Société

La rumeur technologique

 

Mediapart et Libération se sont récemment entrechoqués en marge de l’affaire Cahuzac. Le premier reprochait au second d’avoir voulu générer de l’audience en relayant une rumeur ; rumeur selon laquelle Laurent Fabius aurait eu un compte à l’étranger. Mediapart a vertement critiqué son homologue papier pour ce manque flagrant de professionnalisme, et en vertu d’une déontologie journalistique.
On peut alors s’étonner, dans les médias plus spécialisés sur les nouvelles technologies, que la rumeur, bien loin d’être honnie, fournit massivement du contenu et génère une audience considérable.
Très nombreux sont les sites d’actualité qui, comme Zdnet, Cnet, Monwindowsphone, Macg, Frandroid, Consomac et bien d’autres relaient des rumeurs sur les produits à venir.
Il ne s’agit pas ici de remettre en cause le travail que font quotidiennement les journalistes de ces différents sites, mais plutôt de s’interroger sur l’importance de la rumeur dans le marché des nouvelles technologies. Une importance telle que les journalistes hi-tech anticipent sur les faits et les informations. On ne compte plus le nombre d’articles qui débutent par « Une information à prendre avec des pincettes ».
Apple depuis plusieurs années, mais aussi Samsung plus récemment, font l’objet de rumeurs insistantes à l’approche de la sortie d’un nouvel appareil. On observe d’ores et déjà quantité de rumeurs circulant au sujet de l’iPhone 5S, comme il y en avait eu pour le Samsung Galaxy SIII et le Samsung Galaxy S4. On connaît bien la volonté de discrétion d’Apple, qui compte sur l’effet de surprise quand elle dévoile ses produits. Il devient alors facile d’envisager tout l’intérêt de la rumeur : information et non-information, elle simule une incursion derrière la barrière du secret érigée par l’entreprise. Recevoir cette information, c’est entrer dans un cercle de privilégiés, faire partie du petit nombre qui dispose avant tout le monde d’informations censées demeurer cachées.
Par le biais de la rumeur, l’entreprise technologique génère une attention médiatique gratuite : puisqu’il s’agit de rumeur, elle n’a aucune obligation de réaction, n’a aucune obligation d’être à la hauteur des innovations qu’on lui a prêtées. Sans engager ni sa réputation ni son image, et de surcroît à peu de frais, Samsung, Nokia, Google, Apple ou Microsoft attirent vers eux tous les regards.
Dans le cas de l’affaire Cahuzac, une rumeur est le degré zéro de l’information, la honte du journalisme professionnel, le signe d’une déontologie entachée et trop peu respectée. Dans le cas de l’iPhone, une rumeur est un outil aussi banal qu’efficace, aussi journalistique que commercial. Relayer la rumeur c’est se montrer toujours en pointe sur l’information, toujours aux premières loges. La rumeur est le support évident et incontournable d’une industrie technologique toujours en quête de vitesse et de surprise. La surprise fait partie de l’ADN de l’informatique : quand le monde change comme il a changé ces trente dernières années grâce aux ordinateurs et à Internet, quand chaque avancée semble un pas de géant, comment pourrait-il en être autrement ? On simule de toute part une révolution, un changement majeur, le prochain tournant décisif, ou, pour reprendre une phrase révélatrice de ce marketing irrésistible : « The Next big thing ».
Au-delà de la question journalistique, la rumeur fait partie de ce système construit tout entier autour de la révolution. Et quelle déception quand on n’assiste qu’à une « évolution » !
L’homme s’habitue à tout, même aux changements les plus radicaux, même aux bouleversements les plus extrêmes de son quotidien. Il est aujourd’hui à ce point habitué aux merveilles technologiques qui l’entourent, qui sont parfois de véritables bijoux d’inventivité, d’intelligence, d’esthétique, qu’il en oublie les extrêmes difficultés que l’on rencontre parfois en amont : il suffit de regarder un iMac aujourd’hui. Au-delà du traditionnel débat PC/Mac, au-delà des sensibilités au matériel ou au logiciel, c’est indéniablement une machine magnifique, résultats de dizaines d’années de travaux complexes, d’une rage de l’esthétique certaine aussi.
Mais l’on connaît aujourd’hui une terrible accoutumance, et la rumeur est là pour maintenir cette euphorie et cette émerveillement, empêcher à tout prix la banalisation trop rapide.
Et, c’est là une opinion strictement personnelle, ce n’est peut-être pas plus mal. Il est toujours bon de s’émerveiller de ces inventions extraordinaires qui bouleversent chaque jour un peu plus notre quotidien, qu’il s’agisse d’un téléphone, d’une tablette, d’un GPS, ou d’une « simple » clef USB…
S’émerveiller, oui, mais sans naïveté : la technologie est une chose formidable, fascinante autant qu’inquiétante. La regarder pour ce qu’elle est, un ouvrage extraordinaire, n’occulte pas les dérives qu’elle peut connaître et que j’incite chacun à surveiller.
 
Oscar Dassetto
Crédits photo : ©2008-2013 =Hades-O-Bannon

Société

Poker en ligne : une évolution high tech

 
Depuis l’ouverture du marché des jeux d’argent à la concurrence, le poker en ligne a le vent en poupe. Les principales salles françaises (Pokerstars, Winamax…) rivalisent d’ingéniosité pour attirer, à grand renfort de publicités, les joueurs débutants qui ont simplement envie de passer un bon moment.
Mais même les salles qui ont obtenu l’agrément de l’ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux en Ligne) ne peuvent pas protéger les amateurs contre le comportement de certains joueurs… Et les outils high tech qu’ils utilisent.
Les initiés le savent : dans une salle de poker en ligne, il y a les fishs et les sharks. Les fishs (les poissons) sont les débutants ou les joueurs qui perdent souvent. Évidemment, ils constituent une proie facile pour les sharks (les requins) qui ont de l’expérience et un solide équipement pour améliorer leur niveau de jeu. Ils peuvent alors s’enrichir très vite sur le dos de ces amateurs qui ont le malheur de croiser leur route…
Car désormais, être un bon joueur ne suffit plus pour gagner dans les tournois en ligne. En quelques années à peine, des évolutions technologiques de pointe sont venues considérablement transformer la façon de jouer sur la toile. Et ceux qui sont équipés disposent d’un avantage de taille : leurs logiciels vont analyser le comportement de leurs adversaires et  livrer des statistiques qui peuvent être très habilement exploitées.
Un outil comme Poker Tracker, par exemple, va permettre de compiler et d’analyser l’historique des parties et de livrer des indications sur les habitudes de jeu dans le but d’optimiser les chances de gagner. Le joueur dispose non seulement des informations sur son propre jeu, afin de s’améliorer et de continuer à progresser, mais il va obtenir des données sur tous les pokéristes qu’il va affronter.
Résultat : quand son adversaire modifie sa façon de jouer (il prend subitement des risques, il met plus de temps à se décider…), il le sait aussitôt et il peut alors deviner plus facilement s’il a une grosse main ou s’il tente un coup de bluff.
Les salles de poker en ligne ont dû s’adapter assez vite à ces nouvelles pratiques pour anticiper et contrer les dérives. Il y avait par exemple des outils qui permettaient à plusieurs joueurs de s’allier ensemble pour en « plumer » un seul. Ou même de tout savoir sur un joueur avant de se mesurer à lui lors d’une partie, ce qui donne forcément un avantage significatif. Certains logiciels figurent désormais sur une « liste noire » et sont formellement interdits.
L’autre bête noire des salle de poker et des joueurs honnêtes, ce sont les robots (souvent appelés les « bots ») de poker. Concrètement, il s’agit de programmes informatiques conçus pour jouer seuls à la place des joueurs. Certains joueurs de poker se sont ainsi fait attaquer par des machines contrôlées par des hackers peu scrupuleux, notamment dans des parties en limit (c’est-à-dire que le montant maximum de la mise est plafonné pour chaque tour d’enchère).
Là encore, les opérateurs en ligne ont réagi rapidement pour offrir aux joueurs une sécurité optimale.
Mais il n’en reste pas moins que jouer au poker via un robot, à partir du moment où certaines règles sont respectées, n’est nullement répréhensible. Par exemple, il existe plusieurs robots dont le but est de permettre de tester votre stratégie et de vous contrer efficacement pour améliorer votre technique. Dans le genre, le lancement de Neo Poker Bot montre que l’intelligence artificielle est devenue véritablement performante.
Dans les années à venir, le poker en ligne devrait donc continuer à évoluer pour devenir de plus en plus qualitatif et technique. Les joueurs qui voudront s’inscrire dans des parties et des tournois devront être suffisamment expérimentés et équipés pour avoir une réelle chance de gagner.
Conscientes de l’enjeu, qui risque de rebuter beaucoup de joueurs, certaines salles commencent à tester de nouvelles mesures pour séparer les joueurs et les répartir en deux groupes : les gagnants réguliers d’un côté et, de l’autre, les perdants réguliers ou les novices. Histoire d’éviter que les sharks ne finissent par dévorer tous les fishs. Mais rien ne garantit la pérennité de ce système : les joueurs confirmés et réguliers sont aussi ceux qui dépensent le plus et ils ont clairement fait part de leur mécontentement…
 
Benjamin Durant