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L'intelligence artificielle ou les limites d'un rêve prométhéen

En 1968, apparaissait sur nos écrans le fameux « 2001, L’Odyssée de l’espace » de Stanley Kubrick, où HAL, un ordinateur à l’intelligence artificielle exceptionnelle, menaçait déjà l’homme de se retourner contre lui. Depuis, l’intelligence artificielle, terme créé en 1956, a été le sujet de nombreux films de science-fiction, dont « A.I, Artificial Intelligence », film de Steven Spielberg sorti en 2001, où David, un robot de 11 ans doté de sensibilité et d’émotions, est adopté dans une famille humaine. Aujourd’hui il ne s’agit plus de science-fiction mais les mêmes questions reviennent : ces robots servent-ils les hommes où sont-ils destinés à se retourner contre eux, en développant une intelligence que les concepteurs n’avaient pas soupçonnée ? Risquent-ils de remplacer les hommes au sein de l’économie mondiale ? La tension entre progrès et inversion des rôles est plus palpable que jamais.
L’intelligence artificielle ou comment se simplifier la vie
L’intelligence artificielle, ou « AI », vise à reproduire le fonctionnement du cerveau humain. Cela ne concerne donc pas les robots ménagers autonomes, mais bien les machines, les robots, dont l’attitude est troublante de similitude avec les humains.
D’un côté nous avons des robots à part entière, dotés d’intelligence et de réflexion, et de l’autre, des machines mises au service des hommes pour améliorer leurs capacités et les accompagner au quotidien. Ainsi, des start-ups comme « BrainCo », développent un serre-tête nommé « Mind Control », capable de détecter les ondes cérébrales afin d’améliorer les facultés de concentration et la détection d’éventuelles maladies. Le terme de « Mind Control » fait frémir : qui nous dit que nous aurons encore le contrôle sur notre propre cerveau ?

Les progrès que l’intelligence artificielle pourrait permettre dans le domaine de la santé sont mis en avant par beaucoup de concepteurs : dans « A.I, Artificial Intelligence », David est conçu pour venir en aide à son frère adoptif, cryogénisé en attendant de trouver un remède pour soigner sa maladie grave. L’intelligence artificielle est vue ici comme un moyen de palier les « défauts » de l’homme, ici son incapacité à soigner une maladie grave.
D’ailleurs, comment justifier la conception de machines capables de reproduire nos actions, nos réflexions, si ce n’est dans le but de simplifier notre quotidien ? C’est ce à quoi répond la chaîne de télévision chinoise Shangai Dragon TV concernant son programme, Xiaolce, une intelligence artificielle qui présente la météo depuis décembre 2015. Il s’agit d’un écran géant, dont la voix jugée « très humaine », enchante les téléspectateurs. Xiaolce est en mesure de commenter les actualités en temps réel, grâce à une base de données sans cesse actualisée. Le groupe chinois assure que les présentateurs ne seront pas amenés à disparaître mais que Xiaolce pourrait leur apporter des analyses plus complètes et rapides. Affaire à suivre…
Et que diriez-vous d’un robot capable de dresser un argumentaire pour contester votre PV ? C’est ce que propose depuis fin 2015 la plateforme anglaise « DoNotPay » : à travers un jeu de questions-réponses, un robot dresse, gratuitement, une liste des réponses qui vous permettront d’éviter de payer un PV non justifié. Pas sûr que cela enchante les autorités.
« J’ai dépassé les limites, aisément, facilement »
Si l’homme a la prétention de développer un outil –qui représente un prolongement de soi- à son image, est-il capable de créer une machine sensible, se posant les mêmes questions éthiques que lui ?
Dans « The Island », film de Michael Bay, les concepteurs de clones se rendent compte que s’ils ne sont dotés d’aucun souvenir, d’aucun sentiment, alors ils périclitent plus rapidement. Cela met en exergue un constat essentiel : l’homme n’est pas que raisonnement purement logique et mathématique, il est aussi passion et incertitude. Et c’est ce que tentent de développer les chercheurs : l’intelligence comprend l’adaptation à un milieu et à des situations particulières. Or la tâche n’est pas si aisée.
Ce souci d’éthique s’est retrouvé lors de la conception des Google Cars,  prototype de voiture roulant… sans chauffeur ! Si cette invention enchante plusieurs constructeurs automobiles, les inquiétudes fusent elles aussi : comment va-t-elle réagir si elle doit faire le choix entre éviter un obstacle et renverser 10 personnes ? En machine logique et rationnelle, elle choisirait plutôt de sauver la vie de 10 personnes, plus importante numériquement, que celle du passager qu’elle transporte. Cela signifie également qu’un humain confie sa vie à une machine : au-delà même du service que cette voiture pourrait lui permettre d’effectuer, l’homme se retrouve en dépendance totale d’un algorithme sur pneus.

Le signe d’une humanité en mal de relations ?
Au fond, à quoi bon créer une intelligence artificielle ? Nous évoluons dans une société caractérisée par la vitesse, la rentabilité, le profit, et le progrès se met au service de ces enjeux. Déjà au XIXème siècle, les industriels mettaient au point des machines effectuant un travail répétitif destiné à produire davantage. Et déjà le danger de la mécanisation massive se dessinait : en créant des objets pour accompagner les hommes, on créait des objets qui les surpassaient et à terme les remplaçaient. Ne voit-on pas une résurgence de ces risques, à l’aune du XXIème siècle ? Ne révèle-t-elle pas une mégalomanie ? Une défaillance dans nos relations sociales ?
Spike Jonze pointe du doigt ce déséquilibre entre humains et technologie dans son film « Her »: Théodore Twombly est dévasté suite à une déception amoureuse. Il fait alors l’acquisition d’un système d’exploitation informatique qui s’adapte à chaque utilisateur. Le sien s’appelle Samantha, reflet féminin de Théodore. Mais peut-on tomber amoureux d’une « présence » non humaine, d’une intelligence que l’on ne peut rattacher à aucun corps matériel? Car Samantha se révèle être plus qu’un programme, elle se développe progressivement et en se connectant avec le reste du monde, prend conscience de ce qu’elle est et de son impossibilité à appartenir physiquement à ce monde. Comme les humains, elle s’enrichit et grandit grâce à ce qu’elle lit, mais elle reste à un état artificiel, là où l’homme s’accomplit grâce à une intelligence réelle.

Le fait de créer de telles machines, plus performantes, sensibles, fines et réfléchies, nous met face à notre propre condition : comme si l’on créait un monde artificiel car l’on juge que notre monde est insuffisant, imparfait. Or n’est-ce pas cette imperfection qui fait notre richesse, et qui nous permet de nous remettre en cause, d’évoluer ? A trop vouloir révolutionner le monde, on risque de retourner ces inventions contre nous, alors mêmes qu’elles sont censées nous faciliter l’existence. Peut-être est-il préférable d’évoluer dans un monde imparfait que dans un monde que nous ne contrôlerons plus.
Ludivine Xatart
Sources :
-Larousse : « Intelligence artificielle »
-ADN : « Un robot avocat qui fait sauter les contraventions »
« Le cerveau : nouvelle frontière de l’informatique ? »
« Chine : une intelligence artificielle présente la météo »
-L’Express : « Voiture sans chauffeur : mais qui commande ? »
« L’intelligence artificielle » : http://www.lexpress.fr/actualite/sciences/intelligence-artificielle_1550708.html
Crédits photos :
-Studio de production créative Manipula : manipula.art.br 
-AFP pour challenges.fr : http://www.challenges.fr/societe/20160109.AFP2390/controler-le-cerveau-nouvelle-frontiere-de-la-technologie.html
-« Google cars », Elijah Nouvelage pour L’Express : http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/voiture-sans-chauffeur-mais-qui-commande_1761965.html

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