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Publicité et marketing

Les héritiers des singes d'Omo

On en a vu et revu des pubs pour des marques de lessive : en général des spots télé, dans lesquels une famille heureuse et souriante voit sa vie perturbée par un drame terrible : les taches. Drame que la douce et gentille maman règle en deux temps trois mouvements, aidée par Le Chat, Ariel ou Dash.
Pourtant, un petit tour d’horizon de récentes opérations marketing nous prouve que les lessiviers ne choisissent pas toujours ce type de communication, et que certains essaient encore de nous surprendre. D’autant plus que la société évolue (pas à pas), les obligeant à revoir leur stratégie. Il y a, notamment, de plus en plus de femmes actives. Et même si, malgré tout, la lessive est encore une tâche majoritairement féminine, les annonceurs prennent conscience qu’ils ne peuvent plus s’adresser comme dans les années 50 à une cible unique, celles des femmes au foyer. Non, désormais, les acheteurs de lessive sont aussi bien des mères actives que des pères de famille ou des étudiants. Ainsi dans sa campagne polonaise « Keep the color », la marque Dreft s’adresse plus à la jeune working-girl amatrice de mode, qu’à la ménagère de 50 ans. Sur un format print que l’on voit bien s’intégrer dans un magazine de mode, la marque reprend les codes du dessin de mode et les détourne en utilisant la dilution de l’aquarelle pour communiquer autour d’une qualité de leur produit: la conservation des couleurs. Le message, en soi, ne diffère pas tellement de celui des publicités traditionnelles. C’est le canal qui est innovant: l’utilisation du dessin de mode, dans un univers surpeuplé de photos de machines à laver, et de tissus aux couleurs éclatantes. De cette façon, les lessiviers se tournent vers une nouvelle cible: une jeune femme dynamique qui cherche à préserver ses propres vêtements, et non plus ceux de ses enfants ou de son mari.
Les opérations innovantes dans le domaine de la lessive sont notamment celles qui se détournent du média télévision, dont les mécanismes sont peut-être trop connus des téléspectateurs. Ce qui marche aujourd’hui pour les marques, c’est l’échange: il faut engager la conservation, rendre le consommateur actif.

C’est par exemple ce que Tide a fait en Inde avec une publicité réalisée par l’agence Leo Burnett Bombay. La campagne occupe une double page de magazine, et est constituée d’une série de dessins représentant des métiers salissants: peintre, potier, mécanicien… Chaque portrait est agrémenté d’une large tache en carton qui, une fois repliée sur elle-même, représente un baril de lessive Tide. La même approche participative a été adoptée par Clorox for Colors à Dubaï. De grands panneaux figurant des taches colorées faites de Lego ont été placés sur le lieu de vente de la lessive, invitant les gens à venir décoller l’éclaboussure. Dans ces deux opérations, c’est le passant ou le lecteur du magazine qui agit, dans une illustration parfaite du banal message que la marque veut faire passer: notre lessive fait disparaître les taches. L’imaginaire du jeu est également répété (origami ou jeu de construction), et vient appuyer l’idée selon laquelle la marque offre une expérience, un divertissement, et ne recherche plus seulement à vendre un produit.
À Cape Town, en Afrique du Sud, Skip s’est même érigé en créateur d’Art. Là encore, le message véhiculé par le lessivier est plus que classique: c’est la blancheur, la nature, la pureté… Mais c’est par l’intermédiaire inhabituel d’une installation géante, faite de bouteilles de Skip recyclées, que ce message est relayé.
Voilà donc autant d’exemples qui montrent que la publicité, même sur un marché aussi saturé que celui de la lessive, arrive encore à nous surprendre en s’échappant des codes du genre.
 
Esther Pamart
Crédits photos:
•    AdsOfTheWorld.com
•    10and5.com
•    Leo Burnett