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« Téléfoot », une tentative de réhabilitation des Bleus qui tourne au bad buzz

 
Depuis le marasme sportif et moral de Knysna en 2010, un climat délétère entoure l’équipe de France de football. Tour à tour « caïds de banlieue » ou « traîtres à la nation », les Bleus souffrent depuis deux ans d’une image déclinante dans la presse et les médias : alors qu’ils furent proclamés héros d’une nation unie au lendemain de la victoire de 1998 par la doxa politique et intellectuelle, les voici cloués au piloris par cette intelligentsia, pour des raisons sportives et extra sportives, engendrant une défiance envers les Bleus de la part du public. Une recrudescence de discours condamnant les footballeurs se profuse dans les médias, que ce soit pour dénoncer le salaire, l’attitude, le regard voire l’absence de sourire des footballeurs. Pire, certains médias n’hésitent pas à brosser un portrait au vitriol de l’équipe de France de football durant une retransmission d’un autre sport, afin de bâtir une stratégie de communication du « Tout sauf du football » pour valoriser ses droits sportifs. Dernier exemple en date : France Télévisions, avec le traitement du handball durant les Jeux Olympiques, ou du rugby où les larmes d’un Yannick Nyanga durant La Marseillaise furent prétexte à un discours visant en creux nos footballeurs.
Pour TF1, qui a acquis les droits des matchs de l’équipe de France de football jusqu’en 2014 pour 45 millions d’euros par an, la problématique est de taille. Dans ce contexte, TF1 a tout intérêt à participer à la réhabilitation des Bleus auprès du public, afin d’attirer une audience les soirs de match susceptible d’appâter les annonceurs. En somme, l’enjeu est de taille pour la première chaîne afin de ne pas perdre d’argent.
Afin de servir cet objectif financier en améliorant l’image générale de l’équipe de France de football, TF1 peut compter sur « Téléfoot », son navire amiral hebdomadaire en termes de football. En absence d’images du championnat de France et de droits de diffusion la Ligue des Champions, la ligne éditoriale du magazine capitalise sur l’équipe de France : aux reportages en immersion succèdent des interviews exclusives, tout ceci concourant à construire une image des Bleus positive.
Dans cette logique éditoriale, « Téléfoot » innove, et propose depuis le 25 novembre son « Quizz 2012 » : sous le format du jeu télévisé, plusieurs footballeurs de l’équipe de France s’opposent sur des questions de culture générale et de culture foot, afin d’accéder aux manches suivantes. Alors que dans son intitulé même ce « Quizz 2012 » célèbre la connaissance – et donne l’occasion à TF1 de construire une image positive des Bleus à l’aune culturelle – l’effet inverse est provoqué.
Alors que l’an passé le « Quizz » ne portait que sur des questions de culture foot – où nos footballeurs jouissent d’une connaissance encyclopédique – , des questions de culture générale sont dorénavant posées aux Bleus. Oui, de culture générale. C’est là – hélas – que le bât blesse.
En effet, d’aucuns se sont dit atterrés de la diffusion de l’émission du 25 novembre dernier : sur neuf joueurs de l’équipe de France interrogés, seul un reconnaît le premier ministre Jean-Marc Ayrault sur une photo qui leur est présentée. De la même manière, le 2 décembre dernier, le défenseur du PSG, Mamadou Sakho, n’a pas réussi à dire le nom de son président, Nasser Al-Khelaïfi, devant une photo de ce dernier. Ces différentes séquences n’ont pas manqué d’être reprises sur le Web et sur les réseaux sociaux, tournant en ridicule l’équipe de France et nourrissant le discours ambiant de défiance vis-à-vis des Bleus. Dès lors, alors que TF1 visait à une restauration de l’image des Bleus auprès du public, l’inverse se produit. Un effet pervers en forme de bad buzz, aussi bien néfaste à l’équipe de France qu’à l’équilibre financier de TF1.
Par son format de « Quizz 2012 » et en tournant en dérision l’inculture des Bleus, TF1 participe à l’aversion du public vis-à-vis de l’équipe de France, favorisant une chute d’audience en cas de match des Bleus, ce qui nuit à terme à la manne financière issue des annonceurs. S’il partait d’une bonne intention éditoriale et marketing, le « Quizz 2012 » n’a pas eu l’effet escompté. Pire, TF1 se tire une balle dans le pied.
 
Nicolas Docao
Cet article est une adaptation de l’article original paru sur le site Internet d’Effeuillage, la revue qui met les médias à nu. Effeuillage est une revue de vulgarisation scientifique orchestrée par le Master 2 Communication, Marketing et Management des Médias, où interviennent des enseignants chercheurs du CELSA, des professionnels des médias et des étudiants. Elle vient de lancer son site Internet, que vous pouvez retrouver ici. Si vous souhaitez contribuer à Effeuillage, c’est ici que ça se passe.

Laurent Blanc lors d'une conférence de presse à Paris
Flops

« Je crois que bon… »

6 juillet 2010. Boulevard de Grenelle, siège de la Fédération Française de Football.
 
Les journalistes sportifs rapatriés de Johannesbourg sont là pour assister à la première conférence de Laurent Blanc en tant que boss des Bleus. L’ex-Bordelais pénètre dans la salle de presse avec son combo chemisette bleue ciel et pull Lacoste noué autour du cou. La dégaine d’un premier communiant. Forcément on est obligé de se taper un retour ému sur les événements de Knysna et l’épisode du bus. Lolo sue beaucoup et lit clairement ses fiches pour éviter tout raté sur le sujet chaud du moment. Bon… ça commence bien. On a connu entrée en matière plus charismatique.
À l’époque, Blanc traine la figure du sauveur, avec pour seule mission, celle de faire aimer à nouveau ce foutu maillot frappé du coq. Challenge accepted. Il était de toute façon entendu qu’il ne pourrait pas être plus mauvais que son prédécesseur aux gros sourcils. Donc si défi il y a, il est clairement à sa portée.
Pourtant l’état de grâce ne va pas durer bien longtemps ; guère plus que celui du père Mitterrand en 1981. En effet à la mi-avril, Mediapart veut se faire son petit WikiLeaks à la française — toute proportions gardées donc. D’après le journal en ligne, Blanc et ses copains de la FFF voulaient se lancer dans une refonte « bleue Marine » de la formation des jeunes footballeurs. Il était question de privilégier la technique au physique, discriminant de fait, selon la logique toute singulière de Blanc, les « Blacks » qui seraient « grands, costauds, puissants » selon les mots du sélectionneur des Bleus. Ouïe, premier caillou dans les crampons du « Président ».
Ainsi, il va s’avérer difficile de faire aimer une équipe dont les responsables refuseraient des gosses de 13 ans —  les Bleus de demain — sous prétexte qu’ils sont « trop costauds » autrement dit « trop colorés ». Finalement Mister White s’en sort blanc comme neige après la double commission d’enquête commandée par le Ministère des Sports, où on avait sans doute un peu peur de perdre l’homme dit « providentiel ». Allez trouver un entraineur pour reprendre l’Equipe de France à un an de l’Euro…
Le deuxième coup de trique va se jouer à la fin de l’été 2011. Se trouve alors mis en cause Jean-Pierre Bernès, agent de Laurent Blanc et d’une dizaine d’internationaux français. Au cours d’un rassemblement à Clairefontaine, Florent Malouda — qui ne fait pas partie de l’écurie Bernès — se serait plaint de l’omnipotence de l’agent, dénonçant un hypothétique favoritisme de Blanc envers les poulains de JPB. Les premiers suspects sont vite identifiés: Rami et Menez — clients de Bernès — trustent les places de titulaires bien que les deux postes ne manquent pas de concurrence. Lorsque l’on connait la valeur financière de l’étiquette « international français » pour un joueur, on est en droit de s’interroger sur les intentions de l’attelage Bernès-Blanc. Rappelons que Wanderlei Luxemburgo — ex-sélectionneur du Brésil — avait touché des pots de vin d’agents de joueurs contre la distribution de capes internationales.
Alors certes, tout n’est pas noir pour Laurent Blanc. L’EdF va à l’Euro en Polo-Ukraine sans passer par la case « barrages », l’équipe est invaincue depuis 17 matchs — comme celle de Domenech entre 2004 et 2005 d’ailleurs. Mais alors que sa mission était de faire oublier le camouflet sud-africain — symbole d’un foot business individualiste —, Blanc a fait planer les soupçons du racisme et du copinage sur cette même équipe, et sur la Fédération. Au fil des casseroles, le « Président » a fermé sa communication comme Domenech avait pu le faire et semble ainsi perdre son pari de rendre cette équipe accessible et aimée.
 
PAL