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La prévention routière : une communication qui tient la route

Depuis sa création en 1982, la Délégation à la Sécurité Routière (DSR) n’a cessé de faire évoluer ses campagnes de communication afin de sensibiliser les citoyens à ce sujet qui nous touche tous, les accidents de la route. En tant que structures interministérielles, les campagnes émanant de la Sécurité Routière doivent faire face à un enjeu immense pour le bien commun, afin de faire prendre conscience aux personnes qui les visionnent des risques encourus quand on déroge aux règles de la circulation routière. Un vrai problème de société sachant que plus de 1000 personnes sont tuées chaque année dans des accidents de la route liés à l’alcool.

Flops

Wesh, ta Com’ se porte bien ?

 
Les jeunes, c’est bien connu, ne captent strictement rien à ce qui se passe dans la vraie vie des adultes. Du coup, il faut leur parler comme à des enfants, et adapter sa communication à cette faune étrange et incompréhensible. Parce que clairement, une campagne normale, avec des mots normaux, on ne la comprendrait pas.
Deux secteurs sont particulièrement touchés par ce jeunisme linguistique qui passe rarement à côté d’un énorme flop ; le secteur bancaire, et les campagnes anti-substances plus ou moins louches (drogue, alcool, et autres objets de dépravation).  Une publicité de La Poste et son service Bagoo, résume assez bien le casse-tête que représente la jeunesse aux yeux des communicants :

La publicité date de la fin des années 2000 mais conserve sa fraîcheur, contrairement à d’autres publicités plus actuelles qui sont ringardes avant même d’être diffusées. C’est bien simple, les communicants ont beau tous avoir été jeunes un jour, ils ne conservent aucun souvenir précis de cette époque-là. Pour beaucoup de communicants et comme le prouve cette vidéo, il est essentiel de pouvoir se mettre dans la peau de sa cible (attention les jeunes je ne vous parle pas de votre target en boîte de nuit mais bien de cible marketing). Ce changement de peau, ce rajeunissement est rarement une réussite, souvent parce qu’il y a du trop dans à peu près toutes les tentatives.
J’en veux pour preuve plusieurs campagnes plus ou moins récentes.
La Caisse d’Épargne : petit Larousse des expressions désuètes
La Caisse d’Épargne, pour sa nouvelle campagne dans les stations de métro a choisi, entre autre, de s’adresser aux jeunes, intrinsèquement novices dans l’univers de la banque, des finances et de l’épargne. L’idée de départ n’est pas mauvaise : proposer un mot courant et le faire suivre de la définition que donne la banque a ce même mot. Sauf que, et c’est là que j’ai du mal à comprendre, lorsque la banque s’adresse aux jeunes, le vocabulaire proposé n’est pas courant, il est soi-disant djeuns, du genre « halluciner grave » ou « ça déchire ». Mouais. Un parti pris pas vraiment cohérent avec le reste de la campagne qui n’était pas outrancière et qui commençait par ce visuel :

Bien que la définition soit du flou propre au jargon des banquiers, la Caisse d’Épargne n’essaie pas de se faire passer pour un jeunot ou une jeunette. En revanche, dès que jaillissent les expressions prétendument sorties du vocabulaire de notre génération, le ridicule frappe à leur porte. Et le pire, c’est qu’on ne sait pas vraiment qui est ridicule entre :
–          Le communicant qui a décidé de placer « halluciner grave » en pensant que c’était d’actualité et resplendissant de jeunesse
–          La jeunesse à qui l’on prête ces mots
–          Les mannequins sur les photos
Bref, une mauvaise opération de communication, le communicant semble s’être abaissé pour parler aux jeunes qui, de fait ne peuvent se sentir que plus bêtes qu’ils ne le sont réellement. L’idée de départ était bonne, la réalisation est à mon sens un joli raté.
Les communicants doivent eux aussi éviter les substances illicites
Ce  qui m’a décidé à écrire cet article n’est cependant pas la campagne de la Caisse d’Épargne, mais l’apparition d’une vidéo, relayée par un ami via Brain Magazine, qui ne peut que faire horreur.

La palme du jour du flop le plus gargantuesque revient sans conteste à la Sécurité Routière. De manière générale, on peut se demander quelle agence fait donc ces campagnes toujours plus ou moins ratées. Revenons à nos jeunes inconscients et emplis « de seum ». Nous avons ici le parfait exemple de ce qui fait TOUJOURS rater une campagne de communication pour les djeuns : essayer de jouer avec leurs (nos) codes et tenter de les imiter, surtout de manière aussi ridicule que celle-là. C’est tellement raté que l’on aurait presque envie de conduire à 5 grammes, histoire de faire un pied de nez à la Sécurité Routière qui semble volontairement vouloir se mettre ses cibles à dos.
Le jeune a un cerveau, par conséquent il est probable qu’il comprenne les mots « Ne pas conduire après avoir bu ». C’est un peu comme si l’on faisait une publicité pour les couches pour bébés en séduisant les parents avec un slogan du style « la cou-couche c’est pour faire popo dedans et en plus ça sent bon ! » Au temps pour ma mauvaise foi.
Vouloir jouer avec les codes sociaux est toujours un jeu dangereux et rarement réussi en manière de communication. En sortant de ses propres codes de langages, on tend à se ridiculiser soi-même et plus encore sa cible. Un peu comme si vous parliez français à un étranger et que vous imitiez son accent ou ses erreurs de grammaire, sans le faire au second degré.
Pour un communicant dans la fleur de l’âge, vouloir se mettre intégralement dans la peau d’un jeune ne peut pas réussir, parce qu’il met en avant un fossé entre deux générations et donne à sa cible l’impression d’être fondamentalement différente et pis encore, inférieure. Alors que s’il lui parle avec un langage neutre, il établira un terrain d’égalité et, plus favorablement, d’entente.
Comprendre sa cible, oui, l’imiter non.
 
Noémie Sanquer
Sources :
Brain Magazine
La Dépêche

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