Société

Le Grand Journal : histoire d’une renaissance impossible

Le 3 mars 2017, Le Grand Journal présenté par Victor Robert, faisait des adieux doux-amers à son public avec la formule lapidaire « Fin de l’histoire, début de l’autre ». Depuis, tout n’est plus que silence, ou plutôt rediffusions de « best-of » comme preuve que l’émission a jadis brillé. Créée en 2004, elle était devenue dès ses débuts, un rendez-vous phare sur Canal+ en réunissant savamment des figures mythiques, réalisant le cocktail détonnant qu’était l’esprit Canal.
Le Grand Journal a trouvé sa place dans le paysage audiovisuel français et s’est forgé un nom dans l’histoire de la télévision. Pourtant, l’émission a dû s’arrêter précipitamment, faute d’audience. Son déclin progressif est révélateur du mal qui ronge Canal+. Focus sur l’histoire du Grand Journal, qui — tel le Titanic — a sombré après une période glorieuse.
Retour sur l’âge d’or du Grand Journal
Le Grand Journal a été créé par Michel Denisot avec Renaud Van Kim et Laurent Bon, en reprenant la recette miracle de Nulle Part Ailleurs. Présentateur de 2004 à 2013, Michel Denisot a su donner une identité au Grand Journal. Étant son premier et emblématique présentateur, il était le visage de l’émission et est devenu représentatif du programme. Une relation particulière, complice et bienveillante, s’est tissée entre Denisot et ses téléspectateurs, qui ont été fidèles à l’émission pendant de longues années.
Le Grand Journal était alors qualifié de rendez-vous incontournable du petit écran, rassemblant les personnalités politiques et les célébrités sur le ton impertinent de l’esprit Canal. Michel Denisot incarnait alors l’âge d’or de Canal+ en totalisant en moyenne 2 millions de téléspectateurs pendant la période faste du Grand Journal, de 2004 à 2012.
Cet attachement à une figure télévisuelle explique la difficulté pour Antoine de Caunes, digne successeur de Michel Denisot, de reprendre les rennes de l’émission. La signature laissée par l’ancien présentateur était trop patente : l’émission perd des téléspectateurs, déçus de voir leur programme gangrené par un nouvel animateur. Le Grand Journal ne se remettra jamais tout à fait du départ du commandant du navire LGJ.

Un vivier de talents
Au sein du Grand Journal, de nombreuses figures montantes du PAF se sont succédées. Des talents souvent jeunes, impertinents, à l’image du Grand Journal de l’époque. De cette manière, des figures comme Yann Barthès, Omar & Fred et les miss météo telles que Charlotte Le Bon, Louise Bourgoin ou encore Doria Tillier ont marqué Le Grand Journal et ont participé à son succès. Véritable mère porteuse d’enfants prodiges, l’émission les a fait connaître au grand public avant qu’ils abandonnent le nid afin de vivre leur propre histoire. Ces talents ont pris leur envol et ont tracé leur route vers leur propre émission, le cinéma, l’humour…
Par exemple, Le Petit Journal de Yann Barthès est passé de rubrique dépendante du Grand Journal à une émission à part entière, détachée du vaisseau mère. Les talents made in Grand Journal se sont progressivement désolidarisés pour briller ailleurs, laissant le programme orphelin de ces figures qui le portaient pourtant au quotidien. La vacuité engendrée par ces départs n’a fait qu’exacerber l’essoufflement du Grand Journal.
Un naufrage progressif
Depuis le départ de Michel Denisot, Le Grand Journal s’est révélé être une machine fatiguée. Audiences en berne, concurrence accrue, tout semblait réuni pour achever l’émission culte de Canal+. L’année 2016 est marquée par l’arrivée de Victor Robert et d’audiences plus que critiques : l’émission a rassemblé cette année en moyenne 100 000 téléspectateurs, alors que le chiffre montait jusqu’à deux millions pendant la période Denisot. Dans un mouvement fatal, les audiences diminuent tandis que la concurrence est en hausse et devient de plus en plus rude.
L’arrivée sur TMC de Yann Barthès, pourtant pur produit du Grand Journal, a fragilisé l’émission, d’autant plus que Cyril Hanouna est un concurrent redoutable avec Touche pas à mon poste. Les concurrents sont de taille, alors qu’ils étaient inexistants lors des débuts de l’émission. Auparavant passage immanquable pour les personnalités, l’émission s’est noyée dans l’océan de la concurrence. Le Grand Journal est passé de l’unique émission à regarder pendant cet horaire à une émission parmi tant d’autres.

Pour couronner le tout, les chroniqueurs perdent de leur mordant. L’émission bat de l’aile et s’enlise dans la médiocrité. Les nombreuses polémiques de cette année n’ont pas arrangé le futur sort réservé au programme. La miss météo Ornella Fleury, en a fait les frais : dès le 9 septembre 2016, la jeune femme essuie un revers face à Jonah Hill. Vexé par les propos de la miss météo, l’acteur annule toutes ses interviews françaises, et les réactions sont sévères pour la miss météo, notamment sur les réseaux sociaux.

Le déclin de l’émission est révélateur du malaise de Canal+. La reprise de la chaine par Vincent Bolloré mine une par une les émissions mythiques de Canal+. D’abord le départ de Yann Barthès, puis l’arrêt du Grand Journal : la fin de la célèbre ligne éditoriale de Canal+ a sonné. Au Grand Journal de l’âge d’or ne répond plus Le Grand Journal 2016 à la sauce Victor Robert : Le Grand Journal est mort.
Du 3 au 17 mars, l’émission est restée à l’antenne avec des rediffusions. Pour les autres programmes comme Le Journal du Cinéma, Le Gros Journal, Le Petit Journal, Catherine et Liliane et Les Guignols, il s’agit désormais non plus de vivre, mais de survivre. Alors, quel sera le prochain à signer son arrêt de mort ?
Diane Nivoley
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Sources :
• Florent Barracco, « Clap de fin pour « Le Grand Journal » de Canal+ », Le Point, mis en ligne le 03/03/2017, consulté le 12/03/2017
• Chloé Woitier, « Canal + met fin au Grand Journal », Le Figaro, mis en ligne le 13/02/2017, consulté le 12/03/2017
• Nicolas Richaud, « Pourquoi le « Grand Journal » finit avec 10 fois moins d’audience que Yann Barthès », Les Échos, mis en ligne le 03/03/2017, consulté le 12/03/2017
• Jérémie Maire, « De Barthès à Charlotte Le Bon : ils ont débuté au « Grand journal », Télérama, mis en ligne le 03/03/2017, consulté le 12/03/2017
• Daniel Psenny, « Le Grand Journal, fin d’une époque », Le Monde, mis en ligne le 11/03/2017, consulté le 12/03/2017
• Page Wikipedia du Grand Journal
Crédits :
• Capture d’écran de Canal+
• Frédéric Dugit / MaxPPP

Société

Le Petit Journal est mort, vive le Petit Journal !

Début mai, Yann Barthès annonçait son départ de l’émission la plus regardée de Canal+ en clair : Le Petit Journal. Après une vive réaction de la part des internautes, beaucoup se sont interrogés sur l’avenir de l’émission. Les réactions se sont amplifiées lorsque Canal+ a annoncé l’arrivée de Cyrille Eldin (et non pas Cyril Hanouna, ne pouvant pas être partout à la fois) connu pour ses interventions dans le Supplément et dans Le Grand Journal.
Après plus d’un mois de diffusion, retour sur le non-succès de cette succession.
Relancer la machine après un présentateur de taille
L’annonce de la nouvelle identité du Petit Journal avait déclenché les foudres des internautes. Le 25 août dernier, la photo de Yann Barthès avait été remplacée par celle de Cyrille Eldin sur la page Facebook du Petit Journal. L’avis des internautes ne s’est pas fait attendre et le nombre d’abonnés a dégringolé: 15500 d’abonnés de moins en seulement une heure. Aujourd’hui, on estime une perte de 60 000 abonnés, soit une part d’audience à 45% inférieure à celle de l’an dernier.
À cela s’ajoute une fin particulièrement tragique du Petit Journal de Yann Barthès, avec une intervention de Catherine Deneuve annonçant la fin d’une ère. Difficile de relancer la machine après de tels adieux de la part de Barthès. Ce n’est pas tant l’image de Cyrille Eldin qui est critiquée, mais le départ d’un présentateur plus qu’apprécié ayant fondé l’identité même du Petit Journal.
En effet, Yann Barthès a construit avec son équipe l’essence d’une émission critique, légère, joyeuse et innovante. C’est un personnage qui capte l’attention, alternant entre sous-entendus et plaisanteries fines. Il a su faire ses preuves au sein du groupe Canal+ malgré une position délicate avec son émission dérangeant les politiques. Image qui s’oppose à celle de Cyrille Eldin, connu pour ses bons rapports avec de nombreux politiciens et ses nombreux contacts à l’Assemblée.
Chambouler les codes de l’émission
Bolloré avait annoncé vouloir changer l’orientation de l’émission en adoptant des approches plus douces envers les figures politiques pour mieux saisir la profondeur de leurs idées. Mais l’organisation de l’émission se forme beaucoup plus autour du présentateur et cela s’est ressenti dès le premier soir. Cyrille Eldin nous présente un one man show, imitant le président de la République et enchaînant quelques blagues peu pertinentes sur l’ancien présentateur de l’émission : « Ça me rappelle qu’il faut que j’envoie un petit SMS à Yann Barthès, j’avais oublié. » Eldin précise le contenu, « Yann si tu reviens, j’arrête tout. ». Il n’en faut pas plus pour que le public dénonce son manque de légèreté et que Cyrille Eldin occupe la une des journaux le lendemain.
Ces plaisanteries adressées à Yann Barthès ont finalement incité les téléspectateurs à comparer les deux figures et non à aborder une distance vis-à-vis de ce nouveau format. Le nom de l’émission, Le Petit Journal, influence le téléspectateur qui s’apprête à retrouver le même programme, le même humour. Or, si nous comparons les deux personnages, nous avons d’un côté un Cyrille comédien, très joueur et avec un gestuelle prononcée contre un Yann plus discret, très concis et sûr de lui. Mais, le départ de Yann Barthès accentue davantage les différences entre les deux personnages. Car, même si le présentateur a permis le succès de l’émission, la gloire du Petit Journal est également due aux personnes qui l’entourent (Martin Weil ou Eric et Quentin par exemple). C’est un élément que la plupart des critiques négligent, préférant se focaliser sur l’écart entre les deux présentateurs.
Rivaliser avec le groupe TF1
Reprendre le Petit Journal était un défi de taille. Alors, quand Yann Barthès a annoncé l’arrivée de Quotidien, sa nouvelle émission sur le groupe TF1, accompagné par sa société de production Bangumi, la position de Cyrille est devenue délicate. C’est sans surprise que l’on se retrouve devant un programme de Yann Barthès qui annonçait qu’il garderait la même essence : « On change tout mais sans rien changer, toute l’équipe est avec nous, en gros on ne change pas des masses. C’est bien non ? » (Interview sur France Inter). En effet, c’est même très bien. Quotidien commence avec plus de 1,3 million de téléspectateurs et concurrence même avec Touche pas à mon Poste. Alors est-ce vraiment judicieux de la part de Yann Barthès d’utiliser à nouveau les mêmes codes pour cette émission ? D’une part oui, car l’idée de braver les interdits politiques et de repousser les limites plaisent à la société actuelle. De plus, le personnage qu’incarne Yann Barthès reste un repère pour la génération des 20-30 ans, comme l’était Claire Chazal pour les 45-55 ans. Mais d’un autre côté, la société ne cesse d’aspirer au changement, et Yann Barthès devra sûrement innover lors des prochaines années afin de conserver sa place dans le cœur des français.
Convaincre des téléspectateurs fermés à la nouveauté
Avec des débuts très difficiles, les journaux et les internautes annonçaient la perte du Petit Journal. Mais, après quelques modifications, l’émission regagne du terrain avec des chiffres d’audience ayant doublé du 26 septembre au 12 octobre (de 258 000 à 486 000 téléspectateurs). Certes, le niveau n’atteint pas le million d’habitués du temps de Yann Barthès, mais le Petit Journal remonte la pente. Puis il ne faut pas omettre que ce programme avait connu des débuts peu concluants en 2011 et qu’il n’avait fait que surprendre d’année en année. Alors, peut-être est-ce l’occasion d’aborder un nouveau point de vue sur la politique et d’accepter le changement. Car s’il y a une chose à retenir de ce non-succès, c’est l’incapacité des téléspectateurs français à s’ouvrir aux changements lorsqu’il s’agit d’émissions qu’ils connaissent et suivent régulièrement. Face à de nouveaux codes de la communication et de nouvelles approches, les téléspectateurs se réfugient dans la critique. Mais, le Petit Journal n’a peut-être pas encore dit son dernier mot.
Nathanaelle Enjalbert
Linkedin : Nathanaelle Enjalbert
 
Sources:
– Assouline Gary, La chute vertigineuse du « Petit Journal » de Cyrille Eldin sur Facebook – Le Huffington Post, 25/08/2016 consulté le 22/10/2016
– Lefilliâtre Jérôme, « Quotidien », le remake hollywoodien de Yann Barthès – Libération.fr, 13/09/2016 consulté le 20/10/2016

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Yann Barthes : l’arroseur arrosé ?

 
« Je suis surpris que vous soyez si négatif (…) Quel genre d’entraineur êtes-vous ? » assénait la semaine dernière Mac Maharaj à Yann Barthes, lors de l’émission « Spéciale Afrique du Sud » de ce dernier. Le présentateur du Petit Journal, penaud, n’y avait pas trouvé grand-chose à redire. Mais, en diffusant cette leçon donnée habilement par un responsable de communication des plus hauts placés, c’est aux médias en général que l’émission renvoie la critique. Du négatif, du clash, des larmes, de l’appréhension quant à l’avenir… Ras-le-bol ! Les obsèques de Mandela ont bien prouvé une chose : regarder des gens danser dans les rues, chanter et rire n’apporte guère de désinformation, point de baisse d’audience,  et nous donnerait d’avantage envie de regarder la télévision – plutôt que d’attraper d’un même mouvement Télécommande et Tranxène.
La journaliste Clara Schmelck expliquait dans CB News le mois dernier en quoi la colère représente un « vecteur d’information » en tant qu’elle est « la manifestation (…)  la plus universellement partageable » (ici, sur Twitter). Certes, mais peut-être cette utilisation de sentiments négatifs est-elle, très précisément, influencée par la ligne édito-sentimentale des médias environnants.
Le site Influencia titrait avant-hier «  Média : 2014, année positive et créative ! ».
ALLELUIA !
On croise les doigts, on ouvre les yeux et… Cheeeeese ?
Le Petit Journal du 9 Décembre 2013
 
Chloé Letourneur
Sources:
CB News N°25, Novembre 2013
Influencia.net