BARBIE
Culture

Barbie se met en formes

« Now can we stop talking about my body? » D’un revers de sa main de plastique, Barbie balaye les questions relatives à sa … plastique, en Une du magazine Time. Le groupe Mattel l’annonce dans l’hebdomadaire américain : Barbie fait sa révolution, et se refait une, ou plutôt des beautés. Après des mois d’études de marché, de tractations en interne et de tests auprès de ses (très) jeunes client(e)s, Barbie accueille dans son monde merveilleux trois variations de la fameuse sylphide blonde et longiligne créée en 1959, ainsi qu’une multitude de nouvelles carnations et textures de cheveux.

Jouet Citroën Cabriolet 1983 photo de Philippe Lavieille
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Le joujou, première initiation au « Brand content » ?

L’exposition « Des jouets et des hommes » qui se tient actuellement au Grand Palais jusqu’en janvier 2012 présente  toutes sortes de jouets occidentaux de l’antiquité à nos jours. « Le joujou est la première initiation à l’art »  nous rappelle le site de l’exposition citant Baudelaire. Il semblerait  que le jouet soit aussi  dans quelques cas une initiation à la consommation. Lors du parcours de l’exposition, on observe ainsi quelques jouets de marque comme une ferme Nestlé du début du siècle ou comme cette miniature Citroën des années 30 :

Des 1922, André Citroën donna en effet son accord à l’entreprise Migault pour la fabrication de miniatures des voitures vendues par les Usines Citroën[1]. Partager le plaisir du jeu des enfants,  participer au développement de leur imaginaire, les initier au maniement d’un objet fascinant, en voilà une bonne idée pour sensibiliser positivement les futurs consommateurs… Les parents-acheteurs sont les associés volontaires de cette entreprise de promotion de la marque pour le futur. Dans l’immédiat, c’est aussi l’occasion d’assurer la présence de la marque dans un univers où on ne l’attend pas, de favoriser une image positive dégagée de l’intentionnalité trop évidente de la transaction et de sa  monétisation en lui substituant les valeurs du didactique et du ludique. C’est aussi l’occasion de rappeler l’importance d’une marque éminente, sur un marché en pleine expansion associé à l’innovation, à la modernité et aux promesses d’un nouveau mode de vie.
Ce petit exemple témoigne de l’ancienneté de ce que certains nomment « le brand content » qui consiste à promouvoir sa marque en lui donnant une posture d’acteur culturel, en faisant passer au second plan sa vocation commerciale.  On peut donner de nombreux autres exemples d’ambitions culturelles de marque perceptibles dès la fin du XIX° siècle et au début du XX° siècle : édition de Meccano magazine,  1erGuide Michelin , planches pédagogiques Poulain mises à la disposition des instituteurs,  Cinebana de Banania dans les années 40 qui permettaient de projeter des images avec un dispositf en carton etc.
Alors que les discours sur le marketing font de la nouveauté un argument fort, alors que l’évocation du « brand content » se généralise sans pour autant que le processus soit toujours  qualifié et défini, il n’est peut-être pas inutile de restituer ces processus de marque dans une perspective historique. Non pas que « tout soit comme avant », ce qui serait erroné du point de vue technique, culturel, organisationnel etc., mais l’observation du « geste  communicationnel » à un siècle d’intervalle témoigne d’une même dynamique de conquête des marchés et de certains invariants des représentations des acteurs de la communication et du marketing. Le glissement d’une posture commerciale à une posture culturelle a ainsi le mérite de rappeler que les marques sont des systèmes de signification dont la portée est  à la fois économique et culturelle.
 

Caroline de Montety
Maître de Conférences au Celsa Paris-Sorbonne et chercheur au GRIPIC
 

[1] Source : mesminiatures.com
Crédits photo : Philippe Lavieille

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Montage photo de Steve Jobs sur une tablette Ipad
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Saint Steve, priez pour nous

Ah les fêtes ! Temps d’amour, de réconciliation, de paix, de communion, de présents et… d’ennui profond. Ne le nions pas, nous avons tous regretté un jour de n’avoir plus six ans pour aller jouer dans la neige et échapper ainsi à Tatie racontant à Mamie les problèmes d’Albert, son pékinois préféré depuis la mort de Pachou, splendide bichon maltais écrasé par un conducteur de poids lourd peu scrupuleux. Heureusement, est arrivé un jour sous le sapin un nouveau jouet, le téléphone intelligent aka smart phone, grâce auquel nous pouvons désormais profiter de la vue déclinante de nos aînés pour discrètement retrouver, en plein dîner, notre espace transitionnel préféré: le Web !
 
D’ailleurs, le moment est propice. L’année se termine et blogueurs et médias la fouillent frénétiquement afin de nous attirer à eux à coups de rétrospectives, bilans et classements. Le besoin de sens génère du trafic, et ce jusque chez les publicitaires. Ainsi, Adweek propose depuis le 20 décembre un classement des campagnes virales de grandes entreprises ayant rencontré le plus de succès sur le Net, où les géants des télécommunications trustent presque parfaitement le podium et ses environs. Google y est premier, Apple troisième, Microsoft quatrième et Motorola cinquième. L’hégémonie serait totale sans la présence de Nike sur la deuxième marche.
 
Mais au fait, qu’est-ce que le viral ? De la publicité tout simplement, dont la spécificité et l’intérêt est d’être diffusée par ses destinataires eux-mêmes, sur les réseaux sociaux principalement. Pas d’espaces publicitaires à acheter pour les annonceurs mais une séduction devenue par contre impérative. En effet, il ne s’agit plus de profiter de temps de cerveau rendu disponible par les médias mais d’attirer ces cerveaux vers soi, ou plutôt vers ses annonces. Google a donc engagé Lady Gaga, Nike l’équipe de Retour vers le Futur et Microsoft un type assez inconscient pour se lancer du haut d’un tremplin savonneux dans une piscine de jardin en plastique placée vingt mètres plus loin. Motorola a lui été plus intellectuel et choisi la satire, avec une savoureuse référence au fameux clip réalisé par Ridley Scott  pour Apple en 1984 : « 2011 looks a lot like 1984 ».
 
Et, qu’en est-il d’Apple justement ? Il parle de lui, ou plutôt de la dernière déclinaison de lui : l’iPhone 4S. L’égocentrisme n’est rien de bien séduisant a priori, mais ici ça marche. Plus de 60 millions de personnes ont été voir la vidéo présentant la dernière version de l’iPhone, bien que celle-ci soit 5 fois plus longue que ses concurrentes. Cela soulève nécessairement des questions, sans réponses définitives bien entendu. Parmi les hypothèses avancées : l’amour. C’est la théorie de certains neuro-marketers, popularisée par le reportage Apple, la tyrannie du cool, diffusée le 13 décembre sur Arte. Les utilisateurs entretiendraient avec leur petit engin un rapport fait de crainte d’être abandonné et de jouissance de le retrouver à chaque fois qu’il se signale à leur attention. Certains en viendraient même à le caresser…
 
Mieux encore, cette relation n’est pas seulement bilatérale, elle est aussi communautaire. La pomme croquée serait en fait le symbole d’une nouvelle religion. A l’heure où les croyances traditionnelles déclinent, les marques prendraient le relais et chercheraient à répondre à leur place à nos besoins de liens horizontaux et verticaux. Du coup, rien d’étonnant à ce que la simple présentation d’un nouveau produit rassemble les foules. Si nous adorons la nouveauté, nos reliques doivent être des innovations. Les queues à l’entrée des Apple Stores les jours de lancement ressemblent d’ailleurs assez furieusement aux processions religieuses d’antan.
Vous ne savez pas à quoi ressemble une procession religieuse ? Demandez donc à Tatie et Mamie, elles se feront une joie de vous l’expliquer.
 
Romain Pédron