Société

« No woman, No drive » ?

 
Après plus de 7 millions de vues sur YouTube, Hisham Fagueeh, un jeune humoriste saoudien de 26 ans, a réussi un gros coup de buzz avec son clip « No Woman, No Drive. »  Adapté de la célèbre chanson de Bob Marley, « No Woman, No Cry », son but est de tourner en dérision l’interdiction qui empêche les femmes de conduire en Arabie Saoudite.

On peut notamment relever la référence à un imam saoudien, qui, pour défendre cet interdit, avait assuré début octobre que la conduite serait susceptible de nuire aux ovaires de la femme et ainsi causer des « troubles cliniques » chez ses enfants. Fagueeh reprend ses propos avec humour et chante : « Je me rappelle l’époque où tu t’asseyais dans notre voiture familiale, mais sur la banquette arrière. Comme ça, tes ovaires étaient en sécurité et en bonne santé, et du coup tu peux faire des tas et des tas de bébés… »
La vidéo a stratégiquement été mise en ligne le 26 octobre dernier, date symbolique de protestation pour les militantes du mouvement oct26driving qui avaient décidé de braver l’interdit ce jour-là. Même si beaucoup ont préféré ne rien faire face à la pression exercée par le ministère de l’intérieur, une quinzaine de femmes ont été sanctionnées après avoir pris le volant dans Ryad.
Dans un pays où 70% de la population a moins de 30 ans, nombreux sont ceux qui ont dorénavant recours à la vidéo pour ensuite la publier sur les réseaux sociaux. Internet devient un outil d’expression privilégié pour les jeunes saoudiens. Encore faut-il que cela passe au travers du filet de la censure.
 
 Laura Pironnet
Sources
Courrierinternational
L’express
RFI

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Société

Jacques a dit chut !

 
Les élections présidentielles sont enfin terminées, après presque un an de campagne – un répit bien mérité. Sans vouloir répéter ce qui a déjà été dit ni commenter les commentaires des commentateurs, qui se sont plaints en continu des bavardages incessants autour des débats et des chiffres – ces fameux sondages –, je souhaitais simplement vous inviter à savourer ce silence – enfin, ce silence tout relatif, maintenant que les législatives approchent…
Outre les enjeux politiques – le « outre » est de taille, je vous l’accorde –, cette campagne aura permis d’interroger la pertinence d’un certain nombre de règles médiatiques. On a beaucoup critiqué les obligations auxquelles le CSA avait soumises les chaînes de télévision et les radios : l’équité, suivie de l’égalité du temps de parole et des conditions de programmation, et enfin l’interdiction de diffuser pendant le weekend électoral des commentaires ou des propos engagés, qui risqueraient potentiellement de perturber les votants juste avant leur choix.
Je voudrais revenir sur cette dernière règle, qui a conduit les télés et les radios à exécuter de spectaculaires exercices de gymnastique médiatique, souvent cocasses, parfois un peu pathétiques – pirouettes habiles ou pitreries, destinées à combler le temps de parole jusqu’à ce que sonne 20h…
Car samedi et dimanche, impossible pour les journalistes de parler du programme des candidats ; alors même que les élections occupaient la plupart des esprits, il leur était interdit de faire un sujet de fond sur la campagne. Les émissions épluchant, décortiquant les propositions, n’ont certes pas manqué durant les semaines et les mois précédents : les électeurs ne peuvent pas se plaindre sans faire preuve de mauvaise foi d’avoir manqué d’informations pour faire leur choix en toute connaissance de cause… Ce qui est en revanche plus singulier, et qu’il faut noter, c’est que cette interdiction du CSA a forcé les média à proscrire le nom même des deux candidats : ils n’avaient plus le droit, à l’antenne, de prononcer « François Hollande » ou « Nicolas Sarkozy ». La raison : cela aurait pu influencer le vote – et les télés et radios auraient pu se voir accusés d’être partisans…
Un bon nombre de journalistes s’en sont amusés, notamment sur les ondes radio : je retiens la chronique d’un humoriste d’Europe 1, qui se demandait justement quel sujet il pourrait traiter et comment il parviendrait à combler son temps d’antenne – mise en abîme, métadiscours ! Et ne trouvant d’autre matière que les présidentielles pour alimenter sa chronique, il choisit le parti pris d’utiliser des surnoms tel que le fameux « Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom », que l’on doit à Harry Potter, pour évoquer les candidats, ou encore de se servir de métaphores cardinales – est, ouest – pour parler de la droite et de la gauche. Tout cela, bien évidemment, pour souligner la gêne à laquelle était confronté l’ensemble des télés et des radios, alors qu’un bon nombre d’entre elles avait justement et paradoxalement bâti leur programme éditorial du weekend autour des élections… Reprenons l’exemple d’Europe 1, qui avait prévu une spéciale « 40h non-stop » – « Coulisses, réactions, premiers résultats. Pendant 40 heures, Europe 1, ses envoyés spéciaux et ses correspondants vous livreront toutes les informations sur le scrutin » –, créant même pour l’occasion le hashtag « #40h »…
Résultat ? Les média ont été réduit au commentaire du dispositif électoral sans pouvoir traiter des élections elles-mêmes – les idées, les dernières tendances de vote, etc. On a vu les journalistes se rendre aux bureaux de vote stratégiques pour filmer les électeurs – les citoyens ! –, et espérer recueillir des images des électeurs un peu spéciaux – candidats et anciens candidats éliminés au premier tour… Ont été également retransmis des « reportages » sur la préparation et l’attente fébrile au sein des QG de campagne – reportages qui n’ont sans doute du reportage que le nom…
On a comblé le « silence » imposé par le CSA aussi bien que l’on a pu.
Faut-il donc remettre en question les règles imposées par l’organisme ? Car si d’un côté la parole médiatique tenait davantage de la communication phatique – ne pas rompre le contact avec les téléspectateurs/auditeurs jusqu’aux 20h – que de l’information, on peut trouver du bon à cette prescription. Elle forcerait en effet les électeurs à se poser et à prendre le temps de réfléchir par eux-mêmes, pour faire le tri entre les messages émis en continu et par l’intermédiaire de tous les types de canaux par les journalistes, analystes, commentateurs, etc. de tous bords politiques… Eviter que l’électeur ne se décide au dernier moment, sur un coup de tête, parce qu’il aurait entendu une remarque qui lui aurait particulièrement plu ou déplu.
Faire en sorte que le choix ne soit pas soumis au zapping.
 
Elodie Dureu