Une galette des rois
Publicité et marketing

La ralette des moi

En ce début d’année 2012, dans ce blog sérieux et cette rubrique d’actualité, j’aurais pu intituler cet article Zoom sur la crise !, vous parler de la morosité de ces dernières fêtes, des dernières tendances, du renouveau dans les campagnes de communication. Oui, sur tout cela j’aurais pu écrire, mais aujourd’hui, je vais faire comme tout le monde : je vais vous parler de la Galette des Rois. Durant ces temps d’épiphanie, le sujet est on ne peut plus d’actualité. La Galette est partout sur nos écrans. Tous les journaux en font mention, une à deux fois par jour ; les émissions et  documentaires ne sont pas épargnés. La Galette est le centre de toutes les attentions : comment est-elle faite ? Où ? Par qui ? Avec  quelles fèves ?
Et pourtant, la Galette, tradition ancestrale, est intégrée dans nos habitudes de consommation. Tous les ans, à date fixe, nous pensons à partager la Galette, en famille, entre amis, dans les clubs et les associations. Elle est devenue le lieu d’habitudes immuables qui perdurent et se perpétuent. . Elle s’est transformée en objet infra-ordinaire : on y pense sans y penser. La Galette des rois est devenue un symbole de sociabilité, d’amitié, de partage et d’échange.
La vieille dame fait l’unanimité. Elle n’a pas de détracteur. Personne n’ose se dresser contre une telle tradition : cela équivaudrait à contester l’existence du Père Noël ! Non, mêmes les diététiciens se taisent. En cette période de l’année, propice aux ripailles et aux réjouissances, la contestation serait malvenue.
Mais alors, si l’habitude de la Galette nous est constitutive, si elle est ancrée en nous comme un fossile dans son caillou, s’il ne nous viendrait pas à l’esprit d’oublier la Galette un 6 janvier, d’où provient la nécessité d’être si loquace ? On remarquera que la publicité, quant à elle, ne s’empare pas de cet objet : à part les panneaux dans les grands magasins, nous incite-t-on par des campagnes appuyées de marketing à en acheter ?
Moi-même, à cet instant, j’écris sur la Galette. J’écris sur la Galette et vous lisez cet article. J’écris sur la Galette et cela m’arrange autant de disserter sur ce thème que vous de le lire. J’écris sur ce sujet car cela m’évite d’avoir à traiter des sujets graves, cela me dispense de parler d’économie, de politique ou de finance. J’écris car entre un thème facile, attractif pour une majorité, et un thème rébarbatif qui ne touchera qu’un public ciblé, j’ai la même attitude que les médias actuels : je suis lâche et paresseuse. Et pourtant, de la même manière que les téléspectateurs regardent un reportage sur la fabrication de la Galette avec plaisir et soulagement, les lecteurs ressentent des sensations analogues en consultant un article qui ne les replonge pas dans leurs problèmes quotidiens. Car, de fait, ce n’est pas en répétant aux gens quels sont leurs problèmes que cela leur apportera une solution. Alors, nous cherchons la distraction. Et la Galette des rois est un thème distrayant. Distrayant, festif et joyeux.
C’est un sujet qui devient tellement omniprésent dans les premières semaines de janvier que personne ne peut échapper à ce flot incessant d’informations. Personne ne peut ignorer que c’est la période des rois, qu’il est temps d’acheter une Galette. Il devient donc inutile d’en faire la publicité. Nous la faisons tous maintenant. Médias, consommateurs, lecteur, téléspectateurs, blogueurs.
La Galette est un marronnier qui permet d’occulter l’actualité nationale et internationale. En France et dans le monde, il ne se passe plus rien : c’est l’époque des rois. Nous en viendrions  presque à oublier que, pendant ce temps, la Terre tourne, les guerres continuent, les famines se prolongent, les morts s’amassent, les crises se creusent, les débats font rage.  Dans les médias, la Galette a, comme on dit, bon dos : elle jette un voile opaque sur les évènements nouveaux, sur nos difficultés et sur le reste du monde. Elle nous fait dormir, nous fait rêver… Mais, ne serait-il pas temps de nous réveiller ? Le monde ne nous attend pas pour vivre.
Gardons nous d’oublier qu’un arbre peut troubler notre vue et cacher la forêt.
Bon appétit et Excellente année à tous !
 
Julie Escurignan
 
Crédits photo : © J.Riou/photocuisine/Corbis/J.Riou