Société

Dislike the like

 
Nouveau chapitre dans la critique contre les réseaux-sociaux. Cette fois, c’est l’artiste italien Mr Thoms qui a posté le 8 juillet dernier une vidéo dévoilant en stop-motion une fresque street-art parodiant notre comportement sur Facebook, avec dans son viseur le like.

Le message est explicite. L’artiste peint un homme menotté, enfermé dans un système d’œillère à l’effigie de Facebook, hystérisé et obsédé par la fameuse main au pouce levé accrochée devant lui.
La critique est parlante : le réseau social, loin de générer du lien, emprisonne l’individu dans une frénésie abrutissante. Il devient un dispositif d’aliénation, qui présenterait presque des similitudes avec la célèbre allégorie platonicienne. Alors, les réseaux sociaux seraient-ils la caverne des temps modernes, et les likes des simulacres de popularité ?
 Nous pouvons tous nous reconnaitre dans cette fresque : elle caricature la façon dont nous « scrutons » le nombre de likes sur nos photos, commentaires ou statuts. Elle montre combien le « like » est dans l’ère du temps, mais peut-être surtout dans celle du marché, alors que les jeux-concours exploitant le dispositif se multiplient et que les marques rivalisent en nombres de « j’aime ». Mais l’e-réputation peut-elle se résumer au like, quand on connait sa volatilité ?
 Car plus généralement, l’artiste nous interroge sur la nature de ce geste : « Liker » est un réflexe. L’intuitivité du bouton est d’ailleurs ce qui fait son succès. On adhère d’un clic, sans forcément en mesurer les conséquences. Et si aimer la publication d’un ami semble sans danger, qu’en est-il du reste ? Des publicités, des pétitions, des messages politiques ? Sans compter qu’avec Facebook, qui ne souffre pas de quelques contradictions, l’intuitif a souvent vocation à devenir éternel.
 Et finalement, qu’arrive-t-il lorsque ce réflexe sort du cadre du réseau social ? Sommes-nous, comme semble le penser l’artiste, prisonniers d’un dispositif qui affecte notre propre rapport au monde ? Augure-t-il de l’avènement d’une société du like ou du dislike, en somme du tout ou rien et de l’assentiment instantané et inconséquent ?
 Clarisse Roussel
Sources :
Konbini.com

Société

Graph Search m'a tuer

 
Le 15 Janvier dernier, Facebook présentait sa nouvelle fonctionnalité : le Graph Search. L’idée est simple. L’internaute peut y rechercher à peu près tout et n’importe quoi mais de manière très précise. La base de données ? Tout ce que nous aimons, toutes les pages que nous suivons, nos photos, les endroits où nous nous sommes géolocalisés… Il est disponible en version béta uniquement pour les utilisateurs anglais qui se sont inscrits sur la page dédiée. Mais la nouveauté fait déjà polémique en France et interroge : pourquoi Facebook lance-t-il un tel produit à ce moment précis alors qu’il fait toujours l’objet de polémiques sur ses critères de confidentialité ? Analyse.
La nécessité de révolutionner Facebook
Il faut dire que Facebook a connu des jours meilleurs. Toujours empêtré dans une polémique ou deux sur la confidentialité des donnés, il génère de plus en plus de méfiance de la part des utilisateurs. Rappelez vous à cet égard cette étrange polémique sur les messages privés soit disant rendus publics.
Aux États-Unis, une étude récente montre que la population se lasse de plus en plus du réseau. 61 % des utilisateurs interrogés ont confessé s’être déconnectés plusieurs semaines. Manque de temps, perte d’intérêt… On s’ennuie de plus en plus sur Facebook. C’est un problème car le réseau est de moins en moins vu comme un outil incontournable. Et parallèlement, d’autres réseaux comme Pinterest, Google+ et surtout Twitter montent de plus en plus. La concurrence est rude.
L’âge d’or de Facebook est derrière lui. C’est compréhensible : le temps de la découverte est fini. On ne ressent plus l’excitation de la nouveauté, l’impression d’être sur un site Internet à la pointe de la modernité quand on s’y connecte, contrairement à ce qu’il était en France en 2008/2009.
Nuançons : le réseau reste toujours extrêmement fréquenté, c’est indéniable. Le géant semble à l’heure qu’il est, inébranlable. Voir Facebook fermer un jour reste, actuellement, du domaine de la science-fiction. Mais pour éviter une perte d’utilisateurs conséquente qui arrivera un jour si rien ne se passe, Facebook décide d’innover. Le Graph Search dans ce contexte est une révolution qu’il fallait faire pour que le roi des réseaux ne perde pas sa première place.
Le Graph Search est une bombe à retardement
Mais il pose d’énormes problèmes. Et cela pourrait très vite dégénérer.
Il y a, bien sûr, l’éternel problème de la confidentialité du réseau. Car pour l’instant la nouvelle fonctionnalité devrait être étendue pour tous les utilisateurs. Tout ce que nous avons publié et aimé depuis notre inscription pourra faire l’objet d’une recherche. Le problème de Facebook est situé dans la communication qu’il fait autour de la confidentialité. Leur credo en la matière pourrait être le suivant : « vous pouvez tout rendre privé, c’est disponible mais il faut chercher. » La communication autour de ces paramètres existe, une page a été dédiée au moteur mais il faut aller les chercher. On peut donc rendre nos likes et nos photos privés, on peut éviter de se géolocaliser à tout va.
Le Like au cœur du réseau social
Mais franchement, à quoi ça sert ? Si on décide de ne plus partager nos photos et nos likes, qu’est ce qui différencie Facebook d’une plate-forme de mail ? Les photos peuvent certes être gérées par d’autres réseaux. Mais l’interrogation est surtout de mise pour le service des likes, existant depuis le 9 Février 2009. Voilà sans doute la seule et unique énorme révolution faite par Facebook. Le bouton est devenu l’essence du réseau.
Véritable outil d’interaction, ce dispositif recouvre désormais énormément d’usages. Je vous recommande la lecture de ce bel article proposant une typologie des différents likes. Qui voudrait rendre privés ses likes dans ce contexte ? A quoi ça servirait de liker juste pour soi ?
Pourtant souvenons-nous : à l’origine le like ne recouvrait pas autant d’usages. Je me rappelle surtout de cette mode courant 2010 qui visait à liker à peu près tout et n’importe quoi, si possible des pages pratiquant la dérision et l’humour noir pour faire rire les amis. J’ai ainsi redécouvert que j’avais aimé par exemple « monter dans la voiture d’un inconnu en sortant de l’école » (32 623 fans actuellement), une page douteuse appelée « moi, mes problèmes je les règle avec une scie et des sacs plastiques » (70 704 fans) ou encore le très moyen « Chérie, n’oublie pas ta pilule, on n’a plus de place dans le congélateur » (89 447 fans).
Or ces likes du passé, enfouis tout au fond de ma Timeline remonteront à la surface avec le Graph Search et mon e-réputation en prendra un coup.
Mais le problème est bien plus profond et plus grave : le moteur deviendra l’outil de stalking ultime, le meilleur moyen de découvrir des dossiers croustillants sur vos amis. Mais votre boss, lui, pourra faire la même chose si vous avez fait l’erreur de l’ajouter ou si vous aimez la page de l’entreprise pour laquelle vous travaillez. Ainsi, le Community Manager pourra s’il le veut venir fouiner et découvrir des choses qui pourraient ressortir au mauvais moment. Et pour les activistes de pays dictatoriaux ? On pourra très vite vérifier quelles sont les personnes qui ont aimé il y a quelques années telle ou telle organisation révolutionnaire.
Le Graph Search rend visible l’invisible
Il y a de manière peut être plus anecdotique un autre problème posé par  le Graph Search. Il est nouveau en ce qu’il propose de manière publique un outil de tri de toutes nos données. Mais cet outil n’est pas nouveau. Il est utilisé depuis longtemps par le réseau pour vendre nos données à des entreprises dans le but de créer des publicités extrêmement ciblées. Le problème est que l’outil va rendre publique une méthode de tri qui était jusqu’ici invisible. Les utilisateurs pourraient se rendre compte de ce que sont réellement le ciblage publicitaire, l’ampleur de sa précision et de notre vulnérabilité. Attirer l’attention sur une méthode qui existe mais pour laquelle une politique de l’autruche existe – du côté des utilisateurs – n’est peut être pas la meilleure des idées. Mais c’est un effet secondaire qui pourrait très vite porter un énorme préjudice au réseau.
Le Graph Search pourrait donc vite devenir une bombe à retardement pour Facebook.
On a souvent comparé Facebook à Big Brother. Cette fois, véritablement, la comparaison a lieu d’être. Et si Facebook ne communique pas plus et ne prend pas ces problèmes en compte, ça risque de se passer très mal.
 
Arthur Guillôme
Sources
Le Cercle – Les Échos
20 Minutes
Le Figaro Blogs

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