Société

TF1 fait du n’importe quoi

 
L’anecdote n’aura échappé à personne, c’est même passé dans Le Petit Journal. Le 16 avril, l’émission Confessions Intimes de TF1 était la victime d’un trucage fomenté par le célèbre Rémi « N’importe Qui » Gaillard, et un couple d’amis. Lui s’est fait passer pour un fanatique – oui, autant ne pas abréger le mot pour le coup – de la star du Web. Elle a occupé 48 heures de tournage à l’ensevelir sous les reproches devant les caméras, dévastée qu’elle était par les ravages que la passion de son petit ami causait dans leur couple.
On peut comprendre que la première chaîne soit tombée dans le panneau avec tant d’éclat, puisque ce genre de tableau est exactement ce qui fait le fond de Confessions Intimes. Et il est tout aussi compréhensible qu’elle ait réagi en se drapant dans une dignité bafouée, lorsque les piégeurs ont révélé la supercherie.
Mais le public trouve nettement moins d’excuses à TF1 lorsque l’on en vient aux révélations faites par N’importe Qui et ses amis. Car – grands dieux – ils ont offert aux Français la vérité crue : les reportages de Confessions Intimes sont scénarisés !
Pas de quoi faire une attaque, évidemment. Depuis son lancement en 2001, l’émission manie trop de scènes pathétiques pour que tout puisse être vrai et le public n’a pas attendu d’entendre parler de Scripted Reality pour s’en douter. Mais c’est ce qui fait le succès de ce genre d’émission, un contrat somme toute classique avec le téléspectateur, qui doute et discute de ses doutes sur la véracité de ce qu’il voit, pour finalement être au rendez-vous la semaine suivante. Le mensonge peut être aussi énorme que possible tant que l’on a la courtoisie de n’en laisser aucune preuve solide. Les diverses interventions de Rémi Gaillard depuis le canular et notamment le making-of qu’il a diffusé, ont réduit ce dernier point à néant.
Sale époque
Or, la chaîne n’en est pas au premier ternissement de sa réputation cette année. La mort accidentelle de Gérald Babin, candidat à Koh Lanta, puis le suicide du médecin qui l’avait jugé valide, occupaient déjà l’actualité du Web depuis la fin du mois de Mars, comme nous l’avons développé ici. Quel rapport entre ces deux cas me direz-vous ? La dignité du diffuseur, bien sûr.
Les révélations de la famille de Mr Babin, exposant l’attitude pour le moins basse des représentants de la chaîne à son égard, ont fait momentanément redescendre la réputation de TF1 à un niveau qui rappelle ses débuts dans la téléréalité – l’ennui, c’est que cette fois-ci, il n’y a pas de gigantesque succès commercial à la clé. Rien de dramatique pour autant : début avril, la communication de crise de la chaîne était suffisamment succincte et cohérente, jouant sans surprise sur l’abattement de ses cadres devant le mal qu’ils avaient involontairement causé, pour la dédouaner à terme. Denis Brogniart y laissait quelques plumes, mais l’honneur était sauf.
Mais voilà qu’en sus d’un parfum de cupidité dangereuse, la chaîne apparaît coup sur coup comme amatrice dans ses prises de décision et malhonnête dans sa production de contenu ! Dès lors, l’argumentaire des belles valeurs blessées marche nettement moins bien que deux semaines auparavant : le communiqué de TF1 a beau reconnaître honorablement son erreur, s’offusquer, rejeter la faute du mensonge sur Rémi Gaillard, il est bien difficile de passer pour l’innocente victime d’un seul homme lorsque l’on pèse plus d’un milliard et demi d’euros. Et c’est sans parler de la chasse, prévisible mais peu glorieuse, qui a été donnée aux uploads du reportage du 16 Avril : Youtube, et même maintenant Rutube pour ne citer qu’elles, ont été priées de retirer tout leur contenu fâcheux.
Y’a plus de valeurs, ma bonne dame
Il en faut cependant bien plus pour abattre un tel colosse. Malheureusement, le « bien plus » se rapproche progressivement depuis quelques années : M6 continue l’assaut sur les publics de sa première rivale et gagne petit à petit une aura qui n’a plus grand-chose à voir avec la Trilogie du Samedi et son public exclusivement jeune. Désavantagée en termes de dynamisme et de réactivité, la meneuse a toujours pu se reposer sur un ancrage historique et moral, qui n’a que peu à envier à celui du service public, pour lui assurer des parts d’audience relativement constantes, même récemment. Mais même un tel atout ne protège pas indéfiniment contre la lassitude du spectateur, lorsque deux émissions phares sont menacées de mort presque simultanément.
Google arrive, M6 persiste. Le colosse pourrait-il voir ses pieds se muer en argile ?
 
Léo Fauvel
Sources :
Le Plus du Nouvel Obs
PcInpact
The Huffington Post
Le Gorafi

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Plus redoutable que l’épreuve des poteaux ? La gestion de crise chez TF1

 
Épreuve de la mort subite
Il y a quelques jours, TF1, grande chaîne nationale, a dû faire face à une situation sans précédents. Si au début, il s’agissait seulement d’une rumeur circulant sur Twitter et qui s’est retrouvée dans les Tendances françaises en l’espace de quelques minutes, la chaîne et la production l’ont ensuite confirmée par un communiqué officiel : « Gérald Babin, 25 ans, participant de la 16e saison de Koh Lanta est décédé ce jour d’un arrêt cardiaque lors de la première journée de tournage au Cambodge. Toutes les équipes d’ALP, de TF1 et Denis Brogniart sont effondrés et s’associent à la profonde tristesse de la famille de Gérald. Toutes leurs pensées vont vers ses parents, sa sœur, sa compagne, ses proches. Il a aussitôt été décidé d’arrêter le tournage et de rapatrier dès que possible toutes les équipes à Paris. »
Ce drame qui a eu lieu la première journée de tournage d’une émission de télé-réalité phare, a déclenché une tempête médiatique qui nous amène à nous poser plusieurs questions. Qu’en est-il du futur de l’émission ? De la télé-réalité elle-même ? Ce drame aurait-il pu être évité ? Est-ce la faute des jeux d’aventures peut-être trop dangereux ?
A l’épreuve d’immunité, TF1 arrive dernier
Koh Lanta appartient à un genre de télé-réalité plus qualitatif que celles d’enfermement de type Secret Story ou Les Anges de la Télé-réalité. La dernière saison avait récolté 33 millions de recettes publicitaires et environ 30% de parts de marché soit environ 7 millions de téléspectateurs réunis chaque vendredi en Prime time devant l’émission. Il serait donc dommage pour la chaîne d’arrêter la diffusion d’un programme qui, depuis 2001, connaissait une très forte audience qui n’avait jamais vraiment reculé malgré l’aspect et le contenu répétitif de l’émission d’une année à l’autre. Si la saison 2013 a été finalement amputée, la chaîne demeure silencieuse quant au futur du programme. Si beaucoup espèrent que Koh Lanta continuera, on a quand même du mal à imaginer Denis Brogniart revenir sur nos écrans un an plus tard avec 15 autres candidats et prononcer les phrases cultes du programme : « Ils ont décidé de vous éliminer, leur sentence est irrévocable » ou « A la fin, il n’en restera qu’un. » Difficile pour les proches et surtout l’image de la chaîne qui serait alors considérée par tout le monde comme une chaîne qui ne cherche qu’à faire de l’audience. TF1 a déjà une image négative auprès du public en raison de certains de ses programmes jugés un peu « limites », voir qualifiés de « télé poubelle » par certains. Ainsi, perdre le programme le plus regardé en prime time après The Voice et qui s’adressait à un public très large, serait un coup dur pour la chaîne. Mais en même temps, si l’émission continuait comme si de rien n’était, TF1 commettrait alors un suicide médiatique. Cela ternirait son image et confirmerait alors ce que beaucoup disent déjà de TF1, la chaîne ne serait plus grand public mais « complètement Trash ».
Comme à la réunification, place à la stratégie… De com’
Pour le moment, TF1 gère cette situation de crise plutôt bien et se bat justement pour ne pas véhiculer cette image « trash ». La chaîne, dans ce déferlement médiatique, tente plutôt de privilégier l’aspect humain. Il est donc l’heure de la compassion chez TF1 qui, dans son communiqué, a humanisé la victime en indiquant son nom et en présentant ses condoléances à la famille. Chez ALP, la production, ils déclarent : « On privilégie à 400% l’humain. » La chaîne a donc pris en charge les proches et les a aidés à se rendre au Cambodge, ils sont attendus sur le lieu du tournage pour une bénédiction et pour qu’ils puissent ainsi faire leur deuil. De ce fait, en ne lésinant pas sur les messages de condoléances envers la famille du défunt, la chaîne respecte un fondamental en matière de communication de crise, c’est-à-dire, faire part de respect et de compassion lorsque il y a malheureusement eu des victimes. La famille devrait même recevoir la visite du PDG de la chaîne et recevoir l’aide d’un psychologue.
Au « conseil » de la télé-réalité, on a décidé de vous éliminer
Maintenant, il est temps pour la chaîne de prendre des décisions mais également répondre à plusieurs questions, que beaucoup se posent, en étant totalement transparente. Tous les tests médicaux nécessaires ont-ils été faits ? Ont-ils lésiné sur les précautions à prendre pour la sécurité des candidats ? Est-ce la faute des jeux d’aventures, trop imprévisibles et donc trop dangereux ? Etc. Lorsque l’on a pris connaissance du décès d’un candidat par arrêt cardiaque, on a tout de suite imaginé un sexagénaire, un peu fatigué qui n’aurait pas tenu le coup lors d’une épreuve physique. Après les explications de la chaîne, c’est le choc. On ne comprend pas vraiment car on sait que la chaîne fait passer des tests médicaux draconiens et alors on pense aux footballeurs qui se sont éteints très jeunes, en plein match, sur le terrain. Pourtant nous ne sommes pas ici dans un cadre sportif mais dans un cadre de télé-réalité et c’est ce qui choque. Gérard Babin est la première victime directe de la télé-réalité en France. Avant lui, on se rappelle malheureusement de François-Xavier (FX) qui s’était suicidé après Secret Story ou Jean-Pierre de « Trompe-moi si tu peux » (émission qui n’avait pas vu le jour en raison de son suicide justement). Mais à l’étranger, dans des émissions de même format que Koh Lanta, d’autres décès sont à déplorer. Ainsi, en 2009, dans la version bulgare, Noncho Vodenicharov, âgé de 53 ans, décède d’une crise cardiaque aux Philippines. La version pakistanaise connaît le même drame la même année avec Saad Khan, 32 ans, qui se noyait en Thaïlande. Le nombre de victimes à déplorer nous amène à nous interroger sur la dangerosité du programme et de ce type de jeux d’aventures. Une affaire et une polémique qui peuvent poser problème à l’heure où M6 s’apprête à diffuser la nouvelle saison de Pékin Express, un jeu d’aventure presque aussi éprouvant que Koh Lanta. Pourtant, ce genre d’émissions a du succès pour ces raisons, pour les risques que prennent les candidats. Les téléspectateurs veulent les voir « trimer », souffrir et pour ceux qui l’avouent, même se blesser. C’est ce qui permet aux chaînes de mettre les spectateurs en haleine. On l’a vu dernièrement dans l’émission Splash, que beaucoup ont avoué regarder en espérant que les candidats se ratent.
Tous ces dangers ne concernent pas seulement les jeux d’aventures mais la télé-réalité en soi : aujourd’hui, on élève le nombre de victimes de la télé-réalité à 12, la plupart s’étant suicidée. Est-il temps d’arrêter la télé-réalité qui continue pourtant de connaître un succès fulgurant ? Il est peu probable que les chaînes sautent le pas. La télé-réalité semble encore avoir de longs jours devant elle, ce qu’on ne peut pas dire dans le cas de Koh Lanta en revanche. Le scénario le plus probable pour la chaîne est de trouver un autre concept d’émission proche de Koh Lanta mais sans l’animateur star de TF1, Denis Brogniart étant associé directement au programme dorénavant entaché par l’incident. Si la chaîne ne trouvait pas de remplaçant à celui-ci, cela pourrait poser problème financièrement à TF1 sur le long terme puisqu’elle devra dire adieu à 33 millions de recettes publicitaires.
 
Sabrina Azouz
Sources :
Le JDD
L’entreprise.com