Publicité et marketing

Les singes: les meilleures égéries ?

En novembre dernier le groupe américain Coldplay révélait le clip de son dernier single « Adventure of a Lifetime ». Cette vidéo est issue d’une collaboration avec la marque Beats, qui promeut ici son dernier modèle d’enceintes. Le clip et la publicité représentent d’ailleurs la même séquence, une spécialité de la marque qui effectue régulièrement des partenariats de la sorte avec des artistes musicaux. Réalisé en motion capture, on peut y voir des singes danser sur le titre de Coldplay. Si ce choix de figurants a beaucoup fait réagir les internautes et les fans du groupe sur le web qui se sont amusés à démasquer derrière chaque singe un membre, il n’en demeure pas moins nouveau. En effet, nos confrères les primates sont bien loin de leurs premiers pas dans la pub.
Des primates mythiques
Dans les années 1990, la marque de lessive Omo introduit dans ses publicités des singes habillés de vêtements humains. Elle se démarque des autres vendeurs de lessive en mettant en scène des animaux, qui ne sont par ailleurs pas réputés pour être très propres, et invente également son propre langage : le « poldomoldave ». C’est du jamais vu et le succès est immédiat. Même sans comprendre la totalité des phrases prononcées par les singes, les récepteurs – quelque soit leur âge – saisissent le message. Car, avec cette publicité décalée, le but d’Omo est aussi de toucher un public plus large que les simples ménagères : elle amuse les plus grands comme les plus petits.
On joue ici sur l’humour et l’autodérision, on ne parle plus de l’efficacité du produit.
Sébastien Genty analyse pour Le Figaro : « Les concepteurs-réalisateurs de la saga des chimpanzés ont été les premiers à avoir créé un territoire et un langage induisant un attachement à la marque. »
Mais pourquoi des singes ? Car prononcé par des humains, le poldomoldave donnait un ton moqueur à la vue du public lors des tests, les publicitaires ont alors inséré les primates, qui rendent insolite une scène très ordinaire de la vie quotidienne.
Les singes d’Omo et leur poldomoldave deviennent mythiques et donnent à la marque une réelle identité. Mais en plus d’avoir fait rire des générations avec ses petits personnages, Omo a aussi grâce à eux rajeuni son image, gagné en notoriété et augmenté ses ventes de 25%.

Outre manche on peut citer deux exemples devenus légendaires : PG Tips et Cadbury.
Les chimpanzés de PG Tips ont placé leur marque au premier rang des vendeurs de thé en Grande Bretagne pendant plus de 30 ans. Même si derrière ces publicités se cachent des campagnes de communication de dizaines de millions de livres, les petits singes devenus Al et Monkey (un homme et une singe en peluche) en 2007 y sont pour beaucoup en ayant fait l’unanimité dans le cœur des consommateurs pendant plusieurs décennies.  
 

Pour Cadbury, son Gorille a aussi été le sauveur de la marque qui souffrait, avant le lancement de cette publicité en 2007, d’une importante perte de vitesse à cause d’un scandale de salmonelle. Avec ce singe plus vrai que nature, la marque joue la carte de l’entertainement sans aucune référence au produit. Le succès est immédiat : des centaines de milliers de personnes intriguées par l’agilité de l’animal, qui joue dans ce spot de la batterie au son de Phil Colins (« In the Air Tonight »), se ruent sur internet pour en percer les secrets se demandant même s’il s’agit d’un réel gorille.
Augmentation des ventes de 9% par rapport à l’année précédant le lancement, hausse de 20% d’opinions favorables quant à la marque, première place au « Gun Report 2008 » (un classement annuel des campagnes, des réseaux de communication et des agences les plus primés au monde)… Bref encore un singe qui fait le boulot.

Dans ces trois exemples les singes sont personnifiés en étant mis dans des situations humaines ou assimilés à des personnes réelles. Le singe étant l’animal qui se rapproche le plus de l’homme, il est donc facile de le faire passer pour une personne le temps d’un spot. Il est aussi un animal amusant, attendrissant et attachant tout comme insolent et malin, qui est donc susceptible de conquérir le public rapidement.
Mais il n’apparaît pas toujours ainsi à l’écran. Les publicitaires utilisent aussi de vrais animaux, comme lors d’une publicité Ikea lancée en 2015 où, au milieu de leur environnement naturel, des singes testent la fonctionnalité d’une cuisine. En s’amusant avec les meubles et les ustensiles, les petites bêtes incarnent le slogan employé par l’enseigne suédoise, « Redécouvrez les joies de la cuisine ».
Pour la publicité Peugeot 308 GTi, c’est le célèbre petit singe du film à succès Very Bad Trip qui est mis au centre d’une course poursuite tout au long de la réclame.
D’autres égéries animales
Mais les singes ne sont pas les seuls animaux utilisés dans les publicité, on connaît également les animaux sauvages aux formes humaines d’Orangina, ceux utilisés pour représenter des marques de céréales, les lapins Duracell ou bien la Vache qui rit.
Alors pourquoi utilise-t-on les animaux en publicité ? Pourquoi une marque peut-elle s’appuyer sur l’un d’eux pour en faire son image dans le temps comme la vache Milka ?
L’utilisation d’animaux est un basic, parfois même une valeur sûre pour assurer le succès ou la sympathie d’une annonce. Outre une raison économique, car l’emploi d’un animal coûte souvent moins cher qu’un figurant, il est parfois plus facile de faire passer un message avec un animal par exemple pour des messages délicats ou controversés qui seraient mal perçus venant d’une personne.
Aussi, le spectateur peut avoir une meilleure confiance en un animal, qui serait un être fidèle et honnête.
Selon le ton du message et de la publicité, les annonceurs qui souhaitent jouer la carte de l’émotionnel peuvent y arriver plus facilement avec un animal, par exemple des hommes s’occupant de bébés animaux pour le site adopteunmec.com en 2013, ou des histoires d’amitiés entre des animaux d’espèces différentes pour Samsung et Android en 2015.
Ce n’est donc pas un hasard si selon le classement des publicités les plus virales de 2015 réalisé par Unruly, les quatre premières vidéos arrivant en tête mettent en scène des animaux.

Capucine Olinger
Sources :
Le Figaro, 20 ans de spots TV: Omo singe la pub, 14/10/2007
Ionis Brand Culture, Cas n°46: Omo « les singes »
La libre, Un gorille au secours de Cadbury, 3/12/2007
Le Figaro, Pub:  » le gorille » de Cadbury emporte tous les suffrages, 12/11/2008
Planète GT, Peugeot 308 GTi: la pub qui va vous surprendre !, 15/12/2015
La Réclame, Des singes se déchaînent dans une cuisine IKEA en pleine jungle
Capital, Publicité: pourquoi les animaux font vendre, 10/04/2014
La Réclame, Musique de la pub Beats Pill 2015 
Crédits images :
Tuxboard.com
Dailymail.co.uk
The Guardian
Lareclame.fr

Politique

Il était une fois Internet, les hommes et la démocratie

Une fameuse utopie, où, le légendaire Internet va révolutionner notre société afin d’y introduire un épanouissement total de la démocratie. Son avènement promettait un rêve fou : le pouvoir au peuple. Lol.
Bon, c’est vrai, Internet a changé la donne.
Il nous a permis de démocratiser notre société, l’exemple le plus pertinent étant la possibilité de répondre. En contradiction avec la théorie d’une parole – médiatique – sans réponse – de la part des masses que Baudrillard présente dans son ouvrage, Pour une critique de l’économie politique du signe, la société actuelle grâce à Internet et aux réseaux sociaux, est une société d’échanges d’informations.
A cet égard, le web est un outil démocratique, donnant à chacun un nouveau champ d’expression plus libre.

Au delà de ce droit de réponse, un des exemples phare qui affirme cette démocratisation que véhicule Internet est Wikipédia. Cette encyclopédie ouverte à tous, aussi bien dans la rédaction du contenu que dans la lecture de celui-ci, est symbolique de cette révolution : le savoir pour tous.
Il est indéniable qu’Internet engendre un changement de paradigme : d’un one to many à ce que l’on pourrait qualifier d’un « many to many. » Pourtant, cette révolution culmine davantage vers un glissement des forces en présence et une redistribution des pouvoirs allant à l’encontre du sens traditionnel de la démocratie : le pouvoir au peuple. « Le pouvoir relatif des internautes »  est exposé ici.
L’émergence d’une nouvelle classe. 
On parle bien souvent de la dimension participative d’Internet, permettant aux internautes d’intégrer une communauté, de donner son avis, de s’exprimer. A cet égard, La société met en exergue une soi-disant démocratisation du pouvoir, alors qu’en réalité, il n’y a qu’un transfert de ce pouvoir entre des groupes qui étaient déjà plus ou moins dominants.
Cyrille Frank, journaliste, formateur et consultant, explique dans son blog médiaculture.fr, qu’Internet engendre non pas un partage démocratique du pouvoir, mais plutôt l’avènement d’une « nouvelle classe de dominants ». Adieu, donc, l’utopie d’un pouvoir également distribué entre tous.
Historiquement, l’apparition de nouveaux déséquilibres sociaux est une conséquence inhérente à un changement de paradigme. Par exemple, la bourgeoisie supplanta l’aristocratie après la Révolution Française. L’apparition d’une nouvelle classe après une grande rupture est commun dans l’Histoire.
Dès lors, même si Internet comporte une vertu émancipatrice pour les internautes, il est important de souligner le fait que cela ne concerne pas tout le monde.

Cette nouvelle classe établit son pouvoir grâce à sa maîtrise des nouvelles technologies. Ces acteurs parviennent à s’adapter au temps technologique, afin d’en vivre. Plus concrètement, Cyrille Frank désigne cette nouvelle classe par : « les jeunes journalistes 2.0, communicants et marketeux technophiles, experts et consultants en réseaux sociaux, entrepreneurs du secteur technologique… ».
L’information est un levier de domination majeur dans la société actuelle : il est assez évident que ceux qui savent la manier seront puissants. 
Une illusion de pouvoir ? 
Par le biais de ce droit de réponse et de participer, les internautes ont également un pouvoir, une influence sur Internet. Cependant, sommes-nous influencés ou sommes-nous totalement libres de cette parole ?
On pourrait croire qu’il n’y a pas d’obstacle à notre liberté d’expression, et pourtant, il s’avère que nous sommes toujours influencés.
Prenons par exemple le système de réponse aux médias web, tel que le commentaire sur les articles ou bien sur les réseaux sociaux. On s’aperçoit que cette influence, ce pouvoir qui nous a été donné est en réalité réutilisé par les médias web dans leur propre intérêt. « Voici le pouvoir essentiel de la forme – en ce qu’elle est l’essence même de l’information. » explique Emmanuel Souchier, dans La mémoire de l’oubli. C’est en partie cette forme codifiée qui limite notre pouvoir, et qui permet aux médias web cette réappropriation. Prenons l’exemple de Twitter et ses fameux 140 caractères, qui influent malgré nous sur le contenu de l’information que nous transmettons. En effet, qu’est-ce que donner son avis en 140 caractères ? Notre influence est donc limitée à une forme qui est déterminée par les médias eux-mêmes.

Le Community Manager, acteur de cette « nouvelle classe dominante » dont parle Cyrille Frank, peut définir sa mission par trois verbes : fédérer autour d’un intérêt commun, animer en fournissant des informations aux internautes qui sont susceptibles de les intéresser, et modérer en régulant les conversations pour que les débats restent de qualité. Autrement dit, c’est lui qui va être face à nos réactions, à notre réponse. Les trois verbes qui définissent sa mission, prouvent que notre parole est influencée par l’action du Community manager. On nous amène subtilement d’un point A à un point B, de manière inconsciente. Il y a un mécanisme derrière le système du commentaire qui n’est pas synonyme de totale liberté et donc de vrai pouvoir.
D’autre part, d’un point de vue sociologique, notre choix est déterminé par plusieurs facteurs. Cette liberté d’expression pour tous, engendre un réel problème de visibilité. Certes, nous avons davantage la possibilité de nous exprimer, mais paradoxalement notre avis est dilué dans cet océan – nouveau – d’informations. Par conséquent partager son opinion via un commentaire relève également d’un relatif narcissisme. Il y a une volonté de sortir de la masse, d’être LE commentaire, et d’avoir raison. Cette problématique est d’autant plus réelle avec la possibilité de liker les commentaires. L’acte de réponse n’est donc pas totalement désintéressé, au contraire. Il se place comme fait social, c’est à dire comme une action qui n’est pas entièrement libre puisque partiellement déterminée. Par conséquent, la possibilité de réponse qui est donnée par les médias web est à double tranchant. Elle révèle à la fois la possibilité de participer, ce qui relève de la dimension démocratique du web, mais aussi une volonté d’attirer les internautes sur leur plateforme grâce au besoin des individus d’exister parmi les autres.
On peut parler de ré-appropriation d’un pouvoir des internautes par les médias web, et c’est cette récupération qui démontre dans le même temps la limite de ce pouvoir, que l’on a tendance à surestimer. 
Clémence Midière
LinkedIn
@clemmidw
 
Sources :
La démocratie électronique est-elle une illusion ? Par Hubert Guillaud sur Homo Numericus
Nouveaux médias : une nouvelle classe de dominants par Cyrille Franck sur Mediaculture
Qui a le pouvoir sur Internet ? Par Clément Mellouet sur FastNCurious
Crédits images:
images.google.fr
Pinterest.com
Lefigaro.fr
Computer Ethics
Emarketing.fr

Homepage Ashley Madison
Société

Le scandale Ashley Madison: révélateur du paradoxe entre vie privée et internet

En juin dernier, le sulfureux site de rencontres extraconjugales Ashley Madison a été la victime d’un piratage de grande envergure mené par « The Impact Team », un groupe de hackers expérimentés. Ce scandale soulève une interrogation plus globale quant à la sécurité de nos données personnelles sur Internet.
L’affaire Ashley Madison
Ce ne sont pas moins de 9,7 gigaoctet de données liés à trente-deux millions de comptes qui ont été mis en ligne par « The Impact Team », contenant des données très personnelles, allant des coordonnées aux préférences sexuelles des utilisateurs.
Ce scandale a fait trembler les Etats-Unis. On trouve en effet dans les données rendues publiques les coordonnées de membres de l’armée américaine et de la Maison Blanche. Il a également eu des répercussions humaines tout à fait regrettables : de nombreux cas de dépressions et de chantages, ainsi que trois suicides ont été répertoriés.
« The Impact Team » dénonçait des pratiques amorales menées par le site de rencontres, avec en premier lieu Established Men, autre site du groupe, qu’elle qualifie de « site de prostitution et de trafic d’êtres humains pour que des hommes riches s’achètent du sexe » (d’après un article du Monde). Venait ensuite une autre pratique d’Ashley Madison, symptomatique d’un phénomène plus global : le site propose une option payante pour qu’un utilisateur supprime toutes ses données du site, mais n’effacerait rien.
Suite à l’affaire Ashley Madison, treize sites de rencontres français ont été mis en demeure par la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés), dont Meetic, Attractive World, et AdopteUnMec pour des manquements à la Loi Informatique et Libertés datant de 1978. Ces manquements consistant à ne pas totalement supprimer les données des personnes ayant clos leur compte. Le site américain Fusion explique dans un article que ce phénomène est enclin à se démultiplier, et qu’il ne se limite pas aux seuls sites de rencontre « dans un monde où les détails de nos vies sont stockés sur nos téléphones et dans le cloud, ainsi que dans les métadonnées de tout ce que l’on poste sur les réseaux sociaux ».
La sécurité sur Internet, une problématique double
Le problème de la confidentialité de nos données dépend de deux facteurs. D’une part la fiabilité technique des serveurs qui stockent une quantité colossale de données, à tel point que l’on parle de Big Data, difficilement contrôlables. D’autre part l’éthique des détenteurs de ces serveurs, qui peuvent utiliser nos données à des fins commerciales, voire politiques.
Le problème de la fiabilité technique
La sécurité de nos données sur Internet est une question qui touche l’ensemble de la population, à l’ère de l’hyper-digitalisation. Presque la moitié de la population mondiale est sur Internet (42%, soit 3, 025 milliards d’internautes), et concentre son usage sur un nombre extrêmement restreint de sites avec Google, Facebook, et YouTube en tête. Ces sites ont un point commun : chaque fois que nous les visitons, nous y laissons des traces. Or une étude de NetNames réalisée en 2013 estime le nombre d’internautes ayant effectué des piratages sur un mois à 432 millions, ce qui nous permet de nous inquiéter quant aux potentielles failles de ces systèmes. En effet Internet est à la base un canal non sécurisé pour l’échange d’informations. Les pare-feux de ces serveurs ne sont pas infaillibles, comme le prouve le cas d’Ashley Madison. Cela ne semble pourtant pas nous inquiéter, puisque ce sont chaque jour des millions de données qui sont digitalisées.
De plus en confiant nos données à ces sites, nous leur octroyons davantage de pouvoir, et augmentons le risque d’un piratage d’envergure. Aujourd’hui toutes les informations sont sur Internet, et ce même au plus haut niveau. Le cas d’Amazon est édifiant. La firme a remporté en février 2013 un marché en or contre IBM : son service de « cloud computing », Amazon Web Services, est en charge de construire un serveur visant à accueillir les données de la CIA.

Le problème de l’éthique des sites web
Quels genres de données sont collectés lorsque nous visitons ces plateformes ? La question est vaste, mais si l’on s’attarde sur les « Règles de confidentialité » de Google, on peut trouver quelques éléments de réponse.
Quatre grands types de données sont collectés par Google : des données relatives à l’appareil utilisé (le modèle, le système d’exploitation, le numéro de téléphone) ; des fichiers journaux (nos recherches, ainsi que la durée et les correspondants de nos conversations téléphoniques) ; des données de localisation ; des cookies, petits fichiers de texte stockés sur notre terminal contenant souvent des informations personnelles. Les cookies sont très controversés car ils sont souvent exploités par les sites à des fins commerciales. C’est en réponse à ce phénomène qu’une réglementation a été mise en place en 2002 par la Directive Vie Privée et Communications Electroniques, puis actualisée en 2009, mais elle ne parvient pas à être appliquée – les géants d’Internet possèdent bien trop de pouvoir pour être inquiétés.

Pourtant Google indique dans ses règles de confidentialité que ces cookies servent avant tout à son service d’analyse d’audience de sites web, Google Analytics¸ gratuit et utilisé par 80% des sites sur la toile. On pourrait s’étonner que ce service soit gratuit, mais Google le rentabilise avec sa régie publicitaire créée en 2000, AdWords. Fonctionnalité payante proposée aux sites utilisant Google Analytics, elle permet d’afficher des publicités correspondant aux mots-clés tapés par leurs utilisateurs.
Le moteur de recherche nous rassure, en affirmant ne communiquer « des données personnelles [nous] concernant qu’avec [notre] consentement ». Hélas notre consentement ne nous est demandé qu’une seule fois, et est quelque peu contraint (puisque nous ne pouvons utiliser le service sans cela), lorsque nous acceptons les conditions générales d’utilisation.
La puissance de tels sites est indéniable, ce qui peut parfois les amener à jouer de leur pouvoir. Les seigneurs de la Silicon Valley ont par exemple minimisé leur implication dans le scandale des écoutes de la NSA, déclenché par les révélations d’Edward Snowden en 2013, selon un article du Figaro. Voulant redorer leur blason, la publication d’un rapport rendant compte du nombre de requêtes judiciaires qu’ils ont reçu pour fournir des données sur des internautes suspectés par la NSA a été décidée par ces sites. On apprend ainsi que Yahoo ! a reçu des demandes pour trente mille comptes d’utilisateurs, Microsoft quinze mille, et Google neuf mille. Ce rapport ne révèle cependant pas le nombre de réponses positives à ces demandes.
La sécurité de nos données sur Internet relève par conséquent d’une problématique double, entre fiabilité technique des serveurs et éthique de ces sites, questionnant ainsi nos pratiques et nos usages quotidiens d’un outil qui nous dépasse. En effet peut-être devrions-nous, dans le doute, être plus attentifs aux données que nous laissons derrière nous sur la toile.
Clément Mellouet
Sources :
Le Monde, Le piratage du site Ashley Madison et la question de la moralité des « hackers », 19/08/2015
Le Figaro Tech, Les géants du web minimisent leur implication dans le scandale de la NSA, 4/02/2014, 
Crédits images :
Ashley Madison.
Google.
marketingdonut.co.uk

Meme cat
Société

Adopte un lolcat

Les chats les plus drôles d’Internet débarquent dans la communication. Un doux mélange entre le rire, LOL, acronyme de Laughting Out Loud, et le chat, nous donne le lolcat, une sorte de chat rigolo. D’un phénomène a priori spontané et sans visée commerciale, il est devenu un réel atout de communication. Pourquoi ?
Le vieux chat fait la grimace
Si le lolcat paraît récent de seulement quelques années, son origine remonte en fait à la fin du 19e siècle, lorsque le photographe américain Harry Whittier Frees immortalisait des chats déguisés.

Le lolcat n’est pas à confondre avec le chat mignon, autre phénomène du web, comme le souligne André Gunthert, maître de conférence de l’EHESS, dans l’émission de Sonia Devillers, l’Instant M du 27 novembre sur France Inter. Développé notamment par le site 4chan.org., une plateforme d’échange en ligne connue de tous les geeks, le lolcat est devenu un mème, autrement dit une image reprise et déclinée par les internautes. Devenu viral dans le milieu des années 2000 et reconnu officiellement dans la presse depuis 2007 avec un article que lui consacre le Times, il répond à certaines caractéristiques. Il s’agit d’une photo d’un chat drôle, mignon ou en situation de détresse accompagné d’une légende humoristique, le tout ayant vocation à susciter le rire. Le texte, un commentaire qui est superposé à l’image en police Impact ou Arial black, est indissociable de celle-ci. Il est écrit dans un langage particulier, souvent bourré de fautes, pour en rajouter à l’effet comique.

Parce que ça fait du bien
Se moquer d’un chat rigolo, qui de plus s’exprime mal, ça fait du bien. Le phénomène d’anthropomorphisme du chat humanise le lolcat et nous permet ainsi de dire des choses sur nous que nous ne dirions pas autrement, de se moquer sans se sentir directement visé. André Günter précise qu’aujourd’hui nous ne pouvons plus nous moquer de certaines catégories de la population, alors nous le faisons avec des chats, car eux sont neutres. Il ajoute que cette pratique est loin d’être neuve, c’est le principe même des Fables de La Fontaine, qui humanisent des animaux pour en tirer une morale sur l’humain.
C’est aussi le caractère universel du lolcat qui fait du bien. Compréhensible par tous, il crée du lien social comme « une soupape de décompression, un îlot de drôlerie dans un monde violent » propos d’Anaïs Carayon, rédactrice en chef de Brain magazine et autre invitée de l’Instant M. Son universalité le rend fédérateur et offre ainsi aux communicants qui l’emploient une plus large cible.
Lol-communication
Si les lolcats sont un phénomène créé par et pour les internautes dans un but non commercial, ils ont vite été mis au profit d’activités lucratives. L’un des chats les plus connus d’Internet, GrumpyCat – le « chat grincheux » – a même aujourd’hui un manager puisqu’il a généré l’an passé plus de revenus que Brad Pitt, seulement en produits dérivés. En effet l’acteur gagne environ 25 millions d’euros par an, lorsque GrumpyCat a rapporté l’an passé plus de 80 millions d’euros à sa propriétaire, n’étant connu que depuis 2012.

Mais les lolcats ont aussi été récupérés par la communication. Certaines marques alimentent leurs comptes sur les réseaux sociaux de lolcats, pour créer une certaine proximité avec leurs abonnés, comme le fait Cdiscount sur sa page facebook. Les community managers de la marque alimentent le profil de lolcats accompagnés de messages pour leurs abonnés, dont le but n’est pas directement d’appeler à la consommation de la marque mais d’entretenir une relation positive avec une communauté d’abonnés qui sont des clients éventuels.

Déclinés en vidéos, ils servent plusieurs campagnes. C’est le cas de GreenPeace, qui se sert des « petit frères » des tigres, les chats, pour sauver cette espèce en danger. L’enjeu est d’autant plus important qu’il s’agit d’une ONG, les ressources étant moindres et soumises à des aléas. Pour une communication originale et décalée, basée sur le rire et pourtant totalement dans le thème des animaux, le lolcat est l’arme efficace.
 

 
Les lolcats présentent des avantages évidents en terme de communication, à commencer par leur universalité et leur transculturalité. Aucun prérequis nécessaire pour comprendre le lolcat, si ce n’est la compréhension d’un minimum d’anglais, quand ils ne sont pas traduits. Le lolcat est aussi un moyen de communication rapide dans un monde de l’instantané : une image accompagnée d’un commentaire bref qui suscite un rire immédiat. Il est question de caricature, de décompression par l’humour, une communication assez facile mais un atout pour séduire les jeunes générations.
Le lolcat contre le terrorisme ?
Après une légère baisse de popularité des lolcats, ils sont revenus en force avec le hashtag #BrusselslockDown, lancé par les belges suite à une demande de la police de ne pas diffuser de photos de l’opération en cours le 22 novembre dernier pour empêcher une éventuelle attaque terroriste dans la capitale. La réaction des internautes : diffuser et partager des images de chats. Lolcats et chatons mignons se sont mélangés, certains au ton ironique, pour dénoncer la censure des forces de police. Malgré ces dénonciations, le chat a plutôt servi a créer du lien, à se détendre un peu dans une ambiance qui n’était pas à l’humour.
Coïncidence malheureuse, le lolcat, et le chat en général, ont aussi servi d’outil de communication à Daesh. Utilisé notamment par la communauté qui fait la promotion de l’organisation Etat Islamique, les lolcats sont représentés avec des armes ou à coté d’images de personnes tuées par l’organisation. Pour les âmes moins sensibles qui voudraient approfondir la récupération des lolcats par l’organisation terroriste, Arte en parle ici
Se détendre seul ou à plusieurs, créer une communauté, défendre une cause plus ou moins noble : le lolcat est partout. Mais il n’est pas le seul animal humanisé à envahir Internet. Depuis peu les stars du web sont aussi des chiens, à l’image de Doug the Pug ou Doge, les nouveaux copains de GrumpyCat, tout aussi productifs en produits dérivés.
Adélie Touleron
LinkedIn
 
Sources :
France Inter, l’instant M: « le pouvoir du chat »
Huffington Post, Les « lolcats » à l’honneur pour la journée international du chat
Arte, Etat islamique: la sainte armée des chats
 
Crédits:
http://i.imgur.com/
http://knowyourmeme.com/memes/sites/cheezburger
http://lejournaldessorties.com/wp-content/uploads/2014/03/harrywhitterfrees7.jpg
 

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Réseaux et internet
Société

Qui a le pouvoir sur Internet ?

Un récent article du Monde a mis en lumière Jukin, une compagnie américaine fondée en 2009 qui se charge de repérer des vidéos à fort potentiel de viralité mais encore méconnues sur internet, puis d’organiser leur diffusion à des fins commerciales, notamment sur YouTube. Le succès de cette compagnie prouve que sur internet, la viralité (soit le phénomène de diffusion rapide d’un contenu via internet et les réseaux sociaux) est un processus tout sauf spontané et qu’il ne relève que partiellement de l’action des internautes eux-mêmes.
De telles organisations doivent-elles nous faire sentir tous petits ? Est-ce que nous – les internautes – avons tout de même de l’influence sur internet ? Deux questions se posent : pouvons-nous peser dans le phénomène de médiatisation d’un contenu, et notre jugement est-il lui aussi influencé par les médias sur internet ?
Avons-nous de l’influence sur internet ?
Aujourd’hui les médias sociaux insistent sur la notion d’individualité : tout est personnalisé et personnalisable. Nous avons notre mur Facebook, notre compte Twitter, notre page d’accueil personnelle sur YouTube avec des recommandations… A travers l’utilisation de ces médias nous sommes vus sur la toile comme des êtres originaux, uniques, qui partagent ensemble. Avec la fonction retweet, chaque personne a de l’influence et contribue à la viralité d’un contenu.
Pourtant cela n’est pas tout à fait vrai : des compagnies ont pour objectif de nous rendre un contenu attractif, nous amenant sans que nous ne nous en rendions vraiment compte à le partager pour le rendre omniprésent sur internet.

Ainsi des entreprises comme Jukin ont pour fond de commerce de rendre des contenus viraux, de nous les faire aimer, car cela rapporte de l’argent. Le fonctionnement de Jukin est simple : il effectue une veille continue sur internet pour détecter des vidéos à fort potentiel de viralité, mais encore méconnues, puis en rachète les droits de distribution exclusifs et à perpétuité à leurs auteurs pour ensuite les diffuser, et surtout monétiser cette diffusion. En effet Jukin gagne de l’argent de deux manières : avec un clip publicitaire avant que l’on n’accède à la vidéo sur YouTube, et en vendant ses vidéos à des médias. Son plus gros succès, ‘‘Pizza Rat’’, avec huit millions de vues en un mois, a par exemple été racheté par de nombreux journaux américains comme le New York Daily News 
 

Ce business est très rentable. Jonathan Skogmo, PDG de Jukin et producteur de télévision à Hollywood, explique dans son interview au Monde que son entreprise bénéficie du développement de deux marchés. Celui des vidéos en ligne, avec des sites comme YouTube qui « à lui seul reçoit chaque minute plus de 400 heures d’images, dont la plupart seront très peu regardées », et celui des technologies numériques : « Avec l’explosion mondiale des smartphones, des mini-caméras GoPro et de la vidéosurveillance, notre choix s’élargit de jour en jour ». L’entreprise de Jonathan Skogmo grossit sans qu’il ne dépense le moindre centime.
Comment sommes-nous influencés sur internet ?
Ainsi nous n’avons qu’une influence relative dans le processus de viralité d’un contenu, qui se décide avant même sa promotion et sa diffusion sur internet. Cela fait surgir une autre interrogation : parvenons-nous à garder notre opinion, notre jugement propre sans être influencé par les médias ? Autrement dit, l’avis des médias sur la qualité d’un contenu nous influence-t-elle plus que nous ne le pensons ?
De nombreux médias ont en effet une grande influence sur l’appréciation que l’on a d’un contenu – leur avis fait figure d’argument d’autorité. Cela est très visible sur les sites qui proposent une notation : AlloCiné note les films avec des étoiles allant de 1 à 5 par exemple, ou le site Pitchfork spécialisé dans la musique propose une notation sur 10 des albums et des singles.

Ces deux exemples sont édifiants car ils interrogent notre manière de consommer des contenus sur internet. Par exemple, lorsqu’elles veulent choisir un film, de plus en plus de personnes se tournent vers la rubrique des films ‘‘Les mieux notés’’ d’AlloCiné. Dans ce cas la notation seule donne une valeur au film, qui va soit nous inciter à le regarder, soit nous en dissuader. De même le site Pitchfork a un grand poids dans le domaine de la musique indépendante, autant que des magazines comme Rolling Stone ou Spin. La notation qu’il propose d’un album a une grande influence sur le jugement de l’internaute, avant même qu’il ne l’écoute. En effet la note est plus mise en avant que la critique musicale elle-même sur le site : lorsque l’on clique sur un album, la note apparaît à droite de l’image de la pochette de disque, comme un label de qualité ; l’article ne vient qu’ensuite.
Le pouvoir relatif des internautes
Malgré tout, il n’est pas possible de penser que nous n’avons aucun discernement et aucune influence sur internet.
La preuve de l’existence bien réelle de ce discernement, et de la capacité de réaction de chacun est également présente sur internet : les blogs, les fonctions ‘‘Commentaires’’ des sites, les pouces verts ou rouges sur YouTube, la possibilité de répondre sur Twitter sont autant de preuves qu’il n’y a jamais consensus sur internet, et qu’on ne nous impose jamais un contenu – nous avons le choix.
Par ailleurs les internautes ont eux aussi de l’influence, et c’est pour cela que leurs réactions sont recherchées par les médias. A la télévision, par exemple, les émissions sont nourries par les interventions des téléspectateurs sur internet et c’est pour cela qu’elles ont chacune un hashtag rappelé en début de programme.
L’exemple le plus évident de l’influence des internautes à la fois sur le fonctionnement et sur le contenu des médias, démontrant au passage leur attractivité, est très certainement la création de la Europe 1 Social Room en septembre dernier. La ‘‘Social Room’’ est une pièce créée depuis la rentrée où les invités de la station vont prolonger leur interview en dialoguant avec les internautes. Ces derniers sont le cœur de cible d’Europe 1, qui est la radio française la plus présente sur les réseaux sociaux.

La question de l’influence des internautes est donc épineuse. Elle heurte notre fierté car il est légitime de penser que notre parole a du poids, et cette recherche constante de feedback des médias à la fois sur internet et en-dehors en est la preuve. Il serait pourtant naïf de ne pas voir derrière le succès d’un contenu sur internet des stratégies pour nous le rendre attractif, à la fois dans sa production et dans sa diffusion multi-supports. Ce n’est en effet pas par hasard si le PDG de Jukin est également producteur de télévision pour Hollywood.
Clément Mellouet
Sources :
Le Monde
Jukin.com 
YouTube
Twitter
Crédits images :
Google Images
Twitter
Pitchfork.com
Europe1.fr

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federal communications commission fastncurious neutralité du net
Société

La neutralité du Net, par-delà Bien public et Mal économique

C’est une bataille qui durait depuis bien longtemps qui vient de se terminer le 26 février dernier avec la consécration d’Internet par la Federal Communications Commission (FCC) comme bien public. En 2004, la FCC avait pourtant tenté, sous la pression des puissants lobbys des télécoms, d’encadrer la neutralité du Net. Ce n’est qu’en 2010 que l’idée est venue d’empêcher les opérateurs de discriminer certains services, interdisant ainsi la création d’un Internet à deux vitesses. Mais il aura fallu attendre l’intervention du président Barack Obama, appelant en novembre 2014 la FCC à faire d’Internet un bien public, ainsi que l’incroyable mobilisation des partisans de la neutralité, pour que les choses se concrétisent enfin. En consacrant la neutralité du Net le 26 février, la FCC a pris une décision qui risque de faire de nombreuses vagues et peut-être d’inverser les rapports de force entre opérateurs de télécommunications et géants d’Internet. Dans ce contexte, il semble important de préciser ce que l’on entend par « neutralité du net ». Cette expression apparaît trop souvent réduite à sa seule dimension technique. Pourtant, la décision de la FCC apparaît à bien des égards comme sociale et politique.
Les implications techniques de la décision de la FCC
Rappelons rapidement ce qu’est la neutralité du net. Il s’agit d’un principe fondateur d’Internet, défini par Tim Wu en 2003 dans « Network Neutrality, Broadband Discrimination ». La neutralité du Net garantit l’égalité de traitement de toutes les données sur le réseau. Comme le rappelle Marie Mougin dans Internet sous péage : entre voies express et chemins de terre, « La fin de la neutralité du Net ce serait donc des offres différenciées, un système de péage, amenant à un Internet à deux vitesses, entre ceux qui pourront payer plus cher un débit de connexion plus rapide et un accès illimité, et les autres. ». La décision de la FCC, en empêchant les fournisseurs d’accès à Internet comme Verizon, AT&T, Orange ou SFR, de discriminer les données qu’ils transportent selon les sites dont elles proviennent, consacre donc la neutralité du Net. Il faut ici souligner l’effort de mobilisation des internautes suite à la fuite d’un plan de la FCC en avril dernier, autorisant des « voies rapides » réservées aux services s’étant acquittés d’une taxe auprès des fournisseurs d’accès : la FCC a ainsi recueilli quatre millions de messages, la plupart en faveur de la neutralité.
Cependant, il ne saurait être question d’oublier que la décision de la FCC s’inscrit dans un cadre économique et social bien plus large qu’un simple débat concernant les modalités d’utilisation d’Internet.
La question du coût de la neutralité
Autorisons-nous d’abord à faire aux détracteurs de la neutralité le crédit de l’argument économique. Promouvoir la neutralité au nom des fondements d’Internet est une bonne chose, mais la question du coût de cette neutralité ne saurait être éludée. En effet, ceux qui s’opposent à la neutralité du Net et à la décision de la FCC, notamment les fournisseurs d’accès à Internet, insistent sur les coûts importants qu’engendrerait le maintien d’un accès non discriminatoire à Internet, dans un contexte de forte croissance du trafic. Cependant, au sein même des détracteurs de la neutralité, cet argument est remis en cause. Mike Masnick parle même d’un « bluff » de la part des fournisseurs d’accès visant à s’assurer des rentes de monopoles… D’autre part, certains élus républicains rejettent la neutralité au nom du libéralisme et de la crainte de toute forme d’ingérence. Ted Cruz, sénateur républicain, a ainsi qualifié la neutralité d’ « Obamacare de l’Internet ».
 

 
La neutralité, fondement de la « société de la connaissance »
Dans une vidéo humoristique de l’émission satirique « Last Week Tonight », John Oliver avait lancé en avril dernier un appel aux internautes, leur enjoignant de défendre la neutralité sur le site de la FCC. Derrière la neutralité, nous indique en creux John Oliver, se pose une question essentielle : quel Internet, pour quelle société ? La neutralité est en effet porteuse de bien plus de choses qu’un débat opposant fournisseurs d’accès et géants d’Internet. Ce qui est en jeu, c’est bien le type de société dans laquelle nous voulons vivre. La neutralité permet l’innovation : les petites start-up peuvent concurrencer les grands du Net. C’est ce qui explique pourquoi certains géants se sont rangés du côté de la neutralité : eux-mêmes n’oublient pas d’où ils viennent. La neutralité s’entoure ainsi d’une enveloppe politique. Défendre la neutralité du net, c’est défendre le mode de transmission de l’information et du savoir dans notre société. Un Internet libre et ouvert devient ainsi un lieu d’exercice de la liberté d’expression. Comme le dit Benjamin Bayart, « L’imprimerie a appris au peuple à lire, Internet lui apprend à écrire ».
http://www.slate.fr/economie/87935/neutralite-net-chiant-video-john-oliver
 
 
Pour terminer, revenons sur le concept de « neutralité » en lui-même. Quelle est la pertinence empirique de ce concept ? Nicolas Curien, dans  « Du coût de la net-neutralité au goût de la net-potabilité », propose une analyse intéressante selon laquelle le concept de «neutralité » serait trop absolu, et donc biaisé : viser un Internet absolument neutre serait illusoire. Il propose donc le concept de «potabilité » du Net : peut-être ce critère, autorisant quelques variations mais nécessitant un traitement, comme pour l’eau, permettra-t-il de concilier les attentes des acteurs respectifs de ce débat technique, économique, politique et social qui entoure la neutralité du net. Comme l’écrit Nicolas Curien : «A une net-neutralité sans odeur ni saveur, et surtout inatteignable en raison de son illusoire perfection absolutiste, je préfère quant à moi, dans leur imperfection satisfaisante, le charme et le goût discrets de la net-potabilité ! ».
Alexis Chol
 
Crédits photos :
huntnewsnu.com
deadstate.org
 
 
 
Sources :

www.slate.fr
lopinion.fr
fastncurious.fr
techdirt.com
docassas.u-paris2.fr
ncurien.fr
lemonde.fr (1) et (2)
ecrans.liberation.fr

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Société

#OPCHARLIEHEBDO : Quand l'expédition punitive se conjugue au temps des réseaux

« La liberté d’expression et d’opinion est une chose non négociable, s’attaquer à elle, c’est s’attaquer à la démocratie. Attendez vous à une réaction massive et frontale de notre part car le combat pour la défense de ces libertés est la base même de notre mouvement. »
Voici la réaction du mouvement Anonymous suite à l’attentat terroriste perpétré dans les locaux du journal satyrique Charlie Hebdo, le 7 janvier. Le tweet, posté via un compte baptisé @OpCharlieHebdo, renvoyait vers une version plus longue du message, hébergée sur pastebin. Le format de 140 caractères du petit oiseau bleu paraît quelque peu étriqué pour le message des hackers les plus célèbres du net. Dans un premier temps, le mouvement présente ses condoléances aux familles des victimes et condamne la tuerie des frères Kouachi, qualifiant leur acte « d’assaut inhumain. » Ils se déclarent « écoeurés, choqués » et estiment qu’il est de leur devoir de réagir. S’ensuit leur formule légendaire :
« Nous sommes légion.
Nous n’oublierons pas.
Nous ne pardonnerons pas.
Redoutez-nous!  »
Ce message a été massivement retweeté. Il vise, implicitement, l’ensemble de la communauté djihadiste présente en ligne : sites d’organisations, comptes sur les réseaux sociaux notamment. Il constitue une véritable déclaration de guerre, c’est bel et bien un affrontement entre deux mondes, entre deux cultures latéralement différentes. L’étendue de bits et d’octets qui peuplent internet se travestit sans problème en terrain de guerre. Le mythe d’un média « worldwide » s’effrite. Force est de constater que ces pratiques enracinent encore plus profondément Internet et ses usages dans des logiques territoriales, d’opposition binaire entre le monde qui est occidental, et celui qui ne l’est pas.
Quel mode opératoire pour une expédition punitive virtuelle ?
Deux jours après l’attentat terroriste, les hacktivistes du collectif Anonymous ont mis leur menace à exécution. Plusieurs milliers de sites internet, des comptes facebook, twitter relatifs à la mouvance djihadistes ont été bloqués. Ils publient une vidéo sur le channel Youtube belge du collectif qui a été depuis supprimée. Elle est toutefois visible sur le site du telegraph. Les extraits s’adressent à Al-Qaida et aux membres de l’Etat islamique, en Syrie et en Irak : « Nous allons surveiller toutes vos activités sur le Net, nous fermerons vos comptes sur tous les réseaux sociaux. Vous n’imposerez pas votre charia dans nos démocraties.»

Le quartier général des membres du collectif se distille sur des centaines de canaux de chats IRC (un des protocoles de communication utilisables sur Internet) baptisés « Anonops ». La participation nécessite une connexion VPN (Virtual Private Network), ainsi que le navigateur Tor (The onion router) pour garantir l’anonymat des échanges.

Les hackers listent les cibles sur un document partagé en annexe. Les adresses des sites internet et réseaux sociaux d’organisations et de sociétés désignés par le collectif comme appartenant aux djihadistes sont identifiées et des attaques sont lancées (défacements ou attaques de déni de service la plupart du temps.) Selon un des hackers francophones, Sonic, quelques heures seulement après le début de l’opération #OpCharlieHebdo, les activistes islamistes ont contre-attaqué avec «une telle maîtrise et une telle rapidité qui prouvent que nous combattons des professionnels».
Une opération au succès mitigé
Face à cette stratégie d’attaque (et de communication, il faut le dire) bien ficelée, les experts en sécurité informatique restent dubitatifs. Dans la presse française, c’est la voix du blogueur Bluetouff, alias Olivier Laurelli qui s’est fait entendre via l’AFP. Selon lui, “Les Anonymous ont une organisation très transversale. Tout le monde peut se proclamer Anonymous.” A cela il ajoute : “C’est pas en lançant des dénis de service que l’on va régler quoi que ce soit.” L’expert remet en question l’utilité des actions menées par le collectif de hackers. S’agit-il de marquer les esprits de manière ponctuelle ou d’endiguer durablement le fléau djihadiste ?
Une autre ombre subsiste sur le beau tableau des Anonymous. “A partir du moment où on attaque les réseaux où les jihadistes communiquent entre eux, on interfère dans le travail des enquêteurs ”, a prévenu Olivier Laurelli. En publiant sur pastebin l’identité de terroristes présumés et en attaquant leurs sites, le collectif ralentirait le travail des policiers et rendrait disponible des informations dangereuses aux yeux des internautes civils, ou même d’autres djihadistes. C’est donc une prise de parole en demi-teinte de la part du collectif. Alors qu’ils œuvrent pour délivrer un message univoque et fédérateur, leurs actions révèlent en fait des intentions parfois mal coordonnées. Ils souhaitent faire avancer le combat contre le terrorisme mais entravent l’appareil d’état. Le discours mériterait de s’éclaircir s’il veut gagner en crédibilité.
La faute ne leur revient pas entièrement, dans la mesure où Internet est un média polyphonique par nature. Les comptes s’auto-proclamant « Anonymous » pullulent sur la toile, sur l’ensemble des réseaux sociaux. Le site web opcharliehebdo.com n’avait aucun lien avec le collectif, à l’origine de la supercherie, une agence de marketing spécialisée dans le « viral », rantic.com. Il est donc compliqué d’accéder à une information centralisée, et surtout, compliqué de croire à l’utopie communautaire qui anime ce mouvement, même en étant profondément attaché aux valeurs fondatrices d’internet. Rien ne nous garantit que certains des hackers faisant partie du mouvement Anonymous ont un passé de grey hat, voire de black hat.
Des hackers éthiques, mais pas trop.
Enfin, il reste un doute que seul le temps pourra éclaircir. Si l’on s’attarde sur le message publié sur twitter et pastebin, les éléments de langage propres aux messages du collectif Anonymous sont sensiblement identiques à ceux des gouvernements occidentaux : liberté d’expression et démocratie reviennent systématiquement dans leur discours. Le collectif s’est donc fait entendre de manière profondément consensuelle en réaction à l’attentat, mais le sera-t-il quand les gouvernements français et européens auront à renfoncer leurs dispositifs sécuritaires en réponse à la menace terroriste ?
Si l’on prend le projet de loi antiterroriste datant de septembre 2014, qualifié de liberticide par ses détracteurs, il est permis d’en douter. Le texte de loi prévoyait de renforcer les sanctions à l’encontre des initiateurs d’«attaques informatiques», qui seraient à présent jugés sous le régime de la bande organisée. Des peines de gardes à vue plus longues sont prévues, ainsi que des méthodes d’enquête plus poussées et des peines plus lourdes. De trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende, les peines iraient désormais jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 500.000 euros d’amende. La compatibilité entre l’idéologie libertarienne du mouvement et la politique sécuritaire de l’état semble assez faible.
Comme dit plus haut, le mouvement Anonymous épouse parfaitement l’idée de « l’utopie communautaire ». Ce terme évoqué par Patrice Flichy dans l’Imaginaire d’Internet décrit la culture des hackers qui refusent l’informatique centralisée, et voient dans Internet « un dispositif à mettre entre les mains de tous, capable de bâtir non seulement de nouveaux collèges invisibles, mais aussi une nouvelle société » (p.86).
Ils sont profondément habités par une idéologie qu’on peut qualifier de cyber-libertarienne. Leurs combats: défense de la vie privée, de la cryptographie, de l’accès libre à l’information. Ils incarnent avant tout une forme de « contre-démocratie » car ils n’hésitent pas à contourner la loi pour arriver à leurs fins, et se méfient du rôle de l’État en tant que régulateur. Ils se font justice eux-même. En somme, le collectif Anonymous incarne un mythe supplémentaire dans l’imaginaire d’internet, une communauté qui incarne l’esprit de partage, de société civile idéale.
Karina Issaouni
Sources:
Telegraph.co.uk
Patrice Flichy, L’imaginaire d’Internet, 2001, éditions La Découverte.
Letemps.ch
20minutes.fr
Nouvel obs.com
Pastebin
Crédits images
ibtimes.co.uk
wegecon.de/
letemps.ch

Société

Internet sous péage : entre voies express et chemins de terre

 
La « neutralité du Net »… on en a déjà entendu parler, c’est le genre d’actualité à laquelle on ne prête pas vraiment attention, un peu comme le conflit israélo-palestinien et toutes ces autres choses qui paraissent beaucoup trop compliquées pour que l’on daigne ouvrir nos écoutilles. Et pourtant, ce n’est pas faute de couverture médiatique, de nombreux travaux journalistiques tentent d’expliciter cette affaire et de sensibiliser le public à cette cause, sans grand succès.
Alors la neutralité du Net, qu’est-ce que c’est ? C’est l’un des principes de base de l’Internet : un Internet neutre où toutes les informations circulent à vitesse égale à travers les « bandes passantes », ces immenses tuyaux qui font circuler l’information en ligne. Ainsi, que l’on soit un membre des « GAFA » ; acronyme désignant à l’origine Google Apple Facebook et Amazon, mais qui est de plus en plus utilisé comme un synonyme pour désigner tous les géants du Net à mesure qu’ils se multiplient, comme Twitter et Youtube par exemple ; ou une petite entreprise, ou une association, ou encore un particulier, nous empruntons tous la même autoroute de l’information. Seulement, il y a de plus en plus de poids-lourds sur la route, Youtube par exemple occupe 13% des bandes passantes pour ses contenus vidéos volumineux et très fortement consultés. Cela entraîne un surcoût pour l’entretien et le développement des bandes, et c’est ainsi qu’aux Etats-Unis, l’organisme en charge des télécommunications, la Federal Communications Commission (FCC), entreprend de réformer l’accès à aux bandes, notamment par la création d’offres différenciées.
Certes, aujourd’hui le débat est centralisé dans le pays de l’oncle Sam, c’est à cause de l’arrivée de Netflix et de son accaparement de 32% des bandes passantes, selon le cabinet Sandvine, mais puisqu’Internet est partout, sa neutralité nous concerne tous. En 2012 par exemple, les spécialistes du numérique s’interrogeaient déjà sur le sujet sur le site Owni.
AVOIR FACEBOOK SANS AVOIR INTERNET
La fin de la neutralité du Net ce serait donc des offres différenciées, un système de péage, amenant à un Internet à deux vitesses, entre ceux qui pourront payer plus cher un débit de connexion plus rapide et un accès illimité, et les autres.

Concrètement, cela instaurerait un filtre dans lequel seuls les grands groupes marchands, comme les GAFA, pourraient entrer. Les petites boutiques en ligne et les sites à but non-lucratif (associations, forums, blogs) n’auraient pas les moyens de s’offrir la voie rapide sur Internet et seraient relégués sur les petites routes départementales. L’accès à Internet ne leur serait pas refusé mais leurs sites seraient si longs à charger qu’à terme ils finiront par perdre en visibilité et par disparaître. En effet, les internautes ont perdu l’habitude d’attendre que la page charge et ne tardent pas à aller voir ailleurs. De nos jours, Internet et rapidité vont de pair, alors ralentir quelque-chose revient pratiquement à le faire disparaître. Quant à nous, internautes, nous aurons à choisir entre plusieurs forfaits Internet. Comme le vendeur en informatique nous demande ce que nous recherchons comme type d’ordinateur, le fournisseur d’accès nous demanderait quel usage on souhaite faire de l’Internet : les mails, Facebook, Wikipédia, les sites d’information, Youtube… Vous pourriez avoir Facebook sans avoir Internet, ou envoyer des mails qui, pris dans les embouteillages, mettront plusieurs heures voire jours avant d’atteindre leurs destinataires.
LOADING… PLEASE WAIT

Les bandes passantes sont saturées, elles demandent plus d’entretien, la FCC a besoin de lever de nouveaux fonds, sa réforme tient, en tous cas sur le papier. Dans les faits, elle se heurte à plusieurs réalités.
– A terme, cet Internet à deux vitesses se transformerait en une immense galerie marchande, où tous les sites se devraient d’être ou commerciaux, ou bardés de publicité, pour rentabiliser le péage versé aux « FAI » pour fournisseurs d’accès à Internet.
– Il n’y aurait plus d’Internet du savoir, d’Internet des connaissances, d’Internet citoyen et participatif. Cet Internet-ci serait tellement lent que les internautes finiraient par ne plus s’en servir.
Et pour une fois, citoyens et grandes entreprises se rangent du même côté : comme Google qui a récemment pris position pour la défense de la neutralité du Net, la plupart des entreprises de la Silicon Valley ont un système économique qui est fondé sur les contenus postés par les utilisateurs. Ce sont les « UGC » pour User Generated Content, dont ces entreprises se font les curateurs, les éditeurs, les hébergeurs et les distributeurs. Comme Youtube qui attend qu’un internaute poste une vidéo et nous oblige à visionner des publicités avant de pouvoir y accéder, toutes ces entreprises ont besoin de la créativité des internautes pour la monétiser et être rentables. Sans la masse d’internautes elles ne seraient rien. Ainsi, sans la neutralité du Net elles ne seraient rien non plus.
Et c’est ainsi que le 10 septembre 2014, le mouvement Internet Slowdown a été lancé : aux Etats-Unis, des milliers de sites se sont mis à fonctionner au ralenti le temps d’une journée, afin de montrer à leurs utilisateurs à quoi ressemblerait l’Internet de demain et les sensibiliser à la cause. Parmi eux : Tumblr, Netflix, Digg, Mozilla, YouPorn, Etsy, Kickstarter, Vimeo… Google a également récemment pris position pour défendre l’Internet innovant et citoyen qui est permis par la neutralité du net.
En définitive, imposer un accès différencié, autant dire discriminé, au Net, irait à l’encontre des principes fondamentaux de l’Internet et des libertés. Internet construit comme outil de démocratisation de la culture, permettant au savoir et à la connaissance de circuler à travers les distances géographiques mais surtout par-delà les frontières sociales, serait bafoué. Et l’opinion publique qui se forme en ligne, serait complètement modulée par les acteurs dominants du réseau, soit, pour poursuivre le raisonnement précédent, de grands groupes commerciaux. C’est pour toutes ces raisons que depuis le 12 mars 2012 le Conseil National du Numérique – CNNum – invite le gouvernement français à reconnaître le principe de neutralité du Net comme « principe fondamental nécessaire à l’exercice de la liberté de communication et de la liberté d’expression ».
Internet est un réseau de communications où freiner revient, ni plus, ni moins, à censurer.
Marie Mougin
@Mellemgn
 
Sources:
HBO – Last Week Tonight with John Oliver: Net Neutrality
France 4 – Internet va t-il coûter plus cher ?
France Culture Plus – La neutralité du net, cheval de Troie de la Silicon Valley ?
Le Monde blogs – Netflix et YouTube seront-ils épargnés par la remise en cause de la neutralité du Net ?
Le Monde blogs – Neutralité du Net : Google sort enfin de son silence
Libération – L’Internet pour les riches, des JPG pour les pauvres
Les Echos – La neutralité du Net sur la sellette
Slate – Pourquoi ça rame quand je veux regarder une vidéo YouTube avec Free
RTBF – Internet Slowdown Day
La Quadrature du Net – Les failles fatales de la neutralité du Net selon le CNNum
La Quadrature du Net – Net Neutrality
Owni – La guerre des tuyaux
Owni – La neutralité cachée d’Internet
CNNum – Avis sur la neutralité du net
Sénat – Union européenne et monde numérique
Crédits Gifs:
Conférence Cross Campus (Santa Monica)
Battleforthenet.com

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Société

Jacques a dit : « Zuckerberg Mania »

 
Pour l’année de ses 10 ans, Facebook est en complète effervescence.
Alors que des sondages récents se sont multipliés pour montrer son recul face à d’autres réseaux tels que Twitter, Zuckerberg, lui est partout.
Entre l’échec du rachat de Snapchat, l’acquisition récente de Whatsapp et enfin sa présentation la semaine dernière du projet internet.org à l’occasion du Mobile World Congress, Mark Zuckerberg se fait star des médias depuis quelques temps.
Alors 10 ans, l’âge de raison ? Peut-être simplement le moment de se demander qu’est-ce qu’on fait là et de se concentrer sur une vision à long terme.
Le buzz de Whatsapp
Rappelons que Zuckerberg vient d’acheter l’application WhatsApp, créée en 2005 par Jan Koum, qui compte 450 millions d’utilisateurs, dont 70% qui l’utilisent quotidiennement, pour une modique somme de 19 milliards de dollars.
On constate également à cette occasion le triomphe du modèle « freemium » : tout comme l’application de photos Instagram, rachetée 715 millions de dollars en 2012, WhatsApp conservera son nom et son indépendance.
 La particularité de cette application ?
«Ni publicité, ni jeux vidéo, ni bla-bla» indique une note affichée dans le bureau de Koum. Le message est clair donc, WhatsApp sert uniquement à envoyer des messages, des photos et des vidéos à ses contacts.
Il semble d’ailleurs que le CEO de Facebook garde cet esprit.

L’objectif est clair pour Facebook : « purely connecting more people ».
« Chacun de nous, n’importe où, connectés »:
Cette vision du « One connected world» se retrouve dans internet.org,  un projet un peu fou lancé par Facebook en partenariat avec six autres membres (Ericsson, MediaTek, Nokia, Opera, Qualcomm et Samsung). Il s’agirait de connecter à Internet ceux qui n’y ont pas encore accès, soit 2/3 de la population mondiale.
En effet, selon Facebook seules 2,7 milliards de personnes (soit un peu plus du tiers de la population mondiale) ont accès à Internet, une proportion qui augmente de moins de 9% chaque année.
Il est important de rappeler que le réseau social a déjà investi plus d’un milliard de dollars pour connecter des personnes dans les pays émergents au cours des dernières années.
Internet.org : c’est quoi ?

L’idée est de permettre aux populations défavorisées d’avoir accès à des applications web qui deviendraient gratuites et que Zuckerberg juge indispensables comme Wikipedia, la météo ou encore son propre réseau social Facebook.
Mark Zuckerberg constate que « 80% des habitants de la planète vivent dans un endroit qui a déjà la 2G ou la 3G, mais seulement un tiers de l’humanité est connecté et des milliards de personnes pourraient en bénéficier, seulement ils ne savent pas à quoi cela sert ». Ce qui est visé ici est une stratégie à long terme, d’évolution des pratiques et des modes de vie.
Bien sûr, tout ne serait pas gratuit et c’est là que l’idée n’est pas naïve. Ainsi, il demande aux opérateurs mobiles de faire un effort et d’offrir quelques applications gratuitement. En échange, les nouveaux internautes « gratuits » qui seront convaincus finiront à terme par prendre un forfait Internet mobile et ainsi participer à l’économie de ces fournisseurs d’accès.
Il s’agit d’un projet sympa sur le papier et qui tend à se vérifier dans la pratique avec deux essais réalisés au Paraguay avec Tigo et aux Philippines avec l’opérateur Globes qui ont permis à ces deux fournisseurs de téléphonie mobile de doubler leur nombre d’abonnés en seulement un trimestre.
Alors la gratuité, le sans pub une nouvelle tendance ?
Cependant, amener Internet quand des pays où une partie de la population ne bénéficie même pas d’accès à l’eau potable, n’est-ce pas un projet trop ambitieux ?
Même si Zuckerberg reconnaît et accepte la nécessité de perdre de l’argent au début, les opérateurs de la téléphonie mobile comme Stéphane Richard pour Orange seront-ils du même avis?
En tout cas, même si l’idée du « One World Connected » semble un peu utopique à l’heure actuelle, n’est-il pas rafraîchissant de voir de jeunes entrepreneurs avec tant d’ambition et surtout d’audace mener des projets et porter une vision globale et sur le long terme ?
Sophie Cleret
Sources :
Lepoint.fr
Lemondeinformatique.fr
Internet.org

Société

Enfants ou gouvernement : qui faut-il sensibiliser aux usages d’internet ?

 
Depuis que l’espionnage à grande échelle mené par la NSA a été révélé au grand public par un scandale sans précédent, les peurs liées à la protection de la vie privée sur internet semblent s’être aggravées. Cela explique peut-être pourquoi la journée consacrée à l’internet sûr à fait parler d’elle sur beaucoup de médias cette année. Cette journée aussi appelée « Safer internet Day », a eu lieu le 11 février et comme son nom l’indique, il s’agit d’une journée consacrée à la protection des internautes.

L’objectif principal de cette initiative, approuvée par la consommation européenne, est la sensibilisation des enfants aux dangers du cyber-harcèlement et à la nécessité de protéger les données personnelles. Toutefois, ces deux points relèvent de l’initiative personnelle, et il ne faut pas oublier que la question de la sûreté d’internet s’insère dans une problématique plus large où les gouvernements ont un rôle à jouer. Les législateurs réussissent-ils à s’adapter à ces nouveaux enjeux ? Rien n’est moins sûr.
Des magistrats perdus
Il semble en tout cas qu’en France les tribunaux aient du mal à s’adapter – ou même à comprendre – la révolution numérique. En effet, le 5 février un blogueur a été condamné à 3 000 euros d’amende pour vol de documents après avoir téléchargé des documents non protégés accès qu’il avait trouvé en utilisant le moteur de recherche Google.
Ces documents de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) auraient dû être confidentiels mais étaient en libre accès sur le site de l’agence susnommée qui n’a d’ailleurs pas souhaité se porter partie civile. La condamnation d’Olivier Laurelli, plus connu sous le pseudonyme de Bluetouff, semble ainsi résulter d’un quiproquos avec le parquet dont le représentant avoue qu’il n’a « même pas compris la moitié des termes qu[’il a] entendus aujourd’hui ».
Des débuts difficiles pour la CNIL
C’est sans doute pour pallier aux lacunes de ces tribunaux ordinaires, dépassés par l’avènement d’un média qu’ils ne comprennent pas, qu’une autorité judiciaire indépendante spécialisée dans l’application de la loi informatique et libertés a été fondée. La Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a pourtant elle aussi ses failles comme l’a montré récemment le cas Google.

Dans cette affaire, le problème n’était pas tant la condamnation mais l’application de celle-ci, car en obligeant le célèbre moteur de recherche à afficher sur sa page d’accueil le verdict du procès, la Cnil n’avait pas prévu que son site serait saturé par les visites d’utilisateurs de Google, intrigués par l’encart inhabituel. Le site de la commission est alors resté inaccessible pendant plusieurs heures, prouvant par-là que même l’organisme judiciaire le plus spécialisé de France avait encore beaucoup à apprendre.
Malgré les problèmes rencontrés par la Cnil, sa création montre qu’il y a quand même de la part de l’Etat un effort d’adaptation. Cependant, la compréhension du problème par le gouvernement et en particulier par le chef de l’Etat reste relative comme le prouvent les propos plutôt stéréotypés de ce dernier lors de son voyage dans la Silicon Valley. Il se focalise en effet sur les aspects négatifs du média à qui il reproche notamment d’être un grand vecteur de rumeurs et d’attaques personnelles – ce qui est assez étonnant au vu de ses récents démêlés avec la presse papier. Finalement, on en vient à se demander qui des enfants nés à l’heure d’internet ou du gouvernement a le plus besoin de sensibilisation à ce média.
Alexia Maynart
Sources :
Safeinternet.fr
Numerama.com
Cnil.fr
Lemonde.fr
Crédits photos :
Huffingtonpost.fr
Saferinternet.org.uk