applaudies, ces campagnes laissent rarement indifférent. On peut
dès lors interroger le rôle joué par ces récentes publicités et l’influence réciproque entretenue avec les évolutions sociétales.
Si ces campagnes apparaissent a priori comme l’un des symptômes d’une évolution des mentalités, leur pouvoir dépasse la simple fonction de miroir : ces publicités peuvent se faire le moteur des transformations positives de l’opinion aussi bien qu’elles peuvent alimenter les pires stéréotypes ou être source de confusion.
De la visibilité à la « normalisation »
Dans le cadre de sa campagne « Unlimited » sortie à l’occasion des JO de Rio 2016, Nike choisit le jeune athlète triathlonien Chris Mosier pour porter son message de marque dans un spot intitulé « Unlimited Courage ». Premier transgenre à intégrer l’équipe olympique masculine des Etats-Unis, Chris Mosier est avant tout mis avant par la marque pour ses performances physiques, sa détermination et sa capacité inspirante à repousser ses limites et non uniquement pour avoir transitionné de femme à homme. Cette campagne offre donc un regard neuf et valorisant qui, en donnant davantage de visibilité aux transgenres, permet de sensibiliser l’opinion à une question de société qui peine sortir du tabou.

 
Dans cette même optique, le choix d’égéries transgenres réalisé par des marques peut contribuer à une médiatisation positive des trans. Cela permet d’engager un processus de « normalisation » des trans dans la société, devenant plus présents, plus visibles et mieux représentés médiatiquement.
L’iconique campagne AW10 de Givenchy illustre cela parfaitement, mettant en vedette le mannequin transsexuel brésilien Lea T sans mettre pour autant l’accent uniquement sur sa transidentité.

De même, la marque canadienne de soins de la peau pour ados Clean & Clear a choisi Jazz comme égérie de sa campagne de 2015, une ado de 14 ans née dans un corps de garçon. Si ce choix peut sembler audacieux pour une marque grand public, il apparait tout à fait cohérent avec le positionnement de la marque dont le slogan est « See The Real Me » et l’objectif affirmé est d’accompagner les ados dans leur construction identitaire et l’acceptation de soi.

Enfin, on peut également penser à la surprenante et créative campagne réalisée par la marque Thinx proposant des protections hygiéniques novatrices répondant aux attentes de chacun. Intitulée « People with periods », cette campagne met à l’honneur un homme trans, le mannequin Sawyer DeVuyst.

Toutefois, les marques ne se contentent pas de servir la cause des transgenres en leur offrant un espace médiatique valorisant. Elles tentent en effet de marier leur image de marque avec les valeurs symboliques associées au choix de ces modèles encore atypiques. Etant le ressort même du marketing, ce mécanisme n’est pas en soi négatif, pourvu que le recours à des personnes trans reste cohérent avec l’identité de la marque…
Un buzz médiatique à double tranchant
Ces campagnes devenant quasi immanquablement virales, elles sont source d’une très forte audience (près de 3 millions de vues pour le spot Nike Unlimited Courage et 800 000 vues en cinq jours pour celui de Clear & Clean).
Dès lors, les marques ne seraient-elles pas tentées d’instrumentaliser le recours à des transgenres dans leurs publicités dans le simple but de « faire le buzz » ou pour tenter de capter, non sans opportunisme, une partie des valeurs progressistes, de tolérance, d’accélération de soi, etc. et de renvoyer une image de marque « moderne », « en accord avec son temps » ?
C’est du moins le sentiment que peut donner la dernière campagne de Google qui relate « The Story of Jacob and City Gym ». Ce spot de 2:30 minutes retrace le parcours de Jacob Wandering et sa transition, tout en vantant les mérites d’une salle de sport qui selon la propriétaire n’a pas pour but d’être « réservée à certains groupes » mais qui pourtant doit être « un véritable lieu d’appartenance ». Le message porté par Google apparaît assez confus, oscillant entre une certaine valorisation des transgenres et une présentation qui tend à les enfermer dans une catégorie « à part » plutôt qu’à normaliser leur statut au sein de la société. En outre, le lien entre cette histoire et l’objet du spot n’apparait pas clairement : on peine à comprendre qu’il s’agit d’une publicité pour le service « My Business » de Google dont le but est de donner plus de visibilité aux entreprises.
Le lien entre ce service et les trans est tout sauf évident.
On peut dès lors questionner la légitimité du recours à des transgenres pour cette publicité et se demander si ce n’est pas essentiellement le fruit d’une pure stratégie marketing…

Un opportunisme commercial loin de favoriser une évolution des mentalités
De nombreuses publicités semblent effectivement ne faire intervenir des personnes trans que pour pour surfer sur la vague médiatique que cela génère
En jouant sur un effet de surprise certainement déroutant car rompant avec le schéma typique de l’univers automobile (une jolie fille sexy séduisant la gente masculine), la mise en scène du mannequin androgyne Stav Strashko dans le spot publicitaire de 2013 pour la Toyota Auris tend à décrédibiliser les transgenres. L’effet de surprise repose effectivement sur le fait que cette jolie fille, que l’on souhaitait tant voir se retourner pour pleinement en apprécier la physionomie, révèle finalement un torse plat d’homme… Ce spot laisse entendre que, ce trans n’est ni une « vraie » femme, ni un homme, ce n’est qu’un mauvais ersatz de la « bombe » habituelle des publicités automobiles. Ainsi, le personnage trans apparait comme un élément choquant et décevant.

Par ailleurs, le jeu plus ou moins fin sur des stéréotypes que l’on aimerait autant voir totalement disparaître ne s’arrête pas là. Certaines campagnes, et parmi les plus décriées, n’hésitent pas à se moquer des personnes trans à travers une jolie compilation de clichés et de stéréotypes rétrogrades, le tout en introduisant une grande confusion entre transsexuels, transgenres, non-binaires et travestis.
On peut notamment penser à la publicité pour tampons de la marque Libra. Suggérant qu’une femme trans n’est pas véritablement une femme, le spot a par la suite été clairement reconnu comme étant transphobe avant d’être finalement retiré des écrans.

Le clip publicitaire ayant été supprimé, il n’est plus visible que sur la page web suivante : http://www.gentside.com/
Ainsi, si une apparition plus fréquente des trans dans les campagnes publicitaires peut casser certains tabous, leur utilisation marketing semble moins favoriser une évolution des mentalités que contribuer à la perpétuation des stéréotypes.
Jouissant d’une influence non négligeable, les campagnes publicitaires font bien plus qu’accompagner les évolutions sociales. Par les représentations qu’elle propose des membres de la société, la publicité conserve donc le pouvoir d’orienter de manière plus ou moins insidieuse le degré d’ouverture des esprits.
Maïlys Vyers

linkedIn
Pour aller plus loin:
http://lareclame.fr/127660-magnum-travestis-competition-xavier-dolan

Culture Week – Des chats, des chiens, des enfants et des trans

Une publicité diffusée pendant Fierté Montréal choque la communauté trans [Le Devoir]


Sources :
« Nike’s Latest Ad Stars Chris Mosier, the First Transgender Athlete on a U.S. National Team Part of brand’s ‘Unlimited’ series », Kristina Monllos pour Adweek le 8 novembre 2016

« Un premier athlète trans en vedette dans une pub de Nike », Arti Patel pour The Huffington Post Canada le 8 novembre 2016
« Team USA’s Chris Mosier Is First Transgender Athlete Featured in Nike Ad », Mari Brighe pour Advocate, le 8 novembre 2016

« Find out the touching story behind Lea T’s Givenchy ad », Zing Tsjeng pour Dazed, le 8 novembre 2016

« Pour la 1ère fois, une ado trans est l’égérie d’une marque grand public », Ludivine D. pour La Réclame le 8 novembre 2016

« Thinx, la marque de protections hygiéniques, sort sa pub avec un homme trans », Juliette Von Geschenk pour MadmoiZelle, le 8 novembre 2016

« Meet the Gym Owner Featured in Google’s Transgender Ad », Suzanna Kim pour abc News, le 8 novembre 2016

« Une publicité retirée des écrans car elle se moquait des trans », Quentin Girard pour Libération, le 8 novembre 2016

 
 

Société

Vos désirs sont des ordres

Google a annoncé pour la fin de l’année la sortie de Home, un nouvel «assistant personnel». Il s’agit d’une enceinte connectée multifonctions, similaire à Echo d’Amazon, trônant dans nos salons, et capable de diffuser de la musique, de répondre à des questions, d’agir sur la messagerie, le calendrier etc. On comprend un Siri plus finaud et plus efficace, à qui il faudra aussi parler à l’oral.

En attendant sa sortie, revenons sur ces conciergeries virtuelles qui cristallisent un phénomène porteur de valeurs symboliques et morales.
Petite sémiologie
Siri a été facile à adopter : deux syllabes en i, qui convoquent dans notre imaginaire un son inoffensif, facile de mémorisation, semblable à celui d’un doudou, ou d’un animal de compagnie. Siri. Avec un S comme Service, comme Super, comme Smart, comme Steve. L’analyse sémiologique commence dès l’instant où ce gadget porte un nom. Prénom qui rend humain cet outil inventé de toutes pièces par les génies d’Apple. Ces derniers ont conçu ce petit robot proactif, sur une idée de service rendu, à qui il faut « parler normalement ».

Dans sa stratégie marketing, Apple, qui vantait avec simplicité la volonté de « rendre les tâches du quotidien moins casse-pieds » pose Siri non pas comme un esclave à qui on parlerait frontalement, mais une auxiliaire, qui nous oriente vers ce que nous devons faire : « rappelle moi d’appeler mon patron » et qu’on remercierait presque. C’est là qu’apparaissent les imaginaires de services rendus, et que se dessine une relation sympathique avec son assistant à la voix mécanique mais aux tonalités énergiques, voire sympathiques.
Les Voix là
Ce qui apparaît comme marquant est l’archétype symbolique du robot, qui réside dans la voix, la clef de voute du phénomène. Pour chacun des assistants, elle est au cœur du dispositif. Dans Siri, elle est représentée dans le visuel de l’icône, par le micro qui lui est attribué. Dans Echo, c’est son nom. Enfin, pour Home, c’est l’absence d’autres moyens de communication qui mettent en avant l’omnipotence de la parole. Cette interaction par la voix avec une machine intelligente, toujours plus précise et affinée, participe à la recherche toujours plus poussée d’expériences utilisateurs perfectionnées, allant plus loin en matière d’innovation et de renouvellement sensoriel et émotionnel. Cette pratique s’ancre aussi dans l’optimisation de tout, très représentative de notre temps.
McLuhan aurait pu étudier ce phénomène et parler de remédiation, avec le retour à l’oralité, à l’ère des textos, et autres messengers que certains qualifient de « l’ère de l’inscription ». Il aurait pu aussi parler de Siri (par extension, de ces petits robots) comme le prolongement de notre système nerveux et de la modification de nos façons de vivre qui en découlent.
Prémices d’une génération Her
“Parler normalement à des boîtiers”, voilà de quoi flouer les frontières du normal. Comme le savent peut-être ceux qui vivent avec Siri dans leurs poches, cette conciergerie virtuelle semble parfois avoir une personnalité. Qui n’a pas essayé d’insulter Siri, « pour voir », dès l’acquisition de son nouveau jouet ? Ceux qui ne l’ont pas insulté ont tenté des répliques improbables telles que « Quel est le sens de la vie ? » ou « Veux-tu m’épouser ? »… et certaines réponses formulées semblent indiquer qu’il est doté d’un caractère. Evidemment, moins élaboré que Samantha dans Her de Spike Jonzes. Cet humanoïde est programmé pour répondre avec répartie et humour aux questions posés par l’utilisateur, et d’ailleurs, un grand nombre de ce genre d’échanges burlesques sont recensés sur des sites comme « Shitthatsirisays.tumblr.com ». Néanmoins, malgré cette “personnalité”, l’absence de morale de ces automates nous permettent de leur poser toutes sortes de questions, des plus drôles aux plus obscènes. Cathartique Siri ? Comme l’a montré l’expérience de Tay, nous pouvons envisager assez précisément, comme dans un mauvais film de science-fiction, les tournures inattendues que pourraient prendre ces assistants digitaux.

Le client est roi…
Ainsi, Siri pouvait apparaître comme l’acmé de la stratégie Apple, qui jusqu’à l’extrême, rend son consommateur unique et important: « vos désirs sont des ordres » annonçaient les publicités. En surenchérissant avec son nouvel assistant personnel, Google entre lui aussi dans la course marketing et digitale du consommateur élevé au rang de roi.
Ainsi, très proche, voilà le fantasme d’asservissement, de soumission, de tout pouvoir sur un tiers obéissant qui devient abordable. Car Siri n’est pas réservé à une élite bourgeoise, mais à quiconque peut s’offrir un iPhone 4S, produit relativement démocratisé aujourd’hui en Europe. Quant à Google, qui n’a pas encore annoncé le prix de sa pépite, il n’est pas trop risqué de parier qu’elle sera tôt ou tard à portée de main du plus grand nombre.
Qui sert qui ?
Prenant place au cœur de la maison, Home est une avancée de plus vers de nouvelles façons d’envisager le monde, et de nouveaux comportements sociaux, qui ne cesseront pas de se déployer dans ce sens. À l’instar d’un véritable assistant, ces technologies microscopiques nous offrent le sentiment d’être aidé, épaulé, secondé, à la seule condition d’une connexion internet… et d’une toujours plus grande utilisation de leurs autres outils et partenaires. Comme le spécifie le Huffington Post, le robot pourra « se connecter avec « la majorité » des objets connectés (…) de commander un taxi via quelques phrases, ou encore acheter des fleurs. Le moteur de recherche a déjà annoncé une vingtaine de partenariats, notamment avec Uber ou encore Spotify. »
Ainsi, entre gadget et véritable phénomène, il y a débat.
Siri, Echo ou Home peuvent être perçus comme des gadgets innovants et audacieux, certes, mais ils soulèvent très vite l’inquiétude légitime d’un monde gouverné par des « Passepartouts virtuels » qui nous affranchirait de ces fameux frottements qui répugnaient Phileas Fog et qui sont l’apanage de l’échange humain. Il s’agit pour résumer de deux fantasmes, qui se recoupent et se complètent : l’asservissement et l’obéissance, ainsi que du mythe imaginaire du robot, de l’automate. Ils peuvent être rapprochés dans l’outil que constituent ces assistants virtuels, ou l’accomplissement technologique de ces désirs inconscients.
Julia Lasry
@JuliaLasry
Sources :
Huffington Post, Google dévoile Home, un assistant personnel qui veut trôner dans votre salon, Grégory Rozières, 18/05/2016
Le Monde, Assistant personnel, domotique, messagerie… les principales annonces de Google I/O, 18/05/2015
Objetconnecté.net, Amazon Echo: tout savoir sur l’assistant vocal pour la maison
 
 

Société

W3W: l'appli qui veut changer le monde en trois mots

« – Tu nous rejoins à dinde.ghetto.fourche ? – Je peux trop ap, suis à fermeture.papillote.grotte… – Dac on se dit rdv à 19h côté cave.orgasme.tétard alors ! »
Vous ne comprenez rien ? Rassurez-vous, c’est bien normal. Si ce langage très mystérieux semble tout droit tombé de l’absurde chapeau d’Eugène Ionesco, il pourrait bien pourtant imprégner notre quotidien dans quelques années. C’est le pari dingue des deux fondateurs britanniques de l’application What3Words, qui consiste à associer n’importe quel lieu à une combinaison de 3 mots. Déjà disponible en version web et en application pour iOS et Android, ce système de localisation innovant promet contribuer, sobrement, à « changer le monde ». FastNCurious quadrille la zone.

What3Words : le concept en 3 mots
Personne ne s’attendait à ce que quelqu’un parvienne à remettre Mot de passe (France 2) et à son inépuisable animateur Patrick Sabatier au goût du jour. « What3Words » l’a fait. Mieux encore, il propose de révolutionner notre emprise sur le monde en divisant la planète en 57 trillions de carrés de 3m de côté (soit 57 mille milliards, c’est-à-dire 57 000 000 000 000 carrés).
À l’origine du projet, un constat simple : 75% des endroits sur la planète ne possèdent pas d’adresse spécifique ou disposent de « systèmes médiocres, compliqués ou incohérents » comme le précisent les initiateurs du projet. Des étendues naturelles (déserts, forêts etc.) aux provinces reculées en passant par les jardins publics ou les parkings, le quadrillage de la surface terrestre (et maritime !) permet de donner une adresse unique et précise à tous les lieux, habités ou non et de simplifier nombre d’activités : voyages, cartographie, commerce électronique, recherche immobilière ou même les festivals et autres événements.
Pour associer un lieu à une combinaison de 3 mots, l’algorithme utilisé par l’application pioche dans une base de 25 000 à 40 000 mots suivant les langues. Au préalable, les mots sont donc choisis, et ce grâce à un double système de sélection, à la fois humain et automatisé, qui répertorie les mots les plus appropriés. Aussi les concepteurs ont-ils privilégié des mots du registre courant en une à trois syllabes, afin de favoriser la mémorisation des lieux, aux dépens de l’adresse postale ou des coordonnées GPS dans le pire des cas.

Comme le précisent les sciences cognitives, la force de mémorisation par imagerie est optimale. Elle consiste à imaginer une histoire, un paysage à partir des données à mémoriser, et à se raconter l’histoire ou se balader dans ce paysage pour se les remémorer. Ainsi, What3Words s’adapte à nos capacités cognitives et fait travailler notre imaginaire.
Dans le monde de What3Words, chaque lieu possède 8 adresses, toutes différentes et uniques, dans les 8 langues du logiciel à ce jour. Impossible de s’y perdre, d’autant plus que les combinaisons semblables sont assez éloignées pour que chacun sache faire la différence entre kids.chill.out (Mischigan, USA) et kid.chill.out (Barcelona, ESP).
« Addressing the world »
Récompensé aux Tech Award 2015 pour son principe novateur et vecteur de changement, l’application n’est pas sans ambitions. « Adressing the world » (on notera la finesse du jeu de mot), telle est la prétention de What3Words, qui affirme son impact sur les plans économique, scientifique et social : voyage, livraison, navigation et aide humanitaire.
Une prétention qui pourrait être justifiée. En effet, si l’application est utile pour se repérer au quotidien sans connexion Internet nécessaire – trouver la bonne entrée ou votre place de parking – elle l’est également en situation de crise humanitaire (tremblements de terre, tsunamis…). Localiser un endroit, c’est avoir la capacité de se repérer certes, mais aussi d’être repéré plus précisément et donc d’être secouru plus efficacement.
Par ailleurs, l’adresse a un impact en terme de socialisation, puisqu’elle permet d’éviter la marginalisation de certains individus, habitants des provinces reculées ou des bidonvilles par exemple. Elle facilite l’échange de biens comme de paroles.
What3Words parie aussi sur l’avenir et perce dans la recherche spatiale avec le projet de quadriller Mars. Une application qui ne se suffit pas à garder les pieds sur Terre et qui ambitionne de faciliter les découvertes géospatiales.
Lancée grâce à un crouwdfunding impressionnant (5 millions de dollars), l’application n’est pas sans but lucratif. What3Words trouve son financement en proposant OneWords, qui permet de personnaliser une zone géographique. Cependant, un mystère demeure : est-il possible d’acheter certaines combinaisons ? Comme le souligne Slate.fr, difficile dans ce cas d’estimer la valeur de certaines adresses dans lesquels les mots reprennent tout leur sens, comme ‘’best.place.ever’’. Un enjeu monétaire, qui se révèle donc aussi être un enjeu communicationnel. De quoi réfléchir aux conséquences sur le langage d’un adressage en 3 mots décorrélés.
Vers une nouvelle utilisation du langage ?
What3Words c’est aussi une technologie au sens de l’humour cinglant. Ainsi, avec ce nouveau système, le siège du FN, rue des Suisses à Paris est localisé à  »rimer.noir.éliminer », comme le précise Slate.fr et l’Elysée se voit rattaché à  »péage.zouk.éliminer ». De quoi développer tout un imaginaire autour des lieux et des institutions !
Mais par-delà ce constat sympathique, W3W pose des questions communicationnelles sérieuses. En associant aléatoirement des mots à un lieu, W3W détache le mot de sa signification. Par exemple, le mot « table » ne réfère plus à l’objet « table » mais à un objet d’une toute autre nature, ce qui peut sembler dévalorisant pour la langue, lui faisant perdre de sa profondeur.
La deuxième implication de ce système est qu’il rompt l’unité de lieu. Un lieu qui était auparavant unique (ex : La cathédrale Notre Dame de Paris) est désormais segmenté, fragmenté en divers endroits qui existent en soi, indépendamment de l’entité à laquelle ils appartiennent (environ 500 pour Notre-Dame de Paris).
Cependant, il s’agit de nuancer une approche pessimiste et rigoriste sur le langage. En effet, l’application substitue à des coordonnées GPS des mots. Cette bascule appartient donc à un mouvement d’élargissement du champ d’application du langage et de constituer un nouvel imaginaire autour des mots.
Bien entendu, la portée de ce système est dépendante de sa popularité et de sa prise en compte à l’échelle internationale, à commencer par les géants du milieu comme Google Maps, Mappy ou Waze.
What3Words est peut-être le seul projet progressiste qui repose sur le fait de mettre le gens dans des cases. L’exception qui confirme la règle ?
Fiona Todeschini
@FionaTodeschini
Sources :
Slate.fr, Dans quatre ans, voici à quoi votre journée très connectée ressemblera, 31/03/2016
What3Words
The Next Web, What3Words: share very precise locations via Google Maps with just 3 words, Paul Sawers
Mail Online, Better than GPS? The brilliant online gadget that identities every 10 sq ft patch of land on the planet – and gives each one its own unique three-word name (so what’s YOUR back garden called?), 22/ 02/2016
Crédits photos et vidéo :
What3Words

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L'intelligence artificielle ou les limites d'un rêve prométhéen

En 1968, apparaissait sur nos écrans le fameux « 2001, L’Odyssée de l’espace » de Stanley Kubrick, où HAL, un ordinateur à l’intelligence artificielle exceptionnelle, menaçait déjà l’homme de se retourner contre lui. Depuis, l’intelligence artificielle, terme créé en 1956, a été le sujet de nombreux films de science-fiction, dont « A.I, Artificial Intelligence », film de Steven Spielberg sorti en 2001, où David, un robot de 11 ans doté de sensibilité et d’émotions, est adopté dans une famille humaine. Aujourd’hui il ne s’agit plus de science-fiction mais les mêmes questions reviennent : ces robots servent-ils les hommes où sont-ils destinés à se retourner contre eux, en développant une intelligence que les concepteurs n’avaient pas soupçonnée ? Risquent-ils de remplacer les hommes au sein de l’économie mondiale ? La tension entre progrès et inversion des rôles est plus palpable que jamais.
L’intelligence artificielle ou comment se simplifier la vie
L’intelligence artificielle, ou « AI », vise à reproduire le fonctionnement du cerveau humain. Cela ne concerne donc pas les robots ménagers autonomes, mais bien les machines, les robots, dont l’attitude est troublante de similitude avec les humains.
D’un côté nous avons des robots à part entière, dotés d’intelligence et de réflexion, et de l’autre, des machines mises au service des hommes pour améliorer leurs capacités et les accompagner au quotidien. Ainsi, des start-ups comme « BrainCo », développent un serre-tête nommé « Mind Control », capable de détecter les ondes cérébrales afin d’améliorer les facultés de concentration et la détection d’éventuelles maladies. Le terme de « Mind Control » fait frémir : qui nous dit que nous aurons encore le contrôle sur notre propre cerveau ?

Les progrès que l’intelligence artificielle pourrait permettre dans le domaine de la santé sont mis en avant par beaucoup de concepteurs : dans « A.I, Artificial Intelligence », David est conçu pour venir en aide à son frère adoptif, cryogénisé en attendant de trouver un remède pour soigner sa maladie grave. L’intelligence artificielle est vue ici comme un moyen de palier les « défauts » de l’homme, ici son incapacité à soigner une maladie grave.
D’ailleurs, comment justifier la conception de machines capables de reproduire nos actions, nos réflexions, si ce n’est dans le but de simplifier notre quotidien ? C’est ce à quoi répond la chaîne de télévision chinoise Shangai Dragon TV concernant son programme, Xiaolce, une intelligence artificielle qui présente la météo depuis décembre 2015. Il s’agit d’un écran géant, dont la voix jugée « très humaine », enchante les téléspectateurs. Xiaolce est en mesure de commenter les actualités en temps réel, grâce à une base de données sans cesse actualisée. Le groupe chinois assure que les présentateurs ne seront pas amenés à disparaître mais que Xiaolce pourrait leur apporter des analyses plus complètes et rapides. Affaire à suivre…
Et que diriez-vous d’un robot capable de dresser un argumentaire pour contester votre PV ? C’est ce que propose depuis fin 2015 la plateforme anglaise « DoNotPay » : à travers un jeu de questions-réponses, un robot dresse, gratuitement, une liste des réponses qui vous permettront d’éviter de payer un PV non justifié. Pas sûr que cela enchante les autorités.
« J’ai dépassé les limites, aisément, facilement »
Si l’homme a la prétention de développer un outil –qui représente un prolongement de soi- à son image, est-il capable de créer une machine sensible, se posant les mêmes questions éthiques que lui ?
Dans « The Island », film de Michael Bay, les concepteurs de clones se rendent compte que s’ils ne sont dotés d’aucun souvenir, d’aucun sentiment, alors ils périclitent plus rapidement. Cela met en exergue un constat essentiel : l’homme n’est pas que raisonnement purement logique et mathématique, il est aussi passion et incertitude. Et c’est ce que tentent de développer les chercheurs : l’intelligence comprend l’adaptation à un milieu et à des situations particulières. Or la tâche n’est pas si aisée.
Ce souci d’éthique s’est retrouvé lors de la conception des Google Cars,  prototype de voiture roulant… sans chauffeur ! Si cette invention enchante plusieurs constructeurs automobiles, les inquiétudes fusent elles aussi : comment va-t-elle réagir si elle doit faire le choix entre éviter un obstacle et renverser 10 personnes ? En machine logique et rationnelle, elle choisirait plutôt de sauver la vie de 10 personnes, plus importante numériquement, que celle du passager qu’elle transporte. Cela signifie également qu’un humain confie sa vie à une machine : au-delà même du service que cette voiture pourrait lui permettre d’effectuer, l’homme se retrouve en dépendance totale d’un algorithme sur pneus.

Le signe d’une humanité en mal de relations ?
Au fond, à quoi bon créer une intelligence artificielle ? Nous évoluons dans une société caractérisée par la vitesse, la rentabilité, le profit, et le progrès se met au service de ces enjeux. Déjà au XIXème siècle, les industriels mettaient au point des machines effectuant un travail répétitif destiné à produire davantage. Et déjà le danger de la mécanisation massive se dessinait : en créant des objets pour accompagner les hommes, on créait des objets qui les surpassaient et à terme les remplaçaient. Ne voit-on pas une résurgence de ces risques, à l’aune du XXIème siècle ? Ne révèle-t-elle pas une mégalomanie ? Une défaillance dans nos relations sociales ?
Spike Jonze pointe du doigt ce déséquilibre entre humains et technologie dans son film « Her »: Théodore Twombly est dévasté suite à une déception amoureuse. Il fait alors l’acquisition d’un système d’exploitation informatique qui s’adapte à chaque utilisateur. Le sien s’appelle Samantha, reflet féminin de Théodore. Mais peut-on tomber amoureux d’une « présence » non humaine, d’une intelligence que l’on ne peut rattacher à aucun corps matériel? Car Samantha se révèle être plus qu’un programme, elle se développe progressivement et en se connectant avec le reste du monde, prend conscience de ce qu’elle est et de son impossibilité à appartenir physiquement à ce monde. Comme les humains, elle s’enrichit et grandit grâce à ce qu’elle lit, mais elle reste à un état artificiel, là où l’homme s’accomplit grâce à une intelligence réelle.

Le fait de créer de telles machines, plus performantes, sensibles, fines et réfléchies, nous met face à notre propre condition : comme si l’on créait un monde artificiel car l’on juge que notre monde est insuffisant, imparfait. Or n’est-ce pas cette imperfection qui fait notre richesse, et qui nous permet de nous remettre en cause, d’évoluer ? A trop vouloir révolutionner le monde, on risque de retourner ces inventions contre nous, alors mêmes qu’elles sont censées nous faciliter l’existence. Peut-être est-il préférable d’évoluer dans un monde imparfait que dans un monde que nous ne contrôlerons plus.
Ludivine Xatart
Sources :
-Larousse : « Intelligence artificielle »
-ADN : « Un robot avocat qui fait sauter les contraventions »
« Le cerveau : nouvelle frontière de l’informatique ? »
« Chine : une intelligence artificielle présente la météo »
-L’Express : « Voiture sans chauffeur : mais qui commande ? »
« L’intelligence artificielle » : http://www.lexpress.fr/actualite/sciences/intelligence-artificielle_1550708.html
Crédits photos :
-Studio de production créative Manipula : manipula.art.br 
-AFP pour challenges.fr : http://www.challenges.fr/societe/20160109.AFP2390/controler-le-cerveau-nouvelle-frontiere-de-la-technologie.html
-« Google cars », Elijah Nouvelage pour L’Express : http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/voiture-sans-chauffeur-mais-qui-commande_1761965.html

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Société

#Hashtag My Ass

Depuis la mise en application de la réforme orthographique annoncée par le gouvernement, des voix s’élèvent pour défendre l’accent circonflexe. Le succès du hashtag « #JeSuisCirconflexe » révèle la polémique que suscite cette réforme. Mais pourquoi utiliser un hashtag pour réagir ou se battre ? Sait-on exactement ce que cela engage ? En réalité,  beaucoup de personnes utilisent le hashtag sans le comprendre. Alors #utile ou #insupportable ?
#Késako
Le hashtag est composé d’un signe typographique, le croisillon, accompagné d’un ou plusieurs mots-clés. Appelé mot-dièse ou mot-clic au Québec, il est un marqueur de métadonnées. Autrement dit, c’est une donnée qui permet d’en organiser une autre.  En effet, cet outil a un rôle centralisateur sur les réseaux sociaux : il trie les publications en fonction de leur thème.
Dans le cas du #JeSuisCirconflexe, si un utilisateur le place dans un tweet, ce dernier sera reconnu comme faisant réaction à la nouvelle réforme. De cette manière, le hashtag permet de relier entre eux des tweets relatifs à un sujet donné pour former l’équivalent d’une conversation. Cela permet de transformer des évènements disparates en résumé des réactions. Il y a dans cet outil une volonté d’unification et de rassemblement. Grâce à son affiliation, ce tweet sera ensuite susceptible d’atteindre un public virtuellement infini.

A l’origine, le croisillon sert à référencer des conversations sur IRC (protocole de communication textuelle sur internet) qui sont de cette manière retrouvables. Suite à la suggestion de l’un de ses utilisateurs qui voulait améliorer le filtrage de contenu, twitter a intégré cette fonction en 2007.

Il aura fallu attendre 2009 pour que Twitter commence à renvoyer le croisillon en liens hypertextes qui mène à une liste exhaustive des messages contenant le même hashtag. Facebook a suivi en 2013 et a été ensuite rejoint par Google+ ou encore Instagram.
Dans sa documentation,  Facebook donne la définition suivante : « Les hashtags permettent de transformer des sujets de discussion et des locutions en liens « cliquables » dans des publications sur votre journal personnel ou votre page. Ils permettent de trouver plus facilement des publications sur des sujets précis. ».
Le choix du symbole est intéressant parce qu’il fallait en trouver un qui puisse être produit par n’importe quel appareil : il ne restait plus qu’à choisir entre l’astérisque et le croisillon. L’usage s’étant rapidement répandu sur Twitter, un autre utilisateur propose de nommer ce signe hashtag ( que l’on pourrait traduire par “étiquette marquée par le signe dièse”).
 #Pourquoi ?
Aujourd’hui, le hashtag est devenu banal mais il ne faut pas oublier que ce n’est pas un simple élément de décoration. La définition du Journal Officiel de la République Française insiste sur les fonctions de ce hashtag : « suite signifiante de caractères sans espace commençant par le signe #, qui signale un sujet d’intérêt et est insérée dans un message par son rédacteur afin d’en faciliter le repérage ».
C’est la fonction essentielle du hashtag. Suivant cette définition, il devient évident que ce hashtag est intéressant dès que l’on souhaite faire de la veille sur internet ou dialoguer autour d’un sujet important. Mais ce n’est pas son unique fonction. Chirpify en a par exemple fait un système d’achat : en récupérant les informations sur ses utilisateurs, la plateforme disposait d’une base de données pour envoyer des échantillons aux intéressés. Le hashtag peut donc s’avérer très utile mais un néophyte aura de grandes difficultés à le comprendre et à rentrer dans cette communauté d’intérêt.
De surcroît, il ne faut pas confondre le hashtag avec les détournements ironiques auxquels il est sujet. Un hashtag repose avant tout sur sa capacité d’indexation. Quand une personne utilise le croisillon pour désigner une humeur, une situation ou un contexte, on ne peut plus parler de hashtag : le symbole est utilisé de manière humoristique ou informative mais ne peut plus être désigné comme un hashtag car il perd sa fonction première. Autrement dit, on utilise le mot hashtag à n’importe quelle sauce comme l’illustre parfaitement cette vidéo de Jimmy Fallon & Justin Timberlake.

Toutefois, cela n’empêche pas de manier le hashtag suivant différents desseins. L’expression « hashtag activism », d’abord utilisée par The Guardian, désigne de façon péjorative l’utilisation militante de cet outil. Cette expression est née du décalage qui existe entre les réalités pour lesquelles se battent certains militants et l’a priori futilité de leurs actions virtuelles, ou plutôt, de leur utilisation prétendument utile du hashtag.
La manifestation n’est pas importante en soi, ce sont les rencontres humaines et réelles qu’elles provoquent qui le sont. Or, avec le « hashtag activism », il ne reste généralement que la manifestation. Dans d’autres cas, il n’est pas impossible que ce genre d’action mène à une médiation numérique. Il est trop facile d’accepter le raccourci habituel qui oppose « internet »/ « réalité » et « concret »/« virtuel ».

Pour ne citer que lui, le #BringBackOurGirls faisait écho à l’enlèvement de 200 écolières de Chibok au Nigeria par le mouvement insurrectionnel et terroriste d’idéologie salafiste djihadiste, Boko Haram. Utilisé par 2 millions de twittos dont Michelle Obama, ce hashtag avait pour but d’attirer l’attention internationale et d’empêcher cette histoire de subir l’amnésie médiatique.
Mais une question subsiste. Est-ce le signifiant ou le signifié qui reste dans les mémoires ? Est-ce le #JeSuisCharlie qui reste dans les mémoires en tant qu’objet ou bien les idéaux qu’il est censé porter ?  
 #Métamorphoses
Auparavant, le croisillon était immédiatement associé au dièse en musique ou à d’autres utilisations comme aux échecs. Mais le hashtag a vite pris le pas sur les usages antérieurs du croisillon en se démocratisant sur internet. Par le passé, le symbole est donc passé du hors-ligne à l’online.

Aujourd’hui, force est de constater que le symbole rebrousse chemin. Avec sa nouvelle e-réputation, il revient sous une nouvelle forme dans le réel. Ainsi, le croisillon est souvent utilisé hors-ligne pour faire référence au symbole numérique même s’il perd sa fonction d’indexation. Il devient ainsi un symbole qui renvoie au monde d’internet et des réseaux sociaux. Il revient vers le réel avec une nouvelle forme : on le retrouve sur le packaging de certains produits et même sur la devanture de magasins.

Le hashtag n’est pas un seulement un mot-clé, il est aussi le nouveau symbole de la culture Internet remplaçant le arobase et montrant par là même la prépondérance des réseaux sociaux. Au demeurant, l’American Dialect Society (société étudiant la langue anglaise) a fait du mot « hashtag » le mot de l’année 2012.
Il est devenu un outil de langage propre à une culture sociale et médiatique. Par ailleurs certains hashtags, tout comme les expressions de la langue, ne sont pas éphémères. Par exemple, le #FAIL est utilisé pour indiquer une erreur tandis que le #NSFW indique que le message contient des liens inappropriés aux mineurs. Grâce à ce symbole, on peut aussi identifier des Trending Topics récurrents avec le #TT.
Mais le hashtag a aussi pris d’autres formes puisqu’il est passé d’internet à la télévision. Les émissions utilisent le hashtag pour permettre aux téléspectateurs d’entrer en interactivité avec leur programme et d’interagir entre eux. « Réagissez sur Twitter » est aujourd’hui un leitmotiv pour rappeler la dimension participative de la télévision. Le hashtag s’organise ici en objet médiatique. Il est une nouvelle fois privé de sa fonction première : le couple hashtag-hyperlien n’existe plus. La télévision utilise le même symbole  pour renvoyer à un imaginaire participatif sur les réseaux sociaux.
De cette manière, la télévision crée un lien avec les smartphones, les tablettes et les ordinateurs. Cette stratégie cross-média permet d’attirer le téléspectateur-internaute : une part non négligeable de téléspectateurs regarde la télévision en restant connectée à internet. Cette stratégie permet donc d’inclure cette  part dans le processus télévisuel.
Le téléspectateur peut donner son avis et même parfois participer directement à l’émission. En effet, cet outil permet de répertorier facilement les participations et les contributions des téléspectateurs qui deviennent de cette manière acteurs de ce qu’ils voient. Le téléspectateur vote mais peut aussi proposer des changements dans son émission favorite.
Il y a un autre intérêt au hashtag. Le spectateur internaute promeut de manière indirecte le programme en live sur les réseaux sociaux. De cette manière, les émissions trouvent une publicité gratuite sur internet et augmentent leur exposition. Dans son émission quotidienne, Cyril Hanouna promet aux spectateurs de gagner des cadeaux en s’inscrivant à des tirages au sort via un hashtag. Ainsi, les spectateurs ont l’impression de toucher de près l’émission puisqu’ils doivent twitter pour participer, c’est-à-dire réaliser un acte effectivement. Avec leur post, ils peuvent également amener de nouveaux spectateurs en live.
Finalement, le hashtag nous montre comment un objet peut prendre différentes formes, fonctions et détournements tout comme les parties de la langue. Pendant combien de temps coulera t-il des jours heureux sur nos réseaux sociaux ? Telle est la question.
Bouzid Ameziane
Linkedin 
Sources :
« Savez-vous parler le hashtag ? Les 20 hashtags à connaître sur Twitter », Giiks, Franck Lassagne, 7 mai 2014 
 » Hashtag et militantisme, entre existence en ligne et hors-ligne « , (Dis)cursives [Carnet de recherche], Anne Charlotte Husson,22/06/2015, consulté le 10/02/2016
 #JeSuisCirconflexe, le hashtag qui agite la toile », GQ, Chloé Fournier, Pop Culture / Actu Culture, 04/02/2016
 » Le hashtag, un outil au service des stratégies social média », CultureCrossmedia, Kevin
 » Intégrer le hashtag dans campagne de communication », Comingmag.Ch, Renee Bani, 18/11/2014
 » Comment le hashtag est devenu le symbole d’Internet », Le Figaro, Florian Reynaud, 04/08/2014
Crédits images :
– Twitter
– Westernjournalismcom.c.presscdn.com
– Nutribe
– Zakokor / Getty Images/iStockphoto

Homepage Ashley Madison
Société

Le scandale Ashley Madison: révélateur du paradoxe entre vie privée et internet

En juin dernier, le sulfureux site de rencontres extraconjugales Ashley Madison a été la victime d’un piratage de grande envergure mené par « The Impact Team », un groupe de hackers expérimentés. Ce scandale soulève une interrogation plus globale quant à la sécurité de nos données personnelles sur Internet.
L’affaire Ashley Madison
Ce ne sont pas moins de 9,7 gigaoctet de données liés à trente-deux millions de comptes qui ont été mis en ligne par « The Impact Team », contenant des données très personnelles, allant des coordonnées aux préférences sexuelles des utilisateurs.
Ce scandale a fait trembler les Etats-Unis. On trouve en effet dans les données rendues publiques les coordonnées de membres de l’armée américaine et de la Maison Blanche. Il a également eu des répercussions humaines tout à fait regrettables : de nombreux cas de dépressions et de chantages, ainsi que trois suicides ont été répertoriés.
« The Impact Team » dénonçait des pratiques amorales menées par le site de rencontres, avec en premier lieu Established Men, autre site du groupe, qu’elle qualifie de « site de prostitution et de trafic d’êtres humains pour que des hommes riches s’achètent du sexe » (d’après un article du Monde). Venait ensuite une autre pratique d’Ashley Madison, symptomatique d’un phénomène plus global : le site propose une option payante pour qu’un utilisateur supprime toutes ses données du site, mais n’effacerait rien.
Suite à l’affaire Ashley Madison, treize sites de rencontres français ont été mis en demeure par la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés), dont Meetic, Attractive World, et AdopteUnMec pour des manquements à la Loi Informatique et Libertés datant de 1978. Ces manquements consistant à ne pas totalement supprimer les données des personnes ayant clos leur compte. Le site américain Fusion explique dans un article que ce phénomène est enclin à se démultiplier, et qu’il ne se limite pas aux seuls sites de rencontre « dans un monde où les détails de nos vies sont stockés sur nos téléphones et dans le cloud, ainsi que dans les métadonnées de tout ce que l’on poste sur les réseaux sociaux ».
La sécurité sur Internet, une problématique double
Le problème de la confidentialité de nos données dépend de deux facteurs. D’une part la fiabilité technique des serveurs qui stockent une quantité colossale de données, à tel point que l’on parle de Big Data, difficilement contrôlables. D’autre part l’éthique des détenteurs de ces serveurs, qui peuvent utiliser nos données à des fins commerciales, voire politiques.
Le problème de la fiabilité technique
La sécurité de nos données sur Internet est une question qui touche l’ensemble de la population, à l’ère de l’hyper-digitalisation. Presque la moitié de la population mondiale est sur Internet (42%, soit 3, 025 milliards d’internautes), et concentre son usage sur un nombre extrêmement restreint de sites avec Google, Facebook, et YouTube en tête. Ces sites ont un point commun : chaque fois que nous les visitons, nous y laissons des traces. Or une étude de NetNames réalisée en 2013 estime le nombre d’internautes ayant effectué des piratages sur un mois à 432 millions, ce qui nous permet de nous inquiéter quant aux potentielles failles de ces systèmes. En effet Internet est à la base un canal non sécurisé pour l’échange d’informations. Les pare-feux de ces serveurs ne sont pas infaillibles, comme le prouve le cas d’Ashley Madison. Cela ne semble pourtant pas nous inquiéter, puisque ce sont chaque jour des millions de données qui sont digitalisées.
De plus en confiant nos données à ces sites, nous leur octroyons davantage de pouvoir, et augmentons le risque d’un piratage d’envergure. Aujourd’hui toutes les informations sont sur Internet, et ce même au plus haut niveau. Le cas d’Amazon est édifiant. La firme a remporté en février 2013 un marché en or contre IBM : son service de « cloud computing », Amazon Web Services, est en charge de construire un serveur visant à accueillir les données de la CIA.

Le problème de l’éthique des sites web
Quels genres de données sont collectés lorsque nous visitons ces plateformes ? La question est vaste, mais si l’on s’attarde sur les « Règles de confidentialité » de Google, on peut trouver quelques éléments de réponse.
Quatre grands types de données sont collectés par Google : des données relatives à l’appareil utilisé (le modèle, le système d’exploitation, le numéro de téléphone) ; des fichiers journaux (nos recherches, ainsi que la durée et les correspondants de nos conversations téléphoniques) ; des données de localisation ; des cookies, petits fichiers de texte stockés sur notre terminal contenant souvent des informations personnelles. Les cookies sont très controversés car ils sont souvent exploités par les sites à des fins commerciales. C’est en réponse à ce phénomène qu’une réglementation a été mise en place en 2002 par la Directive Vie Privée et Communications Electroniques, puis actualisée en 2009, mais elle ne parvient pas à être appliquée – les géants d’Internet possèdent bien trop de pouvoir pour être inquiétés.

Pourtant Google indique dans ses règles de confidentialité que ces cookies servent avant tout à son service d’analyse d’audience de sites web, Google Analytics¸ gratuit et utilisé par 80% des sites sur la toile. On pourrait s’étonner que ce service soit gratuit, mais Google le rentabilise avec sa régie publicitaire créée en 2000, AdWords. Fonctionnalité payante proposée aux sites utilisant Google Analytics, elle permet d’afficher des publicités correspondant aux mots-clés tapés par leurs utilisateurs.
Le moteur de recherche nous rassure, en affirmant ne communiquer « des données personnelles [nous] concernant qu’avec [notre] consentement ». Hélas notre consentement ne nous est demandé qu’une seule fois, et est quelque peu contraint (puisque nous ne pouvons utiliser le service sans cela), lorsque nous acceptons les conditions générales d’utilisation.
La puissance de tels sites est indéniable, ce qui peut parfois les amener à jouer de leur pouvoir. Les seigneurs de la Silicon Valley ont par exemple minimisé leur implication dans le scandale des écoutes de la NSA, déclenché par les révélations d’Edward Snowden en 2013, selon un article du Figaro. Voulant redorer leur blason, la publication d’un rapport rendant compte du nombre de requêtes judiciaires qu’ils ont reçu pour fournir des données sur des internautes suspectés par la NSA a été décidée par ces sites. On apprend ainsi que Yahoo ! a reçu des demandes pour trente mille comptes d’utilisateurs, Microsoft quinze mille, et Google neuf mille. Ce rapport ne révèle cependant pas le nombre de réponses positives à ces demandes.
La sécurité de nos données sur Internet relève par conséquent d’une problématique double, entre fiabilité technique des serveurs et éthique de ces sites, questionnant ainsi nos pratiques et nos usages quotidiens d’un outil qui nous dépasse. En effet peut-être devrions-nous, dans le doute, être plus attentifs aux données que nous laissons derrière nous sur la toile.
Clément Mellouet
Sources :
Le Monde, Le piratage du site Ashley Madison et la question de la moralité des « hackers », 19/08/2015
Le Figaro Tech, Les géants du web minimisent leur implication dans le scandale de la NSA, 4/02/2014, 
Crédits images :
Ashley Madison.
Google.
marketingdonut.co.uk

technophobie fastncurious
Société

En guerre contre la troisième révolution industrielle

Baudelaire fustigeait le progrès : selon le poète, « cette idée grotesque » était le germe de la décadence, une funeste confusion de la matière et de l’esprit, ce qui finirait par avilir l’humanité au lieu de l’affranchir.
Du luddisme à la Silicon Valley
Bien avant l’arrivée des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), de la démocratisation d’internet et des smartphones, le sociologue Jacques Ellul parlait dès les années 1970 du basculement de la « société industrielle » vers ce qu’il appelait « la société technicienne ». Sa théorie : tout reposerait sur les réseaux d’information et non plus sur les circulations de marchandises. En somme : l’avènement de la société de communication, dont le plus grand promoteur est Jeremy Rifkin et sa notion de « Troisième Révolution industrielle », une nouvelle révolution qui se distinguerait par le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
A chaque révolution sa contestation. La technophobie contemporaine serait-elle une nouvelle forme de luddisme ? Au début du 19ème siècle, l’Angleterre connaît la révolution industrielle : les machines paraissent menaçantes. Les luddistes sont des artisans qui se réunissent pour briser les machines des manufactures de l’industrie textile, vecteur de déshumanisation et symbole du capitalisme. Deux siècles plus tard, les GAFA sont le nouveau visage de la classe capitaliste.

Un néo-luddisme apparaît en conséquence : destructions de Google Car, vols de Google Glass, immobilisation des bus des salariés de Google et Yahoo. Depuis l’année dernière, les militants de The Counterforce protestent contre les GAFA et la gentrification de San Francisco dont ils sont accusés. Le propriétaire capitaliste exploitant le prolétariat est dépassé, bienvenue au technocapitaliste qui exploite nos données.
Machine à textile, informatique… La « nouvelle » technologie présente toujours le même package de maux : aliénation, totalitarisme, déshumanisation. Est-ce réellement le destin de la société ultra-connectée ? Quelle vision adopter pour la société de demain ? Le clivage entre technophiles, ambassadeurs d’un monde meilleur connecté et technophobes, à la vision dystopique et craignant sans cesse l’ombre du grand Big Brother, fait de la technologie un enjeu politique.
L’innovation : une longue histoire
L’ectoplasme des « nouvelles » technologies plane sur nos esprits depuis au moins l’antiquité. Platon critiquait la technique de l’écriture en la présentant comme une menace pour la réflexion philosophique et la mémoire : « ce qu’il y a de terrible, c’est la ressemblance qu’entretient l’écriture avec la peinture. De fait, les êtres qu’engendre la peinture se tiennent debout comme s’ils étaient vivants ; mais qu’on les interroge, ils restent figés et gardent le silence. Il en va de même pour les discours. On pourrait croire qu’ils parlent pour exprimer quelque réflexion ; mais, si on les interroge, c’est une seule chose qu’ils se contentent de signifier, toujours la même. » En somme, l’écriture allait emmener la société vers un crash intellectuel.
 
Quelques siècles après, heureusement pour nous, la société continue d’évoluer, notamment dans une ère où les innovations sont marketées comme des symboles révolutionnaires, créant un clivage : il est ainsi de coutume d’opposer les technophiles, les « modernity enjoyers », aux technophobes, radicaux et réac, qui voudraient quitter le monde désincarné des smartphones en brandissant un Nokia 3310.

 
 
 
Homo connecticus
 
Cette idée de déshumanisation sociétale est prégnante dans nos médias. De multiples exemples, comme Stromae récemment, véhiculent l’idée selon laquelle le monde virtuel nous éloigne les uns des autres et arrache les individus du monde « réel ». Le progrès apparaît alors pour certains comme « subi ». La dernière tendance : la digital detox, proposée par des thalassos et des spas pour permettre un sevrage technologique en coupant toute connexion numérique pour « revenir à l’essentiel ». Le WIFI, l’empoisonnement 2.0 ?
 
Dans cette vision, Technologos, un groupe militant, a forgé sur le modèle du tabagisme passif le concept de « technicisme passif ». Leur manifeste mentionne : « Quiconque, dans son travail, se retrouve obligé d’utiliser un ordinateur pour exécuter des tâches futiles subit de plein fouet l’idéologie technicienne, qu’il le veuille ou non ». Le renversement économique qu’impliquent les nouvelles technologies correspondrait au bouleversement de l’équilibre moral de la société. Mais selon la vision antique grecque, la stabilité de l’univers est LA valeur intouchable, l’élément sacro-saint à préserver pour sauver l’humanité du chaos.

 
 
Bête noire
 
Ce scepticisme à l’encontre de l’avancée technologique ne date pas d’aujourd’hui. En 1840, l’historien Jules Michelet utilisait pour la première fois le mot « machinisme », qu’il assimile à la misère ouvrière et à l’appauvrissement intellectuel des foules. Platon es-tu là ?
 
Ainsi, à travers les siècles, les « nouvelles » technologies, particulièrement les médias, ont toujours représenté des dangers immenses pour le bien-être des sociétés. Cinéma, téléphone, télévision, internet : à chaque mode de communication sa prophétie. Pourtant, les dangers s’avèrent toujours les mêmes : les gens ne vont plus lire, les gens ne vont plus se voir, les gens s’abrutissent… A croire que l’humanité est menacée depuis des siècles.
 
Pour François Jarrige, maître de conférences en histoire contemporaine, « le progrès est idéologie ». Dans cette perspective, des journalistes ont comparé Apple à une religion, Google à un régime totalitaire. Le mythe orweillien de Big Brother n’a jamais été aussi présent qu’aujourd’hui : la technologie serait un instrument de pouvoir, de surveillance et de contrôle social. Mais un outil de communication reste un outil. Comme le couteau, la dangerosité d’un outil repose sur l’usage qu’on en fait. En réalité, personne ne craint les nouvelles technologies. C’est leur impact sur la société que l’on fantasme.
 
Thanh-Nhan Ly Cam
@ThanhLcm

 
 
Sources :

Mythologie et intertextualité, Marc Eigeldinger
elimcmaking.com
gizmodo.com
technologos.fr
internetactu.blog.lemonde.fr
britannica.fr
Crédits photos

I Robot, Twentieth Century Fox
Tara Jacoby
Ex Machina, Universal Pictures

Bannière egosurfing FNC
Société

L’ego-surfing, tendance 2014

 
Le net serait-il devenu un miroir 2.0 ? Comme Narcisse devant son reflet, il semble que les internautes aiment à contempler le reflet que leur renvoient les moteurs de recherche.Cette pratique porte même un nom : l’ego-surfing, ou self-googling. Il s’agit de se rechercher soi-même sur les moteurs de recherche. Une enquête Bing/Ipsos révèle par ailleurs que cette pratique, érigée en tendance de l’année 2014, concerne 71% des Français utilisateurs d’Internet. Mais au-delà des chiffres, que faut-il voir dans cette tendance ? Simple narcissisme révélateur d’une époque de plus en plus individualiste, ou stratégie d’optimisation de son image sur le net, à des fins professionnelles par exemple? Il semble que l’ego-surfing renvoie finalement à des logiques assez différentes.
L’ego-surfing : affaire de curiosité et de stratégie
Chercher son propre nom sur les moteurs de recherche répondrait avant tout à une logiquede curiosité. Si Internet est une mine d’informations, pourquoi n’en trouverais-je pas sur moi ? Ainsi, pour 51% des adeptes, l’ego-surfing s’inscrit dans cette logique. Cette pratique est une démarche qui répond à la curiosité. L’internaute est bien souvent curieux de savoir ce que la Toile va conserver de lui : photos, anciens posts, mots associés… Bien souvent, les résultats de cet ego-surfing étonnent. C’est là le premier paradoxe de cette pratique : face au miroir d’Internet, l’ego-surfer espère trouver son reflet virtuel, mais il est toujours surpris par celui-ci.Toutefois, si la curiosité demeure le moteur principal de l’ego-surfing, celui-ci est également motivé par l’inquiétude. Bien loin du narcissisme à outrance, l’ego-surfing peut aussi apparaître comme une véritable stratégie professionnelle, à l’heure où la réputation virtuelle compte au moins autant que la réputation réelle. « Le phénomène « selfie » sur les moteurs de recherche n’est pas un effet de mode. Il traduit au contraire une tendance à la professionnalisation des internautes, qui se comportent comme des entreprises,comme des marques. Jusqu’à présent réservé aux célébrités, le personal branding arrive chez les anonymes » écrit ainsi Anne-Sophie Dubus, Directrice marketing Europe de Bing. Ce qui préoccupe ces internautes, c’est d’abord la mise à jour des informations les concernant, la peur de ne pas être visible à cause d’un homonyme, ou pire, d’être confondu avec un homonyme… Selon Brice Teinturier, directeur général délégué d’IFOP France, cela est d’autant plus vrai pour les personnes en recherche d’emploi : « un bon référencement sur les résultats des moteurs de recherche est un véritable enjeu ». Une mauvaise e-reputation (réputationvirtuelle) peut être fatale…
Ego-surfing et personal branding
Les conclusions de l’enquête menée par Bing et Ipsos font même émerger un nouveau type d’internaute, nommé le « wannaBing ». Le WannaBing est un ego-surfer un peu particulier, car il se cherche au minimum une fois par mois sur les moteurs de recherche. Sociologiquement, il a entre 26 et 34 ans, c’est un jeune actif et il vit en milieu urbain. Concrètement, comment le wannaBing agit-il sur sa e-reputation ? « Ces « WannaBing »élaborent ainsi des stratégies de visibilité en ligne, voire d’optimisation de leur référencement naturel : ils démultiplient leur présence sur les réseaux sociaux influents,soignent, contrôlent et mettent à jour leurs informations mais aussi leurs photos etvidéos, et sont ainsi en mesure de lutter contre leurs homonymes dans cette course à lapremière place des résultats de recherche » écrit encore Anne-Sophie Dubus.

La marchandisation de l’ego
Les Wannabing ne sont donc certes pas dans une perspective narcissique. Mais c’est peut être plus grave : en se comportant comme des marques, ils entérinent le fait que l’homme est un produit. Pire encore, c’est ici l’homme qui se met lui-même, et consciemment, dans cette situation où il n’est plus qu’une marque. Le Wannabing, à grands renforts de personal branding, en vient par oublier qu’il est autre que ce reflet qu’il travaille constamment. Peut-être finit-il d’ailleurs par ne plus être que le reflet de cette image de lui qu’il construit. Narcisse ignorait que le beau jeune homme qu’il contemplait à la surface de lui n’était autre que son reflet. Le Wannabing ignore qu’il est lui-même le reflet d’un reflet. Il convient toutefois de rappeler que les Wannabing ne représentent qu’une petite partie des ego-surfers. Par exemple, seuls 2% des Français se cherchent une à plusieurs fois par jours sur les moteurs de recherche. Au-delà des chiffres, le fait qu’une telle pratique ait été érigée en tendance de l’année 2014 montre bien la réelle prise de conscience de la problématique de l’identité numérique chez les internautes. Toutefois, il est dommage qu’une telle prise de conscience ne débouche, chez la majorité des internautes, que sur très peu d’initiatives préventives ou proactives. Comme le déplore Brice Teinturier, le contrôle des informations demeure encore très limité.
Alexis Chol
Sources
journaldugeek.com
Microsoft.com
Nextinpact.com
Generation-nt.com
Labnol.org
Thegeekwhisperer.com
Delightfullyamiss.blogspot.fr

mark zuckerberg
Société

Mark, un ami qui vous veut du bien

 
« L’épidémie d’Ebola se trouve à un tournant critique. Le virus a contaminé 8400 personnes jusqu’à présent, mais il se répand très rapidement et certains prédisent qu’il pourrait contaminer 1 million de personnes, voire plus, d’ici plusieurs mois si rien n’est fait pour le combattre », a expliqué il y a quelques semaines Mark Zuckerberg, président de Facebook.
L’épidémie de cette fièvre hémorragique aurait déjà, selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), causé la mort de 4800 personnes, principalement au Libéria, en Sierra Leone et en Guinée. Le PDG du réseau social le plus utilisé au monde (1,32 milliard d’utilisateurs) ainsi que son épouse, Priscilla Chan, avaient déjà annoncé le 14 octobre un don de 25 millions de dollars aux Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) pour lutter contre le virus. Ce n’est pas une première pour le jeune milliardaire de 30 ans qui avait été placé en 2013 en tête de la liste des plus grands donateurs de la planète par le journal américain The Chronicle of Philanthropy.
Sans doute parce qu’il est soucieux d’étendre ses ardeurs philanthropiques aux utilisateurs de son réseau social, est apparu sur Facebook, début novembre au sommet de votre fil d’actualité un nouveau bouton : « cliquez pour faire un don ».

De l’utilité du like responsable
Le simple pouce en l’air, symbole ultime du géant Facebook, a été remplacé par la même main tenant un petit coeur rose. Tout comme Marc Zuckerberg et sa femme, et comme c’est écrit, « nous pouvons participer à la lutte contre Ebola ». Nous, simples utilisateurs, pouvons faire comme eux, milliardaires. En d’autres termes, nous pouvons tous agir à notre niveau et Facebook nous facilite la tâche. Plus d’excuses et fini le slacktivisme : sur les réseaux sociaux il est particulièrement aisé de se donner bonne conscience en likant et en twittant les actualités d’une multitude d’ONG. En revanche, les actions concrètes et utiles qui en découlent sont rares.

Cette opération de collecte de fonds a été mise en place au profit de deux ONG : International Mediacal Corps et Save the Children. La première a pour but de fournir des traitements d’urgence sur place et de former les équipes médicales. Il s’agit de les « aider à stopper Ebola à sa source » et de « restaurer la santé et l’espoir chez des millions de personnes ». La seconde soigne les enfants et protège ceux dont les parents ont été emportés par la maladie. Les internautes qui souhaitent faire un don sont amenés à choisir l’une des deux. Cependant, pas question pour le géant du web de se faire de la gratte puisqu’il est précisé que « l’intégralité du montant » sera reversé à l’association.
Comme Mark Zuckerberg, Larry Page (directeur et fondateur de Google) a lancé sa propre collecte de fonds. Le principe est simple : « pour chaque dollar versé, Google donnera 2 dollars ». Le but est que la somme totale atteigne les 7,5 millions de dollars. Le mouvement a aussi été suivi par Bill Gates, co-fondateur de Microsoft.
Entreprises, humanitaire et image : une recette qui marche
Protéger et entretenir sa réputation est un enjeu majeur pour l’entreprise. Le maintien d’une bonne image de marque auprès du public et des actionnaires relève de subtiles stratégies. De plus en plus exposées et soumises à la rapidité des flux d’informations et des rumeurs, elles rivalisent d’inventivité pour se construire et véhiculer une image positive. Elles font face à des consommateurs de plus en plus méfiants et avertis qui cernent très bien leur « mauvaise foi » et la finalité commerciale de leurs campagnes. La communication corporate (ou communication institutionnelle) est d’autant plus utilisée par les géants de l’internet (Facebook, Google, Apple, Amazon). En effet, ils sont présents dans le quotidien des utilisateurs et doivent prouver à chaque instant leur légitimité et leur responsabilité sociale.

C’est dans ce contexte que l’utilisation de campagnes fondées sur l’humanitaire semble très efficace. Et les entreprises l’ont très bien compris. La cause humanitaire est difficilement critiquable. En effet, quoiqu’on en dise les résultats sont là : même si en poussant ses internautes à faire des dons, Facebook améliore son image, il n’en demeure pas moins que l’argent sera effectivement utilisé pour lutter contre Ebola. Même si Mark Zuckerberg s’est défendu de faire du marketing en répondant aux critiques sur son profil Facebook, le but est de donner au réseau social l’image d’une entreprise responsable et d’intérêt public qui se soucie des grandes causes sanitaires et sociales de son temps. Et justement, la firme en a besoin. Elle a récemment été secouée par différents scandales concernant la protection de la vie privée. En effet, le business-model de Facebook repose sur l’exploitation des données personnelles des utilisateurs et a donné lieu à de nombreuses polémiques. Outre sa supposée collaboration avec la NSA, il lui est principalement reproché de ne pas respecter la législation européenne sur la protection de la vie privée ce qui a conduit 25000 internautes à porter plainte en août dernier.

Concernant Facebook et Ebola, la véritable hypocrisie se cache ailleurs. Début octobre, un hacker, étudiant à Stanford, a révélé que Facebook était en train d’expérimenter un système de paiement entre utilisateurs sur son application Facebook Messenger utilisée par 200 millions de personnes à travers le monde. Il est fort probable que les transferts d’argent qui seront effectués grâce au « bouton Ebola » servent en réalité à mesurer la capacité du serveur à les supporter. Facebook cherche donc à investir le marché des transactions monétaires. Cela semble d’autant plus évident que le directeur de l’application Facebook Messenger n’est autre que que David Marcus, ancien PDG de Paypal.
Cette volonté de se positionner comme acteur de l’intérêt général et social au même titre qu’un Etat par son aspect paternaliste et protecteur, est très bien illustré par le slogan de Google depuis 2004 : « Don’t be evil » (« ne soyez pas malveillant » en français). Dans la charte de l’entreprise la plus puissante du monde il est d’ailleurs mentionné « il est possible de gagner de l’argent sans vendre son âme au diable »… En terme de culture d’entreprise, il s’agit du pilier identitaire central du groupe. Le comble du cynisme alors qu’en juin 2013, après les révélations d’Edward Snowden, Google ainsi que Facebook et Microsoft sont accusés de participer au programme d’espionnage de la NSA en livrant des millions de données personnelles relatives à ses utilisateurs. Ce n’est pas un hasard si Larry Page, le PDG de Google, a récemment exprimé vouloir changer de slogan.
Alice Rivoire
Sources :
bbc.co.uk
persee.fr
who.int/fr
lexpress.fr
leparisien.fr
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taxjusticeblog.org
mailactu.net