Médias

Comment médiatiser le féminisme ? Le cas Femen.

Le 25 janvier dernier éclatait le « PenelopeGate », l’affaire de l’emploi fictif dont aurait bénéficié Pénélope Fillon auprès de son mari, le candidat Les Républicains à la présidentielle, lorsqu’il était alors parlementaire. Le lendemain de la sortie du Canard Enchainé, qui a révélé le scandale, « Femen » publie sur Facebook une lettre à l’humour corrosif « en soutien » à la principale intéressée, lançant les hashtags #supportPénélope et #bringbackmyjob (référence au #bringbackourgirls, soutien aux lycéennes nigériennes enlevées par Boko Haram en 2014).

Un moyen humoristique de rappeler les combats du féminisme au 21ème siècle, dans un monde où Donald Trump occupe le bureau ovale, où la Russie dépénalise les violences faites aux femmes et où une des rares candidates à l’élection présidentielle en France n’est autre que la représentante d’un parti patriarcale souhaitant revenir sur les droits fondamentaux des femmes. Face aux périls, et si « la femme est l’avenir de l’homme », quel est l’avenir de la communication militante et féministe ?
Petite histoire du féminisme.
Le féminisme naît véritablement à la fin du 19ème siècle avec le mouvement des suffragettes – qu’on nomme également a posteriori « première vague du féminisme » – revendiquant le droit de vote pour les femmes. La « seconde vague » sera celle de la revendication de la liberté du corps de la femme. L’IVG représente l’une de ses plus grandes victoires. Au cours des années 80, on arrive à la « troisième vague ». Le féminisme élargi ses combats en défendant les minorités ethniques et sexuelles autour du concept d’ « intersectionalité », développé par Kimberlé Crenshaw. Par cette ouverture, l’idée est de se débarrasser du concept de « femme » beaucoup trop essentialisant pour aller vers une compréhension ouverte des individualité. Les différentes vagues du féminisme sont marqué par un activisme s’illustrant par des manifestations pacifique mais aussi l’usage de la violence tant physique que symbolique pour mettre en lumière leurs revendications. Actuellement, nous serions dans un quatrième moment, inscrivant les combats des anciennes vagues dans la logique « accélérationniste » pour moderniser et développer la médiatisation à l’heure des nouvelles technologies de l’information et de la communication de la cause féministe. Maintenant qu’on est au clair sur l’histoire, penchons nous sur la communication des Femen.
Les Femen, une communication a double tranchant.
Les Femen, une communication a double tranchant. « Les manifestations qui réussissent ne sont pas nécessairement celles qui mobilisent le plus de gens, mais celles qui intéressent le plus les journalistes. […] cinquante personnes astucieuses, capables de faire un happening réussi qui passe 5 minutes à la télévision, peuvent avoir autant d’effet politique que 500 000 manifestants ». Les Femen répondent parfaitement à cette « loi des médias » proposée par Bourdieu avec leurs actions où elles apparaissent seins nus, le corps recouvert de slogans, dans l’Église de la Madeleine à Paris en 2013, ou encore lors du meeting du Front National le 1er mai 2015. Un féminisme « pop », s’inscrivant dans le « sextrémisme », néologisme mélant « sexe » et « extrémisme » pour décrire ce nouveau féminisme qui n’hésite pas à employer des méthodes particulières comme l’utilisation du corps féminin, qu’on nomme également « Riot Grrrl ». Elles utilisent la provocation, la moquerie ainsi que l’auto-dérision dans des moments et des lieux stratégiques pour relayer leur revendication principale : dé-sexualiser le corps féminin pour en faire un corps politique à l’égal de l’homme. C’est là qu’il y a un hic. Car en manifestant seins nus, elles utilisent la même logique que la publicité, se servant du corps féminin comme support d’un message. D’où le bashing dont elles sont victimes. Elles sont ainsi critiquées et perçues comme des filles sans message qui ne font qu’exhiber un corps dont elles sont fières. Les féministes « anti-femen » s’indignent donc, dénonçant l’utilisation de la beauté et du corps sexualisé pour critiquer les actions des Femen, argument qu’elles entendent justement démonter. Au fond, les anti-femen sexualisent la provocation de Femen. Paradoxe quand tu nous tiens ! Alors dénonciation d’un système ou asservissement ? FastNCurious vous laisse vous faire votre avis. Reste que le message derrière le médium ne semble plus audible. Ce qui pose problème pour le militantisme quand on considère que « le message, c’est le médium ». McLuhan viens nous en aide ! On rappelle ici que Femen ne fait pas que des happenings. Conférences, débats, livres, campagnes sur les réseaux sociaux, le mouvement utilise tous les moyens de communication disponibles pour sensibiliser sur la question féministe.
#SUPPORTPENELOPE

La nouvelle campagne de Femen remet au coeur de la campagne la question féministe, invisible dans les programmes des candidats. Au point où Libération a publié le 7 février dernier une tribune d’un collectif de citoyen et d’élus pour appeler les candidats Mélenchon, Jadot et Hamon à entendre la voix des femmes. Et #SupportPénélope de rappeler le rôle émancipateur du travail pour tout individu. On notera cette phrase de Femen : « si jamais, un jour, une de tes filles veut avorter, auras tu seulement les moyens de lui acheter un cintre ». L’humour noir pour dénoncer le recul du progrès face aux politiques misogynes et conservatrices. Petit rappel que nos droits fondamentaux sont toujours à défendre. Choquer ou ne pas choquer, reste qu’il faut communiquer pour prolonger la cause féministe.
Charles Fery
Crédits photos :
– photo de Femen sur Facebook
– lettre de Femen #supportpénélope sur Facebook
– dessin Luz publié dans Charlie Hebdo le 6 mars 2013
Sources :
– page Facebook Femen https://www.facebook.com/femenmovement/?fref=ts
– Julie Mazuet, #Supportpénélope: Les Femen « soutiennent » Penelope Fillon, lefigaro.fr, publié le 30/01/2017, consulté le 06/02/2017. http://madame.lefigaro.fr/societe/supportpenelopepenelopegate-les-femen-soutiennent-penelope-fillon-300117-129452
– RTBF, publié le 06/03/2013, consulté le 06/02/2017 https://www.rtbf.be/info/societe/detail_femenla-troisieme-vague-du-feminisme-aux-seins-nus-est-partie-d-ukraine?id=7942852
– Mona Cholet, Femen partout, féminisme nul part. Le Monde Diplomatique, publié le 12/03/2013, consulté le 06/02/2017 https://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2013-03-12-Femen

Agora

Hamon, la stratégie du papillon

« S’il vaut mieux être aimé que craint, ou être craint qu’aimé ? On peut répondre que le meilleur serait d’être l’un et l’autre. Mais, comme il est très difficile que les deux choses existent ensemble, je dis que, si l’une doit manquer, il est plus sûr d’être craint que d’être aimé. »
– Machiavel, Le Prince, Chapitre XVII
Cette équation semble se vérifier encore de nos jours au fil des élections. Un exemple : en Novembre 2016, un sondage IFOP pour Psychologies Magazine donnait Alain Juppé comme la personnalité politique « la plus gentille » parmi les candidats alors déclarés à la présidentielle. Le 14 Décembre, il était largement battu lors des primaires LR par le représentant de la droite sans compromis, François Fillon. La gentillesse serait-elle condamnée à être vue comme faiblesse dans l’imaginaire politique ?