SPECTRE JAMES BOND
Société

My name is Brand, James Brand

Décidément, rien n’arrête plus James Bond : Spectre, le 24e film de la saga, bat le record du meilleur démarrage en France et explose littéralement le budget des précédentes aventures de 007. En effet, avec un budget de 350 millions de dollars, Spectre se hisse loin devant Skyfall qui n’en avait coûté « que » 200 millions et devient ainsi un des films les plus chers de l’histoire du cinéma. Une somme colossale qui n’a pourtant rien d’un pari risqué quand on sait que James Bond est la saga la plus rentable du 7e art. Les seules entrées en salles auraient rapportées près de 15 milliards de dollars depuis 1962. A titre de comparaison, Star Wars, 2e au classement, n’a engrangé que 9 milliards de recettes. La carrière de l’agent au service secret de sa Majesté a donc encore de beaux jours devant elle… De même que l’engouement des annonceurs pour Bond !
Goldmaker
Il semble loin le temps où Albert Broccoli, le fondateur de la société américaine EON qui produit les films de la saga 007, devait lui-même prêter sa Rolex à Sean Connery sur le tournage de James Bond contre Dr No, à défaut d’avoir obtenu une contribution de la part du célèbre horloger. Le luxe et un certain art de vivre ont toujours été étroitement associés à la figure de l’agent secret et ce, même quand la production n’en avait pas les moyens. « Ajoutez à toute aventure de James Bond, une touche de luxe et de confort », disait Ian Fleming, l’auteur des aventures de 007. Aussi, dès les années 70, le marketing saisi tout le potentiel de la saga et investit l’univers bondien au travers de partenariats et placements de produits encore modestes. Tout ce que Bond touche se transforme alors en or. Les producteurs en profitent sans modération… jusqu’à écœurer le public. Ainsi, Die Another Day, sorti en 2002, est rebaptisé Buy Another Day, par les critiques de l’époque tant les placements de produits y sont exagérément nombreux (le film n’avait pas moins de 21 marques partenaires). Depuis, EON Productions a revu sa copie : exit le bling-bling, les partenariats ont été limités mais la place pour pouvoir apparaître au côté de Bond n’en est que d’autant plus chère. Pour Spectre, 12 marques ont réussi à conquérir son cœur et contribuent, en tant que partenaires, d’une manière ou d’une autre, au financement et au succès du film. Et ce fut là le coup de maître d’EON : au lieu de se faire payer grassement pour quelques secondes à l’écran, la société de production exige que les marques partenaires s’engagent sur un investissement publicitaire. Objectif : faire un tapage médiatique maximal au moment de la sortie du film. Personne ne doit ignorer l’arrivée du nouvel épisode ! C’est aussi le rôle que joue la chanson du générique : indissociables d’un James Bond, elles sont très attendues et servent au lancement du film en générant un buzz. Avec plus de 3,5 millions d’exemplaires vendus, un clip visionné 15O millions de fois sur YouTube et l’Oscar de la meilleure chanson (une première pour un générique James Bond), Skyfall d’Adèle a fortement participé au succès de l’épisode auprès du public.
James Bond au service secret de la publicité
Parmi les 12 marques partenaires de Spectre, on compte naturellement des marques de luxe. Celles-ci font partie de l’identité même de l’agent secret. A l’époque, Ian Fleming fut l’un des premiers à pratiquer le « name-dropping » dans ses ouvrages : l’auteur prenait toujours soin de préciser le nom du fabricant des chemises de son héros, de ses cigares et de ses alcools préférés… Dans les films aussi, James Bond a tout ce qui se fait de mieux et le dernier opus ne fait pas exception : voitures Aston Martin, Land Rover, Jaguar ; montre Omega (qui a réussi à éjecter Rolex et fut rendue célèbre par la réplique d’Eva Green alias Vesper dans Casino Royale : un exemple parfait de placement de produit réussi) ; vodka Belvédère et champagne Bollinger ; costumes Tom Ford… « Ces produits seraient de toute façon présents dans le scénario, aussi nous nous efforçons simplement de choisir des partenaires qui offriront les meilleurs chances de succès au film », explique Jean-Patrick Flandé, directeur de l’agence Film Media Consultant qui place des produits dans les James Bond depuis 1978. Ce n’est donc pas un hasard si la franchise est considérée comme la référence en matière de placement de produits : grâce à des objets qui s’intègrent parfaitement au scénario, les producteurs réussissent à susciter une focalisation immédiate de la part du public. Et alors qu’on pourrait s’attendre à ce que 007 ne roule qu’en Aston Martin et n’utilise que la vodka Belvédère pour la préparation de son célèbre vodka-Martini (« Shaken, not stirred »), 007 se révèle être aussi infidèle avec les marques qu’avec ses James Bond girls puisqu’il peut, dans un même épisode, boire aussi bien son cocktail préféré qu’une bière Heineken (les puristes crient au scandale !). « L’infidélité » de Bond permet ainsi aux producteurs d’éviter que le film ne prenne trop l’allure d’un long spot publicitaire à la gloire d’une seule marque d’alcools, de voitures… (ou du moins que cela soit moins flagrant). Et puis, quitte à ce qu’il soit un « homme sandwich », autant qu’il le fasse pour plusieurs annonceurs afin d’augmenter encore les recettes !

« James Bond n’utilise que le meilleur ». Ou pas…
Mais les marques de luxe sont loin d’être les seules à vouloir profiter de l’univers et de la notoriété de l’agent secret pour booster leurs ventes. Des marques de grande consommation tel que Heineken, Gillette ou encore Sony se sont vues octroyées par EON le droit d’utiliser l’image de Bond en contrepartie du lancement de campagnes de grande ampleur lors de la sortie du film. Une stratégie très avantageuse puisqu’elle permet de saturer encore plus les écrans publicitaires et de faire la promotion du nouvel épisode auprès d’un public très large (sans pour autant que cela coûte à EON). En associant son image à de tels annonceurs, James Bond ne risque-t-il pas pourtant de s’éloigner de son cœur de métier : vendre du rêve ? C’est justement cet argument qui a bien failli coûter sa place à Sony, pourtant coproductrice du film. Comme l’ont révélé des mails dévoilés lors du piratage informatique de Sony Pictures en novembre 2014, Sam Mendes, le réalisateur de Spectre ainsi que Daniel Craig ont tenté d’exclure la marque japonaise, avançant que « James Bond n’utilise que le meilleur ». Comprenez, Sony n’est pas à la hauteur. Mais, la logique de marque a fini par prévaloir et le nouveau portable a même le droit, en plus de la campagne publicitaire, à sa petite heure de gloire à l’écran. Quelques secondes auprès de Bond, n’est-ce pas ce dont tout le monde rêve finalement ?

Héloïse Bacqué 
Sources :
Challenges.fr http://www.challenges.fr/challenges-soir/20151027.CHA0950/les-dessous-de-l-incroyable-cash-machine-007.html
Lefigaro.fr http://www.lefigaro.fr/cinema/2015/11/12/03002-20151112ARTFIG00056–spectre-james-bond-bat-le-record-du-meilleur-demarrage-en-france.php
Lesechos.fr http://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/021431571542-james-bond-les-marques-qui-surfent-sur-spectre-1169380.php
Francetvinfo.fr http://www.francetvinfo.fr/culture/cinema/james-bond/spectre-james-bond-au-service-de-la-publicite_1158961.html
Capital, Dossier spécial n°007, octobre-novembre 2015. Titre : La saga James Bond, objectif fric !
Crédits images :  
dutyfreehunter.com

Com & Société

My name is…

 
En juillet dernier, James Bond et la reine Elisabeth d’Angleterre tombaient du ciel en parachute pour ouvrir les Jeux Olympiques de Londres. Moment mémorable qui marque bien l’ancrage du mythe James Bond dans la culture britannique et qui annonce implicitement le nouveau film de Sam Mendes. C’est dit, Skyfall est sorti le 23 octobre en avant-première à Londres. Ont alors commencé à pleuvoir les gadgets de communication du super-héros ou plutôt de sa super production.
Le 50e anniversaire des James Bond au cinéma constitue le discours d’accompagnement, le prologue de la campagne de communication pour promouvoir le film. Une campagne qui joue sur une reprise par lesannonceurs du personnage principal. Ou comment se parer pour la sortie du prochain film. Coca-Cola Zéro exhibe sur ses canettes collector ultra design la silhouette de Daniel Craig en smoking noir et blanc suivi du slogan « Unlock the 007 in you » comme pour inciter à l’action d’un super-héros, ou mieux, celle d’un super-consommateur.
Rien de mieux pour une marque que de revêtir le costume de l’agent secret pour fidéliser son public.
Certaines marques y voient aussi l’opportunité de lancer de nouveaux produits comme les vernis OPI avec ses nouvelles teintes intitulées « Golden Eye » dorée, « Casino Royale » violette et « Skyfall » aubergine. Bollinger, connu pour être LE champagne fétiche de Bond, a, quant à lui, créé un coffret spécial en forme de silencieux noir qui s’ouvre à l’aide du code 0, 0 et 7… Heureux hasard.
Si vous rêvez encore de devenir James Bond (ou James Bond girl), le site officiel du tourisme du Royaume-Uni exaucera vos 36 000 volontés. Visit Britain propose aux internautes une série de missions en ligne pour tenter de gagner un séjour à Londres sur les traces de l’agent secret avec des incantations telles « Live like Bond », « Accept your mission », ou un défi « Have you got what it takes ? ». Le site propose également un film publicitaire vantant les qualités de James Bond et de l’Angleterre, confondues et décrites comme «  emblématiques», « authentiques », « exaltants », « époustouflants » jusqu’au jeu de mot « You’re invited. Bond is Great… Britain ».Visit Britain mise sur un transfert de l’imaginaire des fans de James Bond sur le Royaume-Uni.
D’autres marques profitent même du film et y placent leurs produits, qui deviennent pour certains des symboles, comme l’Aston Martin ou la montre Omega présentes dans chaque film. Les symboles changent aussi au fil des annonceurs : désormais l’agent secret ne boit plus sa vodka martini « shaken not stirred » mais une bière Heineken ! Les temps ont bien changé ! Le personnage est utilisé à des fins publicitaires : en utilisant le nouveau smartphone X Peria T de Sony, il  incite le consommateur à faire de même.
Alors, y aurait-il un glissement du personnage mythique vers une marque à part entière ?
James Bond n’est plus un produit de la Guerre Froide ou une conséquence des Trente Glorieuses. Alors que ses gadgets annonçaient une société de consommation d’après-guerre et sa voiture l’essor de ce moyen de transport, James Bond évolue aujourd’hui plus vite que la musique et que les avancées techniques. Le personnage des romans et des films devient peu à peu une marque qui a une importance non négligeable sur le marché. Les atouts propres au  personnage et aux films deviennent des outils de marque. Par exemple le logo, le sigle 007, le slogan « My name is Bond », la musique, le générique qui se dessine toujours sur le même scénario (James Bond tire avec son pistolet et atteint sa cible), ses James Bond girls. On reconnaît un générique de James Bond comme on reconnaîtrait une publicité. Les valeurs véhiculées par cette marque sont sans cesse réaffirmées dans les films : James Bond incarne l’éternel gentleman au courage sans limites, son humour anglais capable de survivre à n’importe quelle situation.
Sa facilité de s’accommoder au fil du temps et de perdurer depuis 1962 est un accompagnement du spectateur, celui-ci a grandi entouré de l’univers de James Bond. Dans le monde fragile dans lequel nous nous trouvons, rien de mieux que de suivre les péripéties d’un homme d’action, voulant agir pour le bien de sa patrie tout en profitant des biens terrestres.
James Bond assure et rassure. God save communication.
 
Félicia de Petiville
Sources :
Le Figaro et vous
The Guardian « The Skyfall’s the limit on James Bond marketing»
Stratégies « James Bond, une marque, une vraie ! »