Publicité et marketing

Ça se sent, ça se sent…: odorat et branding

« L’odorat, le mystérieux aide-mémoire, venait de faire revivre en lui tout un monde ». Dans Les Misérables, Victor Hugo soulignait déjà les facultés mémorielles de l’odorat, sens souvent délaissé, pourtant si déterminant dans notre manière d’appréhender et de se représenter notre société. Alors que notre vue est sans cesse sollicitée, saturée voire brouillée par un flot d’images en tout genre, entreprises, organisations, marques et collectifs misent sur un nouvel appât : notre nez.
À la découverte du marketing olfactif
Qui n’est jamais entré dans une boulangerie après avoir senti l’odeur de pain chaud et doré qui en émanait ? Quel citadin n’a jamais éprouvé une sensation de profond dégoût dans le métro puant à 9h du matin ? Notre odorat guide inconsciemment nos humeurs, nos affects, certains de nos actes : les professionnels du marketing olfactif l’ont bien compris. Depuis les années 1990, les marques ont développé une nouvelle manière de promouvoir leur univers ainsi que d’attirer et de fidéliser leurs clients. Elles utilisent une véritable signature olfactive, générant une odeur qui leur est propre et qui renforce l’identité singulière de leur enseigne. Nous avons tous à l’esprit l’exemple de la marque Abercrombie&Fitch, qui diffuse jusqu’à l’écœurement son propre parfum (Fierce n°8) dans chacune de ses boutiques. Le but étant principalement d’euphoriser le client et de stimuler l’achat étant donné que « les gens dépensent de l’argent quand ils se sentent bien », faisait remarquer Walt Disney.
La rationalité est alors laissée de côté pour faire place à la perception et à la subjectivité de l’être humain qui est interpellé de manière intrusive par le biais de ses sensations. Parce qu’il met l’accent sur le vécu des individus, le marketing olfactif joue sur le déclenchement d’un processus émotionnel à des fins commerciales. Dans le cadre de ces expériences, le consommateur, qui réclame une offre de plus en plus personnalisée, intègre des informations affectives et développe plus facilement de la sympathie pour la marque en question.
Cette stratégie de marketing sensoriel est souvent utilisée pour favoriser l’expérience client. De nombreuses marques y ont recours pour se classer dans la top liste des « originaux ». En 2014, par exemple, Burger King créait la surprise en mettant en place sa première opération de street marketing, alléchant les babines des passants. L’odeur du hamburger Whopper était diffusée dans un abribus de Madrid par nébulisation (diffusion d’un nuage sec, volatile et écologique).

Le marketing olfactif joue non seulement la carte de l’étonnement, mais aussi celle de l’interaction. L’individu n’est plus le simple spectateur de ce qui lui est donné à voir mais devient l’acteur même de la mise en situation du produit. Ce n’est pas uniquement son esprit mais bien son corps qui est intimement appelé à prendre part au processus communicationnel. En témoigne la création d’un guide touristique olfactif par la ville de York (Angleterre), qui recense les parfums emblématiques de la région. Chacun est invité à découvrir des senteurs de thé, de chocolat, de champs de lavande de rues ou encore de crottin de cheval en plongeant son nez dans le livret.

Le cas du parfum
S’il existe un secteur qui a su mettre à profit notre sens olfactif, c’est bien celui de la parfumerie. Tantôt accessible, tantôt hors de prix, le parfum est associé à un produit de luxe dans l’imaginaire collectif. Il renvoie le plus souvent à un idéal fascinant, que chaque consommateur est désireux d’approcher. Guerlain a su jouer sur cette ambivalence et cerner son client, tiraillé entre volonté d’affirmation de soi et désir de ressembler à cet autre qui n’existe pas.

Dans ce cas précis, le marketing olfactif est la condition même de l’existence du produit et se mêle jusqu’à notre peau. La diversité des flacons, des senteurs, des appellations pourrait nous faire croire qu’un des produits peut correspondre à notre identité et renvoyer aux autres le caractère unique de notre personnalité. Or, la seule odeur qui ne soit vraiment nous, c’est la nôtre.
Kalain, une entreprise normande, s’est emparée de ce constat afin de produire des parfums qui porteraient des odeurs corporelles uniques. L’idée est née du manque que la créatrice a éprouvé, suite au décès d’un être cher. Sur son site, la start-up propose des coffrets pour « combler une absence temporaire » ou bien « définitive ». La commercialisation de nos propres odeurs (le flacon est vendu à la modique somme de 560 euros) semble en dire long sur notre rapport au temps.
Nos sens sont alors quelque part instrumentalisés au profit d’actions communicationnelles et commerciales. Les marques ne vont-elles pas trop loin lorsqu’elles font de notre corps un nouvel outil marketing ? Gare à votre nez !
Émilie Beraud
LinkedIn
Sources :
France Culture, La Philosophie de l’odorat, 2010
Marketing Professionnel, Branding sensoriel, le nouvel atout des marques, 2009
Midis, Burger King diffuse l’odeur de son Whopper dans un abribus, 2015
http://www.visityork.org/first-smellyork.aspx
Huffington Post, Reconstituer l’odeur d’une personne décédée ou absente sous forme de parfum, le projet d’une entreprise normande, 2015
Crédits photo :
http://www.guerlain.com/fr/fr-fr
http://www.visityork.org/first-smellyork.aspx
http://www.midis.com/blog/burger-king-diffuse-odeur-de-son-whopper-dans-un-abribus
 

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la légende de Shalimar
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Jacques a dit : Shali-marre !

 
Le court-métrage de Guerlain, autour du parfum Shalimar, ne charme pas aussi bien que son légendaire élixir.
Le réalisateur, Bruno Aveillan, est également l’auteur du  court-métrage publicitaire de Cartier, l’Odyssée, dont les ficelles reposaient déjà sur le thème du voyage mythique, voire mythologique. Mais quand celui-là a émerveillé, celui-ci exaspère.  La Légende de Shalimar provoque lassitude et énervement chez le public, que relaient à leur tour la presse et les réseaux sociaux. Une « Publicité nommée dégoût », titrait un article du Figaro en ligne,  dont le ton irrévérencieux a provoqué une censure de la part de la ligne éditoriale… officiellement du moins. Toujours est-il que Guerlain titre ladite publicité, sur le format papier, de « plus belle histoire d’amour de tous les temps ». On croirait lire une hyperbole enfantine.
C’est ici que le bât blesse : le public est saturé par ce trop-plein d’inédit, auquel s’ajoutent la dimension charnelle du mini-film, l’exaspération devant le coût démentiel de sa production, parfois plus élevé que celui du « vrai film » qu’il précède, la durée de 5 minutes et 46 secondes,  soit une éternité pour un film à visée publicitaire, doublés pour certains d’un caractère sexiste.
Mais le grief majeur imputé à Guerlain, provoquant l’ire des cinéphiles, est selon eux de souiller par sa vulgarité commerciale le monde du cinéma, infligeant de plus aux spectateurs un supplice du déjà-trop-vu. D’autant plus que le court-métrage s’impose chaque jour dans les salles, sur sa période de diffusion.
Ainsi la marque imite-t-elle le support médiatique qu’est le film de cinéma. Ce support est un terreau d’imaginaire, propice au rêve, et idéal pour les marques en général puisque le public est ici offert en pâture, sans télécommande pour zapper, bien installé sur un strapontin qu’il a payé pour occuper. La réception est alors a priori positive, puisqu’elle s’inscrit dans un contexte de détente, communément valorisé.
Mais Guerlain fait plus que s’insérer dans les salles, puisqu’il imite, mélange les contours de sa publicité avec ceux d’une production cinématographique. L’objectif est de tromper l’horizon d’attente du public, le spot-film intervenant une fois les lumières éteintes, sur un espace réservé non plus aux annonces… mais aux bandes-annonces.
Guerlain brouille davantage les pistes, car La légende de Shalimar, comme pour toute sortie de film, crée justement l’attente par deux bandes annonces successives, ainsi qu’une avant-première, fait même l’objet d’un article sur Allocine et enfin s’offre la BO d’un monstre sacré de la musique cinématographique : Hans Zimmer.
Le paradoxe est celui-ci : Guerlain, voulant jouer avec la stratégie de dépublicitarisation (voir ci-dessous), c’est-à-dire de camouflage, provoque un effet de surpublicitarisation : la publicité, qui se veut délicate et raffinée, a du mal à se faire digérer. Cuit, cuit, cuit et re-cuit.
Sibylle Rousselot
Sources :

http://www.vodkaster.com/actu-cine/cinema-Shalimar-pub-de-merde-Guerlain-3500
Concept de « dépublicitarisation » du GRIPIC du Celsa

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Quand y'en a marre, y'a Shalimar

 
Le 25 septembre, les spectateurs pouvaient découvrir la nouvelle campagne de publicité de Shalimar intitulée « La Légende de Shalimar ». Le film s’inspire de la vie de la princesse indienne Mumtaz Mahal pour qui l’époux fit construire le Taj Mahal. Ici, Natalia Vodianova l’égérie de Shalimar qui n’a rien d’une princesse indienne (ni elle, ni le prince, ni les paysages ne sont réellement indiens), reçoit à la fois le Taj Mahal et du parfum. Vous avez dit sexiste ? Si ce n’était que ça.
 « Shalimar m’a tuer ». Cordialement, le Cinéma.
Cette publicité marque l’acmé du mélange des genres. La publicité prend de plus en plus de place dans les salles, les bande-annonces se mêlent aux marques de boissons et de food. En plus de profiter de l’architecture de la salle de cinéma, de ses installations audio et vidéo et d’un univers imaginaire, la publicité emprunte au cinéma ses codes. Après Zorro, Bruce Lee, Cendrillon, voici « La Légende de Shalimar » : court-métrage voguant sur les talents nouvellement incroyables de Vodianova, révélée au cinéma par le flop « Belle du Seigneur ». La publicité possède même une affiche qui reprend les codes de l’œuvre cinématographique.

Pour ce faire, Shalimar a cassé sa tirelire : 4 millions d’euros, soit 11 000 euros la seconde, « ce qui signifie que si vous la voyez en ce moment avant ‘Miele’, ‘La Bataille de Solférino’ ou ‘Alabama Monroe’ , le film pour lequel vous avez payé votre place aura coûté beaucoup moins cher. » comme le montrent nos confrères de Rue 89. 4 millions d’euros sont nécessaires à cette prise d’otage du spectateur pendant presque 6 minutes, format inhabituel au cinéma.
 
Steven Clerima
Sources :
http://www.rue89.com/2013/09/26/pub-shalimar-guerlain-insupportable-interminable-246093