Société

Nymphomaniac : Sexe, Mensonges et Vidéo(s)

 
Annoncé depuis 2011, le drame érotique Nymphomaniac est enfin sur nos écrans et, une fois de plus, la sortie d’un des films de Lars von Trier s’accompagne de son lot de polémiques.
 Un adepte de la controverse
On se rappelle du scandale qu’avait suscité son Antichrist au Festival de Cannes en 2009, où Charlotte Gainsbourg avait été insultée de « sale pute ! » pendant la projection d’une scène où elle se masturbait.
Rebelote lors de l’édition de 2011, qui avait choqué par les propos antisémites qu’avait tenus le réalisateur lors d’une conférence de presse pour Melancholia, où il avait affirmé sa sympathie envers Hitler.
Immédiatement déclaré persona non grata du Festival, où il avait pourtant présenté la majeure partie de ses œuvres depuis sa consécration avec Dancer in the Dark, on ne sait aujourd’hui toujours pas s’il pourra de nouveau présenter un de ses longs-métrages dans la sélection cannoise. Toujours est-il qu’après avoir été maintes fois repoussé, Nymphomaniac ne devrait logiquement pas figurer dans la compétition cette année, de quoi supposer que Thierry Frémaux, délégué général du Festival, n’est peut-être toujours pas décidé à le réintégrer parmi les habitués.
Pourtant encensé par la critique depuis ses débuts, le Danois aime toujours autant déranger, comme il le prouve avec son dernier film, où il repousse une fois de plus les limites. Ce faisant, il pose de nouveau cette interrogation cruciale : doit-on lire une œuvre artistique à travers le prisme de son créateur ?
On ne saurait que trop vous conseiller de vous faire votre propre avis sur ce réalisateur si singulier, dont l’œuvre ne peut laisser indifférent.

Une campagne promotionnelle résolument suggestive
Le buzz commence au mois de mai dernier, où la première affiche du film est dévoilée. Après un synopsis énigmatique, étayant que le film relate le parcours poétique et érotique d’une femme depuis sa naissance jusqu’à ses cinquante ans, le ton du film se précise grâce à ce qui deviendra l’emblème de la communication qui entoure le film : deux parenthèses formant manifestement l’appareil génital féminin. À noter que le titre du film change peu après pour s’approprier cette symbolique, en devenant Nymph()maniac. La mention qui l’accompagne, « Forget about love », se passe de commentaires…

S’ensuit une longue période de rumeurs, qui commence par l’évocation d’une série télévisée, pour prolonger le plaisir, avant que les acteurs ne s’y mettent. Shia LaBeouf n’hésite ainsi pas à affirmer ne pas avoir simulé les scènes de sexe et va même jusqu’à se vanter d’avoir décroché le rôle grâce à une sextape qu’il aurait confiée au réalisateur. Balivernes pour un buzz réussi, des doublures issues de l’industrie pornographique ayant été en charge des scènes en question.
Tous ces tapages permettent ainsi au film de faire parler de lui plus d’un an avant sa sortie en salles. Et comme le sexe fait vendre, il n’est pas question d’en rester là. À quelques semaines de la sortie en salles, la promotion s’intensifie via une série d’affiches et d’extraits tous plus allusifs les uns que les autres : l’ensemble de l’excellent casting est ainsi mis à contribution pour s’afficher en plein orgasme.

D’ailleurs, là où des campagnes promotionnelles du même acabit avaient été interdites sur la voie publique, à l’instar de celles d’artistes comme Saez, Étienne Daho, ou celles du film Les Infidèles, ces affiches-ci ne posent visiblement pas problème, étant donné qu’elles sont placardées dans chaque rue de la capitale.
Mais l’interdiction au moins de 12 ans est venue briser ces faux-semblants : Nymphomaniac n’est pas l’œuvre sulfureuse qui a été vendue depuis deux ans au public et à la presse, qui ne manquent d’ailleurs pas de se plaindre du mensonge qu’a constitué la campagne de promotion du film, ce qui ne l’a pas pour autant sauvé d’un échec. Mais n’est-il pas encore trop tôt pour parler d’arnaque ?
 Deux versions d’un même film
Si vous vous êtes rendus dans les salles obscures, vous n’avez pas pu passer à côté de cet avertissement, avec lequel s’ouvre le long-métrage : « Ce film est une version abrégée, et censurée, de la version originale de Nymph()maniac de Lars von Trier. Il a été réalisé avec sa permission, mais sans autre implication de sa part ».
Le film sorti en France est donc une version raccourcie, le director’s cut ayant une durée de 5h30 (4h00 chez nous, déclinées en deux volumes de 2h). La rumeur fait état d’un refus du metteur en scène de tailler dans son œuvre, dont le final cut aurait été confié aux producteurs du film. Dès lors, que penser du premier volume sorti en salles ? Difficile de répondre, précisément parce que le film projeté actuellement ne correspondrait pas à la vision qu’en a son créateur…Mais une nouvelle fois, cela semble faire partie des stratégies mises en place pour accroître le succès du film puisque, comme l’a récemment indiqué sa productrice, Lars von Trier a bien consenti aux deux versions de son œuvre : une hard et une soft, pour obtenir une meilleure visibilité internationale.
Personne n’a encore eu accès à la version intégrale, qui devrait être projetée en première exclusivité au prochain Festival international du film de Berlin, mais une chose est sûre, vous n’avez pas fini d’entendre parler de Nymphomaniac…
 
David Da Costa
Sources :
Nymphomaniacthemovie.com
Lemonde.fr
Lexpress.fr
Telerama.fr
Crédits photos :
Les films du losange
Zentropa