Société

Du gratuit dans nos vies

La gratuité, à quel prix ? 
Gratuité, « qui est fait, donné ou dont on peut profiter sans contrepartie pécuniaire » (Trésor de la langue française)
La notion de gratuité est aujourd’hui complexe. Difficile d’imaginer quelque chose sans prix. Le donateur et le bénéficiaire font toujours plus qu’il n’y paraît et le gratuit n’est en fait que le premier geste d’une chaîne d’opérations. Les promesses de gratuité sont nombreuses mais bien souvent fausses. Le web ne devait-il pas être un espace gratuit et ouvert à tous où la propriété n’aurait pas sa place et où l’information serait partagée sans contrepartie ? Si nous n’avons pas l’impression de donner quoi que ce soit lorsque nous accédons à un site, la contrepartie est ailleurs puisque les données que nous fournissons gratuitement sont revendues aux annonceurs. La nature est également un domaine où la notion de gratuité se heurte à des enjeux politiques et économiques qui transforment l’environnement en un bien profitable, l’air canadien se vend même à prix d’or … Il est donc difficile de légitimer la place de la gratuité dans un contexte où les mécanismes de la logique marchande sont appliqués à l’ensemble des sphères de la société. Le principe même de gratuité pose des problèmes éthiques. Le geste peut être associé à une forme de charité, le travail non rémunéré à de l’exploitation. L’argent est devenu, en plus d’un système d’échange, un moyen d’affranchissement et de lutte pour l’égalité. Alors même que la notion de marché fait partie de notre quotidien, l’idée d’un service gratuit nous semble étrange et soulève des débats virulents sur la nature humaine et le fonctionnement de nos sociétés.
Si la notion de gratuité est si complexe, c’est parce qu’elle porte en son sein la reconnaissance et la construction d’un lien entre les individus. L’échange non monétaire accorde une place centrale à l’autre. L’individu trouve dans le comportement de don une récompense, et sait que l’action est efficace seulement si les autres se comportent de la même façon. C’est ce sur quoi se fonde l’économie collaborative.
Boutique sans argent, magasin pour rien
On voit fleurir depuis quelque temps différentes pratiques d’économie collaborative à l’image des incroyables comestibles, potagers urbains où les récoltes sont mises à la disposition gratuite de tous, les repairs café où des réparateurs bénévoles aident à réparer certains objets, ou encore les donneries qui permettent aux individus de donner ou de prendre des objets gratuitement.
L’idée de monter une Boutique sans argent à Paris est née suite à la découverte du Magasin pour rien de Mulhouse, premier freeshop (officiel) de France. Tous les freeshop reposent sur un même principe : l’absence totale de transaction monétaire (même de monnaie alternative) ou de troc (on n’échange pas un objet contre un autre). La règle : on donne, on reçoit, rien n’est attendu de vous, vous n’attendez rien des autres. Théoriquement. Car si ce système fonctionne, c’est bel et bien parce que l’homme, consciemment ou inconsciemment, ne peut rester indifférent au don et ressent le besoin de donner en retour. La générosité est contagieuse. Alors oui, au Zigua-Zigua, on insiste sur le fait que ce n’est pas un échange, qu’aucune contrepartie n’est attendue, que c’est un don pur. Mais voilà, pouvoir prendre gratuitement, ça pousse à donner. Si dans un monde où l’argent est roi le manque génère une compétition dans laquelle « moins il y en a pour toi, plus il y en a pour moi », dans l’économie du don, la transmission est primordiale : « tu es gagnant, je suis gagnant, plus pour toi, c’est plus pour moi ». Les gens savent donc que leur don reviendra à eux un jour, sous une autre forme.
« Ce n’est pas du troc, c’est du don. Si vous n’avez rien à donner, vous pouvez tout de même faire un petit tour et peut-être trouverez vous votre bonheur… Tous les objets sont les bienvenus (vête-ments, livres, petits appareils électriques, accessoires, etc.), vérifiez simplement qu’ils soient en bon état, propres et transportables à la main. » (La Boutique sans argent.)
Après avoir développé plusieurs « zones de gratuités » dans différents évènements comme Le Festival des Utopies Concrètes ou le Free Market de Paname, l’association la Boutique sans argent a posé ses bagages dans le 12e arrondissement de Paris, au Zigua-Zigua. Un lieu idéal pour mener à bien leur projet : sortir le quartier de ses logiques égocentriques et consuméristes, créer un lieu à part, rempli de générosité et de partage, lutter contre l’exclusion sociale et économique, et créer une réelle communauté. Ces projets à première vue utopiques ont fait leurs preuves puisque le plus vieux freeshop à été créé au Canada en 1978 et qu’ils n’ont cessé de se développer depuis.
La Boutique sans argent, le magasin pour rien, deux structures qui prônent la décroissance. Mais dans quel but ? Questionner les dérives du système capitaliste, s’émanciper d’un pouvoir capitalisé, récupérer une autonomie d’action, et peut-être, prouver que la place accordée à l’argent n’est que le résultat d’une vieille idéologie, que l’essence des être humains est ailleurs.

Petites boutiques, grandes ambitions
Le projet de la Boutique sans argent s’inscrit plus précisément dans l’économie du don, dont le principe est de nouer des liens sociaux d’autant plus forts qu’ils sont construits sur le don désintéressé. Faire naître une importante reconnaissance vis à vis du donneur, qui va conduire la personne qui a reçu quelque chose à faire un don à son tour.
Dans A circle of gifts, Charles Eisenstein montre que la communauté est impossible dans une société monétisée, parce que la communauté est tissée de dons. Aujourd’hui, plus besoin d’un voisin maçon à qui demander service, puisqu’on a de l’argent pour payer un maçon. Nous n’avons plus besoin des personnes qui nous entourent, mais du savoir faire d’un tiers. Nous devenons donc rem-plaçables. Le Zigua-Zigua, en prenant en compte cette réflexion, va structurer son approche selon le modèle du « cercle de dons ». La boutique sans argent va mettre en place un programme de partage des savoirs et savoirs faire de chacun, et va, dans le même temps, favoriser la création d’une communauté plus forte. Cette communauté serait donc une solution à la fragilisation des liens sociaux. Nous devenons interdépendants à une échelle locale, et non plus dépendants d’inconnus ou d’institutions.
La volonté de recréer du lien social n’est pas la seule préoccupation de ces structures qui sont également impliquées dans la protection de l’environnement. Elles voient dans l’économie du don un moyen de réduire la production de déchet et de ralentir la croissance économique. En réduisant la croissance économique, on réduit les dégradations environnementales, et on protège les biens qu’il reste.
Ces structures veulent montrer qu’il est possible de développer un nouveau type de civilisation, où l’humain serait au coeur. Ces économies alternatives améliorent pour le moment à l’échelle d’un quartier la vie des habitants, s’impliquent pour la défense de l’environnement et remettent en question nos modes de fonctionnement. Trois principes : gratuité, réemploi, solidarité.
Victoire Coquet
Sources: 
Charles Eisenstein, préface au Moneyless Manifesto
Charles Eisenstein, A Circle Of Gifts
http://laboutiquesansargent.org
http://www.mcm-web.org
Crédits images :
http://laboutiquesansargent.org

Stylist
Flops

Portrait d’une femme Stylist ?

 
Lancé au printemps dernier, l’hebdomadaire gratuit Stylist a déjà dû tomber entre vos mains. J’ai exploré ce petit nouveau, et je n’ai pas été déçue.
Pas si nouveau
En effet Stylist vient d’Angleterre, et a été crée par le groupe Short List Media en 2009. Fort de son succès outre manche, le groupe britannique s’est associé au groupe Marie Claire français pour distribuer à travers l’hexagone ce premier magazine féminin gratuit à destination des femmes de 25 à 49 ans. Le magazine tiré à 400 000 exemplaires est distribué tous les jeudis dans dix villes françaises. Il ne risquait pas de passer inaperçu lors de son lancement !
Stylist est un « magazine intelligent destiné au femmes actives et CSP + » déclare Jean-Paul Lubot, directeur général délégué du Groupe Marie Claire. Souhaiteraient-ils donc grappiller le lectorat si fidèle des autres féminins ? Les vilains…
Le gratuit débarque sur un marché où la concurrence se fatigue : Envy c’est fini, BE est passé en mensuel, Grazia mène une bataille des prix qui a obligé le géant Lagardère à réduire le prix de ELLE à deux euros. Dans ces conditions, c’est quand même plus facile.
20 millions d’euros de budget, cela fait peur. Ils prennent de vrais risques et on ne va pas les pointer du doigt pour ça, bien au contraire. Pour ce qui est de leur définition de la femme active, c’est autre chose…
Une belle remise en forme
Quand j’ai ouvert le numéro 25 du 14 novembre 2013 en son milieu, je suis directement tombé sur les pages Mode :

Ma première réaction a été de penser que c’était une campagne pour dénoncer les retouches photos excessives qui tombent presque dans le caricatural et dont on parle si souvent. Je tourne donc les pages pour savoir de quoi il s’agit, et là, à ma grande surprise :
« REMISE EN FORME, la femme active court partout, et c’est en alliant pragmatisme et élégance qu’elle met le monde à ses pieds »
 Je me suis donc bien plantée. Je ne sais pas si elle peut encore courir avec des jambes pareilles ! Pour ce qui est de l’élégance je ne savais pas que l’aspect malingre, presque malade, était chic. On a tous bien compris le jeu de mots et la réalisation originale qui va de pair, mais pourquoi la rendre si mince ? Sa poitrine s’est faite la malle, toute sa chair aussi apparemment et on nous l’expose comme un modèle à suivre, le modèle de la femme « active » qui fait du sport, qui « met le monde à ses pieds » – mais qui manifestement ne mange pas.
Un peu de rêve n’a jamais tué personne
Les magazines féminins ont toujours été là pour nous faire rêver, nous montrer la femme que l’on a envie d’être, celle à qui on a envie de ressembler. Qui a envie de voir dans les magazines féminins Madame tout le monde en maillot de bain ? Pas moi en tout cas.
Ces magazines ont toujours véhiculé une certaine image de la femme moderne. Une image qui s’est transformée à travers le temps, en allant de la femme au foyer à l’entrepreneuse, et en passant par la militante. La femme active moderne est donc, selon le magazine gratuit, avachie sur un tabouret, le squelette apparent ou assise sur un gros ballon. Et elle attend. Cette femme là ne nous fait pas rêver. Le magazine Stylist nous livre ici une banalisation de la minceur plus que choquante et l’expose comme norme de beauté unique. Le NO ANOREXIA choc d’Oliveiro Toscani est bien loin derrière lui.
Stylist nous propose une alternative au modèle de la femme forte selon ELLE, qui peut être un tantinet agaçant – parce que trop forte. Ce nouveau magazine féminin a au moins le mérite d’innover, de nous montrer autre chose. Cependant Stylist présente un modèle à l’autre extrême de celui proposé par ELLE, peut-être serait-il bon de trouver un juste milieu !
 
Sibylle Pichot de la Marandais
Sources :
Stylist.co.uk
« Stylist, le pari féminin gratuit » : Le Monde – 17/04/2013
« Stylist, le féminin qui descend dans la rue » : L’express Styles – 19/04/2013
Crédits photos :
Image de Une : Stylist N°10 du 23 Juin 2013
Tumblr du photographe Jean Pacôme Dedieu

La machine Hug Me de Coca-Cola et Ogilvy située à Singapour dans le cadre de la campagne Open Happiness ou Que du Bonheur
Les Fast

Coca-Cola se met aux Free Hugs

 
Le 11 avril dernier, Coca-Cola et son agence Ogilvy ont encore fait parler de la fameuse bouteille rouge et blanche, source de bonheur intense. Vous vous souvenez sûrement du distributeur de boissons qui a fait tant d’heureux il y a environ deux ans à coups de cadeaux en tout genre.

Cette fois-ci, même pas besoin d’insérer quelques pièces, un câlin et le tour est joué. En effet, Coca-Cola continue de diffuser sa joie avec une nouvelle machine au message explicite (« Hug Me ») installée dans une université de Singapour. Le principe est simple, en échange d’un câlin à la machine on repart avec une cannette gratuite.

Cela laisse imaginer ce qu’un distributeur Durex pourrait nous demander dans le futur…
Get physical !
 
Marion Mons
Source : PSFK.com