Société

Rendez-nous Heidi !

 
Klum et consorts pourraient bien réintégrer les pages du magazine féminin allemand Brigitte, alors qu’elles avaient pourtant été déclarées persona non grata par la rédaction il y a maintenant trois ans, annonçant alors le règne tant attendu de la fille normale sur les couvertures de magazine. Un état de grâce qui n’aura pas duré…
Revanche de la girl next door sur la cover girl
Pourtant c’était une petite révolution qu’avait lancé Brigitte en systématisant le recours aux « femmes de la rue » pour remplacer tous les mannequins dans leur publication. Et on aurait pu croire à un succès phénoménal pour ce magazine qui était le premier à répondre a ce qui semblait être une demande de plus en plus pressante de la part du lectorat féminin. A l’époque, la rédactrice en chef du magazine déclarait que «Les leçons de style n’étaient plus l’apanage des designers. Tout comme les mannequins ne sont plus les seules à incarner l’idéal de la beauté. »
Depuis quelques années, un discours de plus en plus prégnant s’est développé pour dénoncer l’inadéquation totale entre ces « modèles » qui peuplent nos magazines et des lectrices en mal d’identification. Pis, si l’on a reproché pendant longtemps au top leurs mensurations de rêves, installant un sentiment de frustration mêlé à un soupçon d’envie bien connue chez la lectrice de féminins, le débat a pris une tournure plus essentielle quand les mannequins se sont faits de plus en plus décharnés, et que la dimension onirique a laissé place à celle, plus pragmatique, de la santé.
Bref, cette nouvelle politique éditoriale avait tous les ingrédients pour faire un hit ; l’éclectisme, la représentativité et le rêve réhabilité. Voilà pourquoi on aurait pu aisément prévoir un avenir radieux à ce féminin embrassant les préoccupations premières de ses lectrices et pour qui la force principale était d’être unique en son genre.
Au royaume de la demi-mesure, où le blabla est roi
Mais cela, c’était sans compter cette légendaire hypocrisie qui caractérise si souvent ce milieu. Car la girl next door allemande avait plus l’air normé que normal : chassez le naturel, il revient au galop et les plaintes des lectrices se sont multipliées en voyant des femmes aux mensurations proches des canons standards réinvestir leur chère Brigitte.
Ce cas n’est pas sans rappeler un autre exemple où la langue de bois est manifeste et qui pourrait quasiment constituer un sujet de mémoire tant elle s’inscrit dans un rapport particulier : les rondes et le féminin (entendre le magazine).
Car on en est presque à se demander de qui les rédacteurs se moquent, prétendant partout que les mentalités évoluent et que le milieu change, brandissant à envie leur –unique- numéro « Spécial Rondes » comme leur BA de l’année.
Et au grand Karl de se muer prophète…
Alors voilà, les ventes ont baissé, pas les coûts : car la fille normale c’est un peu un boulet pour le féminin : elle peine à poser (et oui, son manque de professionnalisme –prévisible- se paye cher), sans compter qu’elle n’a pas d’agent (et que le mannequin de rue, et bien, ça ne se trouve pas sous les sabots d’un cheval) et résultat c’est Brigitte qui paye sa grande mansuétude et fait, finalement, machine arrière…
Finalement c’est Karl qu’on aurait dû écouter dès le début, car lui, l’échec de Brigitte, il l’avait prévu puisque selon lui : « Le corps « mode » aujourd’hui, c’est une silhouette faite au moule, d’une étroitesse incroyable, avec des bras et des jambes interminables, un cou très long et une très petite tête. Il ne faut pas avoir d’os trop larges. Il y a de choses qu’on ne peut pas raboter. ».
Si c’est ça la mode, alors … !
 
Marie Latirre