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Benefit, Too Faced, the Balm, Buly… : le rétro-marketing des cosmétiques

Le 1er avril 2014, Paris a vu renaître la boutique Buly (anciennement Bully) rue Bonaparte, près des quais de Seine. Ramdane Touhami, touche-à-tout du monde de la mode et de la parfumerie (qui a notamment créé une marque de parfum, deux marques de vêtements et a révolutionné l’univers de la bougie chez Cire Trudon) et son épouse Victoire de Taillac, blogueuse beauté de référence, ont fait renaître de ses cendres la très ancienne officine apothicaire du parfumeur parisien phare du XIXe siècle : Jean-Vincent Bully. Son travail en cosmétique et en parfumerie avait à l’époque fait de la France le centre de l’Europe en matière de beauté.
Selon ces (nouveaux) créateurs, l’objectif est avant tout de faire de très bons produits à l’aide des secrets de beauté traditionnels du monde entier : de la poudre de Yunohana japonaise à l’huile de fruit d’açai d’Amazonie, tout y est pour satisfaire les besoins du client qui cherche l’efficacité des produits cosmétiques contemporains mais sans parabens, phenoxyetanol ou silicone, et fidèles aux recettes anciennes. Ce phénomène est ainsi conforme à la tendance du marché qui promeut le retour à davantage de « naturel » dans les produits. Mais Buly se distingue surtout par un marketing vintage extrêmement pointilleux : des noms de produits surannés (pommade concrète, eau rectifiée, opiat dentaire) sur des flacons en porcelaine pastels et décorés de scènes bucoliques, aux tubes en aluminium dont le packaging, minutieux jusqu’aux bouchons, nous fait penser à nos (arrières) grands-mères, en passant par les étiquettes calligraphiées des flacons de parfum : tout semble venir droit du siècle d’or de la beauté en Europe. Et malgré le grand écart qui semble apparaître entre la commercialisation de produits exotiques mais d’origine naturelle, et le marketing très « chic à la française », on retrouve une certaine unité dans la démarche de la marque : la recherche absolue de l’authentique.

Et même la boutique semble d’époque ! Pourtant, il y a encore quelques mois, elle n’était qu’une galerie d’art aux murs et au sol entièrement vierges. Chaque détail du magasin a été minutieusement « marketé » vers une tendance haut de gamme : robinet en bec de cygne anglais chiné chez un collectionneur, grands comptoirs recouverts d’un marbre rare, pierres de Toscane au sol, meubles élaborés comme au XVIIIe, portraits de beautés anciennes prêtés par la famille de Taillac ornant les murs… Tout est fait pour que le client soit plongé dans l’authenticité de l’univers du haut de gamme cosmétique et chic à la française.

Cosmétiques et vintage : une grande histoire d’amour
Le marketing vintage – ou rétro-marketing – n’est pourtant pas nouveau dans le secteur des cosmétiques. De nombreuses enseignes, telles que Too Faced, Benefit ou the Balm en ont fait un argument de vente, et même une part essentielle de leur identité de marque.
Palettes de fards à paupière Too Faced

Une partie de la gamme de produits The Balm
Si la nostalgie est clairement devenue un facteur marketing puissant, c’est qu’en période d’incertitude, elle renvoie le consommateur à des valeurs sûres. Buly choisit de s’inscrire dans la grande tradition de la parfumerie française du XIXe, alors que ses concurrents tournés vers le grand public font le choix de s’inspirer des années 50 et 60, des Trente Glorieuses, perçues comme une ère de prospérité et de bonheur. Dans un monde où l’inquiétude domine, la marque et son produit deviennent les symboles d’une époque plus rassurante. En outre, l’esthétique publicitaire et marketing de ces années est d’autant plus vendeuse aujourd’hui qu’elle est positivement connotée : très vite sont convoquées des figures emblématiques de la beauté et de la mode telles que Marylin Monroe ou Brigitte Bardot. On retrouve également ce type de représentations dans des séries telles que Mad Men, dont le dress code inspire de nouveau (les créateurs de Louis Vuitton autant que Mattel et la Barbie Mad Men). Ces codes esthétiques donnent à voir des couleurs pastels réconfortantes ou des couleurs vives symboles de joie et de bonne humeur – à l’exact opposé de la période « grise » que nous connaissons actuellement. Toujours au service de l’identité de la marque, le « rétro-marketing » est également mobilisé lors d’actions ponctuelles : Bourjois a ainsi réédité à l’occasion de son 150e anniversaire en 2013 sa mythique poudre de riz de java, s’ancrant à la fois dans cette tendance du marketing de l’authentique et réaffirmant dans le même temps sa légitimité dans le monde des cosmétiques.

Il reste cependant un élément important à souligner: comme l’explique Dominique Lévy-Saragossi, directrice générale d’Ipsos marketing France, « il y d’ailleurs une chose amusante : nous sommes nostalgiques d’une époque qui avait les yeux braqués sur nous. ». En effet, si nous nous tournons aujourd’hui vers les publicités et le marketing des Trente Glorieuses (au-delà même des cosmétiques : il suffit de voir que Perrier a rediffusé ses publicités les plus connues plus de 25 ans après leur création), il ne faut pas oublier que la publicité de l’époque s’efforçait alors d’imaginer le téléphone de l’an 2000, la voiture de l’an 2000, voire la ménagère de l’an 2000 ! Du futurisme publicitaire d’antan au rétro-marketing actuel, ou quand la communication retourne vers le futur…
Léa Lecocq
@: Léa Lecocq
Sources :
Le Supplément de Canal +
ispsos.fr
gestion.he-arc.ch
buly1803.com
next.liberation.fr
obsession.nouvelobs.com
Crédits images :
benefitcosmetics.com
d210vlyat54t3c.cloudfront.net
referentiel.nouvelobs.com
generationcosmethique.com
missbudgetbeauty.co.uk
bourjois.fr

Apple - Think different
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Apple : Comment rester cool en vendant plus que Microsoft ?

 
Apple est parvenue depuis sa création en 1976 à s’imposer comme une marque haut de gamme à la fois branchée et élitiste. Fruit d’une stratégie marketing admirablement conduite, cette constitution d’une véritable marque de luxe spécifique au secteur informatique semble aujourd’hui en péril du fait de son vaste succès commercial. Ainsi, durant le dernier quart 2013, et pour la première fois de son histoire, Apple a presque vendu autant de terminaux que Microsoft[1].
Apple peut-elle garder son image élitiste alors même que son succès commercial est tel qu’il tend à banaliser sa marque, l’éloignant de la hype au profit du mainstream ? A quel revirement s’attendre de la part de la firme ?
Le délicat rapport entre maintien l’exclusivité et popularité
Prix élevés, design distinctif, et identité de marque forte sont autant de composantes de la stratégie d’Apple, laquelle se retrouve chez l’ensemble des acteurs du luxe. Toutefois, pareille stratégie n’est a priori viable que dans une situation de maintien de l’exclusivité, qui actuellement s’effrite au profit d’une popularité croissante.

Comment Apple peut donc faire pour rester une marque spéciale, alors qu’elle se démocratise ?
Deux alternatives semblent s’offrir à la firme de Cupertino :
1. Solution radicale, limiter cette démocratisation en augmentant drastiquement les prix et en supprimant le paiement en plusieurs fois, de sorte à devenir une pure marque de luxe.
Jugé illogique en termes de rentabilité et de pénétration des marchés émergents, ce choix n’a manifestement pas été retenu par Apple.
2. Segmenter l’offre de la marque en proposant de nouveaux produits plus accessibles, tout en conservant ceux qui ont fait son succès.
Segmenter l’offre entre luxe et entrée de gamme
Si la firme continue en effet toujours à produire du très haut de gamme, à l’image du nouveau Mac Pro proposé entre 3 000 € et 9 600 €, Apple s’est également engagée sur un terrain qui lui était jusque-là inconnu : le développement de produits plus abordables, et la baisse significative des prix de ses produits postérieurement à leur lancement.
Cette solution permet, intérêt non négligeable, une meilleure pénétration des marchés émergents pour lesquels Apple a de grandes ambitions, mais rencontre de sévères difficultés. Autre avantage : celui de gêner à l’échelle mondiale l’ensemble de ses concurrents en proposant des produits aux prix plus proches des leurs. Une telle stratégie n’est toutefois pas sans risques.
Le risque principal est indubitablement de voir Apple se banaliser au point de perdre sa fonction de distinction sociale : l’ensemble de son offre en souffrirait considérablement, ce qui profiterait immédiatement à Google en particulier, qui a su se constituer également une image jeune et innovante.
L’iPhone 5C, acte de naissance d’une stratégie nouvelle ?
Bravant ce risque, Apple a procédé à de multiples baisses de prix et surtout, a lancé l’iPhone 5C. Alternative plus abordable à son homologue haut de gamme, ce modèle n’a toutefois pas rencontré le succès escompté[2], comme le montre le graphique ci-dessous présentant le taux d’usage actuel des différents iPhones, mesuré par Fiksu.

Il serait cependant hâtif de conclure à l’inconvenance de cette stratégie. Ces mauvaises ventes de l’iPhone 5C semblent davantage liées à des erreurs dans la manière dont ce produit a été marqueté : prix trop proche de son homologue 5S et spécifications techniques largement identiques à celles de son prédécesseur l’iPhone 5 ne sont pas étrangères à la mésaventure du terminal.
Apple pourrait rogner davantage sur ses marges afin de proposer un prix de vente plus bas pour ses terminaux entrée de gamme. Cependant est-ce vraiment dans son intérêt ? Un coup d’œil aux marges réalisées sur les deux derniers iPhones permet de douter du sens de cette stratégie par rapport à l’identité de la marque.

Magnifier l’offre plutôt que la démocratiser
In fine n’est-il pas plus logique que l’entrée de gamme Apple coûte relativement cher puisqu’elle propose un véritable plus-produit du fait de son homologue de luxe ? Continuer sur la voie de cette segmentation sans baisser les prix de l’entrée de gamme permet de préserver l’image d’exception de la marque, de sorte que même ces produits bénéficient de ladite identité.
Dans le même temps, accroître le prix des produits haut de gamme de sorte à créer une véritable différenciation entre gammes paraît indispensable. La firme pourrait continuer ainsi à préserver ses marges confortables sur cette nouvelle offre.
L’entrée de gamme permettrait à Apple de croquer les marchés émergents qu’elle convoite tant, mais sur lesquels son implantation se fait si difficile. Cependant, seule l’élévation du niveau de vie global des pays concernés permettrait un véritable succès commercial pour la marque. Vouloir trop baisser les prix – à moins de le faire dans une très faible mesure et à l’échelle locale pour certains marchés uniquement – ne peut être que préjudiciable pour l’image d’Apple.
 
Teymour Bourial
[1]Par terminaux de personnal computing Apple, on entend : Macs, iPads, iPhones, Ipod Touch.
Par terminaux de personnal computing Microsoft, on entend : PC Windows, Surface, Windows Phone.
[2]Même sur les marchés émergents, l’iPhone 5C a réalisé de très mauvaises ventes (Source AppleInsider)
Sources : 
Graphique Quarterly Device Sales infra, réalisé par Benedict Evans
Article de Tero Kuittinen pour Forbes : What was the iPad ASP Decline ?
Article de Sam Frizell pour Business Time : Apple has a secret weapon to continue growing: China
Article de Chris Ciacca pour BGR: The iPhone 5C Flop hurt Apple more than you might realize
Article de Chris Ciacca pour BGR: The iPhone 5C Flop hurt Apple more than you might realize

Crédits photos :
LesNumeriques.com