Génération Y
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Quand la génération Y dit non

 
Le premier mars dernier, The Times (UK) publie un article savamment intitulé « How to understand your teen-agers brain », énième tirade d’un énième psychologue tentant bien maladroitement d’expliquer encore une fois le comportement des jeunes.
Ils auraient dû s’y attendre. On ne peut pas véhiculer autant d’idées reçues sur les « djeunes » sans les faire réagir. Le 4 mars au matin, la rédaction du Times reçoit dans sa boite mail la réponse courroucée d’une adolescente fatiguée par ces théories générationnelles incessantes. Jenni Herd, une jeune anglaise de seize ans, se dit « annoyed » de ces clichés. Il est en effet un peu trop facile de faire des généralités sur toute une population en se fondant sur leurs statuts Facebook. « La plupart d’entre nous sont cyniques et pessimistes à cause de l’environnement dans lequel nous avons grandi – ce qui devrait être une explication suffisante à notre insolence et à notre manque de respect apparents, sans avoir besoin « d’experts » écrivant des articles dessus » s’indigne la jeune fille. Jenni l’a bien compris, l’article du Times, bien représentatif de l’image biaisée que les médias ont des jeunes, n’éclaire une fois de plus en rien le débat. L’adolescent est  dépeint comme narcissique, paresseux et rebelle. Un portrait bien trop souvent dressé sans donner la parole aux premiers concernés : les jeunes.
Mais plus que les adolescents, c’est toute une génération qui est prise pour cible. La génération Y dérange, et les articles tentant de percer ses mystères inondent les média. Le Time (US) en avait fait sa une en mai 2013. « The Me Me Me génération » dépeignait un ensemble complet de jeunes, ceux qui envahissent le marché du travail et qui, confrontés au chômage, représentent un nouveau fléau sociétal. Considéré comme paresseux, le «Y» ne se donnerait pas les moyens de trouver du travail. Mais ce portrait sans nuances de la nouvelle génération est-il vraiment représentatif des valeurs de la jeunesse actuelle? Si le jeune est narcissique, c’est parce qu’il est né avec les réseaux sociaux. L’auto-promotion s’est vulgarisée avec Facebook et Twitter, des outils avec lesquels le jeune construit sa vie sociale. Le jeune sait donc se mettre en avant et se vendre dès son plus jeune âge. Ce qui est bien trop rarement perçu comme une qualité par les recruteurs.
C’est cet « imaginaire médiatique » qui est à l’origine du mythe de la génération Y. Mythe tenace nourri par les médias qui ne font que reprendre le point de vue d’un groupe sur un autre. En effet rares sont les voix qui viennent apporter un point de vue différent. On se rappellera cependant de cet OVNI plurimedia « Génération quoi ? », qui a donné la parole aux 18-34 ans via un questionnaire en ligne, plusieurs documentaires télévisuels ainsi qu’à travers des apparitions dans la presse écrite. Internet – grâce aux blogs notamment – permet maintenant de publiciser tous les avis, même ceux minoritaires, limitant ainsi le monopole des journalistes à fabriquer l’information même si ces derniers cèdent parfois la place à des particuliers. C’est le cas de la psychothérapeute New-yorkaise Brooke Donatone qui publie sur le pure player Slate.com, un article défendant cette génération mal-aimée par la presse. Donatone dénonce l’observation de cette jeunesse par la seule prise de vue des adultes. Il est alors normal que les jeunes apparaissent comme « des bêtes de laboratoire » (dixit Jenni) si les scientifiques qui les observent ont quarante ans de plus. Le choc générationnel entre les X et les Y est différent de celui des générations passées. A cause du gap technologique entre juniors et seniors, là où les anciens défendent leur expérience, les jeunes actifs mettent en avant leur savoir faire technique. La technologie s’annonce comme un domaine mystérieux, l’utilisateur de cette technologie, le jeune, apparaît alors à son tour comme une entité mystique, creusant plus qu’il ne faut le gouffre générationnel.
Mais comme le souligne Donatone, les parents ne sont pas innocents dans la construction de la génération Y. Et il n’y a pas que les médias anglosaxons qui s’en sont rendus compte. Un article de La Croix (01/10/2013) intitulé « On les appelle « parents hélicoptères »» parlait déjà de ces parents qui « volent » au secours de leurs enfants dès qu’ils rencontrent le moindre obstacle, ne leurs offrant qu’une illusion d’autonomie. Et c’est bien ce que la psychothérapeute américaine tente de faire comprendre : si l’adolescent semble aussi perdu à 30 ans que l’étaient ses parents à 18 ans, c’est en grande partie dû à l’éducation qu’il a reçu. Une remise en perspective salutaire, qui permet de dépasser le jugement tranchant que les médias ont adopté sur les Y. Et si les médias laissaient les jeunes s’exprimer au lieu de ne faire parler que leurs parents ? Peut être alors qu’ils découvriraient l’abominable vérité, celle qui place le jeune instruit et motivé dans un contexte de crise, qui ne demande qu’à ce qu’on lui accorde une chance.
Laissez  donc cette génération s’exprimer au lieu d’interpréter ses moindres faits et gestes. Il se peut qu’elle ait des choses à dire, et peut être même, des solutions à apporter…
 
Louise Le Souffaché
Crédits photo :
Le Monde.fr

16 ans et enceinte
Com & Société

De la téléréalité à la natalité

 
Voilà une nouvelle qui devrait enchanter  les parents américains ! Si l’on en croit les résultats d’une enquête menée par deux économistes du NBER (National Bureau of Economic Research) de Chicago, la téléréalité n’aurait pas que des désavantages et serait même un excellent vecteur de sensibilisation.
Relayée par le très sérieux New York Times dans un article paru le 13 janvier dernier, cette étude établit une corrélation entre  la réduction rapide et significative du nombre de grossesses précoces dans certaines régions des Etats-Unis et les records d’audimat réalisés par MTV dans ces mêmes  régions. Depuis le lancement de sa série phare « 16 and pregnant »  (16 ans et enceinte) en 2009, la chaîne la plus plébiscitée par les ados aurait permis d’éviter plus de 20 000 naissances non désirées par la seule influence de son programme.
Le pitch de cette émission qui attire plus de 3 millions de téléspectateurs par épisode?  Une immersion si réaliste dans le quotidien de jeunes américaines tombées enceintes par accident qu’elle en deviendrait presque intrusive. Parents au bord de la crise de nerfs, petits-copains absents, manque de sommeil et problèmes financiers, rien n’est épargné à ces anciennes cheerleaders aujourd’hui dépitées par leurs vergetures.  On s’émeut et surtout, l’on apprend des erreurs de la jolie Mackenzie. Elle qui refusait de prendre la pilule par peur de grossir est aujourd’hui surnommée «  la baleine » par ses camarades de lycée. On s’insurge et plus encore, l’on compatit au tragique destin de ce pauvre Josh contraint d’arrêter le rodéo pour trouver un travail alimentaire alors même qu’il peine à retenir la date prévue pour l’accouchement de sa copine.
Si le contenu d’un tel programme peut prêter à sourire, il n’en est pas moins digne d’intérêt. Quoi qu’en disent les mauvaises langues, l’enregistrement des taux records de tweets  et de recherches Google ayant trait à la contraception coïncide avec les horaires de diffusion du programme.
Interrogée sur la question, Sarah S. Brown, directrice générale du programme américain de prévention de la grossesse chez les adolescentes, s’enflamme et déclare «  Les gens n’ont simplement pas conscience de l’impact qu’ont les médias d’influence sur les jeunes ! ».
Aux vues des vagues de fanatisme que suscitent certaines émissions, on est nécessairement tenté de lui donner raison…
Le plus étonnant dans cette histoire ? Le show,  longtemps critiqué par les progressistes qui l’accusaient de prêcher la bonne parole républicaine à travers un discours censé diaboliser l’avortement et encenser la merveilleuse expérience de la maternité, fait désormais la joie… de ses principaux détracteurs !
S’il est vrai que les adolescentes ayant participé à l’émission sont devenues de véritables stars outre Atlantique, ce qui pourrait inciter les téléspectatrices à suivre leur exemple, elles ne font pas figures  de modèles pour autant. Farrah Abraham, qui a connu la gloire le temps d’une sextape, suit désormais une « Thérapie de couple » dans une émission éponyme diffusée sur VH1. Janelle Evans fait davantage la Une des tabloïds que celle des grands magazines et la presse à scandale qui se délecte de ses problèmes d’addiction ne manque pas de médiatiser la moindre de ses arrestations. Quant à Kaylin Lowry, qui regrette de n’avoir jamais obtenu son baccalauréat, elle profite de ses apparitions publiques pour rappeler combien élever un enfant est difficile quand on n’en a ni la maturité, ni les moyens.
Loin d’encourager les jeunes américaines à devenir mère et avoir beaucoup d’enfants, « 16 and pregnant » fait davantage office de « cautionary tale » (avertissement) que de « fairytale » (conte de fées) pour reprendre une expression chère à  nos amis anglo-saxons.
Quel meilleur moyen en effet de sensibiliser la jeunesse aux conséquences de rapports non protégés si ce n’est en leur montrant la réalité à laquelle d’autres ados ont été confrontés avant eux? « Ça pourrait très bien m’arriver » semblent se dire des milliers d’adolescents peu enthousiasmés à l’idée de devoir un jour assumer pareilles responsabilités.  Même âge, même vie ;  scotchés à leurs écrans, les téléspectateurs ne pourraient se sentir plus proches des personnages de leur show télévisé. Le processus d’identification fonctionne et va jusqu’à briser certains tabous, déliant les langues et incitant les jeunes à parler librement de contraception.
Offrir du divertissement aux ados pour les inciter à se protéger ? Encore fallait-il y penser !
Si  les résultats de l’étude menée par les économistes de NBER sont à manipuler avec précaution, ils ont le mérite de poser la question de l’influence des médias sur notre quotidien. Les créateurs de  « 16 and pregnant » n’avaient rien planifié et c’est sans doute la raison du succès de leur programme en matière de prévention. La morale de cette success story à l’américaine ? Le miroir de la réalité se révèle plus efficace qu’un discours moralisateur ou préfabriqué.
Faut-il pour autant  envisager la téléréalité comme un nouveau moyen de communication à visée pédagogique ? A méditer.
 
 Marine Bryszkowski
Sources
NYTimes
NBER
Grazia
Wikipédia

Les Fast

700 mots de polémique

 
En à peine plus de 700 mots, tout y passe : l’économie, la politique, la société, la psychologie…
700 mots d’un article du Point avec un certain retentissement, sobrement intitulé : « Jeux vidéo : permis de tuer ». Au moins la couleur est annoncée.
Si l’on analyse l’article, on observe qu’en 700 mots sont abordés pléthore de sujets polémiques autour du thème de la violence vidéoludique. Et, heureuse coïncidence, les joueurs sont aussi souvent une population jeune, au fait des nouvelles technologies, active sur les réseaux, et prompte à réagir pour se défendre.
Cet article, moins qu’une charge violente, est en réalité un excellent buzz, puisque les mécontents relaient l’information bien plus vite et avec bien plus de force que des lecteurs satisfaits. Au bout du compte, Le Point fait parler de lui et amasse une quantité étonnante de commentaires sous l’article en question (120 en quelques heures, pour la plupart longs et appliqués). Autant de commentaires c’est autant de temps passé sur le site du Point, autant de clics, autant d’arguments convaincants pour les annonceurs.
La polémique : générateur de trafic, et ça, c’est tout bon.
À l’heure où les médias pâtissent d’une méfiance grandissante des publics, à l’heure où leur crédit est en berne, peut-on se permettre de torpiller ainsi la fameuse éthique journalistique ? Quid des recherches, des analyses, du sérieux, de l’objectivité ?
Distinguons les conséquences à long terme et à court terme. Dans le cas présent, l’immédiat s’avèrera sûrement rémunérateur, et le bénéfice d’audience peut-être non négligeable. Mais au temps long, les choses semblent moins évidentes : c’est tout un contrat tacite qui vole en éclat ; et gageons que ce ne soit pas un pari gagnant par les temps qui courent.
Le mélange des genres n’est pas toujours bénéfique ; en l’occurrence il est catastrophique parce qu’il contribue à décrédibiliser le travail d’analyse que sont supposés faire les medias. On ne se lassera pas de répéter que la plupart d’entre eux ont besoin des annonceurs pour vivre et continuer à produire du contenu, que l’achat au numéro ou les abonnements ne suffisent pas, que les annonceurs sont souvent vitaux ; mais si le lectorat, seul, n’est pas toujours suffisant pour attirer des annonceurs, il est certain que l’absence de lectorat n’en attire aucun.
Cet article, loin d’être le seul de son espèce, est symptomatique des maux du modèle économique des médias traditionnels. Il marque, comme d’autres avant lui, un processus lent de déclin d’un système qui survit  sans parvenir à se réinventer.
Informer et attirer des annonceurs ne sont pas inconciliables, pourvu que l’un ne se fasse pas aux dépends de l’autre.
 
Oscar Dassetto
Crédits photo : © DR

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