Twinstagram
Les Fast

Quand le petit oiseau bleu ne gazouille plus trop

 
C’est une petite nouvelle qui en dit beaucoup sur l’état des réseaux sociaux à l’heure actuelle, du moins aux États-Unis. Twitter serait en train de se faire devancer par l’application Instagram. En effet, un sondage réalisé par le cabinet d’analyse E-marketer et commandé par le Financial Times nous rapporte qu’au cours de l’année 2013, près de 35 millions d’utilisateurs américains se sont servis d’Instagram au moins une fois par mois par le biais de l’application mobile, contre 30,8 millions pour Twitter. Un fossé de près de 5 millions d’utilisateurs qui se creuse de plus en plus chaque jour, si l’on en croit la réalité des faits.
Il est vrai que depuis quelques temps, on avait un peu l’impression que Twitter s’effaçait derrière des réseaux sociaux comme Snapchat ou Instagram, dont les mécanismes reposent sur une importance de l’image ; éphémères pour l’un, filtrées pour l’autre. Et l’application Instagram, rachetée par Facebook il y a pile un an, a assez vite été rendue populaire par la diffusion et la vulgarisation de ses propres codes. Même le hashtag, qui relevait d’abord avant tout du « jargon Twitter » s’y est vu repris plusieurs fois, avec pléthore de petites expressions récurrentes telles que le fameux #nofilter ou #selfie. Instagram a développé et mis au centre de sa stratégie ce que Twitter avait esquissé: une manière branchée de raconter sa vie à la face du monde. Et maintenant que Twitter ne conserve parmi ses utilisateurs plus que, pour la plupart, des personnes davantage intéressées par la diffusion d’informations, il est difficile pour ce réseau social de conserver son importance dans une société de l’image, où les réseaux sociaux sont aussi et surtout beaucoup utilisés pour se mettre en valeur, parler de soi et donner une bonne image de soi à la face du monde, à grands renforts de selfies. Ainsi, un sondage réalisé auprès des Américains ( rappelons que 54 % des utilisateurs de Twitter sont américains ) place l’oiseau bleu en 11ème position de leurs réseaux sociaux préférés, loin derrière Facebook et Instagram ( respectivement premier et deuxième ). Constat d’autant plus inquiétant pour Twitter puisque, désormais, les annonceurs et les agences de publicité se tournent vers Instagram pour véhiculer et mettre en valeur leurs produits. Le 10 mars dernier, Instagram a ainsi signé un contrat avec Omnicom, un grand groupe de publicité américain.
Trop compliqué, pas assez fun… Beaucoup de reproches sont aujourd’hui faits à Twitter. Comment le réseau social va-t-il pouvoir s’en sortir face à la compétition accrue menée par Instagram, Vine, Snapchat et toutes ces applications de l’image? L’avenir de Twitter, qui semblerait néanmoins assez assuré grâce à ses 240 millions d’utilisateurs, est tout de même incertain. Et si l’oiseau bleu finissait par se brûler les ailes?
Camille Gross
Sources :
Stratégies

Haribo Tagada concours
Les Fast

Que fait une Fraise à Cheval ?

 
Tagada, tagada. Internautes, en selle ! Afin de promouvoir ses fameuses fraises, Haribo lance un concours de Airponey via Instagram et Vine. Le principe est simple : faire un petit film en faisant semblant de monter à poney et envoyer son film à airponeytagada.com. Le cavalier élu galopera sur un vrai destrier.
Haribo établit ainsi un lien avec sa dernière campagne, « On grandit plus tard. » Cette dernière présente des trentenaires qui, sous l’effet du bonbon, jouent aux cowboys ou sautent habillés dans la baignoire en criant : « Tagada. » La marque joue ici avec le phénomène d’« adulescence », souvent repris dans la publicité (Mikado, Lu) ou au cinéma (Brice de Nice, 16 ans ou presque…)
Cette initiative décalée s’inscrit dans la stratégie de communication de Haribo qui mise sur la joie de retomber en enfance. Construit sur de judicieux ressorts, le Airponey témoigne d’une réelle connaissance du public visé : les adultes.
En effet, selon Jean-Noël Michel, le directeur marketing de la filiale française du groupe : « Le bonbon est très consommé par les 25-49 ans, qui en ont mangé dès petits.»
Le leader des friandises réussit à intégrer dans sa publicité un imaginaire humoristique de l’enfance et de la jeunesse commun à une génération et les pratiques médiatiques actuelles de celle-ci.
Un jeu de mots à partir d’une expression enfantine « tagada tagada » donne le ton loufoque. L’emploi du nom « poney » renforce d’ailleurs l’effet gamin.
En outre, l’entreprise réinvente le AirGuitare, très populaire dans les années 90 auprès de la jeunesse… qui a aujourd’hui grandi.
Enfin, cette tranche de population utilise à outrance les réseaux sociaux grâce aux smartphones pour se mettre en scène et propage ainsi ce défi.
Haribo c’est beau la vie, pour les grands qui restent petits ?
 
Caroline Dusanter
Sources :
Airponeytagada.com
Creapills.com – Haribo lance un concours insolite
Meltybuzz.fr – Haribo lance le airponey sur Twitter
Ursofrench.fr – La discipline completement tagada

Société

Lo-Fi, Toaster, Hefe, Earlybird, et… Publicité

 
Instagram ajoute la publicité à son édifice
C’est officiel, après son rachat il y a plus d’un an par Facebook pour 1 milliard de dollars, l’application célèbre de partage et de retouches de photos Instagram compte à présent 150 millions d’utilisateurs actifs dont 60 millions en dehors des Etats-Unis. Pour fêter ça, l’équipe commerciale vient d’annoncer l’arrivée de la publicité sur Instagram courant 2014, le but premier étant de monétiser le service après avoir fidélisé ses utilisateurs.
Depuis sa création en 2010, Instagram s’était plutôt focalisé sur l’amélioration des fonctionnalités de son produit avec un design épuré, des filtres à foison et une utilisation très simple, en faisant un leader sur le marché des applications mobiles. Le lancement de la capture vidéo (au grand dam de son concurrent Vine) depuis le mois de juin le confortait d’autant plus dans cette position de leader. Vouloir exploiter ce potentiel commercial via la publicité paraît donc, dans ce contexte, d’autant plus surprenant.
Des hipsters à ne pas faire fuir
Facebook ayant investi une somme qui paraissait démesurée à l’époque ne pouvait que préparer son retour sur investissement. S’il y a quelques mois seulement, Mark Zuckerberg insistait sur le fait qu’ils préféraient favoriser le développement de la communauté sur Instagram avant même de songer à une quelconque monétisation de ce service, il semblerait qu’il soit enfin prêt à sauter le pas comme l’a déjà fait Facebook auparavant, générant ainsi des millions de dollars chaque jour.
Emily White, la directrice des opérations commerciales chez Instagram a bien insisté sur le fait que sa société n’était pas pressée, mais qu’elle était tout de même prête à vendre des espaces publicitaires dès l’année prochaine. S’ils n’ont pas souhaité se presser et se développer, dans un premier temps,  dans le but de se rendre indispensable et irremplaçable aux yeux de leurs utilisateurs, leur stratégie reposait également sur le fait d’écraser une quelconque concurrence pour ensuite faire payer leurs utilisateurs d’une façon ou d’une autre.
Cette attente provient aussi du fait que la société redoute sûrement de subir un autre tollé. En effet, on se souvient tous de leur premier « fail » l’hiver dernier qui avait suscité un boycott général de tous les « hipsters » pourtant si fans de l’application lorsqu’on leur avait annoncé que l’application se réservait le droit d’utiliser leurs photos à des fins publicitaires et commerciales sans qu’ils ne soient avertis ou rémunérés.
L’année 2014 s’annonce donc haute en couleurs et pleine de challenges pour Instagram puisqu’ils devront trouver une manière judicieuse d’incorporer les publicités sans faire fuir leurs utilisateurs. Il semblerait même qu’ils doivent trouver une solution alternative à celle de Facebook, les utilisateurs d’Instagram n’étant probablement pas prêts à être victimes de publicités aussi intempestives et envahissantes, sur un réseau social loin d’être aussi incontournable que Facebook.
L’application risque même de faire face au même problème que Tumblr, qui après son rachat par Yahoo, avait rencontré quelques difficultés à préserver son image « cool » auprès de ses utilisateurs tout en essayant de faire plus de profits. Instagram devrait donc prendre son temps et bien réfléchir avant de faire la rencontre de nouveaux annonceurs puisqu’ils semblent être attendus au tournant par leurs concurrents mais également par leurs utilisateurs.
 
Sabrina Azouz

Edito

Quel est le mot de l'année ? (Suite)

 
L’illustre dictionnaire Oxford a souhaité commémorer les 25 ans du GIF en le consacrant « mot de l’année 2012 ». Et pour cause : ce dinosaure des Internets est devenu à lui seul un moyen de communication numérique. Influencé par la culture Troll, le GIF transmet une image, un extrait de film, une situation qui parle à l’énonciateur et au destinataire. En somme, une situation simple retirée de son contexte et insérée dans un nouveau et le remplit d’une nouvelle signification. Le digital viral est aussi mis à l’honneur par l’American Dialect Society (association d’académiciens linguistes) qui choisit comme mot de l’année 2012, le hashtag !
Alors, après les professionnels présents lors du forum des entreprises du CELSA, à notre tour de s’interroger sur les mots de l’année 2012 et sur ceux de 2013.
 
Le Fantôme
2012 fut l’année du fantôme. Le fantôme c’est le double revenu du passé, l’artefact d’un temps que l’on préférerait oublier mais qui nous hante. C’est la manifestation physique de cette absence. On a découvert, en 2012 que le fantôme était une entité autant bénéfique que néfaste. Culturellement, l’année 2012 a laissé une grande place à l’ectoplasme, sous toutes ses formes. Après les vampires, ce fut au tour des zombies d’occuper le centre de l’actualité culturelle. Il y a bien sûr The Walking Deads, série américaine de plus en plus populaire. Le zombie symbolise ici la nécrose de la société, l’élément qu’il faut tuer pour pouvoir recommencer sur de nouvelles bases, miroir plein de sens du regard occidental sur la crise qui ne semble jamais finir. Le zombie, c’est l’avatar d’un problème économique qui se transforme en crise de la civilisation. Le zombie, mort revenu à la vie a aussi trouvé un écho bien particulier dans la sublime création originale de Canal +, Les Revenants, dont nous allons beaucoup vous parler dans les prochaines semaines : ici le zombie est un fantôme, les morts deviennent vivants… Et les vivants, eux, plongés dans leurs problèmes, deviennent des morts.   Un peu comme ces zombies-walk qui ont marqué l’année. Ce qui est en jeu c’est la conception que nous nous faisons de la civilisation : le fantôme c’est un objet foncièrement passéiste, c’est-à-dire qu’il nous rappelle un passé érigé comme idéal, et voilà son aspect bénéfique. Il nous renvoie le reflet d’une société ancienne, loin du pessimisme caractérisant 2012. Ce retour vers le passé définit l’ensemble de la société de 2012. Il y a eu les hipsters, ces individus que tout le monde adore détester, affublés de vêtements vintage sortis de fripes hors de prix. A Hollywood on fait des remakes, on fait des reboots, on fait des revivals. On prend des photos avec un appareil numérique mais on l’instagramme pour que ça fasse plus ancien (). Comment s’en sortir ? La publicité nous en offre la possibilité : en 2012, il fallait consommer pour vivre mieux. Pour être plus beaux. Pour voyager plus vite. Pour faire des économies.
Espérons que 2013 marquera une remontée d’espoir et d’optimisme – après tout nous avons survécu à  la fin du monde. L’année qui se présente est lourde d’innovations et d’avenir, signe manifeste d’un renouveau.
 
La vie privée
2013 sera sûrement l’année de la vie privée. On l’a déjà bien segmentée cette vie privée. On râle contre Facebook, contre Google, contre Apple et plus récemment contre Instagram. La CNIL n’a cesse de nous mettre en garde [1]. La vie privée, concept inventé par Habermas dans les années 80 touche à sa fin. Créée par opposition à la vie publique, espace d’échanges avant tout politiques, elle s’est largement répandue lors de la démocratisation d’Internet. On y tient à notre vie privée, mais on poste des photos confidentielles sur Facebook pour avoir quelques moments de franche camaraderie. On ne veut pas se faire cambrioler mais on se géolocalise sur Foursquare pour montrer qu’on fréquente des lieux sympas. La problématique de la vie privée n’a rien de nouveau, mais 2013 y apportera son lot de changements. En France, l’arrivée de Poke – application célèbre aux Etats-Unis, permettant l’envoi de photos qui s’autodétruisent au bout de quelques secondes- va faire parler. Il y a aussi un modèle économique fondé sur la revente d’informations privées qui ne demande qu’à se développer. Facebook essaie en vain depuis des années. Et si ce modèle s’affirmait en 2013 ? Car il y a quelque chose qu’on regarde du coin de l’œil, ici, au CELSA : le Big-data. Ce concept, permettant le tri de la masse incommensurable de données que l’on crée en utilisant Internet, va s’ancrer peu à peu dans les mœurs. Le Big-Data c’est la psycho-histoire d’Asimov : on va pouvoir prédire les embouteillages, affiner les statistiques, mieux jouer sur l’élasticité des prix [2]. Mais on va surtout pouvoir prédire vos habitudes de consommation. Enfin, on détient la formule magique pour cibler individuellement et d’une façon terriblement efficace vos habitudes les plus secrètes. La vie privée sera, dans ce contexte, au centre des débats et polémiques de l’année qui vient de commencer. Jusqu’où iront les internautes dans le renoncement de la sacro-sainte vie privée pour bénéficier de nouveaux services révolutionnaires ? Nous verrons bien.
 
Le marketing sportif
Avec les Jeux Olympiques, en 2012 le sport a été à l’honneur dans le marketing. La mode pour les entreprises a été de promouvoir des valeurs calquées sur le sport. Elles ont été de plus en plus nombreuses dans ce cas.
Prenons par exemple la Société Générale qui suite aux scandales dont elle a fait l’objet (affaire Kerviel notamment) et à la crise de confiance dans les banques, a choisi dès 2011 de redorer son blason en misant sur le rugby et ses valeurs avec l’aide de l’agence Fred & Farid. Leur nouveau slogan « Développons ensemble l’esprit d’équipe » et leurs efforts de sponsoring poursuivis en 2012 en sont les symptômes. Ou encore, il est difficile de dénombrer tous les fournisseurs officiels des Jeux Olympiques ou les campagnes de publicités axées sur cet événement. (Vous pouvez avoir un aperçu des 10 meilleures campagnes autour des Jeux Olympiques ici)
En 2012, malgré les contractions des budgets, le marketing sportif est resté une cible privilégiée. Il faut dire aussi que les valeurs sportives tombaient à pic dans ce contexte de crise. Rien de plus efficace que de recentrer sa communication sur l’équipe et la solidarité dans ces temps difficiles. L’événementiel sportif ou encore le sponsoring étaient les bienvenus.
Mais 2013 n’est pas une année phare pour le sport en France et ailleurs. Il y a toujours les rendez-vous habituels (Grands Chelems dans le tennis, coupes de France dans le rugby et les autres sports) mais pas d’événement assez exceptionnel pour marquer le coup. Cependant, si 2013 est une année plutôt creuse, en 2014 les coupes d’Europe et du Monde de Football ainsi que le Jeux Olympiques d’hiver devraient redonner de l’énergie au marketing sportif.
 
Responsabilité sociale
On le sait bien, dorénavant le consommateur n’est plus un simple acheteur. Il est aussi un citoyen responsable et actif. En conséquence, les entreprises sont de plus en plus surveillées, elles doivent maintenant rendre des comptes sur leur techniques de production au nom de la transparence. Ce phénomène touche tous les domaines de la responsabilité sociale : le respect de l’environnement, le respect des droits de l’homme, des conditions de travail, « les bonnes pratiques dans les affaires » (comme le respect de la concurrence), les droits des consommateurs, etc. En 2012, les débats sur l’obsolescence programmée (avec les nouveaux équipements liés au nouvel iPhone par exemple), le nucléaire (Areva tente justement de communiquer sur la transparence pour rattraper ses bourdes), l’écologie ou le dumping social sont les symptômes de cette responsabilité citoyenne grandissante.
Dorénavant, l’entreprise se doit d’assumer sa responsabilité sociale pour se prévenir de scandales et donc sans cesse se légitimer au près de ses consommateurs. A ce propos, elles choisissent de plus en plus de faire de la RSE (Responsabilité Sociale de l’Entreprise). Par exemple, elles sont nombreuses à choisir de répondre à la norme ISO 26 000. Son but est de donner un cadre à cette nouvelle responsabilité des entreprises. Elle a été créée pour répondre aux attentes des consommateurs en terme de transparence et récompense les entreprises s’engageant à lancer des démarches de développement durable, de protection de la santé des personnes et d’encouragement au bien-être de la société (En savoir plus sur la norme ISO 26000 : http://www.iso.org/iso/fr/home/standards/iso26000.htm) Le fait que la RSE est maintenant institutionnalisée montre bien son actualité et son importance grandissante.
Si les phénomènes autour de la responsabilité sociale existent déjà depuis quelques années, ils seront plus que jamais au cœur des débats en 2013, comme l’annonce le récent scandale autour d’Apple  et les conditions de travail de ses employés. Désormais, les mythiques entreprises ne sont pas épargnées. Si la RSE est une démarche volontaire de la part des entreprises, aujourd’hui les grandes firmes ont du mal à y échapper. On peut penser qu’en 2013, le phénomène s’étendra aux entreprises de plus petites tailles.
 
Arthur Guillôme (pour Fantôme et vie privée)
Camille Sohier (pour marketing sportif et responsabilité sociale)

[1] On vous conseille chaudement la lecture du rapport sur la vie privée (http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/La_CNIL/publications/DEIP/CNIL-CAHIERS_IPn1.pdf)

[2]   A ce propos, un Américain a réussi à prédire les élections Américaines en devinant les résultats de 48 Etats sur 52. Pour plus d’informations lire cet article du Nouvel Obs (http://obsession.nouvelobs.com/high-tech/20130103.OBS4353/comment-le-big-data-va-revolutionner-2013.html)

Flops

Instafail

 
#BoycottInstagram. Voici le hashtag qui figurait en tête des tendances mondiales sur Twitter, les 16 et 17 décembre derniers, après que l’application de partage de photographies ait annoncé ses nouvelles conditions d’utilisation.
Le réseau social à succès avait déclaré qu’il s’octroyait le droit d’utiliser les photographies des utilisateurs à des fins publicitaires sans qu’ils ne soient avertis, encore moins rémunérés. Procédé déjà utilisé par Facebook, maison mère d’Instagram, depuis début 2012. On se souvient du scandale qui avait suivi la révélation par le bloggeur Chris Walter de la modification des conditions d’utilisation. En 2009, il avait dénoncé sur son site consumerist.com le droit de propriété de Facebook sur les contenus publiés et avait réussi à soulever un véritable débat sur la protection de la vie privée sur le net. Devant les réactions outrées des usagers, Facebook avait choisi de reculer dans un premier temps, avant que ces changements soient finalement rétablis.
Cependant, dans les coulisses d’Instagram, la leçon du tollé Facebook ne semble pas avoir été retenue. C’est donc une semaine avant les fêtes de Noël et de la Saint-Sylvestre, et donc avant le tsunami de clichés joliment filtrés de mets et de décorations, qu’ont été dévoilées les nouvelles règles de confidentialité. Si les conditions d’utilisation sont, avouons-le, rarement lues, quelques courageux internautes ont parcouru avec attention la nouvelle charte avant de la dénoncer sur Facebook et Twitter.
Le hashtag #BoycottInstagram a suscité la curiosité des utilisateurs lambda face au mouvement de protestation naissant. C’est notamment à l’initiative des « hacktivistes » d’Anonymous que la vague de désinscription a frappé les cotes du réseau social. Dans une vidéo postée sur Youtube, le groupe appelle au boycott du réseau et au sabotage, en publiant notamment des images « troll », inutilisables pour des fins publicitaires.
Selon le site AppData.com, le réseau Instagram aurait été en perte de vitesse, avec 22% d’utilisateurs connectés quotidiens en moins dans la semaine suivant le 16 décembre.
Comme pour Facebook en 2009, la direction s’est empressée de désamorcer la bombe. Dès le 17 décembre, un post explicatif du co-fondateur Kevin Systrom était disponible sur le blog d’Instagram.
Intitulé « Merci, nous vous écoutons », il y précise qu’il ne s’agit pas de vente de photographies mais de la possible utilisation des clichés non-privés pour la promotion du réseau. Exactement comme Facebook. C’est à l’utilisateur de gérer la confidentialité de ses données.
Malgré le communiqué, la nouvelle clause de confidentialité a été un coup pour Instagram, bien que le réseau ne veuille rien laisser paraître.
Les réactions des utilisateurs laissent tout de même apparaître un paradoxe dans la publication de contenus personnels sur les réseaux sociaux. Les conditions d’utilisation et de confidentialité sont acceptées, leurs applications beaucoup moins.
Il est néanmoins légitime et justifié de s’interroger sur le devenir de nos contenus une fois postés.
 
Khady So
Sources :
Consumerist.com
Crédits photo : © Instagram

Agora, Com & Société

Le vintage-revival a enterré Kodak. Définitivement.

 
Kodak a annoncé le 22 décembre la vente de tous les brevets accumulés au cours de ses 131 ans d’existence. S’envole avec Kodak les débuts de la photographie amateur, les souvenirs de l’argentique, le plaisir de l’attente du cliché, le symbole de toute une génération. Pourtant la photo est loin d’être morte, et la photo vintage vit même son heure de gloire. La mode, qui a commencé avec le rush sur la lomographie, s’est poursuivie avec Instagram qui propose de vous faire revivre le caractère d’une photo à peine sortie de votre polaroid.
Nous semblons désormais être rentrés dans le règne sans partage du numérique sur le vintage mais avec tout de même cette étrange volonté de retrouver l’imperfection au travers de clichés saturés, flous et beaucoup trop contrastés. Alors que la science s’évertue à créer le capteur numérique parfait, le traitement d’image le plus fidèle à la réalité, l’utilisateur vient détruire ces clichés en les assaisonnant de telle sorte qu’ils deviennent les tristes témoins d’une photographique analogique aujourd’hui disparue. Le photographe actuel, est aussi créateur de l’imperfection, du bruit, et de la faiblesse technique de la photographie. Un tel grand-écart entre la recherche de la perfection photographique à coup de mégapixels et de sensibilité ISO et cette mode du vintage, souligne bien la recherche de l’émotion dans la photographie, dans le souvenir. L’aspect pratique vient comme adjuvant à la photographie, et non plus comme une motivation du cliché. Ersatz vulgaire d’une technologie passée qui ne recherchait pas la perfection, Instagram s’est révélé être une interface sociale du souvenir en lui apportant, l’émotion vintage du vécu.
Instamatic vs. Instagram.
Instagram devient donc un faire-valoir social qui illustre la capacité d’un individu à vouloir prouver l’authenticité de ses souvenirs, la puissance des instants passés et son souhait de les diffuser sur les réseaux sociaux. Alors que l’on passe de l’Instamatic de Kodak à l’Instagram, on développe la nécessité de partager son existence, ses moments de vie et d’émotion avec les autres. L’album photo thésaurisé se transforme alors en un flux direct d’une succession d’instants non-plus destinés à soi-même, mais à la multitude. Faussaire d’émotion et de vintage, Instagram s’impose donc aussi comme un objet puissant capable de combler les trois derniers étages de la pyramide des besoins de Maslow : reconnaissance par le groupe social, estime et réalisation de soi.
Le temps d’un instant.
Instagram s’est aussi imposé comme une double négation paradoxale du progrès et des « charges » qui s’imposent à celui qui recherche vraiment l’absolu dans la photographie. Faux puristes, les utilisateurs d’Instagram se sont libérés du temps de la photographie, de l’attente qui s’imposait à celui qui devait acheter la pellicule, la charger, prendre les 36 poses puis enfin attendre le développement. À présent, le message de la photographie n’est plus perturbé par le temps. Laswell nous montre que le message se caractérise principalement par l’impact sur le récepteur. Dans le cas d’Instagram, la vitesse de partage entre l’instant de la prise de vue et la diffusion est quasiment instantanée, ce qui renforce la notion de prise directe de l’information qui devient incontestable. L’utilisateur impose souvent son flux de photographie comme symbole d’une vie riche et remplie. Sommes-nous en train de faire dériver les média sociaux vers un monopole propagandiste de l’image au profit de la parole ?
La photographie argentique est indissociable de ces différents temps d’attente, de ces efforts qui amèneront au souvenir matériel d’un instant précis. Le rejet de la perfection est une part essentielle de la photographie amateur, car elle souligne les conditions de la prise de vue. Une plage trop ensoleillée conduisait à des clichés surexposés tandis que les photos de nuit prises avec l’aide d’un flash étaient souvent blanchies par la dure lumière. Ces problèmes techniques donnaient vie à la photo, en replaçant le contexte du cliché. Tout cela semble avoir disparu aujourd’hui. L’infra-ordinaire est omniprésent dans le travail photographique car le support, le matériel, les erreurs et réussites de prise de vue, conditionnent bon nombre d’informations qui font vivre le cliché au delà de la scène représentée. Que choisiriez-vous ? Une pellicule de 36 photos ayant toute une vie, une atmosphère, des ratés et des réussites non-escomptées ou une carte SD remplie de 8 Gb de photos parfaites ?
Clic-clac-fric ?
Cette question, les 80 millions d’utilisateurs d’instagram ne se la sont pas posée car l’application semble vouloir nous faire croire qu’elle a réussi à combler toutes les attentes artistiques et pratiques de la photographie amateur. Cependant, le scandale de la modification des CGU, Conditions Générales d’Utilisation, survenu le 19 décembre dernier a fait énormément jaser la sphère internet. Instagram s’est en effet donné le droit de monétiser les clichés des utilisateurs et de les vendre. Même après un rapide retour en arrière de la part de la société américaine, le scandale reste entier et pose la question de la propriété créatrice en photographie. Un tel choix d’Instagram semble s’inscrire parfaitement dans le fonctionnement de l’application : l’utilisateur se contente d’appuyer sur le déclencheur tandis que l’application va retravailler le cliché, le cadrer, resserrer les contrastes, appliquer le calque nécessaire qui permettra de créer à nouveau l’image. Le logiciel classe aussi le cliché, le thésaurise en le stockant en ligne et en le partageant. L’action de l’utilisateur est devenue faible par rapport au lourd traitement du logiciel. La balance du « qui a fait quoi ? » penche ici, du coté des ingénieurs d’Instagram qui semblent être les vrais créateurs de l’esprit de ces photographies retouchées.
Une photo en ligne appartient-elle toujours à celui qui a déclenché l’obturateur ? Le papier est-il plus durable que le Cloud ? Sommes-nous désormais de simples contributeurs d’une culture photographique mondiale et remasterisée sur des standards invariables ?
 
Emmanuel de Watrigant
Nous vous donnons rendez-vous demain dans la rubrique Flops à l’appui où Khady So reviendra en détail sur la polémique Instagram.

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Jakadi qu'il fallait tweeter

Jakadi que le “live-tweet” est l’avenir du journalisme
 
Le 30 novembre dernier, les chargés de communication du Prix Pulitzer ont laissé entendre sur leur site internet qu’il y aurait quelques changements pour l’année 2012…
Pour les non-initiés, le Prix Pulitzer est une récompense américaine décernée chaque année dans plusieurs grands domaines, dont le journalisme ; il s’agit d’ailleurs d’une référence au sein de la profession. S’il existe aujourd’hui 14 catégories relatives à la presse, allant du commentaire à la critique, en passant par la photoreportage, ou le dessin, celle qui devrait connaître les changements les plus profonds est la catégorie « Breaking news », ou « infos de dernière minute ». En effet, le communiqué mentionnait l’importance du « real-time reporting » : en clair, ce qui fait une bonne information, c’est sa fraîcheur, le fait qu’elle soit délivrée en temps réel. « The revised definition for Breaking News focuses on reporting that, « as quickly as possible, captures events accurately as they occur, and, as time passes, illuminates, provides context, and expands upon the initial coverage. »
A première vue, rien de particulièrement nouveau ni bouleversant. S’il reste difficile pour des journaux papiers d’actualiser leurs contenus à la minute, les chaînes de télévision d’information en continu telle que BFM ou itélé, ou même simplement les supports internet des grands journaux, font une place de plus en plus grande au « real time » : la toute primeur de l’info devient un gage absolu de qualité. Elle est ainsi livrée brute, ou à peine dégrossie ; et, comme pour les produits agricoles, le consommateur apprécie qu’elle lui soit fournie de manière aussi directe que possible : moins il y a d’intermédiaires entre lui et le producteur de l’information, sa source première, mieux c’est.
Résumons : une information délivrée brute, de façon quasi-immédiate, par des hommes et des femmes de terrain. Qu’est-ce que cela vous évoque-t-il, sinon Twitter ? L’avenir du journalisme résiderait-il donc sur le réseau social ? Le « live-tweet » serait-il la forme journalistique de demain ? Se peut-il qu’un journaliste soit récompensé du Prix Pulitzer pour son activité sur Twitter ?
A priori, la grande révolution ne serait pas pour tout de suite : si le réseau social lancé il y a seulement 5 ans par Jack Dorsey comptait en septembre 2011 plus de 100 millions d’utilisateurs actifs, il n’est peut être pas encore assez popularisé. Son fonctionnement et même simplement son langage, si particulier, restent obscurs pour une grande majorité de non-initiés. Beaucoup apparaissent découragés à leur première utilisation et abandonnent rapidement leur compte après l’avoir créé, sans vraiment prendre le temps de comprendre ; d’autres se contenteraient de suivre l’actualité de leurs abonnements sans rien communiquer eux-mêmes. Pour le moment, Twitter demeurerait trop sélectif pour que l’on puisse parler de bouleversement effectif dans la pratique qu’ont Monsieur et Madame Tout-le-monde de l’information.
Notons cependant que si 40% des utilisateurs actifs s’inscrivent uniquement pour « voir ce qu’il se passe autour », sans contribuer au flux, cela représente malgré tout un public non négligeable. En outre, Twitter note sur son blog qu’un nombre de plus en plus considérable de journalistes se sert du réseau pour supplémenter leur « reporting efforts », « partageant des histoires et des images directement du front ».  Et Twitter de prendre pour exemple Brian Stelter, ou @brianstelter, reporter pour The New York Times et followé – à l’heure où je vous parle… – par 97 764 personnes. Son tweet sur la tornade de Joplin illustre parfaitement cette nouvelle forme de journalisme : un court texte clair et frappant, accompagné d’une photo partagée via Instagram, une plateforme internet permettant de mettre en ligne et diffuser des images depuis son ordinateur ou son Iphone (et bientôt depuis son Smartphone Androïd). Notons qu’elle est également utilisée par Facebook et Flickr…
Cela nous donne-t-il à tous la possibilité de devenir des journalistes ? D’abord, ces nouvelles pratiques modifient-elles vraiment la donne ? Chacun avait déjà les moyens de s’improviser journaliste via un blog, et certains grands reporters d’aujourd’hui ont d’ailleurs débuté ainsi. Twitter bouleverse cependant par l’extrême brièveté de ses posts (140 caractères maximum !), et parce qu’il permet d’actualiser en temps réel l’information. Elle est toujours plus fraîche, et toujours plus proche de sa source.
Il convient néanmoins que nous nous demandions quelle valeur accorder à des news délivrées si brutes et immédiates : s’agit-il réellement de journalisme, ou simplement de témoignages ? Qu’apportent-elles réellement ? Pour le moment, Twitter reste un outil de complément ; on continue à chercher une information plus détaillée et analytique dans les journaux, sur des sites internet ou à la télévision – et la signature d’un professionnel, d’une personne de métier, demeure un gage de qualité.
Mais demain ?
 
Elodie Dureu
Sources et liens :
Pulitzer.org – Digital Entries
Blog Twitter – One hundred million voices